Test Blu-ray / La Traite des blanches, réalisé par Luigi Comencini

LA TRAITE DES BLANCHES (La Tratta delle bianche) réalisé par Luigi Comencini, disponible en Combo Blu-ray+DVD le 22 octobre 2024 chez Tamasa Diffusion.

Acteurs : Eleonora Rossi Drago, Marc Lawrence, Ettore Manni, Silvana Pampanini, Vittorio Gassman, Tamara Lees, Antonio Nicotra, Barbara Florian…

Scénario : Luigi Comencini, Massimo Patrizi, Ivo Perilli, Antonio Pietrangeli & Luigi Giacosi

Photographie : Luciano Trasatti

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Dans l’Italie de l’après-guerre, Marquedi, gangster sans scrupule, alimente un réseau de prostitution en organisant des marathons de danse. Aux Petites-Casernes, quartier pauvre de la ville, Michele, porte-flingue du syndicat du crime, vit avec Lucia. Carlo, connu pour délinquance, vit lui avec Alda. Cette dernière s’est enfuie du dernier convoi de jeunes femmes que Marquedi expédiait en Amérique. Pour se venger, il fait arrêter Carlo, ce qui contraint Alda à s’inscrire au marathon pour payer l’avocat. Mais Marquedi convoite aussi Lucia, qui accepte sa proposition de « chanteuse » afin de sortir de la misère. Les rivalités personnelles des hommes vont tourner à la guerre des gangs.

Les cinéphiles l’oublient sans doute souvent, mais quand Luigi Comencini (1916-2007) connaît son premier succès public et par ailleurs son seul triomphe international avec Pain, amour et fantaisie Pane, amore e fantasi en 1953, le cinéaste avait déjà signé une demi-douzaine de films. Tout d’abord destiné à l’architecture de par ses brillantes études, il se tourne finalement vers le monde du cinéma, pour lequel il écrit quelques critiques dans des revues et des scénarios. Après avoir cofondé la Cineteca Italiana en 1947 avec son frère Gianni et Alberto Lattuada, Luigi Comencini se lance dans le documentaire (Bambini in città) et livre son premier long-métrage, De nouveaux hommes sont nésProibito rubare (1948), dans lequel il se penche déjà sur les thèmes de la misère sociale et surtout de l’enfance, sujets sur lesquels il n’aura de cesse de revenir au cours de sa longue et prolifique carrière. Il 1949, il dirige le mythique Totò dans L’Empereur de Capri L’imperatore di Capri, puis reprend les manettes du tournage des Volets clos Persiane chiuse, qui avait été interrompu suite à l’éviction du réalisateur Gianni Pucci par la production, ce qui permet à Luigi Comencini d’aborder la prostitution dans un registre dramatique. Ayant fortement convaincu la profession, le cinéaste enchaîne avec La Traite des blanches La Tratta delle bianche, qui sort l’année suivante et qui explore à nouveau le sujet du trafic de femmes. Cette fois encore très influencé par le film noir américain (l’ouverture est magnifique), La Traite des blanches baigne dans une atmosphère trouble, se focalise sur une jeunesse livrée à elle-même ou dont les idéaux sont déjà tués dans l’oeuf, où l’envie de s’en sortir entraîne vers d’inévitables impasses. Indéniablement une étape dans l’oeuvre de Luigi Comencini, La Traite des blanches entraîne le spectateur dans une spirale infernale, dont la longue séquence centrale, celle du marathon de danse, annonce On achève bien les chevaux de Sidney Pollack. Une rareté, un bijou.

Gênes : dans un monde de sous-prolétaires qui vivent en marge de la loi Machedi organise des enlèvements de femmes, pour les expédier on ne sait où. L’une d’entre elles est Alda, qui, avec l’aide de Carlo, tente de lui échapper. Machedi implique donc Carlo dans un vol et le dénonce ensuite. Le jeune homme finit en prison et Alda essaie de trouver de l’argent pour payer l’avocat, en participant à un marathon de danse organisé par Machedi lui-même, car pour attirer les filles il promet des prix et des rendez-vous avec des réalisateurs. Après plus de vingt-quatre heures de danse, Alda est épuisée et comme de plus elle est enceinte, elle se sent mal et on l’emmène à l’hôpital. Pendant ce temps, Carlo parvient à s’échapper avec quatre amis, dont les femmes ont été également impliquées dans des opérations louches.

Luigi Comencini s’entoure d’excellents scénaristes, Massimo Patrizi (Les Aventures de Pinocchio, Six femmes pour l’assassin), Ivo Perilli (Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas !, Barabbas, Europe 51) et Antonio Pietrangeli (Fantômes à Rome, Où est la liberté… ?, La Terre tremble), pour parler de l’organisation criminelle liée à la prostitution. Dans La Traite des blanches, les femmes sont exploitées comme du bétail et le concours de danse est évidemment prétexte pour faire parader la gent féminine devant les yeux des trafiquants. Luigi Comencini a souvent été le metteur en scène des enfants, mais aussi des comédiennes, qui sont merveilleuses et splendides dans La Tratta delle bianche. d’Eleonora Rossi Drago (Dans les replis de la chair, Parlons femmes, Été violent, Femmes entre elles) à Silvana Pampanini (Le Gaucho, Mademoiselle la Présidente), Tamara Lees (Le Prince esclave, Traqué dans la ville) et une certaine Silvia Lazzaro, âgée de 18 ans, de son vrai nom Sofia Villani Scicolone et qui sera ensuite mondialement célèbre sous le pseudo de Sophia Loren. Cette dernière, repérée par Carlo Ponti, producteur de La Traite des blanches, devait immédiatement lui proposer un contrat exclusif et lui demander d’adopter le nom de Loren. Une légende est née.

Outre les femmes, élégamment photographiées par le chef opérateur Luciano Trasatti (Les Vitelloni, Le Veuf), l’américain Marc Lawrence apporte avec lui un background après être passé devant la caméra de William Wyler, Lloyd Bacon, Charles Vidor, Henry Hathaway, William A. Wellman, Fritz Lang et John Huston. Son visage, ou plutôt sa gueule vérolée est de celle qu’on n’oublie pas et sa participation à La Traite des blanches met immédiatement le spectateur dans l’ambiance étouffante des polars US. Et n’oublions pas l’apparition aussi remarquée de Vittorio Gassman, révélé quatre ans plus tôt dans le légendaire Riz amer Riso amaro de Giuseppe De Santis, mais qui devra attendre 1958 et le triomphe international du Pigeon I soliti ignoti de Mario Monicelli pour voir sa carrière au cinéma réellement exploser, surtout dans le registre comique.

Luigi Comencini réalise une valse étourdissante et cueille le public en bout de piste, quand la mort s’invite au rendez-vous. De manière frontale, il montre les femmes, entassées la nuit dans un camion, destinées à prendre place dans un bateau en direction de l’Amérique du Sud. Luigi Comencini montre aussi ses références dans l’ultime séquence, sur laquelle plane l’ombre de M le maudit de Fritz Lang, sur le fond (un procès populaire) comme sur la forme (où les accusés sont jetés en pâture, sous les yeux d’un tribunal improvisé). Le cinéaste met le nez dans les bas-fonds de Gênes, use de son passé dans le documentaire, tout en s’appuyant sur des éclairages expressionnistes qui créent un contraste fulgurant et dont le résultat laisse sans voix. Décidément, Luigi Comencini n’en finira jamais de surprendre les spectateurs même vingt ans après sa disparition.

LE BLU-RAY

Après une première édition en DVD chez SNC en 2009 dans la collection Les Maîtres italiens, La Traite des blanches fait son retour dans les bacs chez Tamasa Distribution. Luigi Comencini est d’ailleurs à l’honneur chez l’éditeur qui a toujours accordé une grande importance au cinéaste italien après avoir édité Le Grand embouteillage, Qui a tué le chat ?, La Femme du dimanche, Un vrai crime d’amour en DVD. Sortent simultanément Casanova, un adolescent à Venise, La Traite des blanches et Mariti in città Maris en liberté en Combo Blu-ray + DVD. Le menu principal est fixe et musical.

L’éditeur propose la bande-annonce des ressorties Comencini (dans les salles, mais aussi en DVD et HD), ainsi qu’un entretien avec Aurore Renaut (24’). La maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université de Lorraine replace La Traite des blanches dans la carrière du réalisateur, analyse le fond et la forme du film, tout en expliquant pourquoi celui-ci est passionnant et mérite d’être vu, même si son auteur n’était pas extrêmement fier du résultat final, qu’il considérait alors comme un « faux départ ». L’influence du film noir, le casting, les coupes réalisées par la censure américaine (qui allait réduire le film à 67 minutes!) et l’accueil de La Traite des blanches sont aussi les sujets abordés.

L’Image et le son

Pas ou peu de différences notables entre l’édition SD sortie en 2009 et ce master HD présenté par Tamasa. Une copie qui aurait eu besoin d’un lifting, qui ne démérite pas, mais qui manque l’occasion de devenir une référence pour La Traite des blanches. Des fourmillements sont constatés, ainsi que diverses poussières, des poils en bord de cadre, des rayures verticales, la texture argentique paraît parfois trop lissée ou au contraire trop grumeleuse. Les contrastes sont corrects (notons aussi des décrochages chromatiques), suffisamment denses, même si les détails auraient là aussi mérité d’être plus acérés, notamment sur les visages. Un beau N&B, mais n’attendez rien de plus.

Seule la version italienne 2.0 est présentée ici. Aucun souci non plus de ce côté-là, les dialogues ne manquent pas de coffre, mais c’est à la musique que cet écrin acoustique profite le plus. Les effets annexes sont bien plantés, en dépit d’un souffle constaté tout du long.

Crédits images : © Tamasa / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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