Test Blu-ray / Le Prince esclave, réalisé par Pietro Francisci

LE PRINCE ESCLAVE (Le Meravigliose avventure di Guerrin Meschino) réalisé par Pietro Francisci, disponible en édition Blu-ray + DVD + Livre le 6 février 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Gino Leurini, Leonora Ruffo, Aldo Fiorelli, Anna Di Leo, Camillo Pilotto, Tamara Lees, Ugo Sasso, Antonio Amendola…

Scénario : Raul De Sarro, Alessandro Ferraù, Fiorenzo Fiorentini, Pietro Francisci, Giorgio Graziosi & Weiss Ruffilli, d’après l’oeuvre d’Andrea Barberino

Photographie : Giovanni Ventimiglia

Musique : Nino Rota

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Un jeune garçon enlevé par des pirates puis vendu comme esclave se retrouve échanson à la cour de Constantinople, alors assiégée par les Turcs. Alors qu’un accord de paix est enfin trouvé, le jeune garçon a une vision, provoquée par un astrologue : il serait le fils du roi de Durazzo, enlevé jadis par le fils du Duc de Bourgogne. Il va se lancer dans une quête initiatique qui l’amènera à reconquérir son trône.

Oyez, oyez ! Mais qu’est-ce donc cette diablerie ? Le Prince esclave, ou plus longuement en version originale Le Meravigliose avventure di Guerrin Meschino (ça fait tout de suite plus classe) est un film d’aventure forcément vintage, puisque sorti en 1952, adapté (et il s’agit de la seule transposition cinématographique à ce jour) de l’oeuvre d’Andrea Barberino, composée de huit livres, et publiée pour la première fois à la fin du 15è siècle. Autant dire que la demi-douzaine de scénaristes (oui, c’est à ne pas croire, dont Fiorenzo Fiorentini, auteur de L’Homme à la Ferrari et Zenabel) disposaient d’une matière suffisante pour y piocher ce dont ils avaient envie, même s’ils devaient au final se contenter d’éléments tirés essentiellement du premier volume. Il en résulte un côté souvent nawak, où l’action passe du coq à l’âne durant 80 minutes (la succession de fondus au noir témoigne d’une envie d’accélérer l’ensemble en ayant recours à quelques ellipses), même s’il faut reconnaître que la mise en scène de Pietro Francisci (1906-1977), l’un des « pères » du péplum en Italie (Les Travaux d’Hercule, Hercule et la reine de Lydie), n’a rien de statique et insuffle un rythme à cette fantaisie aussi drôle que riche en rebondissements, loin de l’aspect figé et douteux des Visiteurs du soir de Marcel Carné avec son Alain Cuny qui semblait avoir des problèmes de transit. Certes, tout cela est bien désuet, mais le charme l’emporte et le divertissement est garanti.

Lors d’une guerre avec les Infidèles, le « bambino » Guerrin est arraché à sa nourrice, et vendu à Constantinople. L’empereur l’achète et en fait le compagnon de son fils Alessandro. Les enfants grandissent ensemble. Guerrin tombe amoureux de la sœur d’Alessandro, la belle Elisenda, mais son amour est sans espoir, car il n’est que « le pauvre Guerrin», un enfant trouvé, aux origines inconnues. L’empereur décide de marier sa fille Elisenda : il ne l’accordera qu’au vainqueur d’un duel qui oppose son fils à celui du sultan de Medina, qui a manqué de respect à Elisenda. L’issue de cette rencontre pourrait mettre fin à la guerre qui oppose les chrétiens aux musulmans. En effet, si les chrétiens gagnent, les Turcs seraient obligés de lever le siège et rendrait les îles de la mer Égée, sinon le combattant Turc épousera Elisenda. Alors qu’il partait à la recherche de ses origines, Guerrin s’incruste dans ce tournoi, le visage caché et remporte le duel. Mais les Turcs n’ont pas dit leur dernier mot.

Qu’est-ce donc ce pays où les femmes ont une opinion ?

Il y a de tout dans Le Prince esclave. Une amourette avec des acteurs lisses et sans véritable charisme (Gino Leurini, qui ne fera pas vraiment carrière et Leonora Ruffo, que l’on reverra dans le merveilleux Le Veuf de Dino Risi et Hercule contre les vampires de Mario Bava), une forêt (dés)enchantée, un astrologue, une sibylle (jouée par la magnifique Tamara Lees), un crocodile géant, des combats à l’épée et surtout beaucoup d’humour. À ce titre, Giacomo Giuradei vole la vedette dans le rôle de Pinamonte, qui passe son temps à rire et qui campe finalement le grand méchant de l’histoire, en convoitant à la fois le pouvoir et la main de la princesse qui se refuse évidemment à lui. Bonne pioche également en la personne d’Anna Di Leo, qui incarne Costanza, la dame de compagnie d’Elisenda et qui s’avère aussi piquante que naturelle, et surtout bien plus crédible que Leonora Ruffo, même si cette dernière retrouvera Pietro Francisci pour le sympathique Destination Planète Hydra 2+5 : Missione Hydra.

Les femmes sont faites pour être tenues sous clé !

On suit donc volontiers les aventures de Guerrin, ce fils de parents inconnus (dont on devine très vite l’identité au cours d’une séance d’hypnose), écuyer moqué de la cour de Constantinople, amoureux de la princesse, mais que son rang lui interdit de convoiter. Oeuvre hybride entre la comédie et le film de chevalerie alors en vogue, Le Prince esclave reste soigné sur le plan technique (même si faute de budget, il faudra se contenter du N&B) avec de beaux décors, des costumes convaincants et un montage nerveux (signé Francisci lui-même) qui enchaîne les scènes d’action, les poursuites et les péripéties sans discontinuer durant 80 minutes. À (re)voir sans restriction, autant en version originale qu’en français avec un doublage délicieusement kitsch et sa musique endiablée signée Nino Rota.

L’Édition Blu-ray + DVD + Livre

Artus Films revient au thème de la chevalerie, presque deux ans après les sorties en DVD de La Muraille de feu et Geneviève de Brabant. Le Prince esclave dispose d’une édition plus conséquente, puisque le Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné élégant, présente à la fois le film de Pietri Francisci en DVD, mais aussi en Haute-Défintion, le tout accompagné d’un livret de 64 pages au contenu pointu signé François Amy de la Bretèque, professeur émérite d’études cinématographiques, historien du cinéma et entre autres auteur de nombreux articles et de plusieurs livres sur le Moyen Âge et sa représentation au cinéma. Nous vous conseillons d’ailleurs de vous pencher sur l’ouvrage de cette édition, qui propose en outre un parallèle entre les faits historiques et leur « reconstitution » dans Le Prince esclave. Le casting, les lieux de tournage, les conditions de prises de vue et d’autres sujets y sont également abordés. Le menu principal du Blu-ray est fixe et musical.

Aux côtés d’un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, nous trouvons aussi une présentation toujours riche en informations et travaillée de l’ami et fidèle Christian Lucas (23’30). Après avoir fait le tour des différents titres d’exploitation (dont L’Appel du sang en France, « ce qui est nébuleux et quelque peu trompeur ») et ceux mentionnant le titre – à la mode – de Prince, Christian Lucas résume l’histoire du film. Puis, il en vient à parler de l’oeuvre originale d’Andrea Barberino, du caractère hybride du Prince esclave, pointe les faiblesses (le jeune couple principal, l’usage du N&B) et ses limites (le scénario semble hésiter entre plusieurs genres, sans aller au bout de ses idées), passe en revue le casting, la carrière du réalisateur Pietro Francisci (ce qui lui permet de parler du DVD de Destination Planète Hydra sorti chez Artus en 2015 et que nous vous conseillons aussi grandement). Il termine sur les effets visuels, les costumes, les décors, la musique de Nino Rota et la sortie du film au cinéma.

L’Image et le son

Comme l’indique Christian Lucas dans son intervention, Le Prince esclave demeurait quasiment invisible depuis sa sortie depuis presque 75 ans ! Autant dire que le découvrir en Blu-ray est une sacrée surprise. Le film de Pietro Francisci est proposé dans un master restauré aux normes 2K (scan et étalonnage numérique), dans son format respecté 1.37, compatible 16/9. Si la copie (vraisemblablement française comme le démontre le générique) présente encore quelques défauts, des rayures verticales et de légers décrochages sur les fondus, découvrir Le Prince esclave dans ces conditions techniques était sans doute inespéré. Le N&B est certes très clair, trop diront certains, mais les noirs sont plutôt concis. Le piqué manque de mordant, la gestion du grain est aléatoire, mais on oublie rapidement ces accros et la qualité de la copie instaure un réel confort de visionnage.

Le mixage italien s’en tire avec tous les honneurs, même s’il faut bien l’avouer, les dialogues restent souvent étouffés et peuvent fluctuer au cours d’une même séquence. L’écoute demeure propre, la part belle est faite à la musique. La piste française fait son office, en dépit d’un souffle quasi-omniprésent et d’un doublage qui en fait des tonnes comme un épisode de La Cape et l’Épée des Robin des Bois. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.