Test Blu-ray / La Scandaleuse de Berlin, réalisé par Billy Wilder

LA SCANDALEUSE DE BERLIN (A Foreign Affair) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez Movinside

Acteurs :   Marlene Dietrich, Jean Arthur, John Lund, Millard Mitchell, Peter von Zerneck, Stanley Prager…

Scénario :   Robert Harari, Charles Brackett, Richard L. Breen, Billy Wilder d’après une histoire originale de David Shaw

Photographie : Charles Lang

Musique : Friedrich Hollaender

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

La très austère Phoebe Frost est envoyée à Berlin en 1946 pour enquêter sur la moralité des troupes américaines d’occupation. Elle ne découvre que marché noir et relations amoureuses entre soldats et jeunes Allemandes. Pis, une chanteuse de cabaret, au passé nazi, est protégée par un officier américain, celui-là même qu’elle avait chargé de l’enquête au départ…

Avant de s’exiler à Hollywood suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Samuel Wilder dit Billy Wilder (1906-2002), scénariste austro-hongrois débarque à Paris où il tourne son premier long métrage en 1934, Mauvaise graine, avec Danielle Darrieux. Arrivé sur la terre de l’Oncle Sam et ne parlant quasiment pas anglais, il parvient tout de même à se faire engager à la Paramount Pictures comme scénariste et script-doctor. Il est très vite remarqué par Ernst Lubitsch, pour lequel Billy Wilder écrit La Huitième femme de Barbe-Bleue et Ninotchka. En 1942, il passe derrière la caméra pour Uniformes et jupons courtsThe Major and the Minor, comédie sur fond de guerre qu’il écrit avec son complice Charles Brackett. C’est un succès et la carrière de réalisateur de Billy Wilder est lancée. Mis en scène en 1948, La Scandaleuse de BerlinA Foreign Affair est déjà le huitième film de Billy Wilder (en comptant son documentaire Death Mills, sur la découverte des camps de concentration nazis par les Alliés en 1945) et fait suite au film noir Assurance sur la mortDouble Indemnity (1944) et le drame Le Poison (1945), récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, mais aussi par quatre Oscars, ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Ray Milland et du meilleur scénario adapté. Billy Wilder s’octroie ensuite une récréation avec la comédie musicale La Valse de l’empereur avec Bing Crosby et Joan Fontaine, avant de se consacrer à La Scandaleuse de Berlin.

C’est sans doute une phrase toute faite, mais tout Billy Wilder se trouve déjà dans A Foreign Affair : dialogues cocasses et tordants, comédie tendre, mélancolique et cynique sur l’amour, affrontements des sexes, le politiquement incorrect, la critique du puritanisme hypocrite, le mensonge, les faux-semblants, la complicité du réalisateur avec le spectateur alors en avance sur les personnages, qui renforce ainsi l’émotion et les éléments comiques. La mécanique Wilder fonctionne à plein régime, le ton insolent présent depuis Uniformes et jupons courts est encore plus féroce et même parfois grivois.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une commission parlementaire américaine arrive à Berlin pour enquêter sur les moeurs et les conditions de vie des 12.000 GI en Allemagne. Phoebe Frost, membre de la commission, puritaine et intransigeante, représentante républicaine de l’Iowa, découvre les dessous de la réalité berlinoise, le marché noir et la prostitution. Elle apprend notamment qu’une chanteuse de cabaret et ancienne membre du parti nazi, Erika von Schluetow, bénéficie de la protection d’un officier américain, le capitaine John Pringle. Celui-ci feint de tomber amoureux de la rigide Phoebe afin de l’amadouer. Tout d’abord scandalisée par la dépravation qu’elle découvre sur place, Phoebe est rapidement conquise et abandonne peu à peu sa cuirasse, tout en se laissant séduire.

La Scandaleuse de Berlin demeure encore aujourd’hui l’un des films de Billy Wilder les plus appréciés par les cinéphiles. Certes, les motifs et thèmes récurrents du maître incontesté de la comédie américaine explosent littéralement à l’écran, mais A Foreign Affair est également un modèle du genre du point de vue rythme, montage, cadre, mise en scène et direction d’acteurs. Redoutablement efficace, La Scandaleuse de Berlin possède encore cette Lubitsch’s touch, mais Billy Wilder s’émancipe bel et bien de son modèle, et livre une comédie sophistiquée plongée pourtant dans un décor réaliste et impressionnant, celui de Berlin en ruine (un spectaculaire plan aérien ouvre le film) suite aux 75.000 tonnes de bombes lâchées par les alliés. Seulement trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Billy Wilder plante son récit comique au milieu des bâtiments écroulés, qui contrastent avec la joie de vivre des soldats américains, qui ne pensent qu’à faire la fête en compagnie de jolies demoiselles allemandes qu’ils appâtent avec des barres de chocolat. C’est cet optimisme qui apparaît dès les premières scènes, qui irrigue le film du début à la fin et qui lui donne son rythme endiablé, comme un coeur qui bat à cent à l’heure et que l’horreur nazie n’a su arrêter.

Merveilleusement écrit, ce chef d’oeuvre comporte quelques répliques à se damner « Berlin, on dirait un vieux morceau de roquefort rongé par les rats ! », « Donner du pain à celui qui a faim, c’est de la démocratie. Mais le faire avec ostentation, c’est de l’impérialisme. », « Voici le balcon duquel Hitler a parié que son Reich durerait 1000 ans. Ça a fait mal aux bookmakers. », « Je me demande comment tient cette robe ! » « Avec la volonté allemande ! », « Allons chez moi, c’est à quelques ruines d’ici ! ». Billy Wilder « ose » jouer avec le décor de Berlin réduit alors à un tas de pierres et de cendres. Pourtant, parmi ces gravas (reconstitués en partie à Hollywood), les hommes et les femmes retrouvent le goût de vivre, de s’amuser, de boire et de chanter. Divinement interprété, La Scandaleuse de Berlin reste un des rares films emblématiques de Marlene Dietrich en dehors de sa longue collaboration avec Josef von Sternberg. Si la comédienne avait tout d’abord refusé ce rôle en raison de ses positions anti-nazies, Marlene Dietrich, qui avait été pourchassée par l’état-major allemand pour espionnage et qui avait ensuite soutenu le moral des troupes américaines en allant chanter sur le front, accepte surtout par amitié pour Billy Wilder. Malgré ses réticences, elle est une fois de plus formidable et semble même s’amuser à jouer un personnage alors à l’encontre de ses valeurs, tout en interprétant trois chansons restées célèbres, Black Market, Illusions, et Ruins of Berlin. Elle tournera à nouveau devant la caméra de Billy Wilder en 1957 pour Témoin à charge.

Mais la véritable star du film est bel et bien la méconnue et pourtant pétillante Jean Arthur (1900-1991). Après ses débuts dans le cinéma muet, on peut d’ailleurs l’apercevoir dans Les Fiancées en folieSeven Chances (1925) de Buster Keaton, cette ancienne mannequin devenue actrice a plus tard tourné pour Howard Hawks (L’Extravagant Mr. Deeds, Seuls les anges ont des ailes) et Frank Capra (Vous ne l’emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au Sénat). La Scandaleuse de Berlin est son avant-dernier film. La comédienne fera ses adieux au cinéma cinq ans plus tard dans L’Homme des vallées perdues de Georges Stevens. Elle est tout simplement immense dans La Scandaleuse de Berlin et sa tonique prestation parvient même à éclipser celle de sa partenaire. A ses côtés, outre de fabuleux seconds rôles qui ont toujours fait la marque de Billy Wilder, le méconnu John Lund, dont la Paramount tentait de faire une star, fait pâle figure avec un manque de charisme certain, mais ses relations avec Marlene Dietrich d’un côté et Jean Arthur de l’autre, fonctionnent parfaitement bien, l’acteur étant bien sûr aidé par l’énergie et le charme contagieux des deux actrices.

Rétrospectivement, La Scandaleuse de Berlin reste un des films les plus audacieux et intelligents de Billy Wilder, ainsi que l’un de ses innombrables chefs d’oeuvre.

LE BLU-RAY

L’édition HD de La Scandaleuse de Berlin est disponible chez Movinside. Le disque repose dans un élégant boîtier classique de couleur noire. La jaquette est très belle et reprend l’un des visuels de la sortie du film. Le menu principal est animé et musical.

Cette édition HD ne contient qu’un seul supplément, une présentation du film par le journaliste Marc Toullec (13’). L’ancien co-rédacteur en chef de Mad Movies ne manque pas d’inspiration et d’arguments pour défendre ce bijou qu’il situe dans son contexte. Toullec évoque la carrière, le style, le génie de Billy Wilder et rappelle que ce dernier considérait La Scandaleuse de Berlin comme l’un de ses films les plus réussis. La genèse, l’écriture du scénario, le casting, le tournage, tout y est abordé posément.

L’Image et le son

Le transfert HD (1080p, AVC) répond à toutes les exigences même si tout n’est pas parfait. Le N&B affiche une nouvelle jeunesse, les blancs sont lumineux et les noirs rutilants, le piqué n’a jamais été aussi affiné mais quelques séquences liées à la photo vaporeuse du chef opérateur Charles Lang (Certains l’aiment chaud, Les 7 mercenaires, Charade), apparaissent beaucoup plus douces et lisses. La définition n’est pas optimale, le grain tend à s’accentuer sur les scènes sombres, les gros plans manquent parfois de détails, cependant la profondeur du plein cadre est plaisante. La propreté est aléatoire, avec certaines bobines qui demeurent abîmées et marquées par de nombreuses rayures verticales, des points et tâches. L’image est stable et les contrastes soignés.

Les mixages anglais et français sont proposés en DTS-HD Master Audio Mono. La piste originale, est souvent exemplaire et limpide, contrairement à la version française qui s’accompagne d’un souffle qui tend à s’accentuer sur les trois chansons de Marlene Dietrich. Le niveau des dialogues est hasardeux sur cette piste, certains échanges sont un peu pincés et le mixage manque souvent d’harmonie. La version originale est évidemment à privilégier, notamment pour bénéficier de la « musicalité » des dialogues chers à Wilder, mais également du timbre particulier de Jean Arthur. C’est entre autres l’option acoustique la plus confortable avec un report des voix et des effets annexes plus solides. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Paramount Pictures / Universal Studios / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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