LA GUERRE DES GANGS (Milano Rovente) réalisé par Umberto Lenzi, disponible le 31 octobre 2023 en DVD et Combo Blu-ray + DVD chez Elephant Films.
Acteurs : Antonio Sabàto, Philippe Leroy, Antonio Casagrande, Carla Romanelli, Alessandro Sperli, Franco Fantasia, Tano Cimarosa, Marisa Mell…
Scénario : Franco Enna & Umberto Lenzi, d’après une histoire originale d’Ombretta Lanza
Photographie : Lamberto Caimi
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h40
Année de sortie : 1973
LE FILM
Salvatore Cangemi gère un réseau de prostitution à Milan tout en se faisant passer pour un marchand de légumes sans histoire. Quand il refuse une proposition d’un trafiquant français nommé Roger Daverty, c’est toutes les affaires de Cangemi qui risquent de s’écrouler…
Après une année 1972 plus que chargée avec pas moins de trois longs-métrages, Le Tueur à l’orchidée – Sette orchidee macchiate di rosso, Au pays de l’exorcisme – Il paese del sesso selvaggio et Le Couteau de glace – Il coltello di ghiaccio, Umberto Lenzi ralentit un peu la cadence, mais continue dans le genre thriller avec La Guerre des gangs – Milano rovente (littéralement « Milan à feu et à sang »). Le réalisateur cosigne le scénario avec Franco Enna (Cadavere per signora de Mario Mattoli, La Dernière chance de Maurizio Lucidi) et place son récit dans le chef-lieu de la Lombardie, dans ses rues froides et noires de monde (et éclairées par les néons publicitaires), dans lesquelles s’affrontent des trafiquants de drogue et un gang de proxénètes, qui ne pouvant trouver un terrain d’entente, décident de se livrer à une guerre sans fin. Excellent opus d’el signore Lenzi, La Guerre des gangs, à ne pas confondre avec le film de Lucio Fulci, Luca il contrabbandiere, baptisé de la même façon sept ans plus tard lors de sa sortie en France, bénéficie d’un casting soigné mené par Antonio Sabàto (ne pas oublier l’accent), découvert en 1966 dans Grand Prix de John Frankenheimer. Si son visage dira quelque chose aux amateurs de westerns transalpins (Aujourd’hui ma peau, demain la tienne, Deux fois traître), le comédien venait de trouver l’un de ses rôles les plus célèbres dans Le Tueur à l’orchidée, déjà mis en scène par Umberto Lenzi. Le film repose solidement sur ses épaules, ainsi que sur sa moustache (c’était alors la mode), mais aussi sur un bon antagoniste en la personne de Philippe Leroy, qui avait donné la réplique à son partenaire dans son premier film, Lo Scandalo d’Anna Gobbi, sept ans auparavant. Ils jouent cette fois à égalité et se partagent l’affiche de ce polar bourré de charme, sec, brutal. Un bon spectacle représentatif du cinéma d’exploitation italien.
Salvatore Cangemi est un mafieux sicilien installé à Milan, où il est le propriétaire d’une entreprise de fruits et légumes qui lui sert de couverture pour une autre activité criminelle bien plus lucrative, son réseau de prostitution. Après avoir refusé la proposition d’un autre mafieux, le français Roger Daverty qui souhaitait utiliser ses prostituées pour écouler de la drogue, il découvre l’une de ses filles assassinée dans son club, ce qui provoque une guerre des gangs entre les deux bandes. Sur les conseils de Lino, son fidèle lieutenant, Cangemi sollicite alors l’aide de Billy Barone, un membre de la mafia italo-américaine récemment arrivé dans la ville. Barone et ses hommes attaquent le gang de Daverty et pose peu à peu leur marque dans la ville, tandis que Cangemi, tombé amoureux de la jeune Jasmina, s’éloigne peu à peu de son activité et que, de loin et impuissante, la police italienne emmenée par l’inspecteur Contalvi observe la scène et prépare sa riposte.
Il y a indubitablement un style Lenzi, une mise en scène inventive qui passe par une maîtrise totale du cadre large, un sens du récit qui ne s’encombre pas de gras et sait aller à l’essentiel, le tout sur un montage percutant, signé ici Jolanda Benvenuti (L’Oeil du labyrinthe, La Dernière balle à pile ou face, Gungala : la vierge de la jungle, Des fleurs pour un espion), ancienne collaboratrice de Roberto Rossellini (Stromboli, Europe 51, Les Onze fioretti de François d’Assise, Voyage en Italie), une artiste à la renommée européenne voire mondiale, qui donne à La Guerre des gangs un rythme soutenu du début à la fin. La photographie de Lamberto Caimi (La Mort remonte à hier soir de Duccio Tessari, Venez donc prendre le café chez nous d’Alberto Lattuada) reflète le côté froid voire glaçant de Milan, plongée dans une purée de pois et filmée comme une ville américaine. C’est dans cet environnement pesant et étouffant, qui renvoie au fameux climat anxiogène des Années de plomb, que Salvatore Cangemi et ses hommes vont affronter Roger Daverty dit « Le Capitaine » et les siens, italiens contre français, qui ne pouvant s’accorder sur la part qui revient à chacun dans le business de la poudre blanche et de la prostitution, vont tenter de se détrôner.
Umberto Lenzi prend le pari de concentrer son histoire sur un personnage peu attachant, voire repoussant, mais auquel Antonio Sabàto parvient à donner une dimension humaine, qui certes n’est pas pardonnable, qui s’avère un monstre, mais auquel il apporte une sensibilité, en lui donnant une vraie épaisseur, comme un Scarface italien auquel on ne peut s’empêcher de le comparer. Ce sicilien, parti de rien, arrivé au sommet de son entreprise illégale avec l’aide de son cousin, va soudainement voir sa position être convoitée par des criminels encore plus violents, ambitieux et déterminés. Forcément, l’issue ne peut être idyllique. Philippe Leroy est par ailleurs suintant à souhait dans le rôle du Capitaine, qui souhaiterait être calife à la place du calife, mais ce dernier est loin de se laisser faire. La distribution est aussi complétée par Marisa Mell (Ultime violence, Objectif 500 millions, Train d’enfer), dont le personnage ne sert pas à grand-chose, si ce n’est donner lieu au dernier acte, le très bon Antonio Casagrande (Détenu en attente de jugement, Beatrice Cenci) et tout un tas d’acteurs à la mine patibulaire (Alessandro Sperli, Franco Fantasia, Tano Cimarosa).
Si La Guerre des gangs est réussi, celui-ci ne trouvera pas son public à sa sortie. Mais Umberto Lenzi a déjà prévu son prochain long-métrage, ce sera le giallo Spasmo.
LE BLU-RAY
La Guerre des gangs apparaît dans les bacs en DVD, en Combo Blu-ray + DVD, ainsi qu’en Blu-ray + DVD – Boîtier métal Futurepak limité chez Elephant Films ! Ces éditions sont chaque fois accompagnées d’un livret concocté par le spécialiste Alain Petit, dans lequel ce dernier aborde les trois films de cette nouvelle vague dite « Les Années de plomb », composée de Technique d’un meurtre, La Mort remonte à hier soir et La Guerre des gangs. Le menu principal est fixe et musical.
C’est la première fois que nous croisons Yal Sadat dans un supplément vidéo. L’intervention de 26 minutes du journaliste et critique de cinéma (Sofilm, Première, Carbone, Les Cahiers du Cinéma et Chronic art) revient de façon pointue sur La Guerre des gangs, qu’il replace longuement et intelligemment dans la longue et éclectique filmographie d’Umberto Lenzi. Évidemment, ne visionnez ce module qu’après avoir le film, de nombreux éléments y étant dévoilés. Pêle-mêle, Yal Sadat revient sur la représentation de la masculinité dans Milano rovente, le climat politique de l’époque, l’incursion de motifs du giallo intégrés à ce polar, la psychologie des personnages, la représentation de la ville…
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Le Blu-ray édité par Elephant Films restitue habilement les volontés artistiques originales en conservant heureusement le précieux grain cinéma (parfois très appuyé) ainsi que les couleurs froides, pour ne pas dire hivernales. Les contrastes sont léchés et le relief étonnamment palpable, tandis que le piqué demeure acéré. Ces partis pris entraînent certes une image parfois plus douce, une sensible perte de la définition sur certaines séquences, mais la compression AVC consolide l’ensemble, les détails sont légion, les noirs denses et la copie éclatante. Quant à la restauration, elle est souvent sidérante.
Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe, mais peine à restituer parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique du maestro Carlo Rustichelli. A titre de comparaison avec la VF (la plus rentre-dedans et parfois grinçante) et la piste anglaise (la plus équilibrée), elle demeure la moins dynamique et la moins riche du lot. Les sous-titres anglais et français sont disponibles, mais non imposés. Signalons que dix minutes avaient été coupées pour la sortie hexagonale de La Guerre des gangs. Le visionnage passe donc automatiquement en version italienne sous-titrée français.
Crédits images : © Elephant Films / Minverva Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr