HÉROS OU SALOPARDS (‘Breaker’ Morant) réalisé par Bruce Beresford, disponible en Combo Blu-ray + DVD + Livret le 11 août 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Edward Woodward, Jack Thompson, John Waters, Bryan Brown, Charles Tingwell, Terence Donovan, Vincent Ball, Ray Meagher…
Scénario : Jonathan Hardy, David Stevens & Bruce Beresford, d’après la pièce de Kenneth G. Ross
Photographie: Donald McAlpine
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Au début du XXème siècle, en Afrique du Sud, la guerre des Boers oppose les Britanniques aux ascendants des colons hollandais et allemands. Trois soldats appartenant au contingent australien, sous les ordres de l’état-major anglais, sont accusés d’avoir tué des prisonniers Boers. Le procès permet de revivre l’enchaînement des événements.
Est-ce que vous pouvez nous citer au moins trois films réalisés par Bruce Beresford ? Difficile non ? Le premier qui vient immédiatement à l’esprit, et encore rares sont ceux qui pourront mettre un nom sur son réalisateur, est indéniablement Miss Daisy et son chauffeur – Driving miss Daisy, quatre Oscars (Meilleurs film, actrice, scénario adapté et maquillages) en 1990, trois Golden Globes, un BAFTA, cent millions de dollars de recette sur le sol américain pour un petit budget de 7 millions…un phénomène. Cela devient plus compliqué après pour en trouver un second…alors imaginez trois…On connaît ses films, sans forcément savoir que Bruce Beresford (né en 1940) en est le metteur en scène. On peut citer en vrac Le Contrat – The Contract (2006), thriller mollasson avec Morgan Freeman et John Cusack, Double jeu – Double Jeopardy avec Tommy Lee Jones et Ashely Judd, succès commercial de l’année 1999 qui n’a laissé aucun souvenir, Evelyn (2002) et Mister Johnson (1990), deux opus passés sous les radars avec Pierce Brosnan, un autre avec Sean Connery en 1994 (Un Anglais sous les tropiques – A Good Man in Africa) et Dernière Danse – Last Dance (1996) avec Sharon Stone qui entamait l’impressionnante dégringolade de sa carrière. Pourtant, en creusant un peu sa filmographie, deux œuvres se distinguent nettement. Le superbe Tendre Bonheur – Tender Mercies qui vaudra à Robert Duvall l’Oscar du meilleur acteur en 1984, et surtout Héros ou Salopards – ‘Breaker’ Morant, qui s’il n’a pas été un hit retentissant au box-office, a néanmoins tout raflé sur son passage, un Oscar (celui du Meilleur scénario), dix Australian Film Institute (l’équivalent des Oscars Australiens) et le Prix du Meilleur Second Rôle Masculin au Festival de Cannes en 1980 pour Jack Thompson. Ce septième long-métrage de Bruce Beresford, tiré d’une histoire vraie, demeure un des joyaux du cinéma australien du début des années 1980, dont l’impact révélera le cinéaste et son casting sur la scène internationale, dont le merveilleux Bryan Brown. Un chef d’oeuvre coup de poing, formidablement écrit (quels dialogues !) et magistralement photographié par Donald McAlpine (Patrick, Predator, La Manière forte, L’Homme sans visage, Moulin Rouge), qui n’a rien perdu de sa force plus de quarante ans après sa sortie.
Héros ou Salopards raconte le procès de trois soldats australiens, officiers des « Bushveldt Carbineers » en Afrique du Sud. Harry « Breaker » Morant, Peter Handcock et George Witton sont accusés du meurtre de prisonniers boers. Morant et Handcock sont accusés d’avoir tiré sur un missionnaire allemand, le révérend CAD Heese. Leur avocat, le major JF Thomas, a seulement un jour pour préparer leur défense. Lord Kitchener, qui ordonne le procès, espère achever la Seconde Guerre des Boers par une conférence de paix. Il utilise donc le procès Morant pour montrer sa volonté de juger fermement ses propres soldats qui désobéissent aux règles de la guerre. Cependant, l’affaire est complexe et met en cause une accusation de meurtre des soldats en service actif. Kitchener est toutefois déterminé à obtenir un verdict de culpabilité à la Cour de justice. Les causes et les circonstances de ce procès y sont développées. Morant a exécuté des prisonniers boers, pour se venger de la mutilation et du décès de son ami, le capitaine Hunt. Rendu furieux par cet incident, Morant attaque le camp d’internement des Boers, où ils capturent un prisonnier boer qui porte alors la veste du capitaine Hunt. Morant ordonne qu’il soit exécuté, ce qui est accompli immédiatement. Le meurtre des six autres prisonniers boers se déroule de façon similaire. Bien que ceux-ci s’étaient rendus au préalable, ils sont tués.
– Toute vie se termine par une terrible exécution George…La tienne sera plus rapide et moins douloureuse que la plupart.
– Et ma vie, bien plus courte.
Nous ne sommes pas ici pour vous faire une leçon d’histoire, d’autant plus que celle racontée dans Héros ou Salopards n’a jamais eu sa place dans les livres d’éducation en France. On pourra résumer ainsi. Pretoria, 1902. Pendant la Seconde Guerre des Boers (1899-1902), qui opposa l’empire britannique à la population boer (les hollandais donc, boer signifiant « paysan ») d’Afrique du Sud, trois soldats australiens, accusés d’exécution sommaire de prisonniers de guerre et du meurtre d’un missionnaire allemand, sont traduits en justice devant un tribunal totalement bidon : tous les témoins pressentis par la défense ont récemment reçu leur affectation en Inde, l’avocat des accusés, connaissant déjà mal leur dossier, fait ce qu’il peut pour prendre leur défense, et les juges (britanniques) restent purement et simplement sourds à tout argumentaire qui leur est présenté. Inspiré du véritable procès du célèbre poète anglo-australien Harry Morant, le film de Bruce Beresord présente les faits tels qu’ils se sont déroulés, en ayant eu recours aux lettres personnelles écrites par les accusés à leurs familles respectives.
L’impérialisme britannique en prend un sacré coup dans la tronche dans Héros ou Salopards, drame militaire extrêmement troublant, centré sur une poignée de protagonistes ambigus, extraordinairement incarnés par Edward Woodward (la série Equalizer, le mythique The Wicker Man de Robin Hardy) dans la peau ici d’Harry « Breaker » Morant, Lewis Fitz-Gerald (Pitch Black) et Bryan Brown (Cocktail, Australia, les deux F/X, Gorilles dans la brume, Les Oiseaux se cachent pour mourir). Ce trio principal est rejoint par l’incroyable Jack Thompson (Wake in Fright de Ted Kotcheff, Furyo de Nagisa Oshima, La Chair et le Sang de Paul Verhoeven), royal dans le rôle du Major J.F. Thomas, avocat de la défense, qui fera tout ce qui humainement possible pour sauver ses trois clients de la peine capitale.
On pense aux Sentiers de la gloire – Paths of Glory (1957) de Stanley Kubrick, à À l’aube du cinquième jour – Dio è con noi de Giuliano Montaldo, ou bien aussi au plus méconnu L’Affaire Winston – Man in the Middle (1964) de Guy Hamilton, dans lequel Robert Mitchum campait un lieutenant-colonel, dépêché pour défendre un soldat accusé devant la cour martiale, pour avoir abattu de plusieurs balles et sans motif apparent, un sergent britannique, meurtre qui survenait alors au plus mauvais moment, à la veille d’une offensive contre l’ennemi japonais. À l’instar du personnage de Robert Mitchum, qui tentait de percer le mystère de la santé mentale de son client, le Major J.F. Thomas de Héros ou Salopards se heurte à des supérieurs bien décidés à faire un exemple de cette affaire, pour ainsi démontrer l’impartialité de leur justice et essayer d’instaurer la paix. Ou comment envoyer trois des leurs à l’abattoir, parfaits boucs émissaires.
Bruce Beresford n’édulcore ni la violence des conflits armés (les scènes sont aussi frontales que brutales), ni la responsabilité de chaque homme dans ce récit tortueux (les flashbacks s’imbriquent de façon virtuose et lisible), psychologiquement perturbant et pourtant émouvant voire bouleversant dans sa dernière partie, dont l’ultime séquence s’inscrira de façon indélébile dans la mémoire des spectateurs. Devenu rare depuis quelques années, inédit dans les bacs français, Héros ou Salopards bénéficie enfin d’une sortie digne de ce nom en DVD et en Blu-ray. Gageons que cette résurrection réalisée sous l’égide de Rimini Éditions fasse de nouveaux admirateurs.
LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRET
C’est l’un des grands titres de cette pré-rentrée 2022-2023. Le Combo d’Héros ou Salopards est sans doute celui que les cinéphiles ne devront pas rater. Les deux disques reposent dans un boîtier Amaray classique transparent, glissé dans un fourreau cartonné, magnifiquement illustré. Le menu principal est animé et musical.
Nos amis de La Plume sont allés à la rencontre de Bruce Beresford en juin 2022, afin d’y recueillir le témoignage du réalisateur sur Héros ou Salopards, en vue de l’édition de son film dans les bacs hexagonaux (18’). Comme il l’avait déjà démontré au cours de son interview pour le Blu-ray français de Miss Daisy et son chauffeur, le cinéaste, fort sympathique, est peu avare en souvenirs de tournage et revient sur tous les aspects de son septième long-métrage. Il passe ainsi en revue l’histoire vraie à l’origine du film, ses recherches personnelles, la personnalité complexe de Breaker Morant (« devenu fou à la mort de son meilleur ami, qui par la suite n’a eu en tête que de le venger… »), la guerre des Boers, les conditions de tournage, le casting, la mise au placard du film après le montage par les producteurs australiens (qui refusèrent alors de le faire distribuer et même de le montrer), avant d’être ressuscité grâce à sa présentation au Festival de Cannes, puis d’être remarqué par un producteur américain, qui fait venir le réalisateur à Hollywood. Bruce Beresford clôt cet entretien en évoquant sa passion pour William Wyler.
La Plume suite, qui s’est entretenue avec le génial Bryan Brown (25’30). Réalisée en visioconférence en mai 2022, « quelque part entre la France et l’Australie » comme l’indique l’introduction, cette interview regorge de souvenirs et montre l’énergie encore contagieuse du comédien âgé aujourd’hui de 75 ans. Celui-ci revient à son tour sur la figure historique de de Breaker Morant, dont il n’avait jamais entendu parler avoue-t-il avant de lire le scénario, sur sa collaboration avec Bruce Beresford, avec lequel il avait déjà tourné L’Attaque du fourgon blindé – Money Movers en 1978, sur la reconnaissance internationale du cinéma australien au début des années 1980, le casting, son personnage, les conditions de tournage (étalé sur une durée de six semaines), la scène finale, l’importance et postérité du film.
N’oublions pas le livret de 24 pages, très informatif, écrit par Stéphane Chevalier de La Plume, dont la maquette est comme toujours très aérée et attractive, le texte passionnant et dont les thèmes explorés (la figure historique d’Edwin Henry Murrant, le contexte historique, celui de la production du film, la carrière de Bruce Beresford, la réception et la postérité de Héros ou Salopards) combleront la curiosité les cinéphiles à la recherche d’informations sur ‘Breaker’ Morant.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale.
L’Image et le son
Pour répondre à une question qui nous a été posée sur Facebook, non, le master édité par Rimini Editions n’est pas celui restauré 4K par Criterion en 2015 à partir du négatif original 35mm (sous la supervision du réalisateur himself), ni l’ancienne copie éditée par Image Entertainment en 2008 aux Etats-Unis. Il s’agit vraisemblablement ici de celui repris de l’édition australienne made in Umbrella Entertainment, sortie en juillet 2021. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC), offre le film de Bruce Beresford dans son cadre original respecté 1.85 (16/9 compatible 4/3). Quelques tâches et poussières subsistent (ce qui ne semble pas être le cas sur le Blu-ray Criterion), la palette chromatique est belle, même si un peu douce ici et là, les contrastes élégants, mais qui auraient pu être revus ou tout du moins épaissis. De très légers fourmillements, mais l’ensemble est stable, la texture argentique est préservée, parfois sensiblement aléatoire, mais suffisamment équilibrée. Piqué acceptable.
Un panneau en introduction indique que la VF contient une séquence non doublée (l’arrivée du Major J.F. Thomas), qui passe automatiquement en VOSTF. De plus, Rimini Editions annonce que la version française présente « un défaut technique, un ronflement permanent qui n’a pu être corrigé », piste présentée tout de même, l’éditeur n’ayant pu localiser une autre source. En l’état, on a connu bien pire que cette VF, certes marquée par le défaut indiqué plus haut, mais qui s’en sort tout de même et dont le bruit parasite n’est pas présent en continu. Le doublage est par ailleurs excellent. Mais il est vrai que nous ne saurons que trop vous conseiller de privilégier la dynamique version originale, d’une part pour sa qualité technique supérieure, d’autre part pour apprécier l’accent des comédiens, en particulier celui d’Edward Woodward, quand celui-ci déclame quelques vers dans la seconde partie du film. Les deux pistes sont proposées au format DTS-HD Master Audio 2.0. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Je suis sidérée et ravie de découvrir ce pan d’histoire sud africaine de la guerre des Boers. Merci M. Bruce Beresford !! Breaker Morant et ses compagnons d’infortune ont été évidemment victimes de l’impérialisme britannique.