Test Blu-ray / Fort Invincible, réalisé par Gordon Douglas

FORT INVINCIBLE (Only the Valiant) réalisé par Gordon Douglas, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 13 avril 2025 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Gregory Peck, Barbara Payton, Ward Bond, Gig Young, Lon Chaney Jr., Neville Brand, Jeff Corey, Warner Anderson…

Scénario : Edmund H. North & Harry Brown, d’après le roman de Charles Marquis Warren

Photographie : Lionel Lindon

Musique : Franz Waxman

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

Le Capitaine Richard Lance est injustement tenu responsable de la mort du populaire Lieutenant Holloway alors qu’il escortait un prisonnier indien. Anticipant un raid indien, Lance part à leur rencontre, accompagné d’une troupe de déserteurs et de marginaux qui le détestent et souhaitent sa mort. Mais ses connaissances et ses qualités de meneur d’hommes sont leurs seules chances de rester en vie.

Il y a quelques jours, nous parlions encore du réalisateur Gordon Douglas, à l’occasion de la première sortie en France de Chuka le redoutable Chuka (1967), en DVD et Blu-ray. Lors de nos recherches, nous avions découvert que les spécialistes voyaient en ce dernier une relecture de Fort Invincible Only the Valiant, autre western mis en scène par le même Gordon Douglas, dix-sept ans auparavant. En découvrant celui-ci, on comprend mieux ces rapprochements, car Fort Invincible fait lui aussi partie de ce qu’on appelle habituellement du genre western militaire ou de cavalerie, mais il s’agit aussi d’un huis clos à ciel ouvert, où l’action demeure essentiellement focalisée dans un périmètre délimité, du côté des soldats, abrités, placés dans l’attente d’une attaque Indienne qu’ils savent imminente. Belle surprise que ce Only the Valiant, impeccablement interprété par Gregory Peck, quand bien même ce dernier a toujours déclaré par la suite qu’il s’agissait de son plus mauvais film, doublé de son plus mauvais rôle. Tourné dans un magnifique N&B signé Lionel Lindon, remarquable chef opérateur dont le travail a pu être admiré chez John Cassavetes (La Ballade des sans-espoirs), John Frankenheimer (Un crime dans la tête, Le Temps du châtiment), Robert Wise (Je veux vivre!), qui s’est illustré dans la comédie (La Brune des mes rêves), dans le film noir (Un pacte avec le diable, Le Dahlia bleu), le film d’aventure (Le Secret des Incas), Fort Invincible fait souvent penser à un film d’épouvante avec ses personnages enfermés dans le fort, lui-même planté dans le passe d’une montagne. Autant dire que la menace peut surgir n’importe où et en silence. Une vraie curiosité.

Après la guerre de Sécession, la paix est maintenue dans le territoire du Nouveau-Mexique grâce à Fort Invincible, une fortification érigée à l’extérieur d’un col de montagne qui bloque les Apaches. Ces derniers parviennent finalement à prendre le fort en coupant son approvisionnement en eau, puis en l’attaquant au moment où sa garnison est la plus faible et en tuant tous les défenseurs. Le capitaine Richard Lance arrive avec une patrouille peu après la bataille et capture Tucsos, le chef charismatique des Apaches. L’éclaireur de Lance conseille au capitaine de tuer Tucsos, mais Lance refuse de tirer sur un prisonnier. De retour au quartier général du 5e régiment de cavalerie, le commandant invalide ordonne à Lance de désigner un officier pour commander une escorte afin d’emmener Tucsos vers un poste plus sûr. Lance décide de diriger lui-même la patrouille, mais à la dernière minute, le colonel déclare avoir besoin que Lance reste au fort en cas d’attaque Apache et lui ordonne de désigner un autre officier, le lieutenant Holloway, pour diriger le petit groupe d’hommes escortant les Tucsos. Sur le chemin, les Apaches libèrent Tucsos et le lieutenant Holloway est tué. Les hommes du fort accusent le capitaine Lance, ignorant l’ordre du colonel. Ils pensent que sa décision d’affecter le lieutenant Holloway à cette mission dangereuse était motivée par des raisons personnelles (les deux officiers se disputaient l’affection de Cathy Eversham. Celle-ci le croit aussi et rompt avec lui avec amertume. La position de Lance auprès des soldats du fort ne fait qu’empirer lorsqu’il rassemble un groupe de cavaliers inadaptés pour repousser les Indiens déchaînés dans les ruines du Fort Invincible, ce qui est considéré comme une mission suicide.

On pense inévitablement à un The Dirty DozenLes Douze Salopards avant l’heure. Si Gregory Peck est impérial dans le rôle du capitaine Lance, il est très solidement accompagné par de formidables comédiens dits « à tronche », Ward Bond (La Vie est belle, Le Faucon maltais, Rio Bravo), Gig Young (Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, La Maison des otages, L’Odyssée du Hindenbourg), Lon Chaney Jr. (La Maison de Dracula, Le Fantôme de la Momie), Neville Brand (Le Prisonnier d’Alcatraz, Le Quatrième homme, Bataille sans merci), Jeff Corey (De sang-froid, Little Big Man, Quand siffle la dernière balle), Warner Anderson (Rio Conchos, Aventures en Birmanie)…du bien beau monde, même si le seul rôle féminin tenu ici par Barbara Payton (Le Fauve en liberté, Le Rocher du diable) demeure complètement anecdotique.

Gordon Douglas parvient à rendre sympathique ses personnages froids, cyniques, violents, voire cruels. Les rebuts du fort devront pourtant s’unir contre leurs adversaires et une fois que les comptes seront réglés au cours d’une scène impressionnante où Lance passe sa troupe en revue (chacun en prenant pour son grade), les soldats – connus pour leur brutalité, leur lâcheté – agiront comme un seul homme. Le réalisateur exploite à merveille son décor, par ailleurs soigné, labyrinthique, anxiogène. Le scénario d’Edmund H. North (La Femme déshonorée, Les Mutinés du Téméraire) et Harry Brown (L’Inconnu de Las Vegas, Le Temps de la colère, L’Homme à l’affût), d’après un livre de Charles Marquis Warren (Le Sorcier du Rio Grande, Le Triomphe de Buffalo Bill) enchaîne avec une certaine virtuosité les scènes intimistes et les affrontements, les personnages se dévoilant petit à petit, ce qui leur rend une humanité difficile à percevoir dans la première partie. L’humour vient même de façon inattendue, quand les hommes parviennent à se détendre en voyant que l’issue semble fatale et que cela ne sert plus à rien d’espérer. Si la hiérarchie est toujours respectée, les êtres sont mis à égalité face à la mort.

Certes, Fort Invincible n’atteint pas la réussite de La Cible humaine The Gunfighter de Henry King ou des Grands espaces The Big Country de William Wyler, pour ne citer que ces autres westerns avec Gregory Peck, mais de là à dire qu’il s’agissait du pire film de son illustre carrière, non, certainement pas, il s’avère même l’un de ses plus intéressants, ambigus et originaux.

LE BLU-RAY

Étonnamment, Fort Invincible avait déjà connu une première édition DVD en France, chez Artus Films en 2012. 2025, le titre revient naturellement chez Sidonis Calysta, toujours en édition Standard, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition, dans la collection Silver. Très beau visuel original. Le menu principal est animé et musical. Le livret d’accompagnement n’a pas été fourni pour ce test…

…Mais on est sûr que les arguments qui étaient avancés dans cet ouvrage sont en grande partie repris dans l’intervention de l’auteur, Jean-François Giré (15’30). Ce dernier se souvient avoir découvert Fort Invincible au milieu des années 60, quand il avait une quinzaine d’années, et qu’il avait trouvé le film de Gordon Douglas plutôt inattendu. Il revient sur les aspects originaux de ce western militaire, quasi huis clos, atypique dans son genre, avant d’analyser les particularités de cette histoire, en croisant le fond et la forme. L’exploitation du décor principal, la photographie N&B, la psychologie et l’évolution des personnages, le traitement de la violence, sont entre autres les sujets abordés.

Patrick Brion prend ensuite le relais (13’). Si l’on a toujours beaucoup aimé les présentations de Patrick Brion, il serait temps que l’éminent critique et historien du cinéma passe le relais. On a effectivement beaucoup de mal à comprendre certains de ses propos, en raison de soucis d’élocution, sans doute dus à son grand âge. Il faut souvent tendre l’oreille et ce jusqu’à la fin. On voit néanmoins que ce dernier est un admirateur de Gregory Peck, qu’il couvre d’éloges, même si l’acteur déclarait alors qu’il s’agissait de son plus mauvais rôle. Les westerns du comédien sont passés au peigne fin.

’éditeur joint aussi un documentaire intitulé Gregory Peck, un homme indépendant, datant de 1988 (1h). Doublé en français sur les interventions, ce module donne la parole au comédien, alors sur le tournage de Old Gringo, de Luis Puenzo. Certains amis et anciens partenaires sont également présents, Jane Fonda, Anthony Quinn, Audrey Hepburn, Jack Lemmon, Lauren Bacall, Liza Minnelli, Kenneth Tobey, Lee Remick, mais aussi des réalisateurs comme Robert Mulligan et J. Lee Thompson, avec lesquels Gregory Peck a collaboré. Un portrait forcément très flatteur est dressé de cet acteur magnifique, mais aussi de cet homme qui a toujours fait l’unanimité, d’une gentillesse jamais démentie. Gregory Peck revenait ici sur certains de ses films emblématiques, tout en évoquant les étapes de son parcours, ainsi que son enfance. Les extraits sont heureusement proposés en version originale sous-titrée.

L’Image et le son

Only the Valiant est présenté en Blu-ray par Sidonis Calysta, dans un transfert 1080p encodé AVC. Une édition HD plutôt impressionnante. Si le master affiche toutefois quelques tâches et rayures, le point fort demeure les contrastes et leur gestion, avec des noirs denses et une échelle de gris très bien modulée. L’image est d’une netteté décente dans les plans moyens et nettement supérieure dans de nombreux gros plans.

La version originale DTS-HD Master Audio Mono est à privilégier. Malgré de légères distorsions sur quelques passages musicaux, le confort acoustique est indéniable, les dialogues étant parfaitement rendus et l’ensemble dynamique, surtout lors des affrontements musclés avec les Apaches. VF anecdotique.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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