CANNIBAL FEROX réalisé par Umberto Lenzi, disponible en Blu-ray – Digipack Limité depuis mars 2023 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Giovanni Lombardo Radice, Lorraine De Selle, Danilo Mattei, Zora Kerova, Walter Lucchini, Fiamma Maglione, Robert Kerman, John Bartha…
Scénario : Umberto Lenzi
Photographie : Giovanni Bergamini
Musique : Roberto Donati & Fiamma Maglione
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1981
LE FILM
Étudiante à New York, Gloria Davis finalise sa thèse, qui tend à démontrer que le cannibalisme est un mythe. Afin d’appuyer ses recherches, elle part en Colombie, dans un village d’Amazonie, accompagnée de son frère Rudy et de son amie Pat Johnson. Sur place, le trio rencontre deux aventuriers sans scrupules, Mike Logan et Joe Costolani, mêlés à un trafic de drogue et responsables d’actes barbares sur des indigènes. Ces derniers ne vont pas tarder à se venger, de la plus cruelle des manières…
« Cannibal Ferox est un film dont je ne voulais plus entendre parler, mais que j’ai appris à aimer en raison de l’argent qu’il m’a rapporté ! ». On ne saurait être plus clair qu’Umberto Lenzi quand il évoquait l’un de ses opus les plus célèbres et parallèlement son plus grand succès commercial. Précurseur du film cannibale, ayant réalisé Au pays de l’exorcisme – Il Paese del sesso selvaggio en 1972, le cinéaste revient au genre huit ans plus tard avec La Secte des cannibales – Mangiati vivi!, dans lequel Lenzi reprenait les mêmes thèmes, en allant encore plus loin dans le cannibalisme. Suivront L’Avion de l’apocalypse – Incubo sulla città contaminata, avec évidemment ses zombies affamés de chair humaine, puis le film qui nous intéresse aujourd’hui, Cannibal Ferox ou Terreur Cannibale, qu’il écrit et met en scène. Depuis la sortie et le scandale de Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato en 1980 et celle d’Antropophagus de Joe d’Amato, les partis-pris et la violence graphique ont changé. Les spectateurs veulent du gore, du dégueulasse, du sang qui coule à gros bouillons, mais aussi et surtout du réalisme. Umberto Lenzi décide de repousser les limites avec Cannibal Ferox, ou Make Them Die Slowly (aux States), Woman From Deep River (en Australie), considéré comme un film définitif sur nos amis (il est fortement déconseillé d’être leurs ennemis) les anthropophages. Toutefois, il faut bien avouer que Cannibal Ferox a pris du plomb dans l’aile avec les années. On peut trouver le temps long entre deux bonnes idées, souvent bien éloignées les unes des autres, tandis que les comédiens font ce qu’ils peuvent pour sauver les meubles avec le peu qu’ils ont à défendre, y compris leur manque de charisme. Sympatoche, mais en aucun inoubliable donc.
Des étudiants en anthropologie se rendent en Amazonie pour démentir les rumeurs de tribus cannibales. Sur place, ils rencontrent Mike et Joe, deux Américains trafiquants d’émeraudes et de cocaïne, ayant réduit des indigènes à l’esclavage. À la suite du mauvais traitement des indigènes par les trafiquants, du viol et du meurtre d’une jeune fille de la tribu ainsi que d’autres tortures infligées à leur peuple, les indigènes se révoltent contre leurs tortionnaires. Ces derniers vont être soumis aux pires outrages.
Effectivement, il y a quelques scènes marquantes qui demeurent parmi les plus impressionnantes du genre, celle de la castration en gros plan, suivie de la pendaison par les seins à l’aide de crochets et enfin la découpe du crâne façon œuf à la coque. Mais en dehors de cela, il faut suivre le comportement idiot de personnages abrutis paumés dans des décors peu ragoûtants, écouter des dialogues écrits par des gamins de primaire et surtout être patients quand nos aventuriers de pacotille traversent les marais. Du casting, pas grand monde à sauver, peut-être le légendaire Giovanni Lombardo Radice, crédité sous le nom de John Morghen (La Secte et Sanctuaire de Michele Soavi, Frayeurs de Lucio Fulci, La Maison au fond du parc de Ruggero Deodato, Pulsions cannibales d’Antonio Margheriti) dans le rôle d’un frappadingue qui finit la bite coupée (on se rend compte alors que la cocaïne ne fait pas effet d’anesthésiant pour le coup), la belle Lorraine De Selle (Les Bêtes féroces attaquent de Franco Prosperi, Les Contrebandiers de Santa Lucia d’Alfonso Brescia) et ce bon vieux Venantino Venantini dans le rôle du Sergent Ross, qui n’a strictement aucun intérêt, tout comme cette sous-intrigue centrée à New York, ce qui nous vaut quelques plans volés dans les rues de la Grosse Pomme.
Cannibal Ferox se focalise ensuite sur nos trois baroudeurs en herbe paumés en Amazonie, deux nanas et un type qui se demandent constamment ce qu’ils foutent là, qui n’arrêtent pas dire que la situation est dangereuse et qu’ils ont un mauvais pressentiment, mais qui décident tout de même chaque fois de continuer histoire de, comme ils n’ont visiblement rien d’autre à faire. Du coup, Umberto Lenzi filme des araignées gigantesques, une tortue géante en train de se faire dépecer, des piranhas, un petit singe, un anaconda…sans compter des cadavres (qui respirent, mais ça nous n’étions pas supposés le remarquer) qui jonchent le parcours de nos aventuriers du dimanche. C’est bien simple, aucun personnage n’est sympathique dans Cannibal Ferox et l’on en vient à s’impatienter avant d’en voir certains se faire charcuter.
Étrangement, malgré sa réputation, le film est bien pauvre en effets sanguinolents et seules les séquences susmentionnées restent en mémoire, ainsi qu’une énucléation. On pourra néanmoins sauver une photographie qui a de la gueule (Giovanni Bergamini, Killer Crocodile II) et des maquillages convaincants de Giuseppe Ferranti (Virus cannibale, Novices libertines). Si l’on peut aisément imaginer pourquoi Cannibal Ferox a été censuré voire interdit dans plus de trente pays à sa sortie, l’ennui et son manque d’originalité l’emportent quarante ans après sur sa violence et son aspect provocateur aujourd’hui obsolète.
LE BLU-RAY
Il fut un temps, en 2005, un éditeur du nom bien connu de Neo Publishing proposait Cannibal Ferox en DVD, dans une édition Version Intégrale Remasterisée. Près de vingt ans après – que le temps passe vite – Le Chat qui fume intègre ce titre porteur à son catalogue déjà bien chargé. Désormais disponible en Blu-ray, le film d’Umberto Lenzi apparaît dans les bacs sous la forme d’un luxueux Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel forcément très graphique, reprenant la célèbre scène où l’une des héroïnes se fait pendre par les seins à l’aide de crochets. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires. Version intégrale.
L’éditeur propose tout d’abord une interview d’Umberto Lenzi datant de 2014 (20’). Les sous-titres français sont disposés en haut de l’image, le bas étant occupé par les sous-titres anglais. Le réalisateur, qui n’a jamais été tendre avec Cannibal Ferox (« une expérience terrible »), y évoquait les conditions et les lieux de tournage (« la bouffe était ignoble »), le travail avec les indigènes, le casting, les maquillages, l’immense succès du film à travers le monde, la polémique engendrée par la mort des animaux, la censure et le rachat des droits d’exploitation de Cannibal Ferox par Sage Stallone (le fils de Sly décédé en 2012), le tout illustré par des photos de plateau.
Place au « Bombardier », qui n’est autre que Gino De Rossi, superviseur des effets spéciaux de Cannibal Ferox. Durant 25 minutes, ce dernier déclarait tout son amour pour les armes et les explosifs, qui lui donnaient « une énergie » depuis plus de cinquante ans (l’interview date de 2011 et l’intéressé est passé de vie à trépas en 2021). Giannetto De Rossi (de son vrai nom), parlait ici de sa rencontre et du boulot avec Umberto Lenzi sur Cannibal Ferox, dont il ne comprenait par le succès et qu’il avait surtout fait par amitié pour le réalisateur. Cette fois encore, les conditions (radicales) de tournage, la violence faite aux animaux, la scène des crochets (qu’il avait toujours en sa possession), la séquence de la castration et celle du crâne ouvert comme un œuf sont les sujets de ce module.
Nous retrouvons ensuite la comédienne Zora Kerova (née en à Prague en 1950), qui elle aussi dispose de 25 minutes pour partager son expérience du tournage de Cannibal Ferox, avec « un plaisir indescriptible de parler de ce film que je suis très heureuse d’avoir fait ». En 2014, celle-ci évoquait sa rencontre avec Umberto Lenzi (« un homme toujours névrosé »), les conditions des prises de vues, le travail avec ses partenaires et dévoilait les trucs de la séquence qui l’a rendue célèbre dans le monde entier, celle où son personnage se retrouve suspendue attachée par des crochets plantés dans ses seins.
L’avant-dernier entretien présenté par Le Chat qui fume se déroule en compagnie de Danilo Mattei (21’). Celui qui dans Cannibal Ferox interprète Rudy Davis et qui est crédité Bryan Redford au générique, replace le film d’Umberto Lenzi dans sa carrière et explique pourquoi il s’est beaucoup amusé sur le tournage, malgré les innombrables difficultés liées au climat et aux lieux des prises de vues. Les souvenirs et les anecdotes se succèdent (l’équipe qui se retrouve au milieu du trafic de drogue en Amérique du Sud), surtout sur le côté « extrême, drôle, dégénéré et caractériel » d’Umberto Lenzi.
Last but not least, Le Chat qui fume clôt cette interactivité avec une interview rétrospective du comédien Giovanni Lombardo Radice (51’), décédé en avril 2023. Les fans de cinéma d’exploitation vont être aux anges (comme on l’espère pour l’acteur), puisque ce dernier passait en revue les plus grands titres de sa filmographie, en donnant moult informations sur les films concernés : La Maison au fond du parc de Ruggero Deodato, Frayeurs de Lucio Fulci, Pulsions cannibales d’Antonio Margheriti (son film préféré), Cannibal Ferox d’Umberto Lenzi (« le scénario était très mauvais […] l’histoire vaine, stupide et inutile […] tant qu’à participer à ce navet, autant être le personnage principal […] beurk ! ») et Bloody Bird de Michele Soavi (« un réalisateur qui a donné un nouveau souffle au cinéma d’horreur »).
Et on n’oublie pas la bande-annonce pour terminer tout ça.
L’Image et le son
La restauration est éloquente, impressionnante et redonne un sacré coup de jeune à Cannibal Ferox, tout en conservant, heureusement, son grain argentique. Les couleurs à dominante brune retrouvent également une certaine vivacité. Les détails sont étonnants, à l’instar de la transpiration sur les visages. La propreté est de mise, la copie est stable, et le tout flatte constamment les mirettes.
La version française vaut le coup « d’oreille » (ça se dit ? Non ? Pas grave…) pour son doublage (on reconnaîtra facilement Gérard Hernandez qui prête sa voix à Juanito, le policier de la banque, celle de Patrick Poivey pour Danilo Mattei), même si la piste reste parfois couverte avec des dialogues chuintants. Mais rien ne vaut la piste italienne. La musique s’en tire mieux avec une belle délivrance et quelques pics dynamiques sur les scènes plus agitées notamment. C’est propre, sans aucun souffle.