Test Blu-ray / Les Cruels, réalisé par Sergio Corbucci

LES CRUELS (I Crudeli) réalisé par Sergio Corbucci, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 23 août 2023 chez Studiocanal.

Acteurs : Joseph Cotten, Norma Bengell, Al Mulock, Aldo Sambrell, Julián Mateos, Ángel Aranda…

Scénario : Ugo Liberatore & José Gutiérrez Maesso, d’après une histoire originale d’Ugo Liberatore, Albert Band & Virgil C. Gerlach

Photographie : Enzo Barboni

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1967

LE FILM

La guerre de Sécession est finie. Les Nordistes l’ont gagnée, mais dans le camp adverse, Jonas, un ex-gradé, n’accepte pas la défaite. En compagnie de ses trois fils et d’une femme jouant le rôle d’une veuve, ils attaquent une diligence ennemie, mettent la main sur plusieurs poignées de dollars et décident d’utiliser le magot, bien planqué dans un cercueil, pour reformer une armée de Confédérés et prendre leur revanche.

Sergio Corbucci, c’est un peu le Nathalie Rihouet du western. Après avoir vautré Django dans la boue (1966) et avant de jeter Trintignant dans la neige (Le grand silence, 1968), il expose ses protagonistes au cagnard et à la poussière, au gré d’un road movie en diligence où la pluie tombe parfois et les hommes, souvent. Coincé entre deux chefs-d’oeuvres, Les Cruels est l’un des grands oubliés de la (très longue) filmographie de Corbucci. A sa sortie, le film n’attire pas les foules, loin de là. En France, il n’est même pas exploité – il faudra attendre une discrète édition DVD en 2008 pour enfin le découvrir. Mais s’il n’atteint jamais le quart de la somptuosité de Django et Le Grand silence, force est de constater, à la faveur de sa réhabilitation dans la collection Make my day ! de StudioCanal, qu’il ne méritait pas un tel destin.

Les Cruels n’est en effet, pas exempt de qualités malgré une facture classique inattendue chez Corbucci qui lorgne presque davantage du côté du western américain que du spaghetti. Il y a d’abord ce postulat génial, ce personnage d’ex-colonel tordu, mauvais perdant jusqu’à la folie qui croit pouvoir rejouer une guerre à lui tout seul. Il y a cette brutalité systématiquement à l’oeuvre dans les westerns de Corbucci, qui n’hésite pas à montrer les visages tordus par la souffrance, le sang dans la poussière, les coups qui n’épargnent ni les hommes ni les femmes. La photographie, signée du futur réalisateur de Trinita, Enzo Barboni, est à l’avenant : âpre, sèche, sans concession, particulièrement belle dans les séquences nocturnes et pluvieuses. Presque en décalage avec les trompettes du compositeur Leo Nichols, que le réalisateur balance sur ses images sans trop de cohérence. Evidemment, l’oreille avertie n’est pas dupe : c’est bien d’Ennio Morricone qu’il est ici question, le maestro utilisant alors ce pseudonyme pour, de son propre aveu et sous la pression des producteurs italiens, « sonner plus américain« .

Extrêmement sombre, le film aligne une galerie de personnages tous plus pourris et corrompus les uns que les autres, l’imposant comme un étalon du western pessimiste cher à Corbucci. Le « héros » incarné par Joseph Cotten (acteur récurrent chez Orson Welles et qui déploie ici une atonie assez flippante) est une authentique raclure. Il a transmis ses tares à deux de ses trois fils. L’aîné, rongé par la cupidité, l’autre affichant un penchant certain pour le féminicide. Le plus jeune, lui, ne cautionne rien de tout cela. Il est le garant de l’étincelle de compassion de la fratrie : à l’image de Django et Silence, le personnage « corbuccien » par excellence, tout en ambivalence décomplexée, dégainant son arme d’une main et protégeant l’héroïne de l’autre. La fausse veuve du convoi, en l’occurrence, à laquelle Norma Bengell prête sa lippe déterminée et son regard tranchant. La femme, chez Corbucci, n’est pas un élément du décor. Elle est même ici, le pilier du récit, c’est elle qui en dessine les circonvolutions et c’est sur elle que reposent les rebondissements du scénario, dont une scène d’inhumation où elle fait preuve d’un bel aplomb. Et puis il y a, enfin, le cercueil. Django trainait le sien derrière lui à la fois comme un fardeau et comme un espoir de rédemption. Il est ici l’expression de l’avidité des protagonistes, qui y enferment billets, armes et bibine mais de cadavre, jamais. Encore que…

Au fil du voyage, les rencontres sanglantes se multiplient, alignant à l’écran quelques figures imposées du genre : les ennemis directs (les nordistes), les Indiens, le mendiant déglingué, ou encore un assaut mexicain nous permettant de croiser avec plaisir la moustache d’Aldo Sambrell (coutumier du rôle). Les personnages sombreront de plus en plus dans la sauvagerie et finiront par s’y perdre. Jusqu’à un final pathétique et d’un cynisme fou, laissant entendre que tout n’est pas perdu, sauf l’humanité.

LE BLU-RAY

Comme toujours avec la collection de Jean-Baptiste Thoret, Make my day !, le boîtier Digipack en carton (n°62) qui contient le Blu-Ray et le DVD du film est inséré dans un fourreau arborant un visuel original signé Vladimir Thoret. On retrouve à l’intérieur du boîtier l’une des affiches d’époque. Le menu principal est très légèrement animé et muet.

La qualité plutôt que la quantité du côté des bonus. On y découvre la traditionnelle présentation du film par Jean-Baptiste Thoret (7′), toujours hyper efficace et qu’on devine très très emballé par le film (il a tendance à cacher sa joie, mais depuis tout ce temps, on identifie les signes qui ne trompent pas).

Mais également une longue analyse effectuée par Olivier Père (54′), qu’on devine très très emballé par le film (mais chez lui, c’est flagrant). Un très bel éclairage non seulement sur Les Cruels, mais sur la carrière et le style de Sergio Corbucci, à ne pas visionner avant le film car la fin y est dévoilée.

L’Image et le son

Il semblerait que le master présenté soit issu d’une récente restauration 4K. La copie affiche une fraîcheur inattendue, même si les éléments qui ont servi au lifting numérique révèlent quelques légères fluctuations liées à l’âge, qui affectent sensiblement la densité des contrastes et la clarté. Aucune trace de DNR, la texture argentique est conservée et très bien gérée. Les couleurs, surtout primaires, sont superbes, bien saturées, avec de bonnes gammes de nuances excellemment équilibrées, les noirs denses. Aucune poussière constatée et les détails abondent sur les gros plans. Blu-ray au format 1080p. À noter que la version restaurée présentée ici bénéficie de plans supplémentaires par rapport à la sortie italienne. La version italienne a été conformée en insérant les plans concernés en version anglaise.

Seule la version anglaise a été testée. La clarté et la profondeur sont très bonnes. Quelques scènes où le mixage paraît déséquilibré, mais la dynamique demeure constante du début à la fin et le mixage reste riche. Belle place à la partition du maestro Ennio Morricone et aux scènes de gunfights. Présence d’une VF et d’une piste italienne.

Crédits images : © Studiocanal / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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