Test Blu-ray / Lucky Luke – Daisy Town, réalisé par Morris et René Goscinny

LUCKY LUKE – DAISY TOWN réalisé par Morris et René Goscinny, disponible en Blu-ray le 21 novembre 2017 chez Citel Vidéo

Acteurs :  Marcel Bozzuffi, Pierre Trabaud, Jacques Balutin, Jacques Jouanneau, Pierre Tornade, Jean Berger, Roger Carel, Jacques Fabbri, Jacques Legras, Claude Dasset, Jacques Bodoin, Georges Atlas, André Legal, Jacques Hilling, Rosy Varte, Denise Bosc…

ScénarioRené Goscinny, Morris, Pierre Tchernia

Photographie : François Léonard

Musique : Claude Bolling

Durée : 1h16

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Barman, un whisky bien frappé ! il faut fêter la naissance de Daisy Town ! Hélas, une jolie nouvelle ville attire toujours bandits et desperados, ces chevaliers de la violence et du vice. Seul Lucky Luke peut y ramener la paix et empêcher les braquages et vols de vaches… Les citoyens le choisissent donc comme shérif. Mais au moment où tout semble rentré dans l’ordre, les Dalton s’installent en ville et sèment la terreur chez les habitants. L’éternel combat qui les oppose au célèbre cow-boy reprend alors…

« Nous pensions vous présenter ce spectacle sur écran large. Mais exceptionnellement aujourd’hui, nous vous l’offrons sur super grand écran géant de luxe ! »

C’est une madeleine. Un grand classique de l’animation franco-belge, doublé d’un formidable hommage au western, genre chéri par Morris et René Goscinny, le dessinateur et scénariste de Lucky Luke, l’Homme qui tire plus vite que son ombre. Réalisé par les deux complices et épaulé par Pierre Tchernia au scénario, Lucky Luke (titre original), rebaptisé Daisy Town à la suite de sa transposition en bande dessinée en 1983 et titre utilisé lors de ses diffusions télévisuelles (vous vous rappelez quand vous l’avez découvert sur LaCinq comme l’auteur de ces mots ?) n’a rien perdu de son charme et les gags qui conservent toujours leur efficacité témoignent encore du génie immense de leurs auteurs.

Une caravane de pionniers s’arrête. Ils arrivent au bout de leur traversée et décident à la vue d’une pâquerette, qu’ils y poseront la première planche pour y construire leur ville. Daisy Town verra donc le jour. Mais une ville, surtout s’il s’agit d’une simple et charmante petite bourgade, attire les bandits et ces derniers rendent la vie impossible dans ce coin de paradis autrefois si calme. Arrive alors le seul homme de la situation pour remettre de l’ordre à Daisy Town, Lucky Luke, cow-boy courageux et honnête. Nommé Sherif par les notables de la cité, notre héros va débarrasser la ville de toute sa racaille, y chasser les Dalton et la défendre contre les indiens.

Quel plaisir que ce Lucky Luke – Daisy Town, réalisé en 1971 aux Studios Belvision ! Bourré de charme, d’inventivité, mené à un train d’enfer et multipliant les gags visuels, sonores, ainsi que les références au western (américain et italien), Daisy Town demeure une vraie référence. La fantastique musique de Claude Bolling (Borsalino) et la superbe photographie de François Léonard (Astérix le Gaulois, Astérix et Cléopâtre) d’après les dessins de Morris montrent l’ambition du studio, qui voulait évidemment divertir les spectateurs, tout en traitant son sujet avec sérieux, comme un véritable film. Au casting, les réalisateurs convient leurs amis. C’est Marcel Bozzuffi, inoubliable et indispensable second rôle du cinéma français (Le Deuxième souffle, Z, La Cage aux folles II) qui prête son timbre grave au cowboy solitaire, qui avait encore la clope au bec. A ses côtés, Rosy Varte (Lulu Carabine au dialogue), Nicolas Croisille (Lulu Carabine au chant), Pierre Trabaud, Jacques Balutin, Jacques Jouanneau et Pierre Tornade (Jo, William, Jack et Averell Dalton), ainsi que Jacques Legras (le guichetier de la banque), Roger Carel (le croque-mort, le vautour, le lieutenant de cavalerie), Jacques Fabbri (le maire), Jean Berger (Jolly Jumper), sans oublier Gérard Rinaldi, qui sous le pseudonyme de Gérard Dinal, entonne le très célèbre Quadrille lors des divers square dance organisés dans le saloon de Daisy Town. Ou comment transposer les fêtes bien françaises et leurs chansons à boire dans le Far West Américain.

En 1991, Terence Hill n’aura pas grand-chose à faire pour son Lucky Luke puisque le comédien-réalisateur reprendra non seulement le synopsis du film d’animation, mais également quelques gags et séquences cultes qu’il reproduira à l’identique. Nous ne parlerons pas de la qualité relative de cet essai (un Lucky Luke tout vêtu de blanc, sérieusement), mais ce Luke Luke reste bien plus fidèle à l’univers de Morris/Goscinny que l’horrible opus signé James Huth avec Jean Dujardin dans le rôle principal. Si Daisy Town est un énorme succès à sa sortie avec 2,7 millions d’entrées en France et 2 millions en Allemagne, il faudra attendre 1978 pour que le Poor Lonesome Cowboy reviennent au cinéma dans le chef d’oeuvre La Ballade des Dalton.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Lucky Luke – Daisy Town, disponible chez Citel Vidéo, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette indique cette fois « Nouveau Master Haute Définition », même si le visuel aurait pu être plus attractif. Le menu principal est animé et musical.

Le must sur cette édition HD est bien entendu son image restaurée, mais pas ses suppléments qui se résument uniquement à la bande-annonce originale, ainsi qu’un comparatif avant/après la restauration.

L’Image et le son

Bienvenue à Lucky Luke – Daisy Town en Blu-ray (1080p) ! A cette occasion, l’image, présentée enfin dans son format original 1.37, a été entièrement restaurée à partir du négatif original 35mm, par Mediatoon Distribution aux laboratoires Eclair. Tout cela a été scanné en 4K avant de connaître une restauration très poussée en 2K. Pour sa sortie en Haute Définition, le film de Morris et Goscinny a subi un dépoussiérage de premier ordre, comme l’indique le comparatif dans les suppléments. Les couleurs bleues, jaunes et rouges retrouvent un éclat inespéré, le grain original est heureusement respecté, la clarté est évidente et les contrastes revus à la hausse. L’image est stable, propre comme elle n’a jamais été, sans griffures. Si l’on déplore encore quelques effets de pompages sur certains aplats, qui auraient été difficiles à équilibrer sans dénaturer les volontés artistiques, revoir Lucky Luke – Daisy Town dans une belle copie continue de nous émouvoir.

Il n’y a pas que l’image qui a bénéficié d’un lifting, par le désormais incontournable Studio L.E. Diapason, qui s’occupe entre autres de la restauration sonore sur les titres du patrimoine chez Pathé. L’unique piste DTS-HD Master Audio Mono 2.0 qui découle du mixage original disponible sur bandes magnétiques, demeure étriqué avec des échanges souvent aigus, une voix-off grinçante et une B.O. qui frôle la saturation (voir les séquences « Quadrille »). L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © DARGAUD Productions, René Goscinny Productions / Idéfix Studio /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Un nuage entre les dents, réalisé par Marco Pico

UN NUAGE ENTRE LES DENTS réalisé par Marco Pico, disponible en DVD et Blu-ray le 29 novembre 2017 chez Gaumont

Acteurs :  Philippe Noiret, Pierre Richard, Claude Piéplu, Jacques Denis, Michel Peyrelon, Jean Obé, Paul Crauchet, Hélène Vincent…

ScénarioMarco Pico, Edgar de Bresson

Photographie : Jean-Paul Schwartz

Musique : Olivier Lartigue

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Deux reporters en mission, Malisard et Prévot dit les « cowboys », sillonnent Paris à la recherche d’un scoop. Un jour les deux enfants de Prévot qu’ils avaient emmenés dans leur tournée de routine disparaissent. C’est le scoop recherché !

C’est l’histoire d’une résurrection, celle du premier long métrage réalisé par Marco Pico (né en 1949), Un nuage entre les dents. Complètement méconnu du grand public, ce film tourné durant l’hiver 1973 n’a connu aucun succès public (226.000 entrées) à sa sortie en avril 1974, malgré ses deux grandes vedettes en haut de l’affiche, Pierre Richard, qui sortait des succès du Distrait (1970) et des Malheurs d’Alfred (1972), qui venait d’exploser avec le triomphe du Grand Blond avec une chaussure noire (1972) d’Yves Robert, qui donne ici la réplique à Philippe Noiret, déjà bien installé, qui revenait du tournage de La Grande Bouffe de Marco Ferreri. Certes Un nuage entre les dents est une comédie, mais sombre et féroce, probablement en avance sur son temps, d’autant plus que les deux comédiens interprètent des personnages antipathiques, négligés, avec une sale barbe pour Pierre Richard, le cheveu gras et le cigare immonde toujours à la bouche pour Philippe Noiret. Deux journalistes, deux rapaces prêts à tout pour obtenir le scoop du jour avec les photos les plus immondes pour l’illustrer.

Malisard (Philippe Noiret) et Prévot (Pierre Richard), reporters d’un journal à fort tirage, sont spécialisés dans la rubrique chiens écrasés. Explosions, accidents, vols, sont leur lot habituel. Au cours d’une enquête, Prévost est obligé de prendre à l’école ses deux petits garçons. Comme leur père, photographe, est débordé de travail, les enfants en profitent pour s’esquiver. Peu après, Prévot et Malisard constatent leur disparition et croient à un enlèvement. Alors que les petits sont raccompagnés chez eux par un conducteur serviable, les deux « cow-boys » se rendent chez un vieux satyre, récemment libéré de prison, qu’ils soupçonnent. Ils vont également interroger à l’hôpital un autre « suspect » alors que celui-ci, accidenté gravement, n’a vraisemblablement pas eu le loisir de s’intéresser aux enfants… Ils font une déclaration au journal, affirmant que l’enlèvement est certain. On recherche officiellement les ravisseurs. Des femmes qui ont aperçu les deux hommes à la sortie de l’école les dénoncent comme des satyres possibles, et font d’eux un portrait-robot que seul Jolivet, stagiaire au journal, trouve ressemblant avec les « cow-boys ».

Un nuage entre les dents est une œuvre étonnante, d’autant plus quand on le découvre aujourd’hui puisque le film a longtemps disparu, quasiment depuis sa courte exploitation dans les salles. Ce qui frappe immédiatement, c’est la façon quasi-documentaire avec laquelle Marco Pico exploite son plateau de jeu, la ville de Paris étant alors creusée de tous les côtés avec des chantiers qui se multiplient aux quatre coins de la capitale. Film hivernal avec ses couleurs froides, Un nuage entre les dents n’a pas peur de montrer la saleté, qui se reflète également sur les personnages. Un élément que les spectateurs n’étaient sans doute pas prêts à accepter.

Mais au-delà de la fable sur la presse à sensation, prête à tout pour faire monter le tirage de son torchon, Marco Pico réalise un film complètement fou et quasi-inclassable, où le sordide et la poésie s’entrecroisent, à l’instar de ce moment suspendu où les cowboys regardent avec des yeux de gamin un véritable éléphant planté au milieu d’un carrefour, la nuit, dans un silence olympien. La caméra virevolte d’un accident à l’autre, les protagonistes passent de bar en bar en éclusant pastis sur pastis dans des bistrots enfumés, cela crie, cela gesticule. S’ils s’étaient déjà donné rapidement la réplique dans Alexandre le bienheureux d’Yves Robert, Pierre Richard, jeune chien fou, agressif, et Philippe Noiret, stoïque et sublime, tout aussi monstrueux, sont ici merveilleux de complicité, y compris dans leurs prises de bec. Si le récit se focalise sur leur improbable aventure, l’intrigue secondaire qui se déroule dans la salle de rédaction du canard pour lequel travaillent les « cowboys » vaut également son pesant.

C’est ici un festival de tronches et de talents, des comédiens qui ont fait le bonheur des spectateurs et qui ont toujours participé à la réussite des films dans lesquels ils apparaissaient : Claude Piéplu, Jacques Denis, Michel Peyrelon, Marc Dudicourt, Gabriel Jabbour, Pierre Olaf, Michel Fortin, Francis Lemaire, Roger Riffard, Paul Crauchet, Francis Lax, Jacques Rispal, Jean Obé et bien d’autres « gueules » et « voix » parfaitement reconnaissables. Certes, le rythme est parfois en dents de scie ou pèche par trop d’hystérie. Ce qui n’empêche pas Un nuage entre les dents d’être une incroyable découverte, comme un petit trésor inattendu et secret qui permet enfin d’être réévalué. 

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’Un nuage entre les dents, disponible chez Gaumont, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet, typique de la collection.

En guise de bonus rétrospectif, Jérémie Imbert, coréalisateur avec Yann Marchet du formidable documentaire Pierre Richard, l’art du déséquilibre, co-auteur avec Pierre Richard du livre Je sais rien, mais je dirai tout, mais aussi créateur du site référence CineComedies.com, est allé à la rencontre de Marco Pico (réalisateur), de Pierre Richard himself – qui loue la virtuosité avant-gardiste de la mise en scène du cinéaste – et de l’assistant-réalisateur François Lartigue. Ce module intitulé Les Cowboys sont de retour (28’), en référence à l’une des répliques du film, revient sur la genèse, les thèmes, les conditions de tournage, le casting, les partis pris esthétiques, les intentions et la sortie du Nuage entre les dents. Les propos s’enchaînent sur un rythme soutenu, tandis que quelques images dévoilent le scénario annoté et illustré de Marco Pico. Ce dernier, qui revient également sur ses débuts dans le cinéma, est visiblement aussi ému que fier de voir son film ainsi restauré pour être enfin (re)découvert par le plus grand nombre.

L’interactivité se clôt sur un comparatif avant/après la restauration (4’) et la bande-annonce originale.

L’Image et le son

Gaumont ne se fiche pas des spectateurs et des cinéphiles puisque le film de Marco Pico a connu un véritable lifting de fond en comble. L’élévation HD est frappante du début à la fin, la restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les gros plans sont détaillés à souhait, les couleurs très froides retrouvent un éclat inespéré et le piqué demeure acéré. La définition flanche légèrement durant le générique, ainsi que sur les ambiances enfumées, mais cela reste anecdotique.

La piste française DTS-HD Master Audio Mono est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Gaumont /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Paranoïaque, réalisé par Freddie Francis

PARANOIAQUE (Paranoiac !) réalisé par Peter Graham Scott, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 9 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Janette Scott, Oliver Reed, Sheila Burrell, Maurice Denham, Alexander Davion, Liliane Brousse…

ScénarioJimmy Sangster, d’après le roman de Josephine Tey – Brat Farrar

Photographie : Arthur Grant

Musique : Elisabeth Lutyens

Durée : 1h20

Date de sortie initiale : 1963

LE FILM

Depuis la mort de ses parents dans un accident, Simon Ashby, un jeune homme mentalement très dérangé, vit avec sa tante très attentionnée dans leur superbe demeure des environs de Londres. Lors d’un service funèbre en mémoire du couple disparu, Eleanor, la soeur de Simon, aperçoit la silhouette de leur frère Tony, qui s’est suicidé voilà sept ans. Sa tante et son frère n’accordent aucun crédit à ses déclarations et s’empressent de la croire folle. Le retour d’un Tony bien réel la sauve d’un internement. Tony explique avoir seulement disparu. Il est victime de nombreuses tentatives d’assassinat, alors même qu’il s’éprend de sa soeur…

Même si la Hammer Films demeure emblématique de l’épouvante et du fantastique au cinéma, celle-ci était pourtant loin de se cantonner aux genres qui lui ont donné ses lettres de noblesse. Des films de pirates et d’aventures sont nés également au sein de la Hammer, y compris des thrillers dramatiques et psychologiques, à l’instar de Paranoïaque (Paranoiac pour les puristes), réalisé par Freddie Francis en 1963, qui découle de deux des plus grands films de l’histoire du cinéma qui venaient alors de secouer la planète entière, Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot (1955) et Psychose d’Alfred Hithcock (1960). Opus méconnu de la société de production britannique, Paranoïaque s’avère un film très étonnant, osé et moderne, emblématique de l’ambition et de l’éclectisme de la Hammer.

La famille Ashby est affectée par deux drames : la mort du père et de la mère, il y a onze ans, dans un accident d’avion, et celle de leur fils, il y a huit ans, suicidé à cause d’un mal de vivre qu’il traînait depuis leur disparition. Les autres enfants, Simon et Eleanore, furent placés sous la coupe de leur tante et, tous les ans, en commémoration de ce tragique événement, a lieu une messe. C’est au cours de celle-ci qu’Eleanore aperçoit un homme ressemblant à son frère décédé, Anthony. Taxée de folle, et Simon (alcoolique notoire) ne lui accordant aucune attention, négociant déjà l’héritage qu’il touchera dans trois semaines, la progéniture Ashby va mal.

Si Paranoïaque est une réussite de plus de la Hammer, cela est dû avant tout au choix du metteur en scène, Freddie Francis (1917-2007), qui est à l’époque un chef opérateur très convoité, à qui l’on doit les images inoubliables des Innocents de Jack Clayton (1961), qui avait auparavant travaillé Jack Cardiff sur Amants et filsSons and Lovers (1960), pour lequel il avait remporté l’Oscar de la meilleure photographie. Après cette récompense suprême, Freddie Francis décide de passer à la réalisation. Outre Paranoïaque, il signera L’Empreinte de Frankenstein, Dracula et les femmes, Hysteria et Meurtre par procuration, pour le compte de la Hammer. S’il mettra en scène d’autres films dans les années 1970-80, Freddie Francis réalisera également les inoubliables photographies d’Elephant Man, Dune et Une histoire vraie pour David Lynch, mais aussi celle du remake des Nerfs à vif par Martin Scorsese, ainsi que celle de Glory d’Edward Zwick, qui lui vaudra un second Oscar. Mais pour l’heure, Paranoïaque démontre tout son savoir-faire derrière la caméra.

Il fait tout d’abord appel au chef opérateur Arthur Grant, grand nom de la Hammer, qui réalise une splendide photographie N&B très contrastée. D’autre part, Freddie Francis se révèle être un formidable directeur d’acteurs, même si Oliver Reed (qui sortait de La Nuit du Loup-Garou et du Fascinant Capitaine Clegg) ne s’est jamais réellement fait « diriger ». Le comédien livre une prestation complètement dingue et son personnage de frangin déséquilibré, libidineux et porté sur la bibine – les verres qu’il s’envoie du début à la fin ne semblent pas contenir du jus de fruit – fait l’intérêt du film. Parallèlement, la trame faite de rebondissements en tous genres, flirte aussi avec la censure, qui avait déjà fait réécrire le film en raison, avec une double sous-intrigue incestueuse où une tante (géniale Sheila Burrell) entretient une évidente relation avec son neveu (Oliver Reed), tandis qu’une jeune femme (Janette Scott) s’éprend de celui qui dit être son frère (Alexander Davion), que tout le monde croyait mort.

Secrets de famille dissimulés derrière les belles façades d’une vieille demeure ancestrale de la campagne anglaise, perversion, inceste, usurpation d’identité, quasi-nécrophilie, cadavre dissimulé dans le placard (au sens propre comme au figuré), le panier est lourd, mais Freddie Francis et le scénariste Jimmy Sangster parviennent à rendre Paranoïaque miraculeusement divertissant, tout en flattant l’oeil et les désirs des cinéphiles.

LE BLU-RAY

Paranoïaque est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer : la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation de Paranoïaque (15’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de Paranoïaque. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait s’orienter vers d’autres genres afin de ne pas rester enfermé dans le domaine de l’horreur gothique. Les triomphes des Diaboliques et surtout de Psychose donnent l’idée à la Hammer de mettre en route quelques thrillers psychologiques et horrifiques (le plus souvent en N&B), dont le film de Freddie Francis. La carrière de ce dernier, ainsi que le travail – et l’influence – du scénariste Jimmy Sangster, les démêlés avec la censure (qui considérait le premier scénario comme étant une « atroce immondice »), le casting, sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

Franchement, nous ne nous attendions pas à un résultat aussi beau. Malgré quelques légères imperfections, ce nouveau master restauré HD (1080p, AVC) s’impose aisément comme l’une des plus belles surprises de cette fin d’année. Ce qui frappe d’emblée, mis à part le fantastique usage du cadre large, c’est la densité du N&B et la profondeur de champ qui est souvent admirable. La photo est formidablement nuancée avec une large palette de gris, un blanc lumineux et des noirs profonds. La gestion du grain est fort plaisante. La copie est lumineuse et le rendu des textures est très réaliste.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Elisabeth Lutyens. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Salaire de la peur, réalisé par Henri-Georges Clouzot

LE SALAIRE DE LA PEUR réalisé par Henri-Georges Clouzot, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 24 octobre 2017 chez TF1 Studio

Acteurs :  Yves Montand, Charles Vanel, Peter van Eyck, Folco Lulli, Véra Clouzot, Dario Moreno, William Tubbs, Jo Dest, Antonio Centa, Darling Légitimus…

ScénarioHenri-Georges Clouzot, Jérôme Géronimi, d’après le roman de Georges Arnaud – Le Salaire de la peur

Photographie : Armand Thirard

Musique : Georges Auric

Durée : 2h32

Date de sortie initiale : 1953

LE FILM

En Amérique Centrale, une compagnie pétrolière propose une grosse somme d’argent à qui acceptera de conduire deux camions chargés de nitroglycérine sur 500 kilomètres de pistes afin d’éteindre un incendie dans un puits de pétrole. Quatre aventuriers sont choisis et entament un voyage long et très dangereux…

Suite à la déconvenue de Miquette et sa mère (1950), son unique comédie, Henri-Georges Clouzot revient à son genre de prédilection, le drame sombre et osons le dire désespéré sur la nature humaine, avec l’un de ses plus grands chefs d’oeuvre, Le Salaire de la peur. En se basant sur le postulat de départ du roman de Georges Arnaud (publié en 1950), le cinéaste trouve matière pour livrer une nouvelle étude du comportement des hommes mis face à une situation extrême. Oeuvre centrale dans la filmographie de son auteur, Le Salaire de la peur a secoué le cinéma mondial, au point de devenir une référence à laquelle moult réalisateurs se réfèrent encore aujourd’hui, à l’instar de William Friedkin qui en signera d’ailleurs un extraordinaire remake en 1977, Le Convoi de la peurSorcerer, ou bien encore Steven Spielberg qui a toujours évoqué le film comme l’un des plus grands chocs de sa vie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Le Salaire de la peur, énorme production dont le tournage s’est étalé sur une année entière en raison de problèmes météorologiques, n’a pas pris une ride plus de 65 ans après sa sortie et laisse le spectateur toujours aussi sonné.

L’action se déroule à Las Piedras, un village d’Amérique centrale. Quelques aventuriers européens, échoués là, attendent de gagner l’argent nécessaire pour repartir. Alors qu’un incendie ravage un puits de pétrole exploité par une société américaine situé à quelques centaines de kilomètres, la compagnie recherche quatre hommes pour transporter une cargaison de nitroglycérine, répartie en deux camions, afin d’éteindre le gigantesque brasier. Les Français Jo et Mario, ainsi que l’Italien Luigi et l’Allemand Bimba, sont embauchés. Contre une importante rémunération (2000 dollars par tête de pipe), ils s’engagent alors sur les routes dévastées du pays avec leur cargaison explosive.

Henri-Georges Clouzot se focalise sur une poignée d’hommes qui en fuyant leur passé, se retrouvent à croupir au milieu de nulle part, au milieu de la corruption, de la misère et de l’ennui, en attendant une illusoire échappatoire. Jusqu’à ce qu’une situation inespérée s’offre à eux et peu importe s’ils doivent mettre leur vie en péril, puisqu’ils n’ont absolument plus rien à perdre. Déjà condamnés, les personnages, merveilleusement interprétés par Yves Montand (l’une de ses meilleures incarnations), Charles Vanel, Peter ban Eyck, Folco Lulli et Véra Clouzot dans sa première apparition au cinéma, s’agrippent tout de même à cette dernière chance. Le cinéaste filme son paysage comme un enfer, la petite bourgade imaginaire de Las Piedras comme un résidu de Pandémonium, où les habitants et âmes en transit grillent sous un soleil ardent, en attendant que le temps passe ou qu’un petit boulot se libère. Henri-Georges Clouzot a toujours regardé ses congénères avec l’oeil d’un entomologiste. Pas étonnant que le film démarre par un gros plan sur des insectes, avant de présenter l’artère principale du village où tous les protagonistes vont nous être présentés un par un, avant leur inévitable confrontation.

Certes, l’exposition est longue (une heure), mais finalement ce rythme languissant ne fait qu’appuyer l’expérience physique des protagonistes, dont les corps fatigués, usés par le soleil, ne demandent qu’à se mouvoir, pour pouvoir enfin déguerpir de ce trou à rat. Film de terre et de feu, de poussière, où le pétrole, unique source locale de richesses, semble remplacer l’eau, Le Salaire de la peur est un road-movie existentiel (souvent un pléonasme) où des âmes damnées et déracinées bénéficient d’une dernière chance pour ressusciter et s’enfuir des Enfers. Clouzot filme le parcours de ses personnages comme un chemin de croix, au sens propre comme au figuré d’ailleurs puisque certains anciens ouvriers qui ont perdu la vie durant la construction de dangereux tronçons, ont été ensevelis le long de la voie empruntée. Les épreuves et péripéties se succèdent, certains perdent leur sang-froid, d’autres au contraire se révèlent beaucoup plus téméraires qu’ils ne le laissaient paraître.

Cinéaste fataliste, dont la noirceur n’a d’égale que celle du pétrole, Henri-Georges Clouzot crée une tension de chaque instant par l’intermédiaire du cadre savamment étudié, par un montage nerveux, la sécheresse des paysages (d’autant plus incroyable que le film a été intégralement tourné en extérieur en France, en Camargue plus précisément) par la photo incandescente d’Armand Thirard qui brûle les rétines et par l’absence quasi-totale de musique qui ne fait que renforcer l’aspect parfois documentaire de sa mise en scène. Une fois lancés dans cette aventure de la dernière chance, les personnages ne peuvent plus revenir en arrière, ou alors uniquement pour reprendre un élan qui leur permettra de traverser quelques chemins escarpés, presque en volant comme Icare au-dessus de la route « en tôle ondulée ». Mais ces ailes seront éphémères, brûlées même, puisque le destin n’aura de cesse de les rattraper, jusqu’à les ensevelir sous une nappe de pétrole, qui contrairement à un bain baptismal, se révélera en fait être leur extrême-onction.

Immense succès international à sa sortie (7 millions d’entrées en France), Le Salaire de la peur est récompensé par le BAFTA du Meilleur film en 1955, l’Ours d’or au Festival de Berlin en 1953, le prix d’interprétation masculine pour Charles Vanel et le Grand Prix (équivalent de la Palme d’Or qui n’était pas encore créée à l’époque) du Festival de Cannes la même année.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Salaire de la peur est disponible chez TF1 Studio (collection Héritage), dans une édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret. Le livret retraçant l’histoire du film et présenté par Pascal Mérigeau (52 pages), ne nous a pas été envoyé.

Le premier supplément de cette édition est une rencontre (19’) entre le journaliste Samuel Blumenfeld (Le Monde) et Jean Ollé-Laprune (historien du cinéma). Les deux hommes reviennent sur la genèse du Salaire de la peur, replacent ce chef d’oeuvre dans la filmographie d’Henri-Georges Clouzot (après son film documentaire avorté sur le Brésil), la rencontre du cinéaste avec Véra Clouzot (sur laquelle les deux compères reviendront plus en détails sur l’édition HD des Diaboliques), le roman « très ampoulé, grotesque et qui a très mal vieilli » de Georges Arnaud qui a servi de point de départ pour le réalisateur. L’épopée du tournage en extérieur est ensuite longuement abordée avec la reconstitution de l’Amérique du Sud en Camargue, le tout ponctué par quelques anecdotes de production (les prises de vue ont été interrompues pendant sept mois), ou en mentionnant le retard sur le plan de travail dû à des pluies diluviennes. Ensuite, Samuel Blumenfeld et Jean Ollé-Laprune se penchent un peu plus sur le fond, notamment à partir de la scène emblématique du film, celle du passage du camion dans la nappe de pétrole. Le remake de William Friedkin, que le journaliste adore, au contraire de l’historien du cinéma, est évidemment évoqué, tout comme le méconnu Violent Road de Howard W. Koch, réalisé en 1958, qui s’inspire également du film de Clouzot.

Ne manquez pas l’intervention du brillant réalisateur-scénariste Xavier Giannoli (21’). Posément, le metteur en scène de Quand j’étais chanteur, A l’origine et Marguerite revient sur sa découverte du cinéma d’Henri-Georges Clouzot, avant de disséquer son style, ses personnages et ses thèmes de prédilection, pour ne pas dire ses obsessions. Se dessinent alors les formidables portraits d’un homme complexe et d’un artiste aussi ambitieux que perfectionniste.

Xavier Giannoli laisse ensuite sa place à l’un de ses confrères, le cinéaste sud-coréen Bong Joon-ho (17’). Le réalisateur de Memories of Murder, The Host ou bien encore Snowpiercer, le Transperceneige et Okja, aborde cet entretien en indiquant que Le Salaire de la peur est l’une de ses plus grandes influences, tout en se remémorant la première fois qu’il a vu le film à l’âge de 10 ans. Un traumatisme toujours présent, intact, « une expérience primitive » à laquelle il se réfère constamment. Ensuite, longuement, le réalisateur s’exprime sur la séquence du camion dans la nappe de pétrole et de la jambe broyée du personnage interprété par Charles Vanel. Une scène qu’il revit tout en en parlant. Bong Joon-ho compare Henri-Georges Clouzot au cinéaste japonais Shōhei Imamura, dans leur sens commun d’observation sur les êtres humains, tels des entomologistes, tout en indiquant trouver Clouzot « vraiment cruel, mais d’une cruauté attirante ».

Faisons maintenant un petit tour du côté du laboratoire Hiventy, spécialisé dans la restauration de films, en compagnie de Benjamin Alimi, directeur commercial. Ce dernier nous propose une visite de leurs locaux, tout en abordant chacune des étapes de la restauration du Salaire de la peur. Au total, 500 heures de restauration, à la main, plan par plan, image par image, auront été nécessaires afin de redonner à l’image son éclat original, tout en préservant sa nature argentique et en équilibrant l’étalonnage, les contrastes et la densité du N&B, sous la supervision du chef opérateur Guillaume Schiffman, grand admirateur et connaisseur du travail d’Armand Thirard, directeur de la photographie du chef d’oeuvre d’Henri-Georges Clouzot.

TF1 Studio a également mis la main sur deux documents d’archives (1970 et 1988), dans lesquels Yves Montand s’exprime sur Le Salaire de la peur (3’).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Le Salaire de la peur a été restauré en 4K, à partir du négatif original nitrate, scanné en immersion. L’étalonnage a été supervisé par le chef opérateur Guillaume Schiffman (The Artist, les deux opus d’OSS 117), mandaté par TF1 Studio. Le Salaire de la peur renaît littéralement devant nos yeux ébahis, malgré certains contrastes légers et un N&B qui aurait pu être encore plus affirmé, malgré des blancs luminescents. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens (voir la scène de l’immersion dans le pétrole). La restauration du film est ébouriffante. Aucune rayure, déchirure, aucun éclat de gélatine, scratch, rien ne parasite l’écran. Tout a été éradiqué par le scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble avec brio du début à la fin, les séquences nocturnes sont certes plus légères, surtout sur les séquences tournées en transparence, mais le relief des matières reste palpable. La photo du chef opérateur Armand Thirard n’a jamais été aussi resplendissante et le cadre au format respecté 1.37, brille de mille feux.

Egalement restaurée à partir d’un contretype sonore, la piste DTS-HD Dual Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants (peu de répliques chuintantes ou sourdes à déplorer) et une très belle restitution des ambiances annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation à l’horizon. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Song to Song, réalisé par Terrence Malick

SONG TO SONG réalisé par Terrence Malick, disponible en DVD et Blu-ray le 1er décembre 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs :  Michael Fassbender, Ryan Gosling, Rooney Mara, Natalie Portman, Cate Blanchett, Holly Hunter, Bérénice Marlohe, Val Kilmer, Lykke Li, Iggy Pop, Patti Smith, John Lydon…

ScénarioTerrence Malick

Photographie : Emmanuel Lubezki

Musique : Christopher Bezold

Durée : 2h09

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Une histoire d’amour moderne, sur la scène musicale d’Austin au Texas, deux couples – d’un côté Faye et le chanteur BV, et de l’autre un magnat de l’industrie musicale et une serveuse – voient leurs destins et leurs amours se mêler, alors que chacun cherche le succès dans cet univers rock’n’roll fait de séduction et de trahison.

Alors que 20 ans séparaient Les Moissons du ciel et La Ligne rouge, Terrence Malick a pris un nouvel envol depuis le triomphe de The Tree of Life (Palme d’or au Festival de Cannes en 2011) puisque seulement deux ans ont séparé les sorties de ce dernier et A la merveille, soit l’écart le plus court entre deux films pour Terrence Malick. Premier opus d’une trilogie « sur la vie », le film reprenait les motifs merveilleusement installés dans The Tree of Life, sans jamais parvenir à retrouver la magie qui s’en dégageait. Sorti en 2015, Knight of Cups était encore plus hermétique et les fans du cinéaste de la première heure commençaient sérieusement à désespérer de le voir à nouveau inspirer. Certains ont même commencé à lui tourner le dos et à prendre la poudre d’escampette. Après un documentaire intitulé Voyage of time : au fil de la vie, narré par Brad Pitt dans la version IMAX et par Cate Blanchett dans la version 35-millimètres, le nouveau Terrence Malick est arrivé dans les salles avec beaucoup d’appréhensions. Il s’agit de Song to Song, qui a changé de titres au fil du tournage (Lawless, Weightless), dont les prises de vue avaient démarré en 2012 et qui se sont étendues sur deux années. C’est un miracle. La réaction chimique qui se créait en visionnant The Tree of Life, est là. Alors qu’A la merveille et Knight of Cups faisaient penser à un montage de « scènes coupées » de The Tree of Life, Song to Song semble être le film que recherchait Terrence Malick à travers ses deux films précédents. Si Song to Song reste indéniablement lié sur le fond (la foi, le souvenir, la passion qui se délite, la solitude, la mélancolie) comme sur la forme aux deux films précédents, il y a en plus ce dont ils étaient dépourvus, l’émotion.

Ça été long, mais nous voilà bien récompensés ! En effet, Song to Song est non seulement une nouvelle expérience sensorielle, mais également un rollercoaster d’émotions, celles qui nous avaient tant subjugués dans The Tree of Life. Puzzle visuel, voix-off qui s’entrelacent, caméra en apesanteur, décors sublimes filmés en lumière naturelle, Song to Song respecte le cahier des charges établi par le cinéaste lui-même avec sa Palme d’Or, tout en s’affranchissant de toutes les autres règles, mais parvient enfin à faire exister ses personnages, dont on se désintéressait totalement dans ses deux derniers longs métrages. Terrence Malick reprend la même structure patchwork poétique, pudique, sensible et lyrique, ainsi que sa caméra légère, aérienne, qui virevolte et caresse les personnages. Alors certes l’usage de plusieurs voix-off demeure franchement dispensables, mais contrairement à A la merveille et surtout à Knight of Cups, celles-ci ne sont en aucun cas mielleuses et indigentes.

Terrence Malick livre une (probable) dernière réflexion sur l’amour dans tous ses états à travers un triangle amoureux, voire un carré de personnages. Des amants qui se perdent en s’aimant, s’effleurent, se murmurent des choses à l’oreille, avec pour la première fois chez Malick, une once de sexualité. Même si le tournage a commencé en 2012, année où elle a véritablement explosé dans Millénium : Les Hommes qui n’aimaient pas les femmes de David Fincher, Song to Song peut se voir comme une ode à la comédienne Rooney Mara. Visiblement fasciné par le visage, la voix, la beauté de l’actrice, le cinéaste la filme sous tous les angles, comme s’il essayait lui-même de percer le mystère hypnotique qu’elle dégage à l’écran. Ses partenaires, Ryan Gosling qui promène son spleen habituel avec son regard de cocker triste, Michael Fassbender tout en mâchoires serrées pour représenter un producteur musical assoiffé de réussite, Natalie Portman solaire, sans oublier les apparitions de Cate Blanchett, Holly Hunter, Bérénice Marlohe, Val Kilmer, mais aussi les chanteurs Lykke Li, Iggy Pop, Patti Smith ont beau marqué le film de leur présence et de leur charisme, Rooney Mara crève une fois de plus l’écran. Terrence Malick semble réellement inspiré par la comédienne, comme un peintre par son modèle et l’empathie se crée, comme si la sensibilité du réalisateur se servait de ce personnage comme d’un vecteur, afin de transmettre ses émotions à l’audience qui voudra bien lui accorder deux heures de leur vie.

Malgré son intrigue improvisée dans la ville d’Austin, célèbre pour ses festivals de musique folk-rock, ses 40 jours de tournage étalés sur deux ans, l’émotion est là, fragmentée comme un coeur en miettes, elle provient des regards, des gestes esquissés ou retenus, chaque plan semble savamment photographié, étudié, superbe, extraordinaire même. C’est une orgie de sens aussi dingue qu’inespérée de la part d’un cinéaste constamment à la recherche du renouvellement, à tâtons, par coups de pinceaux successifs, conscient d’avoir livré des esquisses (A la merveille et Knight of Cups donc), pour enfin livrer la toile convoitée.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Song to Song est disponible chez Metropolitan Vidéo. Le visuel reprend celui de l’affiche française. Le menu principal est très coloré, lumineux, animé et musical.

Même si la jaquette ne le mentionne pas, ce Blu-ray contient quelques (petits) suppléments. Cependant, ne rêvez pas, Terrence Malick n’apparaît pas une seule seconde malgré les images de tournage glanées ici et là.

Le premier module de deux minutes donne brièvement la parole aux producteurs Sarah Green et Ken Kao, ainsi qu’aux comédiens Natalie Portman et Michael Fassbender, qui évoquent le travail du réalisateur, l’histoire du film, le tournage à Austin, la participation de stars de la chanson et les personnages.

S’ensuit un module de cinq minutes, regroupant quelques instantanés de tournage et du plateau, filmés de loin, donc avec des propos inaudibles voire carrément muets.

Les interviews suivantes de Natalie Portman (4’) et de Michael Fassbender (4’), reprennent certains propos déjà entendus dans le premier supplément et ne présentent guère d’intérêt, d’autant plus que les questions ont été coupées et non reprises sous forme de cartons. Par conséquent, on ne comprend pas parfois de qui ou de quoi l’acteur est en train de parler.

Finalement, nous préférerons nous reporter sur le livret de 56 pages joint à cette édition, sur un texte de Nicolas Rioult et superbement illustré. Vous apprendrez ici ce qu’il faut savoir sur la longue production de Song to Song, la genèse, les conditions de tournage, le montage, les titres envisagés, les chansons entendues dans le film, sans oublier une brillante et passionnante analyse de ce neuvième long métrage de Terrence Malick.

L’Image et le son

L’univers visuel foisonnant de Terrence Malick sied à merveille au support Blu-ray, d’autant plus que le cinéaste a utilisé moult sources diverses, Arri Alexa, Arricam, Arriflex, GoPro, Red Epic, qui se marient comme par magie. Metropolitan livre un magnifique master HD. Les sublimes partis pris esthétiques du chef opérateur Emmanuel Lubezki (Gravity, Les Fils de l’homme, Knight of Cups) passent remarquablement le cap du petit écran et les détails foisonnent aux quatre coins du cadre large. Les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué est tranchant comme un scalpel y compris sur les scènes sombres habituellement plus douces. La profondeur de champ demeure abyssale, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, la colorimétrie est vive, bigarrée et étincelante dès la première séquence, le relief demeure palpable tout du long. Un transfert estomaquant de beauté, un léger grain cinéma respecté, une clarté voluptueuse, le tout conforté par un encodage AVC solide comme un roc, voilà un nouveau Blu-ray de démonstration. Le label rouge Metropolitan en quelque sorte.

Expérience cinématographique sensorielle et hypnotique, la palette d’émotions est aussi instaurée par le son dans Song to Song. Autant dire que les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français remplissent aisément leur contrat, même si la version originale l’emporte sur son homologue du point de vue homogénéité des dialogues, effets et musique (plus perçante en v.o.), ainsi que du point de vue spatialisation et ardeur. En anglais, l’immersion se fait plus palpable avec une intégration plus limpide des voix, tandis qu’en français les échanges des comédiens prennent souvent le dessus par rapport aux effets annexes. Dans les deux cas, le confort acoustique est largement assuré, la balance frontales-latérales demeure brillante et quelques basses se révèlent frappantes. A noter que la version originale dispose également d’une piste DTS-HD Master Audio 2.0.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Les Diaboliques, réalisé par Henri-Georges Clouzot

LES DIABOLIQUES réalisé par Henri-Georges Clouzot, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 24 octobre 2017 chez TF1 Studio

Acteurs :  Simone Signoret, Véra Clouzot, Noël Roquevert, Paul Meurisse, Charles Vanel, Jean Brochard, Thérèse Dorny, Michel Serrault, Robert Dalban, Jean Lefebvre…

ScénarioHenri-Georges Clouzot, Jérôme Géronimi, René Masson, Frédéric Grendel, d’après le romans de Pierre Boileau et Thomas Narcejac – Celle qui n’était plus

Photographie : Armand Thirard

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Christina mène une existence malheureuse auprès de son mari, le tyrannique Michel Delasalle, directeur du pensionnat pour garçons dont elle est propriétaire. Elle sait qu’une des institutrices, Nicole Horner, est sa maîtresse, mais cela n’a pas empêché les deux femmes de se rapprocher l’une de l’autre. Christina voit en effet en Nicole une compagne d’infortune, partageant avec elle sa haine envers Michel. Lorsque Nicole demande à Christina de l’aider à tuer Michel, celle-ci accepte.

Difficile d’aborder Les Diaboliques, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. Oeuvre centrale dans le domaine du thriller et de l’épouvante, qui allait inspirer moult cinéastes, à l’instar d’Alfred Hitchcock pour Psychose, le septième long métrage d’Henri-Georges Clouzot demeure une des références du genre plus de soixante ans après.

Nicole, une institutrice, est devenue la maîtresse de Michel Delasalle, le directeur d’un minable pensionnat de jeunes garçons, à Saint-Cloud. Despotique et cruel, tyrannique et méprisant, Delasalle s’amuse à maltraiter et à terroriser Christina, son épouse, cardiaque et fragile, également propriétaire de l’établissement. Il ne ménage pas pour autant la sensibilité de Nicole. Aussi les deux femmes, pourtant rivales, sont-elles devenues amies. A elles deux, poussées à bout, elles décident de se débarrasser de Michel. Drogué puis noyé dans une baignoire, l’odieux personnage finit sa course au fond de la piscine du pensionnat. Quelque temps après, le cadavre disparaît et d’étranges phénomènes se produisent, qui effraient la faible Christina et attirent l’attention du commissaire Fichet. Les évènements inexpliqués ne cessent alors de rappeler aux deux criminelles la présence obsédante de Michel.

Quel film ! Bien que la plupart des cinéphiles connaissent aujourd’hui son extraordinaire dénouement, Les Diaboliques, (vaguement) basé sur le roman Celle qui n’était plus du tandem Boileau-Narcejac, n’a rien perdu de son intensité et de sa force hypnotique, sentiments renforcés par l’absence quasi-totale de musique (2 minutes au total sur les deux heures du long métrage), qui instaure quelques silences particulièrement glaçants. Avec une atmosphère angoissante qui étouffe le spectateur du début à la fin, le cinéaste plonge son audience dans un récit qui triture autant les méninges que l’estomac et parvient à ancrer le fantastique dans une histoire réaliste, qui continue aujourd’hui d’inspirer les réalisateurs du monde entier. Tourné dans le secret le plus absolu, Les Diaboliques repose également sur une interprétation tendue et exceptionnelle, en particulier celle de Simone Signoret, sublime, vénéneuse et démoniaque à souhait, à mille lieues de son rôle dans Casque d’or de Jacques Becker, qui avait fait d’elle une vedette trois ans auparavant. Une beauté froide et d’une cinglante cruauté que n’aurait pas reniée Alfred Hitchcock, qui par ailleurs était intéressé par le livre de Boileau-Narcejac, qui écriront spécialement pour lui leur roman D’entre les morts, qui deviendra au cinéma Sueurs froidesVertigo. Pour Psychose, Hitchcock reprendra également le même principe des portes fermées aux spectateurs dès le commencement de la séance, voulu par Clouzot pour Les Diaboliques, afin de préserver les effets et intriguer les spectateurs.

Longtemps critiquée pour son talent limité de comédienne, Véra Clouzot, d’origine brésilienne, tourne pour la seconde fois avec son mari et contrairement au Salaire de la peur, sorti deux ans avant, obtient ici le rôle principal aux côtés de sa partenaire. Rétrospectivement, il est troublant de voir à quel point ce personnage était finalement proche de l’actrice, elle-même cardiaque, et décédée en décembre 1960 à l’âge prématuré de 46 ans, suite à un infarctus. Même s’il est indéniable que Véra Clouzot manque cruellement d’expérience (elle ne tournera que trois films, ceux de son époux), sa fragilité, son charisme, son hésitation et sa spontanéité servent à merveille l’histoire. Quant à Paul Meurisse, monstre du cinéma français, capable de passer de la gaudriole au drame en un regard, il est ici tout simplement abject et repoussant, magnifique donc et d’ailleurs excellemment épaulé par d’autres camarades de jeu tout aussi bons, comme Michel Serrault, Noël Roquevert, Charles Vanel, Pierre Larquey.

Lauréat du Prix Louis Delluc en 1954, Les Diaboliques sort sur les écrans le 26 janvier 1955. Les spectateurs hurlent d’angoisse devant la violence sèche, souvent verbale, et les rebondissements alors avant-gardistes, au point d’être vraiment sonnés en sortant de la salle. Le bouche-à-oreille fait rapidement son œuvre. Heureusement, la plupart des spectateurs respectent le carton final qui apparaît en guise d’épilogue « Ne soyez pas DIABOLIQUES ! Ne détruisez pas l’intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film. Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux ». En dépit d’une interdiction aux moins de 16 ans, Les Diaboliques réalisera 3,7 millions d’entrées. Et non, nous n’évoquerons pas le piteux remake de Jeremiah S. Chechik avec Sharon Stone, Isabelle Adjani, Chazz Palminteri et Kathy Bates, non.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray des Diaboliques est disponible chez TF1 Studio (collection Héritage), dans une édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret. Les deux disques disposent des mêmes suppléments et le livret retraçant l’histoire du film et présenté par Pascal Mérigeau (44 pages), ne nous a pas été envoyé.

Les bonus de cette édition française Haute-Définition sont quelque peu décevants.

On commence par le témoignage peu passionnant de Bernard Stora (20’). Le cinéaste et scénariste, qui a fait ses débuts comme stagiaire et assistant-réalisateur d’Henri-Georges Clouzot sur L’Enfer, partage ses souvenirs liés à cette association, tout en revenant sur les conditions de tournage du film qui nous intéresse. Bernard Stora semble avoir du mal à trouver les mots pour évoquer Clouzot et ses oeuvres (« j’aime beaucoup ses films, pas tous… »), et ce qui est finalement le plus intéressant dans cet entretien est le portrait de l’homme et du cinéaste. L’intervenant aborde la forte personnalité du réalisateur, « un homme qui pouvait être attachant et gentil, malgré sa réputation […] qui était très impressionnant », avant de se pencher sur Les Diaboliques. Bernard Stora n’hésite pas à dire que ce film représente bien son « cinéma très carré, écrit et même corseté […] qui contient tous ses motifs, même s’il pâtit peut-être de son côté mécanique, sec et peut-être moins crédible […] qui a peut-être moins de fond, bien qu’admirablement filmé et interprété ». Dans la dernière partie, Stora aborde le cas Véra Clouzot, que « Simone Signoret a porté car sa partenaire n’était pas très bonne actrice ».

S’ensuit une rencontre (23’) entre le journaliste Samuel Blumenfeld (Le Monde) et Jean Ollé-Laprune (historien du cinéma). Leurs propos se complètent et s’avèrent plutôt intéressants, même si nous pouvions espérer plus pour un film de cette envergure. Les Diaboliques est replacé dans la filmographie de Clouzot, la genèse, l’adaptation du roman de Boileau-Narcejac, les houleuses conditions de tournage (avec quelques anecdotes), la faiblesse du jeu de Véra Clouzot (qui n’est vraiment pas épargnée ici), le perfectionnisme de Clouzot, ainsi que le remake américain (« exécrable ») – l’occasion pour Ollé-Laprune de dire que Sorcerer de William Friedkin est « pas mal sans plus », vous avez le droit de vous indigner – sont analysés sans temps mort.

En plus de la bande-annonce originale, l’éditeur joint également un montage de 3 minutes, constitué de propos enregistrés en 1969 et 1985, des écrivains Pierre Louis Boileau et Thomas Narcejac, sur l’adaptation cinématographique de leur roman, sur le travail de Clouzot et ses partis pris.

L’Image et le son

Les Diaboliques a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés et supervisés en 2017 par le laboratoire L21. Force est de constater que nous n’avions jamais vu le film d’Henri-Georges Clouzot dans de telles conditions. Les contrastes sont très appréciables, les noirs sont profonds. Seule la palette de gris n’est pas aussi riche que nous pouvions l’espérer, mais en même temps, la photo a toujours été plutôt blanche. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin. Ce master très élégant permet de redécouvrir ce chef d’oeuvre dans une qualité technique admirable.

La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis (la voix de Véra Clouzot a souvent un rendu métallique), les dialogues sont dans l’ensemble clairs, sans souffle parasite. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Fascinant Capitaine Clegg, réalisé par Peter Graham Scott

LE FASCINANT CAPITAINE CLEGG (Captain Clegg) réalisé par Peter Graham Scott, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Peter Cushing, Yvonne Romain, Patrick Allen, Oliver Reed, Michael Ripper, Martin Benson, David Lodge, Daphne Anderson, Milton Reid…

ScénarioAnthony Hinds, d’après les romans de Russell Thorndike

Photographie : Arthur Grant

Musique : Don Banks

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

En, 1792, le capitaine Collier et son groupe de soldats débarquent à Romney Marsh sur la côte britannique afin d’enquêter sur une histoire de fantômes des marais semant la terreur dans le village voisin. Il soupçonne vite le révérend local d’être pour quelque chose dans les événements qui s’y déroulent. Il s’avère que le révérend Blyss est un ancien chef pirate, connu sous le nom de capitaine Clegg, qui s’est réfugié dans ce village pour s’y faire oublier.

Malgré les triomphes internationaux de leurs relectures de la créature de Frankenstein, Dracula, la Momie et du Docteur Jekyll, les fondateurs de la Hammer Films ont peur d’être catalogués uniquement dans le registre horrifique et souhaitent donc aborder d’autres genres. William Hinds et Enrique Carreras se mettent donc à la recherche de sujets originaux, de nouveaux filons qui pourraient s’accorder avec leurs conditions de production, à savoir un sujet spectaculaire susceptible d’intéresser tous les âges, tourné avec un budget modeste, afin d’assurer une meilleure rentabilité. Et pourquoi pas une histoire de pirates ? Celles du Doctor Syn par exemple ! D’autant plus que cette série de 8 romans écrits par Russell Thorndike de 1915 à 1944, avait déjà connu une adaptation en 1937. Alors qu’ils pensaient les droits accessibles, les producteurs apprennent que les pontes de Disney les détiennent, ainsi que ceux sur les noms des personnages, dans le but de réaliser une série intitulée L’Epouvantail. Finalement, un accord est trouvé entre la Hammer et la maison de Mickey. Le scénariste Anthony Hinds, crédité sous le nom de John Elder, est libre de s’inspirer des romans de Thorndike, mais doit changer les noms originaux. Exit le Dr Syn, place au Capitaine Clegg !

1776, Le Capitaine Clegg règne en maître au sein de Rommey, un petit village des Cornouailles. L’homme a beau se réclamer de la justice, c’est une sorte de tyrannie qu’il a pourtant instaurée. Les accusations peuvent même s’avérer infondées, ainsi un mulâtre est-il condamné à avoir la langue coupée avant d’être abandonné sur une île déserte pour avoir voulu abuser de la femme du capitaine. 1792. Le Capitaine Collier et ses soldats marins débarquent dans une petite ville côtière anglaise, où repose désormais la dépouille du Capitaine Clegg, pour enquêter sur des fantômes des marais, qui sévissent dans la région. Il soupçonne bientôt le sinistre révérend Blyss, de ne pas être étranger à ces apparitions.

Le Fascinant Capitaine Clegg, Night Creatures aux Etats-Unis, ou bien encore tout simplement Captain Clegg, est un formidable film de pirates, sans batailles navales et sans même voir un bateau en mer ! Le réalisateur Peter Graham Scott fait fi d’un budget somme doute modeste et livre une œuvre d’aventures aux personnages bien dépeints, au récit intelligent et solidement interprété par une ribambelle de comédiens emmenés par l’immense talent et le charisme de Peter Cushing, qui s’en donne à coeur joie dans la peau de Blyss/Clegg au(x)quel(s) il apporte une grande ambiguïté. Sur un rythme vif et une durée ramassée (1h20), Le Fascinant Capitaine Clegg plonge le spectateur à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre, dans un village peuplé d’une petite poignée d’habitants, qui se retrouvent le soir à la taverne ou à l’église pour écouter les sermons du pasteur Blyss, qui n’est autre que le Capitaine Clegg. La nuit, avec certains de ses anciens hommes de main qui lui sont restés fidèles et des villageois contrebandiers, ils arborent un costume sombre représentant un squelette phosphorescent et arpentent les marais sur leurs chevaux plongés dans la nuit brumeuse, comme des spectres, dans le but d’effrayer certains quidams qui se posent trop de questions sur leur affaire de trafic d’alcool.

Parmi ces hommes-spectres, se distingue sans mal l’acteur Oliver Reed, amoureux transi d’Imogene, la fille cachée de Clegg et qui ignore que Blyss est son père. Chose amusante, après avoir interprété la mère d’Oliver Reed dans La Nuit du Loup-garou de Terence Fisher, Yvonne Romain incarne ici sa maîtresse. De jour comme de nuit, Blyss/Clegg entend bien résister aux soldats de sa Majesté, pour préserver son havre de paix, qui lui sert de base pour son commerce illégal depuis près de quinze ans, mais aussi pour assurer la sécurité des habitants qu’il aide au quotidien. Mais c’était sous-estimer l’obstination du Capitaine Collier, interprété par le génial Patrick Allen et sa voix inimitable.

Sorte de relecture gothique et baroque de Robin des Bois, Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas avare en scènes d’action, en émotions et en péripéties, sans oublier les conflits intimes qui animent les personnages. Merveilleusement photographié par le grand Arthur Grant, le film de Peter Graham Scott a su très vite trouver son public et reste très prisé par les fans de la Hammer.

LE BLU-RAY

Le Fascinant Capitaine Clegg est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fascinant Capitaine Clegg (12’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fascinant Capitaine Clegg. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait s’orienter vers d’autres genres dans le but de ne pas rester enfermé dans le domaine de l’horreur gothique. Les démêlés avec Disney pour l’adaptation des romans de Russell Thorndike, le casting, l’investissement personnel de Peter Cushing (très grand admirateur des romans de Thorndike) qui avait même pensé réaliser le film, les points communs avec Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang, sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

L’apport HD pour Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas aussi que pour Les Maîtresses de Dracula, La Nuit du Loup-Garou et Le Fantôme de l’opéra. Le grain se révèle plus hasardeux, notamment sur les effets spéciaux qui accompagnent la chevauchée des spectres aux abords du marais. Quelques scories et points ont échappé à la restauration, la définition est aléatoire voire chancelante sur les séquences de brume, ou lors d’un échange à la 41e minute où le champ-contrechamp sur Peter Cashing reste inexplicablement flou. Cependant, la copie trouve un équilibre convenable, qui fait honneur au support, même si les couleurs restent plutôt pâles tout du long.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Don Banks. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Roseaux sauvages, réalisé par André Téchiné

LES ROSEAUX SAUVAGES réalisé par André Téchiné, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Élodie Bouchez, Gaël Morel, Stéphane Rideau, Frédéric Gorny, Michèle Moretti, Jacques Nolot…

ScénarioAndré Téchiné, Gilles Taurand, Olivier Massart

Photographie : Jeanne Lapoirie

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1994

LE FILM

En 1962, en pleine guerre d’Algérie, alors que les attentats OAS se multiplient, l’intrusion d’un garçon pied-noir exilé va bouleverser la vie paisible de l’internat du lycée où il est accueilli.

Les Roseaux sauvages est probablement l’oeuvre centrale de toute la filmographie d’André Téchiné. Pourtant, à l’origine, cette chronique douce-amère et mélancolique sur la jeunesse française au début des années 1960 était uniquement destinée à la télévision dans un format d’une heure, dans le cadre d’un projet pour la télévision. Aujourd’hui, Les Roseaux sauvages demeure pour beaucoup de cinéphiles leur film préféré d’André Téchiné, celui qui regroupe tous ses thèmes de prédilection.

La guerre d’Algérie touche à sa fin. Dans le Sud-Ouest de la France, le frère de Serge, soldat, fils de paysans italiens, épouse la première venue pour obtenir une semaine de permission. Le jeune marié songe à déserter et compte sur madame Alvarez, la mère de Maïté, professeur et militante communiste, pour l’aider. Mais il repart en Algérie et se fait tuer dans le djebel. Des lycéens du village sont témoins de ces événements tragiques. Henri, un jeune pied-noir, vient passer son bac en métropole. L’oreille collée à un transistor, il suit minute par minute le dénouement du conflit. Un soir, à l’internat, François, le petit ami de Maïté, découvre son homosexualité dans les bras de Serge. Derrière la valse et les flonflons de cette année 1962, certains jeunes terminent laborieusement leurs études au lycée, dans l’espoir d’obtenir leur baccalauréat, même s’ils ont d’autres idées en tête en étant bouleversés par leurs sentiments et leurs désirs.

André Téchiné demeure l’un des rares cinéastes français à avoir su dépeindre les émois propres à l’adolescence, mais également la révélation du libre-arbitre, de la conscience politique, l’éveil sexuel, la sensualité, en d’autres termes, l’adieu à l’enfance et l’entrée dans le monde responsable des adultes. Plus de vingt ans après sa sortie, François, Maïté, Madame Alvarez et Serge sont des personnages qui restent dans la conscience des cinéphiles. Même si Maïté et François ressentent beaucoup de choses l’un pour l’autre, le jeune homme ressent encore plus d’attirances pour Serge, ce qui le déconcerte beaucoup dans un premier temps, tandis que Maïté doit accepter cette situation. Il y a aussi le pied-noir Henri, compagnon de chambre de Serge, qui a quitté l’Algérie où son père est décédé. Le jour où Serge apprend que son frère est mort en Algérie, le lycéen est alors animé par une rage ardente envers Henri, tandis que la mère de Maïté, professeur de français et communiste, rongée de culpabilité pour ne pas avoir pu le frère de Serge, part en cure de sommeil. Son remplaçant, Monsieur Morelli, cherche à aider Henri à avoir le bac. Mais ce dernier, révolté par les décisions de de Gaulle et le retrait de la France en Algérie, décide de quitter la ville.

Les Roseaux sauvages dresse le portrait d’une jeunesse qui se voulait insouciante, mais qui se trouve très vite rattrapée par l’Histoire. André Téchiné confie les rôles principaux à une poignée de jeunes comédiens inexpérimentés, mais néanmoins charismatiques et très attachants. C’est le cas d’Elodie Bouchez, qui avait fait ses débuts au cinéma dans Stan the Flasher de Serge Gainsbourg (1989), qui après une apparition dans Tango de Patrice Levonte (1993) et Le Péril jeune de Cédric Klapisch (1994), explose à l’écran dans Les Roseaux sauvages, pour lequel elle obtient le César dans la catégorie meilleur espoir féminin. Au générique, se démarque également Gaël Morel, dans le rôle de François, adolescent introverti et tourmenté, sans doute le personnage le plus proche d’André Téchiné. Apparu ensuite dans Le Plus bel âge et Zonzon, Gaël Morel deviendra ensuite un précieux réalisateur, à qui l’on doit entre autres Le Clan (2004) et Après lui (2007).

A l’origine des Roseaux sauvages, il y a la collection commandée par Arte intitulée Tous les garçons et les filles de leur âge. Après Ma saison préférée en 1993, André Téchiné accepte de rejoindre ce projet collectif avec un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau, d’après la fable éponyme de Jean de La Fontaine, dont Les Roseaux sauvages deviendra finalement la version longue. Cette collection regroupe neuf téléfilms français, totalement indépendants entre eux, seulement reliés par le thème de l’adolescence et diffusés sur Arte au dernier trimestre 1994. André Téchiné, mais aussi Chantal Akerman, Claire Denis, Olivier Assayas, Laurence Ferreira Barbosa, Patricia Mazuy, Emilie Deleuze, Cédrick Kahn et Olivier Dahan relèvent le défi. Comme ses confrères, André Téchiné dispose alors d’un budget modeste et doit répondre à une liste de contraintes (la durée d’une heure, le thème principal, intégrer une scène de fête, une durée de tournage de 20 jours en moyenne, des prises de vue en Super 16), malgré une grande liberté créatrice laissée aux cinéastes, comme le choix de situer le récit entre les années 1960 et 1990. Chaque réalisateur doit utiliser la musique rock, filmer de jeunes comédiens peu ou alors pas connus. André Téchiné reconnaîtra lui-même la grande liberté qui leur avait été accordée, sans contrainte ni l’obstacle lié au box-office.

Trois de ces téléfilms connaîtront les honneurs d’une version allongée, qui sera exploitée dans les salles. Les Roseaux sauvages donc, mais aussi Trop de bonheur de Cédric Kahn et L’Eau froide d’Olivier Assayas, présentés par ailleurs au Festival de Cannes. Le Chêne et le roseau, qui durait à l’origine 56 minutes, devient alors Les Roseaux sauvages, vrai film de cinéma d’1h55, placé sous le sceau de l’authenticité, qui n’épargne pas ses jeunes protagonistes, rattrapés par la dure réalité de la vie qui s’ouvre devant eux. André Téchiné réalise ici l’un de ses chefs d’oeuvre, en état d’apesanteur, trouvant l’équilibre délicat et parfait entre récits initiatiques – pour la première fois, il y parle ouvertement de l’homosexualité – et rendez-vous avec la grande Histoire, avec pudeur, une immense sensibilité et une justesse confondante, sous un soleil ardent et des couleurs estivales.

Largement inspirée par les propres souvenirs liés à l’adolescence du cinéaste, Les Roseaux sauvages est une œuvre qui marque définitivement la mémoire des cinéphiles. Le film a été récompensé par le prix Louis-Delluc en 1994 et par quatre César en 1995, Meilleurs film, réalisateur, scénario original et espoir féminin.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray des Roseaux sauvages, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et muet, reprend une partie du visuel de l’affiche originale.

A l’instar de l’édition HD de J’embrasse pas, l’éditeur reprend l’interview d’André Téchiné (20’), réalisée à l’occasion de la sortie des Roseaux sauvages en DVD en 2004. Cependant, contrairement à l’autre entretien mentionné, le réalisateur semble presque gêné de parler du film qui nous intéresse. De manière succincte, le cinéaste revient sur la genèse du projet alors qu’il s’agissait encore d’un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau. André Téchiné indique que c’est surtout l’envie d’évoquer la guerre d’Algérie, plus que de réaliser un film sur les adolescents, qui l’a surtout convaincu de mettre en scène ce qui allait devenir Les Roseaux sauvages. Brièvement et de manière saccadée, le module est par ailleurs trop souvent entrecoupé par des extraits du film, le cinéaste aborde les thèmes, les personnages, le casting, les conditions de tournage, ainsi que les éléments autobiographiques qui ont inspiré le scénario.

L’Image et le son

Tourné en 16 mm, Les Roseaux sauvages a ensuite été gonflé pour une exploitation dans les salles. Evidemment, nous sommes loin du clinquant CinemaScope, format habituellement utilisé par André Téchiné, mais cette édition Haute-Définition s’en sort avec les honneurs. Certes, les couleurs restent sensiblement délavées, notamment les teintes vertes très présentes, mais la clarté est de mise, le piqué agréable, la copie très propre, en dehors d’un fil en bord de cadre lors de la scène de l’enterrement. Les séquences sombres s’avèrent moins définies, avec un grain plus hasardeux et une perte des détails. Toutefois, ce Blu-ray des Roseaux sauvages, permet au film d’André Téchiné de bénéficier d’une petite cure de jouvence bienvenue.

Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. Dommage que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant soient indisponibles.

Crédits images : © Studiocanal /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Fantôme de l’Opéra, réalisé par Terence Fisher

LE FANTÔME DE L’OPÉRA (The Phantom of the Opera) réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza, Thorley Walters, Michael Gough, Harold Goodwin, Michael Ripper…

ScénarioAnthony Hinds

Photographie : Arthur Grant

Musique : Edwin Astley

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

1900. Une malédiction semble frapper l’Opéra de Londres. Alors que les tragédies se succèdent, la rumeur de la présence d’un mystérieux fantôme orchestrant en coulisse les accidents enfle de plus en plus. Lors d’une première prestigieuse, son existence ne fait plus de doute quand Christine Charles, l’étoile montante de l’Opéra, est enlevée par le fantôme. Elle va découvrir les terribles secrets cachés sous le masque couvrant son terrifiant visage.

Le roman fantastique de Gaston Leroux (1868-1927), Le Fantôme de l’Opéra, publié en feuilleton dans Le Gaulois en 1910, a connu moult adaptations au cinéma, de 1925 par Rupert Julian à celle de Joel Schumacher en 2004, la dernière à ce jour. Une dizaine de transpositions parmi lesquelles se distinguent la toute première, interprétée par l’illustre Lon Chaney, mais aussi et surtout celle de maître Terence Fisher, l’homme qui avait déjà revisité Dracula, le monstre de Frankenstein, la Momie et le Loup-Garou pour le compte de la Hammer Films. Rétrospectivement, Le Fantôme de l’OpéraThe Phantom of the Opera version Fisher, est l’un des opus les plus ambitieux du mythique studio, qui désirait livrer sa version du mythe depuis 1958, mais qui n’avait de cesse de le reporter, faute de moyens suffisants. Quand Cary Grant indique un jour qu’il voudrait s’associer avec la Hammer pour un film, il n’en fallait pas plus pour que le studio mette en route ce long métrage tant désiré. Si cette rencontre Grant-Hammer n’aura finalement jamais lieu, au moins ce fantasme aura-t-il permis la réalisation d’un des plus grands films du studio.

L’histoire se déroule en 1900 à Londres. Le London Opera House est, dit-on, hanté par un fantôme depuis que Lord Ambrose D’Arcy tente d’y présenter un nouvel opéra. Lors de la première, le spectacle est gâché par le corps d’un pendu qui apparaît en se balançant au bout d’une corde au-dessus de la scène. La chanteuse engagée refuse d’y jouer de nouveau. Le directeur artistique, Harry Cobtree auditionne de nouvelles chanteuses et tombe sur Christina Charles, qui semble beaucoup promettre. Elle est engagée et présentée à D’Arcy. Celui-ci tente de la séduire mais elle se refuse à lui. Elle est sauvée par Harry. En colère, D’Arcy les met tous les deux à la porte. Lorsque Harry visite Christina à sa pension de famille, il trouve des manuscrits sur lesquels est écrite une ébauche de l’opéra supposément composé par D’Arcy. La patronne, Mme Tucker, lui avoue que ces papiers ont appartenu à un ancien pensionnaire, le professeur Petrie, qui a été tué lors de l’incendie d’une maison d’imprimerie. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il procède à une rapide enquête qui lui apprend que Petrie n’est pas mort dans l’incendie mais que son visage a en réalité été éclaboussé par de l’acide nitrique au moment où il tentait d’éteindre l’incendie. Christina est alors enlevée et emmenée dans les bas-fonds de l’Opéra où un homme hideux portant un masque et jouant de l’orgue lui déclare qu’il lui apprendra à chanter.

La Hammer dispose d’un budget beaucoup plus conséquent que pour ses films d’épouvante, grâce à un partenariat avec Universal, qui en contrepartie demande au studio d’y aller mollo sur les effets sanguinolents, sur la violence et l’érotisme, ceci afin d’attirer un public plus familial, en espérant ainsi rembourser la mise investie. Si effectivement Le Fantôme de l’Opéra demeure un opus plus « traditionnel », cela n’empêche pas le film d’être une nouvelle merveille concoctée par Terence Fisher. Bridé par les producteurs, le cinéaste s’approprie néanmoins le roman de Gaston Leroux. Sa mise en scène lyrique, sa solide direction d’acteurs (très bons Edward de Souza et Heather Sears), la beauté des décors – dont le Royal Opera House de Covent Garden par ailleurs sublimés par la photo du chef opérateur Arthur Grant, son rythme enlevé et l’émotion qui émane de sa nouvelle « créature », qui n’a jamais été autant humaine et donc empathique, ne cessent d’émerveiller les spectateurs.

L’art et la virtuosité de Terence Fisher imprègnent chaque plan et chaque séquence, la dualité chère au cinéaste est ici explicite avec le Fantôme – magnifique Herbert Lom – tiraillé entre le bien et le mal, tout comme son visage dissimulé par un masque, où seul un œil demeure visible. Le véritable monstre du film n’est évidemment pas celui que l’on croit puisque celui-ci agit à visage découvert, et quel visage puisqu’il s’agit du célèbre Michael Gough, prolifique comédien britannique, qui interprétait entre autres Alfred Pennyworth du Batman de Tim Burton au Batman & Robin de Joel Schumacher. Particulièrement abject, sadique et repoussant, il est bel et bien l’être inhumain du Fantôme de l’Opéra.

A sa sortie, Le Fantôme de l’Opera n’a pas rencontré le succès espéré. Heureusement, le temps a fait son office et les cinéphiles en ont fait un film aujourd’hui très prisé.

LE BLU-RAY

Le Fantôme de l’Opéra est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fantôme de l’Opéra (23’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fantôme de l’Opéra. Le journaliste considère ce film comme l’un des plus personnels de Terence Fisher, le chaînon manquant entre la version avec Lon Chaney et Phantom of the Paradise de Brian De Palma, comme la clé de voûte méconnue de toute la filmographie du réalisateur. Il replace ensuite Le Fantôme de l’Opéra dans l’histoire de la Hammer Films, qui souhaitait reprendre le mythe adapté de Gaston Leroux depuis 1958, mais dont le projet n’avait de cesse d’être repoussé en raison du manque de moyens. La genèse du film, la transposition et les différences avec le roman original, le casting, mais aussi et surtout le fond comme la forme sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

Oubliez le DVD sorti chez Bach Films il y a dix ans et précipitez-vous sur ce master Haute-Définition royalement offert par Elephant Films ! Car en dehors de quelques points blancs et de décrochages chromatiques sur les fondus enchaînés, la copie présentée tient toutes ses promesses. Les teintes rouges, jaunes et bleues sont éclatantes, les contrastes sont à l’avenant, les détails élégants sur le cadre large et le piqué pointu. Quel plaisir de (re)découvrir les films de la Hammer dans ces conditions !

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. Le doublage de la piste française est soigné, avec notamment la présence au générique des immenses Claude Bertrand et Jean-Claude Michel. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Unversal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / J’embrasse pas, réalisé par André Téchiné

J’EMBRASSE PAS réalisé par André Téchiné, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Manuel Blanc, Philippe Noiret, Emmanuelle Béart, Hélène Vincent, Ivan Desny, Michèle Moretti…

ScénarioJacques Nolot, André Téchiné, Michel Grisolia

Photographie : Thierry Arbogast

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

L’histoire de Pierre qui vient de quitter son Sud-Ouest natal pour tenter fortune à Paris avec pour tout bagage un diplôme de brancardier, et un vague désir de devenir acteur. Il va sombrer dans la prostitution.

Même s’il n’a pas forcément brillé au box-office à sa sortie en novembre 1991 avec 472.000 entrées, ce qui le classe à la neuvième place dans le top 10 du réalisateur, J’embrasse pas d’André Téchiné est considéré à juste titre comme l’un de ses meilleurs et plus grands films. Inspiré de la vie du comédien et cinéaste Jacques Nolot, par ailleurs coscénariste, qui durant son adolescence avait rencontré et fréquenté Roland Barthes, dont est inspiré le personnage de Romain, magnifiquement incarné par Philippe Noiret, J’embrasse pas est empreint de lyrisme propre à la littérature française du XIXè siècle et foudroie le spectateur du début à la fin.

A peine majeur, Pierre Lacaze quitte ses Pyrénées natales pour monter à Paris avec l’idée de devenir comédien. Son seul contact est Evelyne, infirmière d’âge mûr et vieille fille, qu’il a connue alors qu’il était brancardier à Lourdes, et qui ne peut lui trouver d’autre emploi que plongeur à l’hôpital. C’est là qu’il rencontre Saïd, qui l’emmène dîner un soir chez son oncle Dimitri, vieil homosexuel lié à Romain Dumas, producteur d’émissions culturelles à la télévision fréquentant assidûment le monde des jeunes prostitués. Pierre se défie de cet homme et devient l’amant d’Evelyne, qui le cache de sa vieille mère infirme en le logeant dans une chambre sous les toits. Le soir, après le travail, il suit des cours d’art dramatique et s’y révèle peu talentueux, ne comprenant rien au monologue d’Hamlet. Evelyne, fort perturbée et ne se sentant pas aimée comme elle l’attendait, met un terme à sa relation avec le jeune homme, qui se retrouve à la rue. Dormant dans une gare, il s’y fait voler son sac. Démuni de tout, il cherche à se prostituer, mais ne peut finalement s’y résigner. C’est là, au Bois de Boulogne, que Romain l’aperçoit et lui propose de le suivre à Séville le temps d’un reportage. Mais, à peine arrivé, Pierre s’éclipse et rentre à Paris, où il reçoit la visite de son frère Serge, militaire en permission, et où cette fois il se prostitue réellement, sous le nom de… Romain. Un soir de rafle policière, il se laisse volontairement arrêter, car dans le fourgon cellulaire se trouve Ingrid, jeune prostituée précédemment aperçue, qui l’attire au plus haut point. Relâchés au matin, ils ébauchent une idylle que la jeune femme écourte sous la menace de son souteneur.

Avec sa mise en scène frontale, pourtant douce et caressante, André Téchiné dresse le portrait de son jeune personnage, sans porter de jugement, sans désir de réaliser un documentaire sur la prostitution, mais en se focalisant plutôt sur les étapes et rencontres – superbes Hélène Vincent et Roschy Zem – successives qui mènent Pierre vers cette alternative pour pouvoir survivre. Non seulement Pierre fait de son corps un instrument de survie, mais également de plaisir et de jouissance. André Téchiné accompagne Pierre dans sa découverte du vaste monde, un explorateur qui s’engage alors sur un territoire qu’il ne connaît pas et qui se trompe sur ses premiers désirs. Les désillusions font rapidement place au besoin primaire de manger, de dormir et de s’en sortir.

Le choix de confier le premier rôle à Manuel Blanc, qui n’avait alors aucune expérience est donc aussi intelligent qu’ambitieux, puisque le jeune comédien de 23 ans représente l’espoir et la virginité, dont les rêves et les fantasmes vont vite être ruinés. J’embrasse pas est un film certes sombre, mais néanmoins ponctué par des moments d’éclaircies, comme cette confrontation de Pierre avec Ingrid, interprétée par Emmanuelle Béart, au sommet de son art, de son aura érotique et de sa beauté avec son regard azur et sa perruque Louise Brooks. Mais même ce regard lumineux est au bord des larmes et témoigne des coups reçus.

Le récit initiatique de Pierre est difficile, à la fois pour le personnage, mais aussi pour le spectateur, notamment durant l’acte final où le destin se cristallise dans une séquence aussi inéluctable qu’insoutenable, qui tord alors l’estomac et marque encore profondément les esprits longtemps après, tout comme la composition du prolifique Philippe Sarde. Et malgré l’enfer vécu par Pierre, l’espoir demeure malgré tout puisque le film se clôt dans un baptême innocent et vertueux, où tous les horizons semblent possibles. Manuel Blanc a très justement été récompensé par le César du meilleur espoir masculin en 1992.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de J’embrasse pas, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et muet, reprend une partie du visuel de l’affiche originale.

Cette édition ne contient qu’un seul supplément, mais à ne pas manquer. Il s’agit de l’interview d’André Téchiné (28’), réalisée en 2004, pour la sortie en DVD de J’embrasse pas. Le cinéaste revient sur la genèse du film, né du projet avorté de réaliser un film français au Brésil, qui est finalement devenu un film aux thèmes « brésiliens » transposés en France. André Téchiné aborde ensuite ses intentions, l’écriture du scénario avec Jacques Nolot (basé sur son histoire personnelle, mais aussi sur certains témoignages), les conditions de tournage (l’histoire a été tournée dans sa continuité), le casting, l’évolution du personnage de Pierre et les partis pris.

L’Image et le son

J’embrasse pas nous parvient en Haute-Définition. La copie est propre, immaculée même, les contrastes très élégants font honneur à la très belle photo du chef opérateur Thierry Arbogast, marquée par des couleurs hivernales. Le grain original est heureusement respecté, le cadre large offre son lot conséquent de détails ciselés, la stabilité est de mise. En dehors de quelques sensibles pertes de la définition, ce Blu-ray s’avère solide et permet de redécouvrir J’embrasse pas dans des conditions très satisfaisantes.

Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Philippe Sarde jouit également d’un écrin phonique soigné. Dommage que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant soient indisponibles.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr