BUCK ET SON COMPLICE (Buck and the Preacher) réalisé par Sidney Poitier, disponible en DVD le 21 novembre 2016 chez Sidonis Calysta
Acteurs : Sidney Poitier, Harry Belafonte, Ruby Dee, Cameron Mitchell, Denny Miller, Nita Talbot, John Kelly…
Scénario : Ernest Kinoy
Photographie : Álex Phillips Jr.
Musique : Benny Carter
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 1972
LE FILM
Après la guerre de Sécession, Buck, un ancien sergent de la cavalerie de l’armée de l’Union, prend la tête d’un groupe d’esclaves affranchis voulant passer la frontière du Colorado. Dans ce groupe voyagent aussi sa femme et un pseudo pasteur dont la Bible truquée contient un revolver. Les voyageurs sont attaqués par des hordes d’anciens esclavagistes qui tentent de les renvoyer à leur misérable vie dans les fermes de Louisiane; Buck et ses compagnons devront faire preuve de courage pour parvenir à leur but ultime : s’installer dans une terre de promesses et connaître enfin une existence d’hommes libres.
Buck et son complice – Buck and the Preacher (1972), est le premier long métrage réalisé par l’immense comédien Sidney Poitier, même si le tournage avait été commencé par Joseph Sargent (L’Espion au chapeau vert, Les Pirates du métro et responsable plus tard de l’inénarrable Dents de la mer 4 – La revanche), rapidement remercié par les producteurs qui n’étaient pas satisfaits de son travail. Ce film issu de la célèbre vague dite de la Blaxploitation, réunit les deux comédiens afro-américains les plus célèbres, Sidney Poitier donc, et Harry Belafonte, tous les deux ayant été très actifs dans la lutte pour l’égalité des droits civiques aux États-Unis. Western atypique, mais intéressant, bien mené, drôle, violent, porté par le charisme et le talent des comédiens, notamment le jeu explosif d’Harry Belafonte, Buck et son complice se passe à la fin de la guerre de Sécession. L’esclavage est aboli, mais les Noirs restent privés de droits et de liberté. Nombreux partent vers l’Ouest, à la recherche de terres où ils seraient enfin libres. Mais de cruelles épreuves les attendent, notamment la chasse que leur font les rabatteurs de main-d’oeuvre, chargés de les ramener à leurs anciens maîtres. Buck et son complice est dédié « aux femmes, hommes et enfants en quête de liberté, dont les tombes sont aussi oubliées que leur rôle dans l’Histoire » indique un panneau en introduction.
Sidney Poitier fait preuve d’un indéniable talent de metteur en scène et s’en tire haut la main en ce qui concerne les scènes d’action et de fusillades, mais aussi pour instaurer une ambiance atypique, ici héritée du western italien dans l’usage systématique des zooms et des gros plans, y compris dans la partition aux accents très « morriconiens » (avec l’usage d’une guimbarde) de l’immense musicien de jazz Benny Carter. On ne s’ennuie pas une seconde dans cette histoire de traque où des bandits blancs à la solde de proprios terriens, désireux de mettre la main sur leurs anciens esclaves, n’hésitent pas à saccager, brûler, piller et tuer des convois entiers, afin d’obliger ces familles entières à rebrousser chemin et à retourner servir leurs anciens maîtres. Heureusement, ils peuvent compter sur Buck (Sidney Poitier), prêt à tout pour les aider à traverser l’Ouest, même s’il trouve sur son chemin un pasteur intrigant (Harry Belafonte) aux yeux exorbités et aux dents gâtés, qui se révèle être un as de la gâchette.
Buck et son complice joue avec les codes du genre, en offrant à son casting afro-américain des rôles forts, à travers lesquels s’insinue en filigrane le célèbre engagement politique des deux stars. Bien sûr, le film est un divertissement et le tandem n’hésite pas à tuer une dizaine, si ce n’est plus, de bad guys blancs particulièrement pourris, mais Poitier/Belafonte souhaitent montrer aux spectateurs que les comédiens afro-américains peuvent eux aussi interpréter des héros de l’Ouest, loin des clichés habituels qui voudraient que chaque personnage noir doive obligatoirement être un esclave, un valet ou une cuisinière. Ici, les deux sont armés de deux pétoires et n’hésitent pas à s’en servir pour se défendre ou pour récupérer ce qui leur appartient. Alors non, Quentin Tarantino n’a absolument rien inventé avec son Django Unchained dans lequel il ne fait que recycler encore les films qu’il aime. Buck et son complice est un film politique et incite à la réflexion tout en divertissant avec un aspect buddy-movie. Une très bonne surprise et à connaître donc.
LE DVD
Le test du DVD de Buck et son complice, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
En dehors de la bande-annonce et d’une courte galerie de photos et d’affiches, nous ne trouvons qu’une présentation du film par Patrick Brion (14′). Comme d’habitude, l’historien du cinéma démarre ce supplément en donnant quelques titres de westerns sortis la même année que le film qui nous intéresse, 1972, qui selon n’est pas une mauvaise année pour le genre. Ensuite, Patrick Brion replace Buck et son complice dans la Blaxploitation, évoque le réalisateur Joseph Sargent, très vite débarqué du tournage pour être finalement remplacé par Sidney Poitier. C’est l’occasion pour Brion de parler des comédiens, de leur filmographie et de leur combat pour l’égalité des droits civiques.
L’Image et le son
Le master présenté a été restauré. La copie est stable et propre, malgré des points blancs et poussières encore visibles. Le format 1.85 est respecté tout comme les partis pris esthétiques. Certaines séquences, apparaissent sensiblement plus granuleuses, mais la texture argentique est bien gérée. L’ensemble se tient avec notamment de très belles couleurs et des contrastes soignés y compris sur les séquences peu éclairées. La clarté est de mise et les détails ne manquent pas, surtout sur les paysages traversés par les personnages. Buck et son complice est un film très rare en France et la copie dénichée par Sidonis Calysta participe à sa résurrection dans l’Hexagone.
L’éditeur nous propose ici les versions originale et française restaurées en mono 2.0. Les mixages s’avèrent propres, dynamiques, et restituent solidement les voix et la musique, fluides, sans souffle. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas avec de belles ambiances naturelles. Les sous-titres français sont imposés sur cette dernière et le changement impossible à la volée. En version française, Sidney Poitier est doublé par le grand Serge Sauvion.