Test Blu-ray / Frissons d’horreur, réalisé par Armando Crispino

FRISSONS D’HORREUR (Macchie solari) réalisé par Armando Crispino, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin, Gaby Wagner, Massimo Serato, Ernesto Colli…

Scénario : Lucio Battistrada & Armando Crispino

Photographie : Carlo Carlini

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Rome, années 1970 – La capitale italienne subit un été caniculaire et une vague de suicides inexplicable. Ce climat anxiogène a des effets néfastes sur Simona Sanna, jeune légiste à la morgue. Surmenée, elle commence à être victime d’hallucinations. Dans le même temps, ses rapports avec son petit ami Edgardo Fiorini, photographe, se dégradent. C’est alors qu’elle rencontre Paul Lenox, un prêtre persuadé que sa soeur ne s’est pas suicidée comme on le lui affirme. Simona accepte de l’aider dans ses investigations.

On connaissait le réalisateur Armando Crispino (1924-2003) grâce à son premier long-métrage, Les Nuits facétieuses Le Piacevoli notti (1966), coréalisé avec Luciano Lucignani, porté par l’immense Vittorio Gassman, Gina Lollobrigida et Ugo Tognazzi. Un coup d’essai qui surfait sur la mode des comédies italiennes inspirées par le Moyen Âge, L’Armée Brancaleone et sa suite Brancaleone s’en va-t-aux croisades de Mario Monicelli, sans oublier Belfagor le Magnifique d’Ettore Scola cartonnaient dans les salles. Ancien assistant de Luigi Comencini (Les Volets clos, La Belle de Rome) et d’Antonio Pietrangeli (Le Célibataire, Souvenirs d’Italie, Les Époux terribles), Armando Crispino démarre donc en duo derrière la caméra, faux films à sketches, œuvre inégale, qui vaut bien plus pour le jeu de ses monstres survoltés et en pleine Commedia dell’arte, que pour ses qualités techniques. Mais le metteur en scène délaissera très vite ces farces médiévales et montrera son penchant pour diversifier les sujets. Suivront Johnny le bâtard, un western qui s’avère en fait une relecture de Dom Juan, avec John Richardson, le film de guerre Commandos avec Lee Van Cleef, d’après une histoire de Dario Argento et…Menahem Golan, mais c’est avec le giallo OvertimeL’Etrusco uccide ancora qu’Armando Crispino va réellement commencer à s’épanouir. Il dirige ensuite Barbara Bouchet dans L’Abbesse de Castro, adaptation de la nouvelle homonyme de Stendhal, avant de renouer avec le thriller en 1975. Ce sera Frissons d’horreurMacchie solari, connu également en France sous le titre La Victime, formidable opus du genre, qui se démarque autant par son style que de son récit, qui annoncent ni plus ni moins PhénomènesThe Happening (2008) de M. Night Shyamalan, en beaucoup plus réussi d’ailleurs. Giallo foncièrement original et mené de main de maître, Frissons d’horreur jouit aussi et surtout d’un atout de taille en la personne de la mythique Mimsy Farmer, la même année que La Traque de Serge Leroy, alors installée en Italie où elle a épousé l’écrivain et scénariste Vincenzo Cerami (La Vie est belle de Roberto Benigni). Magnétique comme toujours, la comédienne livre une prestation de haute volée, comme l’année précédente dans le fameux Le Parfum de la dame en noir Il Profumo della signora in nero de Francesco Barilli. A ne manquer sous aucun prétexte.

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Test Blu-ray / Un papillon aux ailes ensanglantées, réalisé par Duccio Tessari

UN PAPILLON AUX AILES ENSANGLANTÉES (Una farfalla con le ali insanguinate) réalisé par Duccio Tessari, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Helmut Berger, Giancarlo Sbragia, Evelyn Stewart, Silvano Tranquilli, Wendy D’Olive, Günther Stoll, Wolfgang Preiss, Lorella De Luca…

Scénario : Duccio Tessari, d’après une histoire originale de Gianfranco Clerici

Photographie : Carlo Carlini

Musique : Gianni Ferrio

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Une jeune étudiante française est assassinée dans un parc. Tous les éléments pointent vers un suspect, le notable Marchi et l’issue du procès semble inéluctable. Mais la rigueur du travail de la police se voit battue en brèche par l’avocat de la défense, le témoignage du petit ami de la victime… et bientôt un second meurtre.

A l’instar de Luciano Ercoli dans notre précédente chronique, nous ne retracerons pas le parcours et la carrière de son confrère Duccio Tessari (1926-1994) et nous vous invitons à relire nos articles sur Zorro et Le Retour du Ringo. L’ancien assistant de Mario Bonnard et Sergio Leone sur Les Derniers jours de Pompéi – Gli ultimi giorni di Pompei (1959), de Vittorio Cottafavi (1960) sur Messaline, de Vittorio Sala sur La Reine des Amazones – La Regina delle Amazzoni (1960), et scénariste sur Pour une poignée de dollars Per un pugno di dollari (1964) en est déjà à son quinzième long-métrage quand il entreprend Un papillon aux ailes ensanglantéesUna farfalla con le ali insanguinate. Connu en France sous le titre Cran d’arrêt, réalisé après le formidable Mort ou vif… De préférence mortVivi o preferibilmente morti avec Giuliano Gemma, Nino Benvenuti et Sydne Rome, qui posait les bases des futurs grands classiques immortalisés par Terence Hill et Bud Spencer, ce thriller surfe allègrement sur les gialli qui fleurissaient dans les salles de cinéma, non seulement italiennes, mais du monde entier. Dans le sillage du « giallo animalier » tracé par Le Chat à neuf queuesIl Gatto a nove code et L’Oiseau au plumage de cristalL’Uccello dalle piume di cristallo de Dario Argento, L’Iguane à la langue de feuL’Iguana dalla lingua di fuoco de Riccardo Freda et autres opus du genre aux titres emblématiques et facilement reconnaissables, Un papillon aux ailes ensanglantées débarque sur les écrans transalpins en septembre 1971. Soyons honnêtes, le film de Duccio Tessari vaut aujourd’hui bien plus pour sa forme que pour son récit il faut bien le dire peu enthousiasmant et passionnant, qui s’étire trop en longueur et qui commence réellement à devenir intéressant dans sa dernière partie, plus focalisée sur le personnage incarné par le légendaire Helmut Berger.

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Test Blu-ray / Photos interdites d’une bourgeoise, réalisé par Luciano Ercoli

PHOTOS INTERDITES D’UNE BOURGEOISE (Le Foto proibite di una signora per bene) réalisé par Luciano Ercoli, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Dagmar Lassander, Pier Paolo Capponi, Simon Andreu, Osvaldo Genazzani, Salvador Huguet, Nieves Navarro…

Scénario : Ernesto Gastaldi & Mahnahén Velasco

Photographie : Alejandro Ulloa

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Minou, jeune femme prude et insatisfaite, est mariée à l’industriel Peter. A l’opposé de Minou, son amie Dominique est une femme libre et sensuelle qui se livre à des jeux érotiques au cours desquels elle se photographie en compagnie d’amants. Accusant Peter de meurtre, un maître chanteur exige de Minou son corps pour prix de son silence.

Nous parlions il y a peu de temps de Luciano Ercoli (1929-2015), en raison de la sortie en Blu-ray de La Mort caresse à minuit La Morte accarezza a mezzanotte (1972) chez Artus Films. Nous n’aurons pas l’outrecuidance de retracer le parcours du réalisateur et nous vous invitons à relire notre précédente chronique. Nous irons donc à l’essentiel pour évoquer aujourd’hui son premier long-métrage, Photos interdites d’une bourgeoise Le Foto proibite di una signora per bene (1970), véritable coup de maître, non pas un giallo, mais un film à suspense, un thriller paranoïaque dans lequel le metteur en scène dévoile toute sa virtuosité et sa maîtrise de la grammaire cinématographique. Ne vous attendez surtout pas à des meurtres sanglants ou élaborés par quelques tueurs masqués munis d’une arme blanche, rien de tout ça ici, ce qui importe le plus étant l’ambiance oppressante, la science du cadre large (superbe), le rythme languissant (sans inspirer l’ennui) et l’excellence d’un casting solidement dirigé. Gros succès à sa sortie, qui avait d’ailleurs remis sur les rails la société de production du cinéaste, la PCM (autrement dit la Produzioni Cinematografiche Mediterranee), Photos interdites d’une bourgeoise peut se targuer d’avoir pris très peu de rides et reste un modèle du genre, ou allons-y carrément, une leçon de cinéma à part entière.

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Test Blu-ray / Maigret, réalisé par Patrice Leconte

MAIGRET réalisé par Patrice Leconte, disponible en DVD et Blu-ray le 23 juin 2022 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Gérard Depardieu, Jade Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément, Bertrand Poncet, Clara Antoons, Anne Loiret, André Wilms, Elizabeth Bourgine…

Scénario : Jérôme Tonnerre & Patrice Leconte, d’après le roman Maigret et la Jeune Morte de Georges Simenon

Photographie : Yves Angelo

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Maigret enquête sur la mort d’une jeune fille. Rien ne permet de l’identifier, personne ne semble l’avoir connue, ni se souvenir d’elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime…

En dehors de Jean Richard et de Bruno Cremer qui ont su marquer l’esprit des téléspectateurs en l’incarnant respectivement 23 ans et 14 ans, le Commissaire divisionnaire Maigret prend immédiatement les traits de Jean Gabin dans l’inconscient collectif concernant l’adaptation cinématographique des aventures du célèbre personnage créé par Georges Simenon. Le comédien l’aura interprété à trois reprises dans Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959) et Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963). Pourtant, Pierre Renoir (le premier Maigret du cinéma dans La Nuit du Carrefour de Jean Renoir, 1932), Harry Baur (La Tête d’un homme, 1932, de Julien Duvivier), Albert Préjean (Picpus, Les Caves du Majestic), Charles Laughton (L’Homme de la tour Eiffel, 1949, de Burgess Meredith) et même Michel Simon (Brelan d’as, 1952, d’Henri Verneuil), s’étaient entre autres déjà emparés de ce rôle mythique. Le commissaire Jules Maigret est un monument de la littérature mondiale. Créé en 1931 sous la plume de Georges Simenon, Maigret deviendra le héros de 75 romans et de 28 nouvelles écrits durant un peu plus de quarante ans, jusqu’en 1972. Après Jean Gabin, c’est au tour de l’italien Gino Cervi d’incarner le flic à la pipe dans Le Commissaire Maigret à Pigalle de Mario Landi (1966), mais aussi pour la petite lucarne, puis de l’allemand Heinz Rühmann dans Maigret fait mouche de Alfred Weidenmann, également sorti en 1966. Tout cela sans parler des transpositions à la télévision britannique avec tour à tour Rupert Davies, Michael Gambon et même Rowan Atkinson dans le rôle-titre. Quasiment soixante ans après Jean Gabin, qui d’autre que Gérard Depardieu pouvait se permettre de reprendre le flambeau ? Dans une archive, Georges Simenon décrivait ainsi sa « créature » « Il boit assez bien, (…) il aime beaucoup manger, (…). Maigret n’est pas un homme intelligent, il est uniquement intuitif, je dirais même que dans les tout premiers Maigret, il avait presque l’air bovin, c’est un type énorme, un peu pachyderme ». Qu’ajouter de plus ? Sobrement intitulé Maigret, le trentième long-métrage de Patrice Leconte, grand admirateur de Georges Simenon devant l’Éternel (on se souvient de Monsieur Hire), s’empare du roman Maigret et la Jeune Morte, prétexte pour plus se focaliser sur la personne du commissaire. Car Maigret est en effet moins une enquête policière qu’une radiographie complète du personnage. Le réalisateur observe son bloc de granite de 72 ans (au moment du tournage), le sculpte à la perfection en le faisant arborer la gabardine et sa pipe (même si dans ce cas précis, le toubib conseille à Maigret d’arrêter de fumer en raison de ses bronches encrassées) et le fait déambuler dans les rues parisiennes qu’il ne reconnaît plus, qui se transforment, tandis que lui-même commence à disparaître car devenu obsolète. Avant d’être définitivement absorbé par les pavés mouillés déchaussés comme les dents pourries d’un sans-le-sou, Maigret, rattrapé par l’âge, colosse aux pieds d’argile, ayant même perdu l’appétit, livre l’une de ses dernières enquêtes, tout en affrontant ses propres démons. Très grand film sur lequel plane également l’ombre du Dahlia noir de James Ellroy. Les amateurs de lecture noire et policière apprécieront, les autres aussi.

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Test Blu-ray / Adieu Monsieur Haffmann, réalisé par Fred Cavayé

ADIEU MONSIEUR HAFFMANN réalisé par Fred Cavayé, disponible en DVD et Blu-ray le 18 mai 2022 chez Orange Studio.

Acteurs : Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Nikolai Kinski, Mathilde Bisson, Anne Coesens, Jérôme Cachon, Guillaume Marquet…

Scénario : Fred Cavayé & Sarah Kaminsky, d’après la pièce de théâtre de Jean-Philippe Daguerre

Photographie : Denis Rouden

Musique : Christophe Julien

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages.

Pour elle (2008) et À bout portant (2010) font partie des plus grandes réussites du polar populaire français de ces quinze dernières années. Fred Cavayé a su d’emblée imposer une marque de fabrique, en proposant deux thrillers allant à fond la caisse pendant 1h30, sans temps mort, comme une véritable course contre-la-montre, en prenant modèle sur les films de genre américains. Après une participation au film à sketches Les Infidèles, son troisième long métrage Mea Culpa, qui réunissait les têtes d’affiches de ses précédents films, Vincent Lindon et Gilles Lellouche, a été une immense déception, tant critique que commerciale et s’est soldée par un échec retentissant. Fred Cavayé avait besoin de se refaire et a donc accepté Radin !, une oeuvre de commande. Chose faite, puisque Radin ! reste une des meilleures comédies avec Dany Boon, décidément toujours au top dans un film qu’il ne dirige pas, un très bon divertissement, qui avait attiré 3 millions de spectateurs au cinéma en 2016. Par la suite, le réalisateur signera un nouveau succès avec Le Jeu, remake de Perfetti sconosciuti de Paolo Genovese, comédie qui avait cartonné dans les salles italiennes et dont l’adaptation française allait connaître le même engouement. Remis sur les rails, Fred Cavayé revient une fois de plus en force avec Adieu Monsieur Haffmann, libre transposition de la pièce de théâtre du même nom de Jean-Philippe Daguerre, lauréate de quatre Molières en 2018, trois prix d’interprétation et le prix du meilleur spectacle du Théâtre Privé. Coécrit par le cinéaste et Sarah Kaminsky (Raid dingue, La Ch’tite famille, Break), ce drame psychologique en huis clos prend à la gorge du début à la fin, en traitant de façon originale de la collaboration des français sous l’Occupation. Magistralement interprété par le trio Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau, Adieu Monsieur Haffmann a rassemblé plus de 700.000 spectateurs à sa sortie dans les salles en janvier 2022.

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Test Blu-ray / Les Amants sacrifiés, réalisé par Kiyoshi Kurosawa

LES AMANTS SACRIFIÉS (Supai no tsuma – スパイの妻) réalisé par Kiyoshi Kurosawa, disponible en DVD et Blu-ray le 19 avril 2022 chez Arte Editions.

Acteurs : Yu Aoi, Issey Takahashi, Masahiro Higashide, Ryota Bando, Yuri Tsunematsu, Minosuke, Hyunri, Takashi Sasano…

Scénario : Ryusuke Hamaguchi, Kiyoshi Kurosawa & Tadashi Nohara

Photographie : Tatsunosuke Sasaki

Musique : Ryosuke Nagaoka

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2020

LE FILM

Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?

Quand Kiyoshi Kurosawa (Au bout du monde, Cure, Kaïro, Avant que nous disparaissions, Le Secret de la chambre noire, Vers l’autre rive, Shokuzai, Tokyo Sonata…) rencontre Ryusuke Hamaguchi (Drive My Car, Asako I & II, Senses). A l’écran tout du moins, puisque le second (tout comme le coscénariste Tadashi Nohara) aura été l’étudiant du premier à l’Université des Arts de Tokyo. Les deux maîtres du cinéma japonais se trouvent réunis sur la même affiche pour Les Amants sacrifiés, mis en scène par le prolifique Kiyoshi Kurosawa, dont la filmographie avoisine la soixantaine d’oeuvres (courts/longs-métrages et séries) et écrit par Ryusuke Hamaguchi, qui signe pour la première fois un scénario réalisé par un autre cinéaste. Cette association donne naissance à un sommet d’émotions, de sensibilité à fleur de peau et de délicatesse, une élégance racée aussi bien sur le fond comme sur la forme, qui convoque à la fois le cinéma britannique et américain des années 1940-50, avec une rigueur nippone, tout en s’inscrivant parfaitement à travers ses thèmes dans la filmographie de Kiyoshi Kurosawa, où le couple, les relations entre les hommes et les femmes sont la clé de voûte. Outre ses qualités exceptionnelles, Les Amants sacrifiés a été filmé en 8K. Pour vous donner une idée de la définition de l’image, le nombre de pixels est multiplié par 4 en comparaison de l’UHD dite traditionnelle, format souhaité, pour ne pas dire imposé par la NHK, l’unique groupe audiovisuel public au Japon, qui cherchait à financer la production d’un film tourné dans la ville de Kobe, en utilisant une caméra 8K comme médium. Si le procédé a tout d’abord fait peur au réalisateur, qui craignait une image lisse artificielle, diamétralement opposée à la texture attendue pour un film d’époque, par ailleurs son premier opus historique, Kiyoshi Kurosawa a été très vite rassuré en apprenant qu’il pouvait la retravailler en post-production. Si l’on peut déplorer quelques problèmes de rythme, sans doute trop languissant, Les Amants sacrifiés hypnotise et happe le spectateur pour l’emporter dans un tourbillon de sentiments du début à la fin, jusqu’au dernier plan, absolument bouleversant. Du grand art.

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Test Blu-ray / 13 Minutes, réalisé par Lindsay Gossling

13 MINUTES réalisé par Lindsay Gossling, disponible en DVD et Blu-ray le 6 avril 2022 chez AB Vidéo.

Acteurs : Amy Smart, Thora Birch, Sofia Vassilieva, Anne Heche, Paz Vega, Peter Facinelli, Laura Spencer, Trace Adkins…

Scénario : Lindsay Gossling, d’après une histoire de Travis Farncombe

Photographie : Steve Mason

Musique : Ariel Marx

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Alors qu’une nouvelle journée ordinaire commence pour les habitants de la petite ville américaine de Siren, la nature en a décidé autrement. Les habitants n’ont que 13 minutes pour trouver un abri avant que la plus grande tornade jamais enregistrée ne ravage la ville. Ils vont devoir se battre pour protéger leurs proches et lutter pour leur vie. Livrées à elles-mêmes pour faire face à la catastrophe, quatre familles doivent surmonter leurs différences et trouver en elles la force de survivre.

Le film de tornades appartient au genre catastrophe et a su livrer moult séries B et Z, qui ont contribué à fleurir les bacs de DVD chez Cash Express ou Easy Cash. Si l’opus le plus célèbre reste bien évidemment Twister de Jan de Bont, l’un des plus grands succès de l’année 1996, on ne compte plus les ersatz qui ont essayé depuis de reprendre les mêmes ingrédients, sans y parvenir, mais il faut bien l’avouer sans les mêmes moyens financiers non plus. L’un des derniers à avoir tenté de retrouver cette essence demeure Hurricane (2018) de Rob Cohen, une vraie série Z, laide à regarder, mais qui contre toute attente divertissait sans mal avec ses FX ratés, son interprétation neurasthénique et ses scènes d’action invraisemblables. 13 Minutes de Lindsay Gossling n’est pas du tout à ranger dans cette catégorie. Loin des Sharknado, de F6 Twister (Au coeur de la tornade et Christmas Twister pour les connaisseurs) dans lequel Casper Van Dien affrontait la nature en colère, ou bien encore de Stone Impact avec ses effets spéciaux rigolos réalisés avec un Amstrad 6128+ à cartouche, sans oublier les trucs du style Twister Apocalypse, Twister II : Extreme Tornado, Black Storm, Final Storm, voici enfin un film intelligent avec un cyclone en toile de fond, un premier long-métrage prometteur. Venue du documentaire, elle impose une réelle sensibilité à travers les portraits croisés de cette poignée de personnages, les habitants d’une petite bourgade, qui va être complètement rasée par une colossale tornade. Après avoir présenté ses protagonistes et les enjeux durant 55 minutes, les éléments naturels se déchaînent et les conséquences seront forcément cataclysmiques. Ce qui est loin d’être le cas de ce 13 Minutes, dont la mise en scène délicate, la réussite des effets visuels et l’excellence du casting emportent facilement l’adhésion.

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Test Blu-ray / La Victime désignée, réalisé par Maurizio Lucidi

LA VICTIME DÉSIGNÉE (La Vittima designata) réalisé par Maurizio Lucidi, disponible en DVD et Blu-ray chez Frenezy.

Acteurs : Tomás Milián, Pierre Clémenti, Katia Christine, Luigi Casellato, Marisa Bartoli, Ottavio Alessi, Alessandra Cardini, Christina Müller, Enzo Tarascio, Carla Mancini, Bruno Boschetti…

Scénario : Augusto Caminito, Fulvio Gicca, Maurizio Lucidi, Fabio Carpi, Luigi Malerba, Aldo Lado & Antonio Troiso

Photographie : Aldo Tonti

Musique : Luis Bacalov & New Trolls

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Publicitaire à la tête d’une entreprise lucrative, Stefano Argenti serait un homme heureux si sa femme, Louisa, dépressive et possessive, ne l’empêchait de réaliser une excellente opération en vendant sa société contre une forte somme d’argent. Cette dernière est en effet enregistrée au seul nom de Louisa. Stefano se console dans les bras de sa maîtresse, la modèle Fabienne. En escapade amoureuse à Venise, le couple d’amants rencontre un étrange dandy, le comte Matteo Tiepolo, qui devient rapidement un ami très proche et intime de Stefano. Un jour, Matteo lui propose un marché : il tue Luisa si celui-ci assassine son frère, une brute qui le tyrannise. Effrayé, Stefano refuse son offre. Mais Matteo révèle à Luisa que son mari la trompe mais qu’il détourne également l’argent de son entreprise. Après une dispute avec Stefano, Luisa est retrouvée morte. Matteo, qui l’a tuée, demande à Stefano de bien vouloir remplir sa part du marché, à savoir tuer son frère…

Voilà un giallo, ou plus précisément un thriller psychologique dont nous n’avions jamais entendu parler ! Nous devons cette résurrection à un nouvel éditeur vidéo indépendant, qui vient de s’installer sur la scène française, Frenezy. Pour l’une de ses deux premières sorties, l’éditeur a misé sur La Victime désignée La Vittima designata, réalisé par un certain Maurizio Lucidi durant l’hiver 1970-71. Et autant le dire immédiatement, c’est une belle baffe. Très largement inspiré par L’Inconnu du Nord-Express Strangers on a Train d’Alfred Hitchcock, sorti vingt ans auparavant, lui-même tiré en partie du premier roman policier de Patricia Highsmith, La Victime désignée compte pas moins de sept scénaristes, parmi lesquels se distinguent forcément le mythique Aldo Lado (Je suis vivant !, La Bête tue de sang froid), Augusto Caminito (Qui a tué le chat ? de Luigi Comencini, qui produira The King of New York d’Abel Ferrara), Antonio Troiso (Le Couteau de glace d’Umberto Lenzi, Les Sorcières du bord du lac de Tonino Cervi), ainsi que Fulvio Gicca Palli (Confession d’un commissaire de police au procureur de la République de Damiano Damiani). Cette impressionnante somme de talents débouche sur une histoire passionnante et anxiogène, qui tient en haleine du début à la fin et plonge les spectateurs dans une atmosphère poisseuse et pessimiste, renforcée par une magistrale utilisation des décors naturels, de Milan à Venise, en passant par le Lac de Côme. Et puis La Victime désignée réunit aussi deux immenses comédiens, qui venaient alors de se croiser l’année précédente sur Les Cannibales I Cannibali de Liliana Cavani, Tomás Quintín Rodríguez alias Tomás Milián (qui pousse également la chansonnette dans le générique de fin) et Pierre Clémenti, qui livrent deux prestations extrêmement troublantes, magnétiques et exceptionnelles. N’attendez plus et jetez-vous sur ce joyau « jaune ».

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Test Blu-ray / L’Oeil du labyrinthe, réalisé par Mario Caiano

L’OEIL DU LABYRINTHE (L’Occhio nel labirinto) réalisé par Mario Caiano, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 5 avril 2022 chez Artus Films.

Acteurs : Rosemary Dexter, Adolfo Celi, Horst Frank, Sybil Danning, Franco Ressel, Michael Maien, Benjamin Lev, Gigi Rizzi…

Scénario : Mario Caiano, Antonio Saguera & Horst Hächler

Photographie : Giovanni Ciarlo

Musique : Roberto Nicolosi

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

La jeune et jolie Julie suit une thérapie auprès de Luca, son psychiatre qui est aussi son amant. Une nuit, elle rêve qu’il se fait assassiner dans d’étranges conditions. Voulant lui faire le récit de son rêve, elle se rend chez Luca, qui demeure introuvable. A l’aide de l’agenda de son amant, elle se met à sa recherche, et va atterrir, après deux agressions, dans une villa luxueuse, parmi des gens troubles et excentriques.

Nous n’aurons jamais de cesse de nous replonger dans quelques filmographies d’artisans du septième art qui auront oeuvré toute leur vie pour le cinéma d’exploitation. C’est le cas de Mario Caiano (1933-2015), réalisateur de près d’une cinquantaine de longs-métrages, téléfilms et séries télévisées en quarante ans de carrière, parmi lesquels on peut citer en vrac : Mon nom est Shangaï Joe Il Mio nome è Shanghai Joe (1972), Un train pour Durango Un treno per Durango (1968), Les Amants d’outre-tombe Amanti d’oltretomba (1965), Ulysse contre Hercule Ulisse contro Ercole (1962), Le Signe de Zorro Il segno di Zorro (1963), Maciste et les 100 gladiateurs Maciste, gladiatore di Sparta (1964), Milano violenta (1976), Erik, le Viking Erik il vichingo (1965) ou bien encore Hold-up au centre nucléaire L’assalto al centro nucleare (1967). Retracer tous les opus de Mario Caiano, c’est faire un beau tour d’horizon des goûts des spectateurs au cinéma selon les époques, puisque le metteur en scène aura tout aussi bien abordé le péplum que le film d’aventures, le western, l’épouvante, l’Eurospy, le drame érotique et le poliziottesco. Et le giallo dans tout ça ? Évidemment ! Il s’agit de L’Oeil du labyrinthe L’occhio nel labirinto, sorti sur les écrans en 1972, coproduit par l’Italie et l’Allemagne de l’Ouest, que Mario Caiano coécrit avec Antonio Saguera et Horst Hächler. Un véritable fleuron du genre, qui compile tous les ingrédients espérés, qui les mélange, les cuisine, les mitonne avec un réel savoir-faire et qui tient en haleine du début à la fin. Concernant le dénouement, si nous ne le dévoilerons pas, il pourra sembler nawak à beaucoup encore aujourd’hui, mais cela fonctionne bien, car la révélation tant attendue est complètement assumée. Excellemment réalisé, L’Oeil du labyrinthe est un ride à la fois cruel et sensuel dans lequel on se perd volontiers et qui demeure une vraie référence.

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Test Blu-ray / La Baie du silence, réalisé par Paula van der Oest

LA BAIE DU SILENCE (The Bay of Silence) réalisé par Paula van der Oest, disponible en DVD et Blu-ray le 7 avril 2022 chez Metropolitan Video.

Acteurs : Claes Bang, Olga Kurylenko, Brian Cox, Assaad Bouab, Alice Krige, Caroline Goodall, Shalisha James-Davis, Litiana Biutanaseva…

Scénario : Caroline Goodall, d’après le roman de Lisa St Aubin de Terán

Photographie : Guido van Gennep

Musique : John Swihart

Durée : 1h34

Année de sortie : 2020

LE FILM

Will pense que sa femme Rosalind est innocente du meurtre présumé de leur fils, mais découvre que son passé la lie à un autre crime non résolu. Will est convaincu que sa femme, l’artiste Rosalind, n’est pas coupable de la mort de leur bébé. Il fait alors une découverte terrifiante qui dévoile une chaîne d’autres cas non résolus.

Étrange carrière que celle de la comédienne Olga Kurylenko (née en 1979)…Ceux qui comme votre serviteur l’avaient découverte au cinéma en 2005 dans L’Annulaire de Diane Bertrand, formidable transposition du roman de Yōko Ogawa, lui prédisaient un brillant avenir. Effectivement, celle-ci fut très vite remarquée et peu de temps après, l’ukrainienne incarnait une vampire dans le segment Quartier de la Madeleine du film collectif Paris, je t’aime, sous la direction de Vincenzo Natali, puis dans l’excellent thriller d’Éric Barbier, Le Serpent, aux côtés d’Ivan Attal et Pierre Richard. Après deux participations aux adaptations cinématographiques de jeux vidéos, Hitman de Xavier Gens d’un côté, Max Payne de John Moore de l’autre, elle devient carrément James Bond Girl dans (l’horrible) Quantum of Solace. On pouvait alors penser que cette carte de visite prestigieuse allait être le coup de pouce définitif, mais cela ne s’est pas passé comme prévu. L’actrice n’aura de cesse d’alterner les seconds rôles peu mémorables, les productions modestes et interchangeables (qui se souvient de Centurion de Neil Marshall ?), mais ne laissera pas passer sa chance d’être dirigé par un monument du cinéma comme Terrence Malick dans À la merveille To the Wonder (2012) ou de donner la réplique à une star internationale, en l’occurrence Tom Cruise dans Oblivion de Joseph Kosinki (2013). Petit à petit, elle se spécialise dans le cinéma d’action, destiné la plupart du temps au Direct-To-Video, comme The Courier de Zackary Adler, Code Mementum de Stephen S. Campanelli, The November Man de Roger Donaldson et The Expatriate de Philipp Stölzl. Un film se distingue tout de même, La Terre outragée de Michale Boganim (2011), première fiction autorisée à être tournée sur les lieux de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, drame intimiste saisissant qui relatait le lendemain de l’évènement. Si on peut éventuellement sauver Dans la brume (2018) de Daniel Roby et surtout The Room de Christian Volckman, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’Olga Kurylenko s’est souvent fourvoyée dans des projets de peu d’envergure. La Baie du silence The Bay of Silence ne relèvera malheureusement pas la moyenne, non pas en raison du jeu de l’actrice, qui s’en sort très bien ici, mais à cause d’une histoire abracadabrante, qui part dans tous les sens, à laquelle on croyait pourtant, mais qui s’avère rapidement très mal racontée par Paula van der Oest. On ne sait pas où la réalisatrice néerlandaise souhaite nous emmener et malgré un départ très intéressant, le spectateur finit par lâcher l’affaire, la faute à un récit qui s’éparpille.

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