Test Blu-ray / Dans le silence de l’ouest, réalisé par Daniel Barber

DANS LE SILENCE DE L’OUEST (The Keeping Room) réalisé par Daniel Barber, disponible en DVD et Blu-ray le 19 août 2021 chez Condor Entertainment.

Acteurs : Brit Marling, Hailee Steinfeld, Muna Otaru, Sam Worthington, Kyle Soller, Ned Dennehy, Amy Nuttall, Nicholas Pinnock…

Scénario : Julia Hart

Photographie : Martin Ruhe

Musique : Martin Phipps

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 2014

LE FILM

1865, dans le sud des États-Unis, en pleine Guerre de Sécession. Alors que les hommes sont appelés au front, Augusta, sa petite sœur Louise et leur esclave Mad, se retrouvent livrées à elles-mêmes dans la ferme familiale. La vie s’organise au mieux entre les trois femmes, jusqu’à l’annonce d’une menace imminente : une troupe de soldats sans foi ni loi, menée par le sergent Moses, pille et assassine tous ceux qu’ils croisent dans la vallée. Un seul choix s’impose à elles : prendre les armes pour repousser les assaillants…

Du réalisateur britannique Daniel Barber (né en 1965), on ne connaît que ses deux œuvres précédentes, son court-métrage The Tonto Woman, nommé à l’Oscar en 2008, et surtout son premier long-métrage, Harry Brown, avec Michael Caine, dans lequel le comédien prenait les armes pour devenir – après avoir incarné Alfred dans la triste trilogie de Christopher Nolan – à son tour un chevalier noir tuant tour à tour les petites frappes de sa cité qui ont tué son meilleur ami. Un thriller à la moralité plus que douteuse, chaînon manquant entre Un justicier dans la ville et À vif, où la star anglaise paraissait fatiguée à flinguer autant les dealers que sa fin de sa carrière. Depuis, plus de nouvelles du cinéaste. Pourtant, cinq ans après Harry Brown, celui-ci repassait derrière la caméra pour un western haut de gamme intitulé Dans le silence de l’ouest The Keeping Room, film annoncé dès 2012 avec Olivia Wilde. Quelques mois plus tard, la comédienne quitte le projet et se voit remplacer par Brit Marling. Entièrement tourné en Roumanie durant l’année 2013, Dans le silence de l’ouest avait ensuite disparu des radars. Il est temps aujourd’hui d’en parler puisque le film de Daniel Barber connaît enfin une exploitation en DVD et Blu-ray en France, en espérant que les passionnés de westerns et de home-invasion se ruent dessus très vite, puisqu’il s’agit d’un très grand cru, aussi percutant que The Salvation (2014) de Kristian Levring, Bone Tomahawk (2015) de S. Craig Zahler, Brimstone (2016) de Martin Koolhoven et Never Grow Old (2019 d’Ivan Kavanagh. Autant dire de belles références auxquelles vous pouvez d’ores et déjà ajouter The Keeping Room.

Parfois, nous n’arrivons pas à comprendre comment des films d’une telle qualité puissent se retrouver privés d’une sortie dans les salles, pour se paumer quelque part dans les DTV après de longues années d’errance. Dans le silence de l’ouest est indiscutablement un grand western, féminin et féministe, sans discours appuyé ou planté au marteau piqueur dans le crâne des spectateurs. Juste un hommage vibrant aux femmes fortes, d’hier et d’aujourd’hui, qui attendent patiemment que leurs hommes, fils et époux, appelés sur le front d’une guerre lointaine, rentrent à la maison, si tant est que cela soit possible. S’il existe plusieurs rôles principaux dans The Keeping Room, Daniel Barber a confié celui d’Augusta, jeune femme vierge, sœur aînée de Louise, à Brit Marling. Comédienne rare, découverte dans l’hypnotique Another Earth (2011) de Mike Cahill, qu’elle avait également écrit, elle apparaît ensuite dans le très bon Arbitrage de Nicholas Jarecki (Crisis), aux côtés de Richard Gere, l’excellent The East (2013) de Zal Batmanglij, dont elle signait aussi le scénario. Avant de créer et d’écrire la série The OA pour Netflix, où elle interprète l’Ange Originel, Brit Marling crevait à nouveau l’écran dans Dans le silence de l’ouest, à ce jour sa dernière apparition au cinéma. Sa beauté diaphane, son hypersensibilité et son jeu magnétique foudroient une fois de plus le spectateur du début à la fin.

Comme l’indique le titre français (étrange d’ailleurs, puisque l’action se déroule dans l’est…), la mise en scène de Daniel Barber ne craint pas de réduire au maximum les répliques des personnages, appuyant ainsi les jours qui passent, le même labeur des femmes qui recommence chaque fois du lever du soleil jusqu’au coucher. Les deux autres protagonistes sont aussi remarquablement incarnés par Hailee Steinfeld, révélation de True Grit (2010) de Joel et Ethan Coen, ici dans le rôle de Louise, et Muna Otaru, que certains auront vu depuis dans la minisérie Broken, avec Sean Bean, sublime dans le rôle de Mad, l’esclave afro-américaine des deux soeurs. Toutes les trois forment comme qui dirait un Cerbère, qui ne garde pas ici l’entrée des Enfers, mais qui va tenir tête à un tandem de criminels, deux soldats cinglés qui ont probablement déserté l’armée de l’Union (les Nordistes) qui approche à grands pas, alors que la Guerre de Sécession est sur le point de finir. Si Kyle Soller, Henry dans le film, interprété par Kyle Soller, n’est guère connu, mais gagne à l’être tant celui-ci s’avère bien flippant, le second tueur est quant à lui incarné par Sam Worthington, que nous n’avions pas vu aussi bon depuis longtemps. Foncièrement ambigu, ultra-violent, complètement paumé, Moses (Moïse donc) semble être devenu une des victimes de la guerre, après avoir été imprégné quotidiennement par le sang et les massacres, au point d’avoir perdu sa propre identité, errant dans le sud-est des Etats-Unis comme une âme en peine déambulant dans un purgatoire, en attendant peut-être l’expiation, en ayant aucun doute quant à sa destination finale, près du Diable.

Daniel Barber joue sur l’attente, avec les nerfs des spectateurs donc, à travers une tension qui ne faiblit jamais, en montrant les travaux des femmes, soudainement parasités par un accident (la morsure d’un raton laveur) qui va contraindre Augusta à prendre son cheval, pour aller chercher de quoi soigner sa sœur. C’est alors que le destin place sur sa route Moses et Henry, qui depuis leur semi-désertion (ils déclarent être des boomers, des soldats envoyés en éclaireurs afin de chercher de la nourriture), passent leur temps à piller, à tuer et à violer. La nuit suivante, les deux hommes arrivent à la maison d’Augusta. Les trois femmes n’auront d’autres choix que celui de prendre les armes et de se défendre comme elles le peuvent.

De par sa magistrale réussite plastique, l’intensité d’un casting exceptionnel, la beauté de la photographie du surdoué Martin Ruhe (Control d’Anton Corbijn, La Comtesse de Julie Delpy, Night Run de Jaume Collet-Serra), sans oublier celle de la musique de Martin Phipps et des décors naturels, Dans le silence de l’ouest mérite très largement l’attention des cinéphiles, qui sauront lui réserver un accueil chaleureux. Le bouche-à-oreille devrait faire son office.

LE BLU-RAY

Il était temps ! On se demandait depuis de nombreuses années, si un éditeur français allait se décider à nous offrir Dans le silence de l’ouest en DVD et Blu-ray. C’est désormais chose faite et le film de Daniel Barber atterrit dans la musette de Condor Entertainment, en édition Standard, ainsi qu’en Haute-Définition. Visuel attractif, qui oublie malheureusement la comédienne Muna Otaru…certains vont encore gueuler…Le menu principal est animé et musical.

Cette édition comporte un making of (11’) composé uniquement d’interviews des comédiens et d’images de tournage. C’est très axé promo, avec une succession de concours de louanges, de superlatifs et de « Amazing », mais certains propos, ceux de Brit Marling surtout, se démarquent du tout-venant. Les sous-titres français sont incrustés à l’image.

L’Image et le son

Entièrement tourné avec la caméra numérique Arri Alexa, Dans le silence de l’ouest passe le cap de la HD sans trop de difficultés, même si on pouvait espérer un piqué plus incisif. Format respecté 1.85, Blu-ray au format 1080p (AVC). Le boulot du directeur de la photographie Martin Ruhe (déjà à l’oeuvre sur Harry Brown de Daniel Barber et le génial The American d’Anton Corbijn) est élégamment restitué ici. Les nombreuses séquences sombres du film sont très bien rendues, stylisées et raffinées, de jour (le chef opérateur fait la part belle aux éclairages naturels) comme de nuit (noirs denses, des teintes presque désaturées), l’ensemble trouvant en HD un écrin indispensable pour apprécier toute la richesse formelle du film. Les détails manquent sans doute un peu à l’appel, même si les gros plans sont précis.

L’immersion est en adéquation avec le ton du film, tant en anglais qu’en français, les deux langues bénéficiant des pistes DTS-HD Master Audio 5.1. Même si les ambiances latérales s’avèrent discrètes, elles participent quand même à l’environnement inquiétant et trouble de Dans le silence de l’ouest. L’ensemble est fluide et naturel, l’ouverture frontale souvent saisissante. Sans surprise, la version originale l’emporte sur son homologue du pont de vue homogénéité. Évoquons brièvement la Stéréo française, vive et riche, qui satisfera amplement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français sont imposés sur la version anglaise et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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