Test Blu-ray / Le Meurtrier, réalisé par Claude Autant-Lara

LE MEURTRIER réalisé par Claude Autant-Lara, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 28 octobre 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Marina Vlady, Robert Hossein, Maurice Ronet, Yvonne Furneaux, Gert Fröbe, Paulette Dubost, Jacques Monod, Harry Mayen…

Scénario : Jean Aurenche, d’après le roman de Patricia Highsmith

Photographie : Jacques Natteau

Musique : René Cloerec

Durée : 1h52

Date de sortie initiale : 1963

LE FILM

Walter est marié à Clara, femme d’une nervosité excessive, qui lui rend la vie impossible. Un jour, Clara est retrouvée morte, par suite d’une chute dans un précipice. Walter se sent responsable de ce suicide. N’a-t-il pas dit à Clara qu’il voulait divorcer pour épouser Éllie, l’amie de sa femme ? Mais Clara s’est-elle bien suicidée ? Walter affirme à Éllie qu’il est innocent. Elle l’aime et voudrait le croire, et pourtant… N’a-t-il pas toutes les coupures sur la mort violente d’une autre femme, l’épouse du libraire, retrouvée assassinée au même endroit…

Claude Autant-Lara (1901-2000). Près de 55 ans de carrière, autant de films (courts et longs-métrages compris), plus de cinquante millions d’entrées, son plus grand succès au box-office restant La Jument verte (1959), dont la sortie s’était accompagnée de scandale, d’une interdiction dans certaines villes ou aux spectateurs âgés de moins de 21 ans. Quelques titres en vrac ? Sylvie et le fantôme, Le Diable au corps, L’Auberge rouge, Le Blé en herbe, Le Rouge et le Noir, La Traversée de Paris, En cas de malheur, Le Comte de Monte-Cristo, Les Patates, Le Franciscain de Bourges et tellement d’autres…Si certains le réduisent malheureusement à son rapprochement du Front National après avoir mis un terme à sa carrière à la fin des années 1970, Claude Autant-Lara est et demeure un des réalisateurs français les plus importants de l’après-guerre. Maintenant, il est vrai que ses derniers longs-métrages ne sont pas ceux qui reviennent le plus en mémoire et ce malgré un succès qui ne s’est jamais démenti, comme le triomphe de Journal d’une femme en blanc (1965) avec Marie-José Nat et Claude Gensac. Tout au long de sa vie professionnelle, Claude Autant-Lara n’aura eu de cesse d’expérimenter au cinéma, d’utiliser les nouvelles possibilités techniques mises à sa disposition. Parmi ses dix derniers opus, Le Meurtrier, qui s’était soldé sur un semi-échec (à peine un million de billets vendus), apparaît comme un pur film de mise en scène. Du début à la fin, avec parfois une économie de dialogues (surtout dans la première partie), le cinéaste s’empare d’un roman de Patricia Highsmith (L’Inconnu du Nord-Express, Plein soleil) et en restitue la mécanique quasi-mathématiques avec une réelle virtuosité. Même si tout n’est pas réussi, notamment un surjeu de quelques comédiens, Le Meurtrier n’en reste pas moins impressionnant et déroutant en ce qui concerne le portrait dressé d’un flic schizophrène aux méthodes expéditives, magistralement incarné par Robert Hossein, qui vole la vedette à chaque apparition.

Deux crimes, qui présentent de mystérieuses analogies, inquiètent la police. Un vieux libraire allemand, dont la jalousie est légendaire, est soupçonné du meurtre de sa femme, trouvée assassinée près de la voie ferrée. Aucune preuve formelle n’ayant pu être établie, l’affaire est, provisoirement du moins, classé. Peu de temps après, une très jeune femme est découverte morte, dans le ravin, près de la gare des autocars. Son mari, présumé coupable, est un client du libraire (fait qu’ils nient tous les deux pour des raisons personnelles). Toutes les preuves vont, peu à peu, s’accumuler, dans cette seconde affaire, sur la tête de ce jeune client, dont les relations avec l’Allemand restent une énigme pour la police. Dans quelle mesure ces deux crimes peuvent-ils être liés ? Qui est coupable ? A quel niveau se situe la culpabilité ? Le voile des apparences est habilement et cruellement soulevé.

Le bémol du Meurtrier provient sans doute des dialogues de temps de temps sensiblement pompeux de Pierre Bost, qui apparaissent redondants avec les événements par ailleurs savamment orchestrés par Jean Aurenche, grands collaborateurs de Claude-Autant Lara depuis la fin des années 1930. On pourra aussi tiquer devant l’emphase d’Yvonne Furneaux (Le Scandale de Claude Chabrol, Femmes entre elles de Michelangelo Antonioni, La Malédiction des pharaonsThe Mummy de Terence Fisher, La Dolce vita de Federico Fellini), qui tape sur les nerfs (on comprend facilement l’épuisement de Walter…), mais heureusement celle-ci disparaît rapidement. Maurice Ronet, la même année que Le Feu follet de Louis Malle, paraît parfois en dehors du film, même si ce côté « décalé » sied finalement au personnage, que l’on sent au bord de la folie et dont l’existence va prendre un tournant inattendu lors de la rencontre avec l’imposant Melchior Kimmel. Ce dernier a froidement assassiné son épouse (la grande Paulette Dubost) dans la scène d’introduction et dont l’alibi élaboré sera écorné par Walter, qui se demande s’il ne va pas lui-même procéder de la même façon pour se débarrasser de sa femme encombrante. C’est l’ogre Gert Fröbe, un an avant de camper Auric Goldfinger dans la troisième aventure cinématographique de James Bond, qui joue le Kimmel en question et en fait d’ailleurs un peu trop dans la psyché vraisemblablement perturbée et le regard cinglé dissimulé par des lunettes à triple foyer.

Si les diverses confrontations entre les deux ne manquent pas de sel, Le Meurtrier prend une autre tournure dès l’apparition de Robert Hossein, parfait dans la peau de l’inspecteur Corby. Vicieux, violent, pervers, n’hésitant pas à humilier celui qu’il pense être coupable (sans forcément de preuves à l’appui), usant du poing et d’un langage fleuri, Corby est comme qui dirait un parent lointain (mais pas tant que ça) de l’inspecteur Harry. Des séquences particulièrement éprouvantes, qui soixante ans après font encore un effet saisissant. Marina Vlady, 25 ans, ex-compagne de Robert Hossein, possédait déjà une filmographie conséquente (André Cayatte, Christian-Jaque, Alberto Lattuada, Michel Deville, Pierre Gaspard-Huit…) et marque par sa présence lumineuse.

Solidement épaulé par son fidèle associé Jacques Natteau (Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois, Un drôle de dimanche de Marc Allégret), qui sublime sans cesse et exploite à merveille le cadre large, tandis que René Cloërec, également proche de Claude-Autant Lara, signe une remarquable partition mystérieuse. On oublie donc les quelques faiblesses susmentionnées (y compris un dénouement prévisible), car Le Meurtrier demeure une vraie proposition de cinéma doublée d’un solide thriller psychologique.

LE DIGIPACK

Après Pétrus, Martin Roumagnac et Adorables créatures, voici Le Meurtrier de Claude Autant-Lara, quatrième titre de la dixième vague concoctée par Coin de Mire Cinéma. Nous espérons vous parler prochainement du Ciel est à vous (1944) de Jean Grémillon, L’Air de Paris de Marcel Carné (1954), Notre Dame de Paris (1956) de Jean Delannoy et Du rififi à Paname (1965) de Denys de La Patellière ! Il s’agit ici d’un titre totalement inédit.

L’éditeur a d’ores et déjà annoncé près de trente de titres à venir (La Table aux crevés de Henri Verneul, La Vierge du Rhin de Gilles Grangier, Tout l’or du monde de René Clair, Monsieur de Jean-Paul Le Chanois, Le Drapeau noir flotte sur la marmite de Michel Audiard, Julie pot de colle de Philippe de Broca, Le Tonnerre de Dieu de Denys de La Patellière) et même L’Homme de Rio en combo 4K UHD/Blu-ray !. Chaque titre est annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet sur le site de l’éditeur et dans certains magasins spécialisés.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Claude Autant-Lara, avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, des photos promotionnelles, de l’affiche allemande, du dossier de presse allemand et italien…Le menu principal est fixe et musical.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film (ici celle des Bonnes causes), puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

Allons faire un petit tour en cette deuxième semaine de l’année 1963 ! Les journaux des actualités (10’) proposent tout d’abord un portrait du signe astrologique de saison, le capricorne, avec une petite apparition de Robert Lamoureux (né un 4 janvier). Puis, on passe aux choses sérieuses avec la confusion au Katanga (province de la république démocratique du Congo), ou plus légères avec des images du nouvel an fêté à Londres. Place à un micro-trottoir parisien où un journaliste est allé voir les passants pour leur demander s’ils savaient ce qu’est la force de frappe (ou la force de dissuasion nucléaire française) et le missile balistique Polaris. Direction la Sardaigne, où deux touristes britanniques ont été assassinés et où un bandit présumé tente d’échapper aux autorités. On termine par l’intervention d’un individu proclamant détenir la véritable Joconde (celle prêtée récemment à la ville de New York serait donc une fausse), sans oublier la présentation d’une jeune chanteuse, Françoise Hardy, qui vient tout juste de connaître un triomphe avec son premier tube, Tous les garçons et les filles…

Les réclames de l’année 1963 (8’30) compilent les spots consacrés aux bonbons Pschitt, aux chocolats Sambo et Crunch, aux gâteaux de l’Alsacienne, au téléviseur Philips (« 65 centimètres, incomparable et stabilité de l’image ! »), aux jus de fruits du Postillon, au café Griff et aux tricots en Dralon !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du Meurtrier et sur celles des films disponibles dans la dixième vague Coin de Mire Cinéma.

L’Image et le son

Une fois de plus, Coin de Mire Cinéma et le laboratoire VDM ont mis les petits plats dans les grands pour nous offrir une qualité d’image exceptionnelle. Dès la première image, le master restauré 4K à partir du négatif original et le cadre large impressionnent avec des contrastes magnifiques, une restauration extraordinaire et une stabilité irréprochable, sans oublier l’intense luminosité des scènes diurnes. La richesse du N&B laisse pantois, le relief est palpable y compris sur les séquences en intérieur, les noirs sont d’une densité absolue et les blancs sont immaculés. La texture argentique est élégante, le piqué est exceptionnel et les détails abondent à chaque coin de l’écran.

La piste DTS-HD Master Audio mono offre de fabuleuses conditions acoustiques. La belle musique de René Cloerec dispose de belles envolées, aucun souffle intempestif n’est à signaler, les dialogues demeurent clairs et distincts. L’éditeur joint les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / TF1 Studio / Corona Films / Sancro Films / Yves Mirkine / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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