Test DVD / Photo-souvenir, réalisé par Edmond Séchan

PHOTO-SOUVENIR réalisé par Edmond Séchan, disponible en DVD le 18 octobre 2022 chez Inser & Cut Production.

Acteurs : Jean-Claude Carrière, Vania Vilers, Bernard Le Coq, Danièle Aymé, Ginette Tacchella, Jean-Paul Venel, Marie-Claude Deviègue, Maurice Santal, Edmond Séchan…

Scénario : Jean-Claude Carrière & Edmond Séchan

Photographie : Guy Delattre

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h20

Date de diffusion initiale : 1978

LE TÉLÉFILM

Le professeur Quissard, spécialiste des transplantations cardiaques, est préoccupé par le sort de son ami qui doit recevoir une greffe du coeur. Il compte sur les accidents du week-end pour trouver un donneur. Entre ses mains, un appareil photo qui livre des images du futur…

En 1978, la même année que Le Franc-tireur de Maurice Failevic, Jean-Claude Carrière écrivait et interprétait cette fois Photo-souvenir. Également créé pour la petite lucarne, ce téléfilm fantastique n’a absolument rien à envier à des titres contemporains du style Time Lapse de Bradley King, dont l’histoire et le gimmick sont très proches. Photo-souvenir s’inscrit dans le cadre du programme Cinéma 16, une collection de téléfilms produits de 1975 à 1991 par FR3 et créée par Jack Jacquine, scénariste de La Cage de Pierre Granier-Deferre. Si certains réalisateurs de renom participeront à l’aventure comme Denys de La Patellière, Jean-Paul Le Chanois, Nina Companeez, Josée Dayan, Georges Franju, Édouard Molinaro et Joël Seria, d’autres moins connus se feront remarquer, à l’instar d’Edmond Séchan (1919-2002). Ce dernier fera essentiellement sa carrière en tant que directeur de la photographie, officiant chez Georges Lautner (Joyeuses Pâques), Henri Verneuil (Les Morfalous), Yves Ciampi (Le Ciel sur la tête), Claude Pinoteau (La Boum, La Septième cible), Gérard Oury (La Carapate), Jacques-Yves Cousteau (Le Monde du silence) et Philippe de Broca (L’Homme de Rio). Après divers courts-métrages (dont Le Haricot, récompensé au Festival de Cannes), il passe le cap du long format en 1960 avec L’Ours, dirige Jean Rochefort et Julien Guiomar dans Pour un amour lointain (1968), écrit par Jean-Claude Carrière (1969), dont le chef opérateur sera Edmond Séchan. Dix ans plus tard, les deux hommes se retrouvent donc pour Photo-souvenir, nommé au 6e festival d’Avoriaz et qui sera diffusé pour la première fois le 10 mai 1978 sur la troisième chaîne. Une grande découverte en ce qui nous concerne et dont la sortie en DVD devrait faire de nouveaux aficionados auprès des cinéphiles et passionnés de genre.

Un célèbre chirurgien, le Professeur Quissard, spécialiste des transplantations cardiaques, cherche un donneur dont il prélèvera le coeur pour le greffer à son meilleur ami François, hospitalisé dans son service. Le chirurgien met son espoir dans les chauffards victimes du prochain week-end. Le hasard met alors entre ses mains un appareil photographique à développement automatique, animé d’une vie propre. A l’occasion d’une photo de famille, le Professeur Quissard découvre stupéfait que cet appareil semble avoir quelque chose d’important à lui communiquer. La découverte de cet objet animé d’une vie propre bouleverse totalement l’existence du scientifique…

Jean-Claude Carrière et Edmond Séchan abordent le genre fantastique avec premier degré, sérieux, sans une once d’humour, avec une rigueur étonnante doublée d’une sobriété formelle qui crée un décalage inattendu quand le surnaturel s’immisce dans la vie du personnage principal. Photo-souvenir repose avant tout sur l’intense interprétation de Jean-Claude Carrière, qui on ne le dira jamais assez était aussi un formidable comédien. Dans ce téléfilm, il en impose d’emblée dans la peau d’Henri Quissard, inspiré par le chirurgien Christian Cabrol, qui avait réalisé la première transplantation cardiaque dix ans auparavant à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Visage fermé, voix basse, plongé dans un quotidien forcément très ordonné, cartésien, scientifique et froid, ce professeur va voir son existence bouleversée quand un appareil photographique instantané dernier cri arrive entre ses mains et commence à éditer des polaroïds étranges, qui paraissent prévoir quelques événements qui se dérouleront dans un futur proche. Une intelligence artificielle semble à l’oeuvre, mais dépourvue de la parole, celle-ci utilisera les moyens mis à sa disposition pour entamer un dialogue avec Quissard.

Edmond Séchan et Jean-Claude Carrière ne se facilitent pas la tâche et signent un scénario ambitieux, un niveau d’exigence qui serait inconcevable aujourd’hui à la télévision, n’hésitant pas à faire perdre leurs repères aux téléspectateurs, à l’instar de L’Alliance de Christian de Chalonge, écrit quelques années avant par Jean-Claude Carrière, qui bifurquait progressivement en pleine science-fiction. Les temporalités s’interpénètrent, comme ce fameux truc du cauchemar dans le cauchemar, où un personnage est obligé de se réveiller à plusieurs reprises pour en sortir. Brillant conteur, sans nul doute l’un des meilleurs de toute l’histoire du cinéma et de la télévision, Jean-Claude Carrière va au bout de son postulat de départ, l’étrangeté du récit étant appuyée par la composition du maestro Georges Delerue, dont la partition n’est pas sans rappeler celle de Police Python 357 d’Alain Corneau.

La distribution compte aussi la participation du toujours impeccable Bernard Le Coq, pour la première fois dans une production télévisée (juste avant Le Franc-tireur), l’épatant Vania Vilers (Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais). Mais il est vrai que nous n’avons souvent d’yeux que pour Jean-Claude Carrière, qui crève l’écran et parvient à entraîner l’audience dans son sillage, au fil d’un suspense savamment entretenu. La dernière séquence et l’ultime image de Photo-souvenir s’inscriront probablement définitivement dans la mémoire de celles et de ceux qui se laisseront emporter dans ce dédale temporel kafkaïen passionnant, qui leur rappellera peut-être Lost Highway (1997) de David Lynch. Si ça ne vous donne pas envie, on ne peut plus rien faire pour vous !

LE DVD

Photo-souvenir est le huitième numéro de la collection Ciné-club TV, éditée par Inser and Cut Production, dont nous vous reparlions dernièrement à l’occasion de la sortie en DVD de L’Alliance de Christian de Chalonge. Une édition collector, puisque la galette propose aussi un deuxième téléfilm écrit par Jean-Claude Carrière, Lundi, que nous évoquons plus bas. Le DVD à la sérigraphie très soignée est solidement ancrée dans un Slim Digipack. Le menu principal est fixe, avec quelques dialogues du téléfilm en fond sonore. Le DVD est disponible à la vente sur le site de l’éditeur, en cliquant sur ce lien.

Nous trouvons donc un téléfilm en guise de supplément, également réalisé par Edmond Séchan et écrit par Jean-Claude Carrière, avec cette fois encore Georges Delerue à la baguette, Lundi (1980, 1h20), produit aussi pour l’anthologie Cinéma 16. Un lundi à Pigalle, un homme se réveille sur un banc public. Amnésique, l’homme commence à enquêter sur lui-même, cet inconnu dont tout indique qu’il provient d’un milieu relativement aisé. Lors de cette journée particulière, il est aidé par une charmante strip-teaseuse qui l’accompagne dans sa quête… Et si l’oubli permettait de rompre avec le quotidien et ses conventions sociales ? Outre la savoureuse prestation de Bernard Le Coq, nous retiendrons la présence de la magnifique Françoise Dorner (Flic Story de Jacques Deray, Le Jumeau de Yves Robert), celle du légendaire Pierre Etaix (dans la peau de…Madame Irma), ainsi qu’un aspect documentaire sur la ville de Paris au début des années 1980, et plus particulièrement du quartier de Pigalle, où habitait Jean-Claude Carrière, où l’on trouvait aussi le cinéma Agora, planté entre deux sex-shops, qui projetait ici Bruce Lee the Invincible. Version non restaurée, mais master fort convenable.

En ce qui concerne les autres bonus, nous trouvons une présentation de Gabrielle Trujillo, auteure, essayiste, critique et directrice de la Cinémathèque de Grenoble qui croise ici les deux films qui nous intéressent aujourd’hui, Photo-souvenir et Lundi (33’). Elle revient sur « l’homme très curieux qu’était Jean-Claude Carrière », évoque brièvement son parcours étonnant, ses origines paysannes, son parcours (dont la rencontre avec Pierre Etaix), ses plus grandes collaborations, avant d’aborder son travail conséquent pour la télévision, dont Photo-souvenir et Lundi. C’est l’occasion pour Gabrielle Trujillo de parler d’Edmond Séchan, réalisateur des deux téléfilms, puis des thèmes, du genre fantastique, du grand succès rencontré par Photo-souvenir (qui connaîtra plusieurs diffusions), lds éléments de la tragédie présents dans les deux téléfilms, marqués selon elle par une unité de temps et de lieu.

L’autre entretien se déroule en compagnie de Jean-Claude Carrière (2017, 20’). Celui-ci s’exprimait sur son travail pour la télévision, en précisant « je n’ai jamais fait de hiérarchie dans l’expression, pour le cinéma, la télévision ou la littérature, car je mets chaque fois tout ce que je peux en m’adaptant aux possibilités du tournage, même si en moyenne je suis plus satisfait de mon travail pour la télévision où on avait une vraie liberté d’écriture ». Jean-Claude Carrière abordait ensuite ses collaborations avec Edmond Séchan, en précisant que Lundi était tiré d’une expérience personnelle, s’étant retrouvé dans la même situation que le personnage de Bernard Le Coq, se réveillant un matin sur un banc de Pigalle, amnésique, avant de retrouver la mémoire une heure après. Il analyse plus longuement Photo-souvenir, croise le fond et la forme du téléfilm, parle de son expérience d’acteur et de l’inventivité des productions télévisées de l’époque.

L’interactivité se clôt sur un aperçu de la collection de l’éditeur.

L’Image et le son

Photo-souvenir est un téléfilm, qui était jusqu’alors inédit en DVD. Le master plein cadre 1.33 (4/3 compatible 16/9) d’origine proposé par l’éditeur s’avère fort honorable, très bien restauré, avec des couleurs qui retrouvent un certain éclat. Le grain est heureusement préservé et très bien géré, la copie est belle et stable.

Le mixage Stéréo Dolby Digital 2.0 instaure un remarquable confort acoustique. Propre, dynamique, cette piste met bien avant les excellents dialogues du film. En revanche, il aurait été souhaitable de proposer les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Inser & Cut / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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