LE CONSENTEMENT réalisé par Vanessa Filho, disponible en DVD & Blu-ray le 21 février 2024 chez Blaq Out.
Acteurs : Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, Élodie Bouchez, Jean Chevalier, Lolita Chammah, David Clavel, Agathe Dronne…
Scénario : Vanessa Filho & François Pirot, d’après le livre de Vanessa Springora
Photographie : Guillaume Schiffman
Musique : Olivier Coursier & Audrey Ismael
Durée : 1h54
Année de sortie : 2023
LE FILM
Paris, 1985. Vanessa a 13 ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.
Le Consentement est évidemment l’adaptation cinématographique du livre éponyme de Vanessa Springora publié en 2020 chez Grasset, dans lequel elle dévoilait et dénonçait l’emprise de Gabriel Matzneff (sobrement désigné GM), quand elle n’avait que 13 ans et l’écrivain 49. Une transposition choc, frontale, difficile, insoutenable même par moments, qui aura connu un grand succès dans les salles avec plus de 600.000 entrées. Cet accueil favorable, porté entre autres par de jeunes spectateurs qui sur les réseaux sociaux encourageaient à aller voir le film, est on ne peut plus mérité, même si bien entendu le second long-métrage de Vanessa Filho (cinq ans après Gueule d’ange avec Marion Cotillard) n’est pas à mettre devant tous les yeux et pourrait heurter un public sensible. Jean-Paul Rouve y trouve sans doute son plus grand rôle à ce jour, celui d’un monstre immonde, impardonnable, terrifiant, abject, dégueulasse. On oublie le comédien et le dégoût est là, omniprésent, de tous les plans. Face à lui, Kim Higelin (petite-fille du grand Jacques, née en 2000, nièce d’Arthur H et d’Izïa Higelin) est une révélation, par ailleurs nommée dans cette catégorie à la dernière cérémonie des César, compression finalement remportée par Ella Rumpf pour Le Théorème de Marguerite. Elle ne démérite pas et porte le film sur ses frêles épaules, impressionnante dans la peau de la jeune Vanessa Springora, qui dans le récit a 13 ans alors que l’actrice en avait dix de plus. À l’instar de l’ouvrage original et best-seller, Le Consentement est une œuvre d’intérêt général, qui montre les faits, qui ne prend pas de gants ni de pincettes, tout en prouvant que le Mal est partout, depuis toujours et n’en finira jamais de ronger, de se nourrir des plus purs et innocents.
Début janvier 2020, Le Consentement fait l’effet d’une bombe dans les librairies, rejoint l’année suivante par La Familia grande de Camille Kouchner, dont certains thèmes s’ajoutent et/ou prolongent le livre de Vanessa Springora. Dans ce dernier, l’écrivaine analyse, phase par phase, comment Gabriel Matzneff, pédophile reconnu et écrivain sulfureux, a littéralement pris possession de cette adolescente mal dans sa peau, dont le père est absent et la mère divorcée aux pâquerettes. Celle-ci est incarnée par Laetitia Casta, qui a désormais acquis une belle maturité de comédienne, contrairement à ce que ses débuts laissaient présager il y a une vingtaine d’années. Elle est impeccable dans le rôle de cette mère, attachée de presse dans l’édition, larguée, portée sur la boisson, qui rêvait probablement de fréquenter le grand monde et qui à travers la relation de sa fille, « profite » des retombées, par procuration, en acceptant, en invitant même la pourriture à sa table, comme une belle-mère invitant son gendre, dont elle connaît pourtant la renommée.
Rien ne nous est épargné des agissements de Gabriel Matzneff, qui de son côté n’hésitait pas à tout raconter à travers ses romans souvent loués par la critique (au point d’obtenir le prix Renaudot essai en 2013), y compris à la télévision comme lors de ce célèbre passage à l’émission Apostrophes en 1990, présentée par Bernard Pivot, où l’écrivain allait se retrouver face à Denise Bombardier. Un moment entré dans l’histoire. Le livre de Vanessa Springora et donc le film de Vanessa Filho mettent en mots, en images et en lumière ce que beaucoup savaient, préféraient ignorer ou taire, mais cette fois au grand public : le scandale retentissant sur les soutiens culturels, politiques et médiatiques de Gabriel Matzneff (qui gardait sur lui une lettre de félicitations de François Mitterrand au cas où on lui chercherait des problèmes), tandis que celui-ci s’en allait souvent s’adonner au tourisme sexuel aux Philippines, d’où il revenait avec une nouvelle inspiration pour son prochain livre à scandale. Dans Le Consentement, Matzneff, les traits émaciés comme un vampire assoiffé de sang frais, parfois vêtu comme un chasseur en plein safari, est prêt à mettre en joue sa prochaine proie vulnérable qui lui semblera la plus facile à attraper et sur laquelle il pourra s’acharner. « GM » attendra désormais Vanessa à la sortie du collège, les mains dans les poches, les yeux dissimulés derrière des lunettes de soleil, sûr de lui et des mots qui auront raison de l’adolescente, hallucinée qu’un homme « comme lui » puisse s’intéresser à elle et à ce qu’elle est.
Le Consentement, version cinématographique n’est pas une vision édulcorée. Vanessa Filho et son coscénariste François Pirot (Les Intranquilles, Élève libre, Nue propriété) s’emparent littéralement de l’écrit de Springora, comme s’ils reprenaient le flambeau à leur tour via un autre média. Certaines séquences sont difficilement supportables, marqueront voire traumatiseront encore pendant longtemps. On en ressort secoués, bouleversés, exténués, en colère. Un rollercoaster d’émotions.
LE DVD
Après son grand succès rencontré dans les salles, Le Consentement est désormais disponible en DVD et Blu-ray chez Blaq Out. L’édition Standard que nous avons reçu, se présente sous la forme d’un boîtier Amaray classique transparent. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
Pas grand-chose en matière de bonus…Le premier est un entretien avec Jean-Paul Rouve, réalisé par Pierre Lescure, pour l’émission Beau geste. Le comédien s’exprime sur sa préparation physique (il a perdu dix kilos, s’est longuement entraîné à la natation, a fait des U.V…) et psychologique « Je l’ai presque pris comme un personnage de fiction et je me suis inspiré d’Anthony Hopkins dans Le Silence des agneaux ». Pierre Lescure lui avoue qu’il a connu un de ses plus gros chocs au cinéma devant son interprétation. Jean-Paul Rouve ajoute également qu’un journaliste lui a indiqué connaître Gabriel Matzneff en précisant que « c’est plus compliqué que ça », « Non » rétorque l’acteur devant cette hypocrisie encore omniprésente. Un témoignage glaçant.
Le second supplément est un plan-séquence de 18 minutes, durant lequel Kim Higelin, dans la peau de Vanessa Springora, est filmée dans la souffrance de son personnage, au moment où Gabriel Matzneff est parti aux Philippines. Seule dans sa chambre d’hôtel, Vanessa se laisse aller, boit, fume, pleure…une expérience douloureuse durant laquelle on ne peut qu’admirer l’investissement de Kim Higelin. Certains éléments de ce plan-séquence sont visibles de façon morcelée dans le montage final.
L’Image et le son
Vanessa Springora et son chef opérateur Guillaume Schiffman (En attendant Bojangles, Une jeune fille qui va bien, les deux premiers OSS 117) ont opté pour une photographie « à l’ancienne », avec un grain épais donnant à l’ensemble un aspect argentique. De ce fait le piqué est évidemment doux, grumeleux sur les scènes sombres, les détails amoindris, mais cela contribue à l’aspect craspec du personnage de Gabriel Matzneff et reflète le côté cauchemardesque de la situation. Les séquences diurnes sont les mieux loties avec une luminosité de tous les instants. Ce master respecte ces partis-pris et ne vous attendez donc pas à un disque de « démonstration », mais plutôt à une expérience immersive.
Les mixages Dolby Digital 5.1 et 2.0 instaurent quasiment le même confort acoustique puisque les latérales ne sont guère utilisées sur la deuxième. Dans les deux cas, la balance frontale est dynamique, les voix exsudées avec force, la musique percutante et les effets puissants. N’oublions pas tout de même les quelques ambiances naturelles notables sur la 5.1., mais nous pouvions nous attendre à une scène arrière plus démonstrative. Présence de sous-titres français pour le public sourd et malentendant, ainsi que d’une piste Audiodescription.