Test Blu-ray / Romeo is Bleeding, réalisé par Peter Medak

ROMEO IS BLEEDING réalisé par Peter Medak, disponible en DVD et Blu-ray, depuis le 19 janvier 2022 chez BQHL Éditions.

Acteurs : Gary Oldman, Lena Olin, Annabella Sciorra, Juliette Lewis, Roy Scheider, David Proval, Will Patton, Ron Perlman…

Scénario : Hilary Henkin

Photographie : Dariusz Wolski

Musique : Mark Isham

Durée : 1h49

Date de sortie initiale: 1993

LE FILM

Dans un bar, Jim Daugherty raconte l’histoire d’un agent de police véreux, Jack Grimaldi. Ce policier new-yorkais, lassé de sa vie routinière, a accepté un jour de vendre discrètement des informations à Don Falcone, un parrain local. Mais une de ses transactions avec la pègre a mal tourné…

Dis-donc c’est de la super bonne came ça ! Complètement inconnu au bataillon, du moins en ce qui concerne l’auteur de ces mots, Romeo is Bleeding est un film néo-noir réalisé en 1993 par Peter Medak. Né Medák Péter en 1937 à Budapest, le cinéaste hongrois est connu pour deux opus, le plus célèbre étant L’Enfant du diable The Changeling (1980), dans lequel George C. Scott se retrouvait confronté à une maison hantée, l’autre étant La Grande Zorro Zorro, The Gay Blade (1981), où George Hamilton campait le Renard rusé qui fait sa loi vêtu de pourpre. S’il a très largement oeuvré pour la petite lucarne à travers moult séries (Amicalement vôtre, Cosmos 1999, Le Retour du Saint, Les Enquêtes de Remington Steele, Pour l’amour du risque, Magnum…), son œuvre au cinéma se doit d’être pleinement redécouverte. C’est le cas pour ce Romeo is Bleeding. Dissimulé derrière Miller’s Crossing des frères Coen, Reservoir Dogs et Pulp Fiction de Quentin Tarantino, ce thriller sombre teinté d’humour tire son essence du film noir américain des années 1940-50, dont il reprend les ingrédients, les archétypes, les motifs (voix-off et musique jazzy sont de la partie), en les secouant dans un shaker, en modernisant le tout, notamment la représentation de la femme fatale, magistralement incarnée par Lena Olin. Enfin, Romeo is Bleeding vaut aussi et surtout pour l’interprétation habitée de Gary Oldman, 35 ans, qui venait d’enchaîner Les Anges de la nuit State of Grace de Phil Joanou, JFK d’Oliver Stone, True Romance de Tony Scott et Dracula de Francis Ford Coppola. Juste avant Léon de Luc Besson et Ludwig van B. de Bernard Rose, le comédien britannique signait probablement l’une de ses meilleures prestations ici, ni plus ni moins.

Jack Grimaldi est un flic du NYPD qui semble tout avoir ; une belle épouse nommée Natalie et une très jeune maîtresse adorée nommée Sheri. Cependant, son style de vie somptueux est financé par une vaste corruption, faisant des faveurs au chef de la mafia Don Falcone (Roy Scheider en mode reptile placide) en échange de gros pots-de-vin en espèces. Sa dernière tâche consiste à révéler l’emplacement de Nick Gazarra, un gangster devenu témoin d’État protégé par des agents fédéraux. Gazarra et son équipe de protection sont ensuite tués par une tueuse à gages, Mona Demarkov. Grimaldi est mécontent de ce résultat, mal à l’aise avec sa complicité dans la mort d’autres membres des forces de l’ordre. Mona est arrêtée et Falcone donne à Jack une nouvelle mission, tuer Mona, dont il craint qu’elle ne puisse non seulement témoigner contre lui, mais qu’elle envisage de reprendre l’ensemble de son affaire. Toujours réticent à propos de sa double vie, Jack est désigné comme gardien de Mona alors qu’elle est transportée dans une maison sûre pour attendre sa prise en charge par des agents fédéraux. À son arrivée, Mona le séduit rapidement et tente de le tuer, mais leur rendez-vous impromptu est interrompu par l’arrivée des agents et Jack la laisse en détention. Réalisant qu’il a mis en danger à la fois sa femme et sa maîtresse, Jack ordonne à Natalie de quitter la ville immédiatement, lui donnant tout l’argent qu’il a économisé ainsi que des instructions sur l’endroit où le rencontrer dans l’Ouest le moment venu. Mona retrouve Jack et lui propose alors de le payer pour l’aider à simuler sa propre mort.

Les amoureux des films de John Dahl (Kill Me Again, Red Rock West, Last Seduction) retrouveront la même atmosphère poisseuse dans Romeo is Bleeding. Ce qui frappe d’emblée, c’est le jusqu’au-boutisme de Mona Demarkov, campée par la suédoise Lena Olin. Dans la peau de cette mante religieuse, est loin, très loin de l’univers d’Ingmar Bergman, chez qui elle avait démarré au début des années 1980 (Face à face, Fanny et Alexandre, Après la répétition), avant d’être révélée sur la scène internationale dans L’Insoutenable Légèreté de l’être de Philip Kaufman, dans le rôle de Sabina. Sa longue silhouette d’1m80 prend constamment le dessus, engloutit même celle de son partenaire, qui à ses côtés paraît minuscule, son sourire carnassier fout vraiment les jetons, tout comme ses explosions de violence physique quand elle s’en prend à Jack, en tentant de l’étrangler avec ses cuisses, alors que celui-ci est au volant. Cette scène hallucinante se grave instantanément dans notre mémoire, y compris quand la sulfureuse Demarkov s’extraie de la carlingue en se contorsionnant, une incroyable performance, entièrement réalisée par Lena Olin elle-même, sans doublure. Véritable démon, Demarkov va user de son charme dévastateur et de sa sexualité débridée, pour faire de Grimaldi son esclave, ce dernier étant très porté sur la gent féminine.

Entre son épouse Natalie (la superbe Annabella Sciorra, vue précédemment dans La Manière forte de John Badham, Cadillac Man de Roger Donaldson, Jungle Fever de Spike Lee et La Main sur le berceau de Curtis Hanson) et sa maîtresse Sheri (Juliette Lewis, qui sortait des Nerfs à vif de Martin Scorsese et de Kalifornia de Dominic Sena), notre pauvre Grimaldi, qui parvenait alors à concilier ses liaisons diverses, ainsi que son boulot de flic officiel et de ripoux auprès de la mafia locale, va connaître un sérieux retour de bâton et voir son existence implosée. Gary Oldman n’a jamais été aussi bon que dans les rôles de losers magnifiques, de paumés au costume froissé et imbibé par la gnôle, le regard embué par la peur et la douleur. C’est une descente aux enfers pour Grimaldi, forcément épouvantable pour lui, mais foncièrement jubilatoire pour les spectateurs. Plus le personnage s’enfonce et s’en prend plein la tronche, plus on se régale et de ce point de vue, la scénariste Hilary Henkin (Road House de Rowdy Herrington, Des Hommes d’influence de Barry Levinson, Fatal Beauty de Tom Holland) n’y va pas de main morte et réserve un sort peu enviable à Grimaldi le corrompu. L’émotion n’est jamais oubliée et le film se clôt même sur une séquence bouleversante, qui prend aux tripes et laisse un souvenir indélébile.

Sexe, violence et perversion se mêlent dans Romeo is Bleeding, photographié par le virtuose Dariusz Wolski (The Crow, Dark City, Sweeney Todd, chef opérateur de Ridley Scott depuis Prometheus…), passé inaperçu à sa sortie, film maudit qui mérite toute l’attention des cinéphiles, qui sauront l’accueillir, l’applaudir et le recommander chaleureusement dans leur réseau.

LE BLU-RAY

Merci à BQHL de déterrer Romeo is Bleeding du fin fond du catalogue de la MGM, où le film de Peter Medak croupissait depuis près de vingt ans, puisqu’il faut remonter à 2003 pour retrouver une pauvre édition DVD oubliée de tous. Revoici donc Romeo is Bleeding sur le devant de la scène, en édition Standard et pour la première fois en Blu-ray. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’ancien DVD, pour une fois plus appropriée que l’affiche d’exploitation américaine, le tout glissé dans un surétui cartonné. Vous trouverez aussi à l’intérieur un livret de 20 pages sur l’histoire du film, écrit par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.

Déjà présent dans les bonus d’Harley Davidson et l’homme aux santiags, Stéphane Moissakis (Capture Mag, NoCiné) présente Romeo is Bleeding (40’). Une longue et souvent passionnante intervention, remplie d’informations sur la place du film qui nous intéresse dans le genre néo-noir du début des années 1990, sur le casting, le réalisateur, la scénariste. Les partis-pris du cinéaste, la revisite et la modernisation des archétypes du film noir, la sortie confidentielle du film et sa redécouverte sont également abordés.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Ce Blu-ray (au format 1080p) de Romeo is Bleeding, comme souvent chez MGM, est en demi-teinte avec un piqué trop doux, des couleurs parfois délavées et un rendu HD somme toute anodin. Certes les noirs sont plus compacts que sur une édition SD, l’ensemble est propre et la luminosité est clairement typique du support, mais le grain est parfois déséquilibré, les teintes manquent de vivacité et les contrastes de fermeté, quelques légers fourmillements s’invitent à la partie, et le teint des comédiens demeure un peu rosé, avec des détails décevants sur les gros plans. Evidemment, l’apport de la HD est visible sur toutes les séquences en extérieur. Un joli transfert malgré tout, mais toutes proportions gardées.

Les mixages anglais et français LPCM 2.0 sont propres et distillent parfaitement la musique. La piste anglaise est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la version française (au doublage excellent) s’avère un peu trop axée sur les voix, surtout la narration en off, mais ne manque pas d’ardeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © BQHL Editions / Orion Pictures / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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