RIEN À PERDRE réalisé par Delphine Deloget, disponible en DVD & Blu-ray le 22 mars 2024 chez Ad Vitam.
Acteurs : Virginie Efira, Félix Lefebvre, Arieh Worthalter, Mathieu Demy, India Hair, Alexis Tonetti, Andréa Brusque, Oussama Kheddam…
Scénario : Delphine Deloget, Olivier Demangel & Camille Fontaine
Photographie : Guillaume Schiffman
Musique : Nicolas Giraud
Durée : 1h52
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
Sylvie vit à Brest avec ses deux enfants, Sofiane et Jean-Jacques. Ensemble, ils forment une famille soudée. Une nuit, Sofiane se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement et sa mère au travail. Un signalement est fait et Sofiane est placé en foyer. Armée d’une avocate, de ses frères et de l’amour de ses enfants, Sylvie est confiante, persuadée d’être plus forte que la machine administrative et judiciaire…
Delphine Deloget est à la base documentariste, reconnue, multi-récompensée dans les festivals du monde entier, remarquée dès ses premiers travaux, Qui se souvient de Minik, À l’ouest de la Mongolie, No London Today, Voyage en barbarie qui a remporté le Prix Albert Londres. Elle intègre la Fémis dans les années 2010, afin d’y développer un long-métrage de fiction, puis signe elle-même un court-métrage, Le Père Noël et le Cow-Boy (2012) avec Kévin Azaïs. Il lui faudra finalement attendre plus de dix ans avant de sauter le pas du long-métrage de fiction avec Rien à perdre, présenté au Festival de Cannes 2023 (sélection Un certain regard). Elle offre à Virginie Efira un nouveau grand rôle, ainsi qu’au jeune et talentueux Félix Lefebvre, découvert dans Été 85 de François Ozon, qui avait depuis confirmé dans l’excellent La Passagère d’Héloïse Pelloquet, qui s’est étoffé ici de vingt kilos pour créer son personnage. Décidément, après Benedetta, Revoir Paris, Les Enfants des autres et L’Amour et les forêts, la comédienne affiche une filmographie quasi-exemplaire (on oublie Adieu les cons, Lui, En attendant Bojangles, mais on a bien dit « quasi ») et s’impose une fois de plus parmi les plus grandes de sa génération.
Pour son premier long-métrage de fiction, Delphine Deloget frappe fort et l’on peut même parler de coup de maître. On retrouve dans Rien à perdre une approche documentaire immersive, où l’on ne perd pour ainsi dire jamais le personnage de Sylvie, quadra célibataire qui élève ses deux enfants, en joignant les deux bouts grâce à un boulot de nuit dans un bar rock. Un soir justement, cet équilibre déjà précaire bascule quand son plus jeune fils se brûle au deuxième degré, un accident qui le conduit aux urgences. Un signalement est fait, Sylvie se retrouve avec l’aide sociale à l’enfance aux fesses. Cet événement va tout bouleverser, Sofiane est placé, Sylvie perd pied, Jean-Jacques son fils aîné est quant à lui à un carrefour de sa vie et reçoit l’opportunité d’entrer dans une école de cuisine. Rien à perdre est une réaction en chaîne de drames et pourtant Delphine Deloget évite tout pathos, montre la rage et le courage d’une mère, prête à tout pour ne pas être séparée des siens, pour garder sa dignité. Elle peut compter sur le soutien de ses deux frères Alain (Mathieu Demy, trop rare au cinéma) et Hervé (Arieh Worthalter, qui vient d’être sacré par le César du meilleur acteur pour Le Procès Goldman de Cédric Kahn), fratrie déjà cabossée par la vie, des survivors, qui malgré tout ne se sont jamais laissés aller. Nous retiendrons également la participation de la géniale India Hair (Rester vertical), qui tire son épingle du jeu dans la peau de Louise Henry, l’assistante sociale, partagée entre son empathie pour Sylvie et ses enfants, et sa mission professionnelle.
Delphine Deloget adopte à la fois le point de vue de son personnage principal, mais aussi celui de Jean-Jacques, adolescent mal dans sa peau, enrobé, boulimique, qui entre ses cours de trompette (qu’il continue de suivre pour faire plaisir à sa mère, ce qui lui permet de penser à autre chose), la confection de gâteaux, son petit frère dont il a la charge le soir (et la nuit) fait et fera tout pour épauler sa mère « défaillante », quand un accident de friteuse va tout remettre en question. Le scénario coécrit par la réalisatrice, Olivier Demangel (Novembre, Atlantique) et Camille Fontaine (Coco avant Chanel, Une belle équipe) ne tombe jamais dans le misérabilisme souvent reproché au cinéma français, en créant une tension à la Ken Loach ou à la Dardenne qui ne retombe à aucun moment, jusqu’à la scène finale qui arrache les larmes et qui rappelle celle du somptueux À bout de course – Running on Empty de Sidney Lumet.
On se souviendra longtemps du combat palpitant, hyper-sensible, à fleur de peau, poignant, complexe de Sylvie et il est certain que l’on se prendra à repenser à cette mère, à Sofiane, à Jean-Jacques, en se demandant ce qu’ils sont devenus. Signe de la très grande réussite de Rien à perdre.
LE BLU-RAY
Après Pris de court et Les Enfants des autres, Rien à perdre est le troisième long-métrage avec Virginie Efira à être édité par Ad Vitam. Le film de Delphine Deloget est disponible en DVD et Blu-ray, le visuel de la jaquette reprenant celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur fournit un court-métrage étonnant de Delphine Deloget, Tigre (2019-21’35). Sabine (Ambre Grouwels) et Natacha (Liv Henneguier, vue dans Les Amandiers et la série Sambre) ont vingt-deux ans. Elles vivent ici, dans un trou paumé, l’une en face de l’autre. Un jour, Natacha a une opportunité : partir là-bas et laisser Sabine seule ici. La trahison lui sera fatale. Un film choc, dont l’ouverture et la conclusion ne laissent pas indifférents.
Nous trouvons également des interviews croisées de Virginie Efira, Félix Lefebvre et Delphine Deloget. La réalisatrice s’exprime sur l’origine de Rien à perdre, du travail avec les acteurs et les thèmes du film. Les comédiens parlent de leur préparation (la cinéaste leur a fait regarder It’s a Free World! de Ken Loach, Vol au-dessus d’un nid de coucou de Miloš Forman, Armand, 15 ans l’été de Blaise Harrison), Félix Lefebvre ayant pris 20 kilos pour son rôle. La psychologie des personnages y est longuement abordée et nous retiendrons notamment les propos du jeune acteur, d’une remarquable maturité.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Rien à perdre jouit du talent de Guillaume Schiffman (Le Consentement, En attendant Bojangles, Une jeune fille qui va bien) à la photographie. Le master HD est à la hauteur des espérances et restitue les très beaux partis pris esthétiques originaux à travers des contrastes riches et léchés, une colorimétrie scintillante, une luminosité de tous les instants, un piqué aux petits oignons et une profondeur de champ appréciable.
Toutes proportions gardées, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 bénéficie d’une large ouverture des enceintes frontales et délivre ses dialogues avec énergie sur les séquences en intérieur. Évidemment, il ne faut pas en attendre beaucoup des latérales qui parviennent néanmoins à distiller quelques ambiances naturelles en extérieur. La musique et la bande-originale jouissent d’une spatialisation percutante. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription et une Stéréo.