Test Blu-ray / Pour l’amour du ciel, réalisé par Luigi Zampa

POUR L’AMOUR DU CIEL (È più facile che un cammello…) réalisé par Luigi Zampa, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 24 avril 2024 chez Pathé.

Acteurs : Jean Gabin, Mariella Lotti, Antonella Lualdi, Julien Carette, Elli Parvo, Paola Borboni, Carlo Sposito, Elena Altieri, Nerio Bernardi…

Scénario : Cesare Zavattini, Suso Cecchi D’Amico, Vitaliano Brancati, Diego Fabbri, Giorgio Moser & Henri Jeanson

Photographie : Carlo Montuori

Musique : Nino Rota

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1950

LE FILM

Lorsqu’il se fait mortellement renverser par un camion, le riche industriel romain Carlo Bacchi se voit refuser l’entrée au paradis. Le juge céleste lui donne alors douze heures pour racheter ses fautes en faisant le bonheur de Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider.

Si beaucoup, y compris Jean Gabin lui-même, évoquaient une traversée du désert après la guerre, il ne faut pas oublier que les spectateurs continuaient d’aller au cinéma voir les films avec celui était alors l’acteur français le plus célèbre dans le monde. Ainsi, L’Imposteur, Martin Roumagnac, Au-delà des grilles et La Marie du port ont tous dépassé la barre des deux millions d’entrées. Si l’aura de Jean Gabin n’est plus la même, surtout depuis depuis son retour du front avec des cheveux blancs, celui-ci est bien toujours présent et tente de retrouver des projets intéressants, ce qui lui manque certainement désormais. Il est donc peu étonnant de le retrouver de l’autre côté des Alpes, sous la direction de Luigi Zampa (1905-1991), dans une des premières co-productions franco-italiennes, Pour l’amour du ciel È più facile che un cammello…. Complètement méconnu dans nos contrées, et pour cause puisqu’il s’agit d’un des pires scores au box-office de toute la carrière de Jean Gabin avec 679.000 entrées, au même niveau que les 641.000 entrées de Sous le signe du taureau de Gilles Grangier. Pourtant, Pour l’amour du ciel détonne puisqu’il plonge le « Vieux » dans un film quasi-fantastique, où son personnage arrive au purgatoire après un accident. Alors qu’il est sur le point d’être conduit en enfer et après s’être plaint, il obtient douze heures de sursis pour sauver son âme. Si Pour l’amour du ciel est loin d’être une entière réussite, cet opus vaut assurément pour son originalité.

Carlo Bacchi, riche industriel romain est renversé par un camion et meurt. On lui refuse l’entrée au paradis. Le juge céleste lui donne douze heures pour racheter ses fautes en faisant le bonheur de Santini, un de ses ouvriers qui a tenté de se suicider. Il se relève donc indemne et, rentré chez lui, commence à régler ses affaires : convoquant les délégués de son usine, distribuant l’argent aux pauvres, recherchant Santini qui est soigné dans un hôpital…Il va alors tout faire pour satisfaire Santini. Mais l’heure tourne et ce dernier est loin de se laisser convaincre, d’autant plus que Santini a des exigences.

Tandis qu’il vient de triompher au théâtre des Ambassadeurs avec La Soif, pièce d’Henri Bernstein, Jean Gabin, 45 ans se retrouve face caméra avec essentiellement des confrères transalpins dans Pour l’amour du ciel, à l’exception de Julien Carette, avec lequel il avait déjà collaboré sur La Grande Illusion (1937) et La Bête humaine (1938) de Jean Renoir. La distribution italienne réunit Mariella Lotti (Le Pirate de Capri, Nez de cuir), Antonella Lualdi (Les Cent cavaliers, Adorables créatures), Elli Parvo (Amore de Roberto Rossellini, Le Cri de Michelangelo Antonioni), Paola Barboni (Le Sexe fou), Carlo Sposito (Les Surprises de l’amour), Elena Altieri (Le Voleur de bicyclette), Nerio Bernardi (Fanfan la Tulipe, Caltiki – Le monstre immortel). Si l’interaction avec Julien Carette est évidemment bien palpable, c’est un peu plus compliqué quand Jean Gabin échange avec ses autres partenaires, puisque chacun s’exprimait dans sa langue maternelle. On a donc souvent l’impression que la tête d’affiche fait cavalier seul, comme s’il était enfermé dans sa bulle, ce qui rend le film plutôt froid du début à la fin.

Rien à redire sur la mise en scène de Luigi Zampa, excellent cinéaste (Les Maîtres, Il Medico della mutua, Il Vigile, L’Honorable Angelina), bien rythmée, dynamique, qui parvient à redonner du souffle à un scénario qui patine à mesure du récit. En effet, bien qu’ils se soient mis à six à tour de rôle pour écrire Pour l’amour du ciel, de Cesare Zavattini (Il Boom, Sept fois femme, La Ciociara, Umberto D.) à Suso Cecchi D’Amico (Violence et passion, Femmes entre elles, Le Crime de Giovanni Episcopo), Vitaliano Brancati (Le Bel Antonio, Où est la liberté…?), en passant par Henri Jeanson, l’ensemble manque de rebondissements. Le personnage campé par Jean Gabin demeure finalement assez linéaire, peu attachant (après tout le type a passé sa vie à tromper son épouse, à faire plein de gamins qu’il n’a pas reconnus, à gueuler sur les autres, à passer ses colères sur tout le monde, y compris sur sa vieille tante), comme s’il ne comprenait pas ce qu’on lui demandait, à savoir changer et devenir généreux, plutôt que de faire mécaniquement de bonnes œuvres dans l’espoir d’éviter l’enfer.

Possédant désormais le physique (un peu plus épaissi) et la stature pour incarner un industriel (certes brutal, cynique, arriviste et débauché), Jean Gabin délaisse momentanément les rôles de prolétaires, s’impose sans mal, mais paraît traverser le film sans y croire vraiment, en espérant peut-être flatter d’autres réalisateurs italiens, histoire de trouver sur la Botte un nouvel élan. Enfin, dernière anecdote, le cordonnier quelque peu frappadingue est doublé en français par Louis de Funès. À la fois divertissant et curieux, chaînon manquant entre La Vie est belle de Frank Capra et Le Ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch, Pour l’amour du ciel mérite l’attention des cinéphiles.

LE BLU-RAY

Pour l’amour du ciel débarque en Combo Blu-ray + DVD chez Pathé dans la collection Pathé Présente. Beau visuel inspiré par celui de l’affiche originale d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Un seul et unique bonus, mais conséquent (53’) et comme toujours passionnant, signé une fois de plus Roland-Jean Charna. Celui-ci est allé recueillir les propos de Patrick Glâtre (historien du cinéma, auteur de plusieurs ouvrages sur Jean Gabin), Paola Palma (maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université Caen-Normandie) et Aurore Renaut (Maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université de Lorraine). Chacun sa spécialité, le premier replace essentiellement Pour l’amour du ciel dans la carrière de Jean Gabin, la seconde évoque la mise en place d’une des premières co-productions franco-italiennes, la troisième analyse plus le fond et la forme du film de Luigi Zampa. Beaucoup d’informations qui s’entrecroisent et se complètent. Vous entendrez parler tour à tour de la déception de Pour l’amour du ciel au box-office, de la difficulté pour Jean Gabin de retrouver des rôles intéressants après la guerre, de l’écriture assez chaotique du scénario (les auteurs vont se succéder, reprendre le travail du précédent, avant d’être remplacé à leur tour), des conditions de tournage (marqué par la barrière de la langue), du casting et de bien d’autres éléments encore.

L’Image et le son

Pour l’amour du ciel a été restauré en 2023, par Pathé, en collaboration avec Rai Cinema. Le lifting 4K de L’Immagine Ritrovata a été réalisé à partie des négatifs originaux nitrate. Pathé indique que le négatif image était incomplet et certaines parties du son optique étaient inexploitables. Un contretype, une copie d’exploitation et un positif son ont été utilisés en complément. Certains défauts visuels et sonores persistent. Toutefois, l’éditeur s’en sort miraculeusement et le master HD présenté est souvent de toute beauté. La gestation des contrastes demeure solide, les noirs denses, les blancs lumineux. Certes, quelques images trahissent le côté « rafistolé », mais l’équilibre se tient, on est loin, très loin du travail bâclé, la propreté est de mise (hormis des fils en bord de cadre), la copie est stable, le piqué inattendu et la texture argentique respectée.

Il n’y a pas grand-chose à dire concernant le mixage Mono (qui a également subi un beau dépoussiérage) instaurant des conditions acoustiques sans esbroufe, mais dont l’ensemble reste toutefois marqué par les années qui ont passé et les conditions de conservation. Les dialogues sont parfois couverts, voire grinçants (surtout sur les voix doublées, autrement dit pour les trois quarts des acteurs), la musique s’accompagne de quelques saturations et un léger souffle se fait entendre de temps à autre. Les sous-titres anglais et français destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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