Test Blu-ray / Mitraillette Kelly, réalisé par Roger Corman

MITRAILLETTE KELLY (Machine-Gun Kelly) réalisé par Roger Corman, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 16 février 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charles Bronson, Susan Cabot, Morey Amsterdam, Richard Devon, Jack Lambert, Frank DeKova, Connie Gilchrist, Wally Campo…

Scénario : R. Wright Campbell

Photographie : Floyd Crosby

Musique : Gerald Fried

Durée : 1h23

Date de sortie initiale: 1958

LE FILM

Surnommé par sa maîtresse Mitraillette Kelly, le gangster George Kelly réussit un audacieux hold-up. Il en confie le butin à Fandango, un complice qui, en essayant de détourner une partie de l’argent à son profit, suscite sa colère. Plutôt que de se faire oublier, lui et son gang préparent un nouveau braquage. L’attaque des banques et transports de fonds présentant désormais des risques trop élevés, Kelly kidnappe la fille d’un riche industriel…

Si l’on considère souvent Mitraillette KellyMachine-Gun Kelly comme une « œuvre de jeunesse » de Charles Dennis Buchinsky aka Charles Bronson, ce dernier, déjà monstre de charisme, approche la quarantaine quand il collabore avec Roger Corman. Il a d’ailleurs derrière-lui Bronco Apache et Vera Cruz de Robert Aldrich, ainsi que L’Homme de nulle partJubal de Delmer Daves. En 1958, il accède en tête d’affiche, dans Syndicat du crimeGang War de Gene Fowler Jr, dans Confessions d’un tueurShowdown at Boothill de Gene Fowler Jr, dans L’Enfer des humainsWhen Hell Broke Loose de Kenneth G. Crane, mais l’histoire retiendra donc surtout ce Mitraillette Kelly, deux ans avant sa mise sur orbite définitive grâce aux 7 MercenairesThe Magnificent Seven de John Sturges. D’une part en raison de son légendaire réalisateur, qui en était alors qu’au début (autrement dit à son vingtième long-métrage) de sa prolifique (euphémisme) et éclectique carrière, d’autre part parce que Charles Bronson y incarne une véritable figure du crime américain, George Kelly Barnes alias George « Machine-Gun » Kelly alias George R. Kelly (1895-1954), célèbre bootlegger, kidnappeur et braqueur de banques qui a sévi durant la prohibition, qui fut ensuite incarcéré à vie à la prison d’Alcatraz. Tourné en une petite semaine avec un budget anémique, Machine-Gun Kelly peut compter sur le système D de génie du cinéaste, la mise en scène étant un vrai petit modèle du genre, couplée à un montage dynamique qui ne laisse pas un moment de répit aux spectateurs, ou tout simplement le temps d’apercevoir ce qui pourrait trahir une production fauchée ou des faux raccords inévitables. En l’état, Mitraillette Kelly est un excellent film de gangsters, une série B bourrée de charme et d’action, avec une touche d’humour et de psychologie.

Petit gangster médiocre, George Kelly, que son amie Florence Becker a surnommé « Mitraillette », a réussi un audacieux hold-up en compagnie de deux complices. Lors du partage, il s’aperçoit que Fandango a subtilisé quelques billets. De rage, Kelly le jette dans la cage d’un puma qui lui arrache un bras… Peu après, la bande attaque une nouvelle banque. Mais, superstitieux, Kelly est paralysé par le passage d’un corbillard et fait échouer le casse à cause du minutage très précis. L’un des hommes est tué par la police. Howard, l’un des complices, s’oppose au gangster en le rendant responsable.

Faut pas le faire chier George Kelly, ou plutôt l’ami Charlie, qui en impose déjà face à la caméra et qui a l’air de se délecter de ce rôle de fumier dont la pétoire s’avère clairement un prolongement, si ce n’est un substitut à son phallus vraisemblablement dysfonctionnel. Mitraillette Kelly n’a pas pour prétention de suivre scrupuleusement les agissements du criminel, mais en propose une version romancée, romanesque, romantique même, sans pour autant le rendre sympathique (le personnage reste une sacrée ordure), mais en lui redonnant une dimension humaine. Les failles de George Kelly sont rapidement dévoilées, il est entre autres indéniablement psychopathe, violent, impitoyable, mais aussi castré et manipulé par sa belle nana dominatrice interprétée par Susan Cabot (Fort Massacre, Duel sans merci) et même par sa belle-mère.

Avant de connaître le succès international avec La Petite Boutique des horreursThe Little Shop of Horrors et surtout La Chute de la maison UsherHouse of Usher, Roger Corman joue avec les ombres (la scène d’exposition de dix minutes entièrement muette est d’ailleurs entrée dans la légende), manipule son « héros », avec lequel il n’est pas tendre et dont il trahira même le déroulé de son arrestation, pour le descendre d’un piédestal qu’il s’est lui-même dressé. En quelques plans et une poignée de décors, le réalisateur reconstitue (suffisamment) la Grande Dépression, plonge sans aucun doute possible le spectateur dans cette période, une atmosphère poisseuse (superbe N&B du mythique Floyd Crosby, chef opérateur qui sera remarqué sur le cycle Poe), une ambiance brutale où tous les protagonistes semblent en vouloir aux autres, entretiennent systématiquement des rapports de force (en gros les mecs jouent constamment à celui qui a la plus grosse), avant d’appuyer sur la gâchette s’ils ont les nerfs trop à vif. Roger Corman dévoile un homme qui se donne des airs de dur à cuire, alors qu’il s’agit d’un pauvre type peureux, suant sang et eau quand il se retrouve devant un puma en cage, rattrapé par sa superstition, pour enfin se rendre aux flics sans user de son flingue, de peur de se recevoir une bastos dans le buffet. Jouer les caïds d’accord, mais il ne faut quand même pas pousser.

S’il connaîtra une exploitation au cinéma durant la carrière européenne de Charles Bronson, autrement dit quatre années après sa première sortie, Mitraillette Kelly est un formidable polar, sec et nerveux, une réussite incontestable menée tambours battants du début à la fin, merveilleusement écrit par R. Wright Campbell (L’Homme aux mille visages de Joseph Pevney) et n’a rien à envier aux polars contemporains.

LE BLU-RAY

Nous n’avions plus de nouvelles de Mitraillette Kelly depuis une vingtaine d’années. Il faut en effet remonter à 2003 pour retrouver une première édition en DVD, sortie chez One Plus One, désormais introuvable, sauf d’occasion. Sidonis Calysta adore Charles Bronson et intègre le film de Roger Corman dans son catalogue en DVD et Combo Blu-ray + DVD. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.

Nous sommes heureux de retrouver l’excellent François Guérif, qui nous présente ici Mitraillette Kelly (11’). Une intervention à ne visionnez qu’après avoir vu le film, puisque le final y est dévoilé. L’ éditeur, directeur de collection littéraire et critique de cinéma donne de nombreuses indications sur les conditions de tournage du premier film de gangster de Roger Corman, dresse le portrait du véritable George R. Kelly, parle des intentions du réalisateur et de l’accueil critique du film.

La pièce maîtresse de cette édition est le fabuleux documentaire intitulé Le Monde selon Roger Corman, les exploits d’un rebelle à HollywoodCorman’s World: Exploits of a Hollywood Rebel (86’). Réalisé en 2011 par Alex Stapleton, ce film propose de suivre le pape de la série B à l’aube où Hollywood se prépare à le récompenser par un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Ça se bouscule au portillon pour rendre hommage à mister Corman, puisque se succèdent tour à tour Paul W.S. Anderson, Eric Balfour, Peter Bogdanovich, David Carradine, Gene Corman, Julie Corman, Joe Dante, Jonathan Demme, Robert De Niro, Bruce Dern (chez le coiffeur…), Peter Fonda, Pam Grier, Ron Howard, Dick Miller, Jack Nicholson, Eli Roth, Martin Scorsese, William Shatner et bien d’autres ont répondu présent pour déclarer leur flamme au producteur/réalisateur. Notons que ce documentaire était déjà présent (en DVD) dans le coffret Roger Corman d’après Edgar Allan Poe en 8 films, dont nous avions chroniqué quelques opus. De multiples extraits donnent furieusement envie de se faire une petite rétrospective, les anecdotes sur la méthode Corman sont nombreuses et réjouissantes, des images de tournage montrent Roger Corman sur le plateau de Dinoshark et certains témoignages (comme celui de Jack Nicholson, « je lui dois tout, tout ce que je suis devenu ») sont particulièrement émouvants.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce en version française.

L’Image et le son

Devant notre étonnement sur certains plans anamorphosés, nous avons pris contact avec l’éditeur qui a bien voulu nous répondre quant à l’origine de ce master HD présenté ici : « Alors pour Machine-Gun Kelly l’histoire est un peu compliquée… mais pas trop ! Il n’existait aucun élément de qualité dans le monde suite au mouvement des droits…Le film n’est jamais sorti en HD mais seulement dans des éditions de pauvre qualité. Nous avons retrouvé à Paris un Marron 35 incomplet + le son VF et une copie 35 très abîmée. Nous avons transféré le marron en 2K chez Eclair et complété avec des inserts. Quatre scènes manquantes d’après la copie d’exploitation 35. Nous avons restauré le tout et voilà le résultat qui est le mieux existant dans le monde actuellement en attendant peut être de retrouver le négatif original ; Pour celui ci nous avons demandé à Corman qui n’a pas l’info. A propos du format image : le négatif a été tourné en 1:33  et a été exploité en salles en 2:35 sous le nom de Superama qui était un des procédés qui se devait d’imiter le Cinemascope procédé détenu de la FOX. Evidemment l’image est rognée en haut et en bas mais nous souhaitions avoir le film dans ce format (souvenir de l’avoir vu en Scope au cinéma en 1970) plus valorisant pour le film et de toute façon nous n’avions pas accès à un format de qualité HD en 1:33. Bien sûr ça pourrait être mieux mais jusqu’ici le film n’est jamais sorti avec ce niveau de qualité ! Et ne parlons pas du travail sur le son qui a aussi été un peu compliqué ! De toute évidence le résultat est celui voulu par Corman lors de la sortie salle. A cette époque il était très courant aux Etats Unis d’avoir un négatif  plein cadre et de sortir les films en 1:85 ou Scope ». Merci pour ces explications et force est de constater que cette copie 2.35 HD 2K participe à la redécouverte de Mitraillette Kelly. Cette première mondiale en Blu-ray s’en sort avec les honneurs, même si l’aspect « bricolé » se voir parfois comme le nez au milieu de la figure, ces scènes s’accompagnent d’une évidente baisse de la définition avec un piqué plus émoussé, des contrastes aléatoires et même des flous. Les détails sont corrects, plus ou moins pointus selon les plans larges ou rapprochés. Rien à redire sur la propreté. Blancs parfois brûlés.

Une version française est donc présente sur cette édition, un plus non négligeable sur l’édition One Plus One qui ne disposait que de la piste originale. Néanmoins, celle-ci s’accompagne d’un souffle chronique et appuyé, tandis que la musique de Gerald Fried (Les Sentiers de la gloire, Fear and Desire, Le Baiser du tueur) manque d’ampleur. En anglais, c’est beaucoup plus dynamique et naturel, et hormis quelques craquements intempestifs l’ensemble demeure propre.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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