LOLA MONTÈS réalisé par Max Ophüls, disponible en Blu-ray le 19 février 2020 chez Carlotta Films.
Acteurs : Martine Carol, Peter Ustinov, Anton Walbrook, Henri Guisol, Lise Delamare, Oscar Werner, Paulette Dubost, Ivan Desny…
Scénario : Annette Wademant, Max Ophüls d’après le roman de Cécil Saint-Laurent
Photographie : Christian Matras
Musique : Georges Auric
Durée : 1h55
Année de sortie : 1955
LE FILM
Réduite à la déchéance, la scandaleuse Lola Montès est contrainte de donner en représentation sa fabuleuse destinée sous le chapiteau d’un cirque gigantesque.
Après avoir longuement planché sur une adaptation de l’opérette Mam’zelle Nitouche, puis débarqué du projet à cause de Fernandel qui ne souhaitait pas jouer avec son image comme le désirait Max Ophüls, le réalisateur du Plaisir jette finalement son dévolu sur le roman La Vie extraordinaire de Lola Montes de Cécil Saint Laurent. Ce sera son dernier film. Devant l’ampleur du projet (une véritable superproduction), le producteur Albert Caraco impose à Max Ophüls le cadre large, la couleur via Eastmancolor, le procédé Stéréophonique et la comédienne Martine Carol, consacrée star internationale depuis Caroline chérie déjà adapté du roman de Cécil Saint Laurent.
Transformée, brune, épuisée par les médicaments, la morphine, l’alcool, les tentatives de suicide et les innombrables conquêtes éphémères, Martine Carol n’est plus que l’ombre d’elle-même dans Lola Montès, étonnamment et malheureusement prémonitoire quant à la destinée de l’actrice qui mourra prématurément à l’âge de 46 ans en 1967. Par ailleurs, tout le film est à l’image de Martine Carol, une superbe coquille vide.
Si Lola Montès est une oeuvre ambitieuse, magnifique sur le plan visuel où chaque plan semble pensé comme un véritable tableau de maître, l’émotion n’est pas au rendez-vous et jamais le film ne parvient à toucher le spectateur. Les séquences s’enchaînent de façon mécanique grâce à des retours en arrière essayant vainement de donner un rythme à l’ensemble, les personnages s’apparentent à des marionnettes savamment manipulées par Max Ophüls ou plutôt à des statues de cire auxquelles manquent l’essentiel, une âme.
Le spectateur suit cette alternance entre scènes de cirque (quasi-felliniennes) où Lola Montès est exhibée sous un chapiteau gigantesque telle une bête de foire (les séquences les plus réussies du film) et des scènes de flashbacks qui reviennent sur quelques épisodes clés de la vie de cette courtisane déchue et ruinée, en mettant en avant ses scandaleuses histoires de femme fatale.
Ces séquences se regardent avec un ennui poli, surtout la partie consacrée au roi Louis Ier de Bavière et l’on s’impatiente de retrouver le génial Peter Ustinov dans le rôle du Monsieur Loyal qui présente fièrement sa créature. Après son numéro, Lola Montès répond aux questions souvent douteuses de l’assistance, avant de sauter dans le vide… avec ou sans filet. Elle est ensuite exposée dans une cage où chaque spectateur, moyennant un dollar, peut venir toucher celle qui a tant défrayé la chronique. C’est dans cette analyse du spectacle et de l’exposition finalement visionnaire de « vedette people » que Lola Montès interpelle le plus.
A sa sortie, Lola Montès a fait l’objet d’un acharnement public et médiatique sans précédent, un fiasco retentissant au box-office (malgré Martine Carol dans le rôle-titre) et un rejet quasi-total de la part de la critique. Quelques mois plus tard, le film est remonté par les producteurs, mutilé, remixé. Aujourd’hui, après avoir été reconstitué et recomposé comme il avait été pensé originellement par son créateur, Lola Montès a toujours autant de détracteurs que d’adulateurs. Ces derniers y voient un chef d’oeuvre maudit incompris, à réhabiliter, les autres, comme l’auteur de ces mots, y voient une fresque certes plastiquement irréprochable, avant-gardiste, baroque, magnifiquement cadrée, mais malheureusement glaciale.
LE BLU-RAY
Un peu plus de six ans après son édition en DVD et en Blu-ray chez Gaumont, Lola Montès fait son retour dans les bacs, cette fois sous les couleurs de Carlotta Films. Visuel sobre, tout comme le menu principal, fixe et musical.
Exit les deux heures de suppléments disponibles sur l’édition Gaumont !
Nous trouvons ici un bonus minuscule d’une minute, compilant divers essais coiffures de Martine Carol, que l’on trouvait par ailleurs dans un des documentaires de l’édition Gaumont.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce du film (5’30), supplément à part entière puisqu’elle est commentée par l’auteur Cécil Saint-Laurent (Caroline Chérie). En voix-off sur un montage d’images tirées du film, l’écrivain s’avoue très heureux de cette adaptation, raison pour laquelle il a demandé à la production de composer ce commentaire. Un panneau déroulant indique que le film est projeté pour la première fois dans son intégralité.
L’Image et le son
Peu de changements par rapport à l’édition Gaumont de 2013, puisque l’éditeur n’a réalisé que de très légères modifications. Lors de sa sortie dans les salles, Lola Montès avait été mutilé et tronqué par les producteurs suite au rejet total des spectateurs dès la première le 23 décembre 1955. Certains dialogues en allemand avaient été redoublés en français, le mixage recomposé, évidemment contre la volonté de Max Ophüls. Fin 1956, le film fut encore raccourci et remonté dans un ordre chronologique. En 1968, le producteur français Pierre Braunberger récupère les droits de Lola Montès et reconstitue la version initialement réalisée par Max Ophüls. 40 ans plus tard, en 2008 donc, la Cinémathèque française use de la technologie numérique pour présenter enfin une version entièrement restaurée et fidèle à celle voulue par le réalisateur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette édition HD ressuscite le flamboyant Eastmancolor de Lola Montès. D’emblée, le générique d’ouverture illumine les rétines. Les teintes rouge, verte, bleue, jaune explosent à l’écran comme un feu d’artifice. Le codec AVC stabilise l’image à la perfection, le grain original est respecté (peut-être mieux géré ici qu’en 2013) sans utilisation outrancière de réducteur de bruit et le cadre large est réhabilité. Les contrastes sont au beau fixe, même si certains noirs demeurent poreux et tirent sur le vert, le piqué est parfois émoussé et les fondus enchaînés sont souvent déséquilibrés. La propreté demeure impressionnante tout du long, tout comme les détails, la luminosité des séquences en extérieur est superbe. Les quelques accrocs constatés et mentionnés restent anecdotiques puisque les volontés artistiques originales sont entièrement respectées. L’image est néanmoins plus sombre que sur l’édition Gaumont, c’est là la grande différence entre les deux Blu-ray.
Le film est disponible en version française Stéréo ou 3.0. Peu de différences notables entre les deux mixages, les dialogues restent propres et bien distincts. La musique est bien délivrée, quelques effets annexes sont notables, mais l’action reste évidemment frontale. Le confort acoustique est plaisant et sans esbroufe, bien que certains dialogues, vraisemblablement repris en postsynchronisation, se révèlent parfois plus sourds. En revanche, mauvais point car aucune trace de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, pourtant présents chez Gaumont.