L’AVION DE L’APOCALPYSE (Incubo sulla città contaminata) réalisé par Umberto Lenzi, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 3 septembre 2024 chez Artus Films.
Acteurs : Hugo Stiglitz, Laura Trotter, Maria Rosaria Omaggio, Francisco Rabal, Sonia Viviani, Eduardo Fajardo, Stefania D’Amario, Ugo Bologna, Sara Franchetti, Manuel Zarzo…
Scénario : Antonio Cesare Corti, Luis María Delgado & Piero Regnoli
Photographie : Hans Burmann
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Un avion sorti de nulle part atterrit sur la piste d’aéroport d’une grande ville. Il en sort une horde de zombies aux visages défigurés et affamés de chair et de sang humain. Et de là l’épidémie commença…
Cannibales au low-cost. Moui…elle était facile c’est vrai…mais comment résumer L’Avion de l’apocalypse – Incubo sulla città contaminata (littéralement Cauchemar sur la ville contaminée) ou bien encore L’Invasion des zombies (titre de sortie sur les écrans français), réalisé, ou plutôt commis par Umbert Lenzi en 1980, entre La Secte des cannibales – Mangiati vivi! et le légendaire Cannibal Ferox ? Emballé avec peu de moyens, ce cargo pesant peine à décoller (pourtant il vole hein) et son scénario demeure au ras du bitume (du tarmac plutôt, ok on arrête) du début à la fin, en compilant les scènes de massacre à la va-comme-je-te-pousse (“Mon Dieu, c’est incroyable, c’est absurde” s’exclame le personnage principal devant la première attaque, il n’a pas tort), en offrant aux spectateurs ce qu’il est venu chercher, mais sans jamais chercher à aller plus loin ou trouver une originalité quelconque. Vraisemblablement peu concerné par ce qu’il fait, Umberto Lenzi semble en pilotage automatique, remplit le cahier des charges qui lui a été confié, et officie comme technicien uniquement, en attendant que ça se passe. Le public pervers, dont nous faisons partie, pourrait y trouver quelques éléments à sauver, notamment cette propension à y aller à fond dans les scènes gores, mais tout y est malheureusement déjà vu et revu. Néanmoins, et c’est là l’ironie, on ne s’ennuie pas devant L’Avion de l’apocalypse, sans doute grâce à un montage alerte, qui parvient à coudre les scènes ensemble, en faisant croire que tout ce que l’on voit à l’écran à un sens et qu’une dramaturgie est en cours devant nos yeux révulsés. C’est là qu’on reconnaît la patte Lenzi, sûrement pas un manchot, mais qui “confectionne” son opus d’épouvante de deux mains gauches.
Un avion se pose mystérieusement sur l’aéroport d’une grande ville. En sort une horde de créatures mi-infectées mi-zombies, qui se mettent à dévorer tout ce qui bouge. Les personnes mordues sont contaminées à leur tour, lançant une grosse épidémie sur la ville. Un journaliste va tenter de retrouver sa femme dans la panique générale.
Enfin panique, panique…c’est vite dit. On se marre en fait surtout ! Après le refus d’Enzo G. Castellari, qui avait aussi décliné L’Enfer des zombies l’année précédente, Umberto Lenzi se retrouve donc aux commandes de cet avion, qui nous semble déserté de son équipage tout du long. Nous ne sommes visiblement pas face à des morts-vivants (pourtant, on croirait bien…), mais plutôt à des individus à la peau cramée (Biafinisez-vous bon sang!), qui ont muté après s’être retrouvés près d’un réacteur nucléaire en sale état, et qui ont oublié de prendre leurs comprimés d’iode. De ce fait, ayant l’épiderme noirci et pelant salement, les bougres attaquent ceux qu’ils trouvent sur leur chemin, avant de leur sucer le sang, nécessaire au bon fonctionnement de leur nouveau système de défense. Mais ils auront fort à faire, car ils vont tomber nez à nez avec Dean Miller, qui ne demandait rien à personne, si ce n’est faire un reportage sur l’arrivée (par les airs donc) du concepteur du réacteur défaillant. Ce bon vieux Dean à barbe mal taillée est interprété par l’acteur mexicain Hugo Stiglitz, star incontestée en son pays, vu dans Au-dessous du volcan – Under the Volcano (1984) de John Huston, dont le charisme d’endive laisse pantois. Balai bien placé, inexpressif au possible, le comédien (imposé par la production, alors que Lenzi aurait préféré Franco Nero ou Fabio Testi) ne fait rien pendant les 90 minutes du récit, si ce n’est faire semblant de conduire une ambulance et d’attendre que sa partenaire italienne Laura Trotter (Monella-Lola la frivole, La Dernière Maison sur la plage) termine sa réplique, pour dégainer mollement la sienne. Si Laura Trotter s’en sort mieux, l’apparition dénudée (« Dio, che tette » comme le disait Ugo Tognazzi en regardant les seins nus de Laura Morante dans La Tragédie d’un homme ridicule de Bertolucci) de Maria Rosaria Omaggio (Flics en jeans) retient l’attention et l’image reste en tête.
Mais en dehors de cette « récréation » visuelle et physique, peu de choses sont réellement marquantes dans L’Avion de l’apocalypse et ce n’est pas la participation neurasthénique de Mel Ferrer, alors paumé en Italie (il venait de terminer La Secte des cannibales et allait prendre un billet d’avion pour l’Allemagne pour y tourner Lili Marleen de Fassbinder), qui sauvera l’entreprise. Il faut le voir engoncé dans son uniforme trop cintré, baguette en main pour désigner quelques éléments d’une maquette laide, les yeux plissés comme s’il avait oublié de prendre sa dragée Fuca. Mention spéciale aux autres protagonistes, tout aussi cons, comme la fille du général qui s’oppose à son père pour aller pique-niquer avec son boyfriend en prétextant « J’ai pas l’intention de gâcher notre week-end, rien à faire de l’état d’urgence ! », tandis que d’autres prennent le temps de savourer un bon café au comptoir d’une station service étrangement désertée (y’a personne ? Ce n’est pas grave, je veux mon cappuccino), sans oublier ce préposé au standard du ministère de la défense qui déclame la même réplique à plusieurs reprises durant le film « Un instant, je vous passe le général Murchison ».
On reste dubitatif devant cette « invasion des zombies atomiques » (les maquillages sont outranciers) comme les espagnols ont intelligemment baptisé cet opus fantastico-d’épouvante, avec son scénario coécrit par des types qui ont pondu les solides Les Contrebandiers de Santa Lucia d’Alfonson Brescia, Navajo Joe de Sergio Corbucci et Comme des chiens enragés de Mario Imperoli. Demeure la composition toujours inspirée de Stelvio Cipriani (Terreur sur la lagune, Un flic explosif, Section de choc), mais c’est insuffidant. Certes, L’Avion de l’apocalypse n’arrive pas à la cheville de Virus Cannibale de ce cher Bruno Mattei, mais il s’avère bien plus divertissant que le minable World War Z de Marc Foster qui avait coûté 200 millions de dollars…c’est dire…
L’ÉDITION BLU-RAY+DVD+LIVRE
C’est un titre une fois de plus mythique qui fait l’événement de la rentrée chez Artus Films ! Car peu importe ce que l’on pense de l’opus d’Umberto Lenzi, L’Avion de l’apocalypse est un film culte, qui était attendu en Haute-Définition dans nos contrées. Ainsi, quasiment vingt ans pile-poil après une édition DVD sortie chez Neo Publishing, Incubo sulla città contaminata fait son retour dans les bacs et ce de la plus belle manière. L’éditeur à l’ours placide a concocté un superbe objet de collection, qui prend la forme d’un Digipack à deux volets, magnifiquement illustré, glissé dans un fourreau cartonné au visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical. L’ensemble s’accompagne d’un magnifique livret de 64 pages, écrit par l’expert David Didelot et intitulé L’Avion de l’apocalypse, ou l’horreur malgré soi. Ce nouvel ouvrage de référence est une petite bible à part entière, qui propose non seulement un retour complet sur L’Avion de l’apocalypse, mais aussi sur la carrière dans l’horreur (mais pas que) d’Umberto Lenzi. Tout en mettant en relief les très nombreux points négatifs du film, David Didelot ne peut dissimuler un incommensurable amour pour le cinéaste italien, y compris pour ses œuvres les moins stimulantes, marquantes ou défendables. Car comme il l’écrit, « il y a toujours quelques chose à sauver dans un film d’Umberto Lenzi », comme dans celui qui nous intéresse aujourd’hui. Blindé d’informations, de références, de titres aussi hallucinants qu’alléchants, ce livret se dévore et donne évidemment envie de découvrir les titres les plus obscurs d’une carrière totalement dédiée au cinéma d’exploitation.
Même si la forme austère et le manque de punch se font ressentir, on ne pourra pas nier qu’Emmanuel Le Gagne et Sébastien Gayraud aiment tout autant Umberto Lenzi et cela se voit dans leur présentation (32’30). Les deux intervenants se renvoient correctement la balle et dressent dans un premier temps un portrait de cet auteur incontournable du cinéma Bis italien, à la carrière prolifique, qui a suivi la mode des genres et des sous-genres qui attiraient les foules dans les salles. Le tandem nous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, quand des films aussi nawaks que L’Avion de l’apocalypse sortait sans aucun complexe dans les cinémas du monde entier, dans l’espoir d’amasser le maximum de lires, pesetas, francs, dollars…Emmanuel Le Gagne a l’air plus effacé que son partenaire, qui ne manque pas de donner moult informations sur Incubo sulla città contaminata, même s’il faut attendre vingt minutes pour que le film soit enfin abordé à travers son casting, la musique, la photographie, les partis-pris et son final controversé.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce américaine (« Nightmare City »), ainsi qu’une Diaporama d’affiches et de photographies.
L’Image et le son
Le Blu-ray édité par Artus Films restitue habilement les volontés artistiques originales en conservant heureusement et généralement le précieux grain cinéma (parfois très appuyé) ainsi que les couleurs froides et sombres (beaucoup de scènes se déroulent d’ailleurs dans la pénombre), même si les puristes constateront des plans étonnamment plus lisses. Les contrastes sont corrects et le relief parfois étonnamment palpable, tandis que le piqué demeure suffisamment vif. Ces partis pris entraînent certes une image parfois plus douce, une sensible perte de la définition sur certaines séquences, mais la compression est solide, les détails sont légion, les noirs denses et la copie éclatante. Quant à la restauration 2K, elle a certes ses limites, mais l’ensemble n’a jamais été aussi net.
Contrairement à l’édition Neo Publishing, aucune trace de la version anglaise, langue pourtant parlée sur le tournage. Il faudra donc se contenter de la piste italienne et de celle de notre bon pays, mais nous ne nous plaindrons pas. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et ne peine jamais à restituer les dialogues, tout en laissant une belle place à la musique du maestro Stelvio Cipriani. A titre de comparaison avec la VF, elle est la plus dynamique et la plus riche du lot. Signalons que dix bonnes minutes avaient été coupées pour la sortie hexagonale. Le visionnage passe automatiquement en version italienne sous-titrée français.