Test Blu-ray / La Mandarine, réalisé par Edouard Molinaro

LA MANDARINE réalisé par Edouard Molinaro, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 23 mai 2018 chez LCJ Editions

Acteurs : Annie Girardot, Philippe Noiret, Madeleine Renaud, Murray Head, Marie-Hélène Breillat, Jean-Claude Dauphin, Robert Berri, Madeleine Damien, Nane Germon, Pippo Merisi…

Scénario : Christine de Rivoyre, Édouard Molinaro d’après le roman éponyme de Christine de Rivoyre

Photographie : Claude Lecomte

Musique : Claude Bolling

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Séverine et Georges dirigent un hôtel de luxe, rue de Rivoli, dont Mémé Boule, une alerte vieille dame, est propriétaire. A la mort de leurs parents, Mémé Boule a adopté Séverine et ses deux frère et soeur jumeaux, Alain et Baba. De l’un de leurs nombreux voyages, Alain et Baba ramènent un écrivain anglais qu’ils installent à demeure. Le séduisant jeune homme a tôt fait de séduire Baba, Mémé Boule et Séverine elle-même, pourtant tout d’abord réticente…

Du cinéaste Edouardo Camille Molinaro alias Edouard Molinaro (1928-2013), nous connaissons surtout ses immenses succès populaires, Oscar (plus de six millions d’entrées), La Cage aux folles (5,4 millions), Hibernatus (3,4 millions), L’Emmerdeur (3,3 millions), La Cage aux folles 2 (3 millions), Mon oncle Benjamin (2,7 millions) ou bien encore Une ravissante idiote (2,2 millions). Au cours de sa longue carrière, le réalisateur aura attiré près de 50 millions de spectateurs dans les salles françaises. Pourtant, Edouard Molinaro n’a jamais caché que les films qui lui étaient le plus cher et le plus personnel étaient ceux dissimulés dans l’ombre. Au début des années 1970, après le triomphe de Mon oncle Benjamin, le cinéaste désire s’éloigner quelque peu du cinéma commercial et retrouver une veine plus intimiste. Ce sera le cas de La Liberté en croupe (1970) et Les Aveux les plus doux (1971), deux films atypiques et résolument d’auteur, qui ne rencontrent cependant aucun succès à leur sortie. Qu’à cela ne tienne, bien décidé à continuer dans cette voie, Edouard Molinaro jette son dévolu sur un roman de Christine de Rivoyre publié en 1957, La Mandarine, qu’il adapte avec l’écrivaine elle-même. Ecrit bien avant 1968, La Mandarine annonçait alors les revendications féministes sociales et culturelles qui exploseront à l’aube des années 1970. Sa transposition à l’écran s’inscrit donc dans l’air du temps et offre au réalisateur un terrain de jeu dans lequel il aborde la liberté sexuelle, la bourgeoisie repliée sur elle-même, ainsi que la jeunesse éphémère et l’envie de bouffer la vie, à travers une histoire d’amour passionnée et avec une liberté de ton rare et insolite dans le paysage cinématographique français.

Séverine et Georges sont mariés et s’aiment tendrement. Ils dirigent un hôtel de luxe et de vieille tradition, rue de Rivoli. Mémé Boul, une vieille dame un peu farfelue, en est la propriétaire. Elle a adopté à la mort de leurs parents, Séverine et les jumeaux Alain et Baba. Tout ce petit monde vit sans problème. Alain et Baba prolongent tranquillement leur adolescence, passant le plus clair de leur temps soit dans leur chambre à écouter de la musique pop, soit à voyager. D’un de ces voyages, ils ramènent à l’hôtel Tony, un jeune écrivain anglais, très riche. Il promène, dans sa grosse voiture, Alain et Baba qui lui font découvrir Paris. Bientôt Mémé Boulle tombe sous le charme de Tony et celui-ci la mène en promenade au Bois de Boulogne… Séverine qui, au début, n’appréciait pas tellement le garçon, ira elle aussi faire un petit tour au Bois dans sa voiture. A la suite de cela, elle fuit l’hôtel, pour se réfugier dans un appartement de l’avenue Henri-Martin.

« J’ai faim » dit Séverine, incarnée par Annie Girardot, quelques secondes après avoir fait l’amour avec son mari Georges, interprété par l’immense Philippe Noiret. De l’appétit, il en question tout du long dans La Mandarine. Séverine est gourmande et souhaite croquer tout ce qui est bon et qui passe devant elle, sans pour autant se soucier des répercussions. Elle vit avec son époux et sa famille dans un hôtel quelque peu étouffant situé rue de Rivoli, juste en face du Jardin des Tuileries. Il y a de l’argent dans l’air, tout le monde vit les uns sur les autres dans ces pièces aux papiers peints orangés, Séverine dévalise la cuisine de son propre hôtel et ne semble jamais rassasiée. Tout va pour le mieux, jusqu’à ce qu’un élément venu de l’extérieur vienne troubler cette routine.

Edouard Molinaro confronte les générations. Nous retiendrons tout d’abord Mémé Boul, à qui l’incroyable Madeleine Renaud, grande comédienne de théâtre et vue au cinéma chez Julien Duvivier, Jean Grémillon et Philippe de Broca (la marquise du Diable par la queue), prête son énergie débordante, son élégance et son sourire coquin. C’est elle qui va pousser sa petite-fille Séverine dans les bras de cet étrange anglais Tony Vanguard-Bellay (le chanteur Murray Head, en ersatz de Terence Stamp du Théorème de Pier Paolo Pasolini), puisque l’âge ne lui permet plus d’aller batifoler elle-même dans les bras du jeune homme. Comme si cette octogénaire fringante désirait revivre sa jeunesse à travers celle de sa petite-fille. Dans cet hôtel de luxe, vivent aussi les deux derniers de la famille, deux jumeaux, un frère et une sœur, Alain et Baba. Fusionnels, trop sans doute. Le mot n’est jamais prononcé, mais Alain et Baba entretiennent une relation incestueuse. La famille est « consentante », jusqu’à ce que Baba se retrouve enceinte. Cet évènement risque-t-il de bouleverser la tranquillité de cette famille fantasque ?

Annie Girardot sort du triomphe de Mourir d’aimer d’André Cayatte. Elle est alors l’actrice française numéro 1. En acceptant ce rôle dans La Mandarine, la comédienne montre qu’elle ne se laisse pas tenter par la facilité. Engagée, féministe, Annie Girardot trouve ici un de ses rôles les plus délicats et joue constamment avec une empathie difficile à cerner. L’alchimie avec son partenaire Philippe Noiret est évidente – ils venaient d’ailleurs de tourner La Vieille fille de Jean-Pierre Blanc – et tapera dans l’oeil de Philippe de Broca, qui les réunira dans le formidable diptyque Tendre poulet / On a volé la cuisse de Jupiter.

Edouard Molinaro ne cesse d’étonner avec ce film complexe qu’est La Mandarine. Si la photographie de Claude Lecomte (L’Ours et la poupée) a pris un sacré coup de vieux avec ses partis pris que n’aurait pas reniés le décorateur d’intérieur du Modem, ces volontés artistiques donnent son identité au film, créant une atmosphère trouble et ambiguë. Résonne la composition de l’immense Claude Bolling, qui souligne le caractère faussement léger de ce récit troublant, entre rires et larmes, toujours avec une classe à la fois discrète et virtuose.

La Mandarine sort sur les écrans en mars 1972 et rencontre un joli succès avec 1,3 million d’entrées, sans doute lié à la présence d’Annie Girardot en haut de l’affiche. Aujourd’hui complètement oublié, La Mandarine demeure un film secret, bourré de charme, de mélancolie et de pudeur, que l’on redécouvre comme un petit trésor caché, qui interpelle par son audace, sa volonté de s’éloigner d’un genre balisé et surtout de bouleverser les repères des spectateurs. Une (re)découverte s’impose assurément.

LE BLU-RAY

Appartenant au catalogue de LCJ Editions depuis 2011, l’éditeur a ensuite proposé La Mandarine en Haute-Définition en mai 2018. Jaquette sobre, couleur mandarine forcément, menu principal animé sur une séquence du film. Le film d’Edouard Molinaro intègre la collection Films Classiques de l’éditeur.

LCJ Editions a retrouvé un reportage tiré de l’émission Pour le cinéma, diffusé le 2 janvier 1972, composé d’images de tournage et d’interviews d’Edouard Molinaro, Philippe Noiret, Annie Girardot, Madeleine Renaud et Murray Head (10’).

Nous retrouvons Edouard Molinaro dans un court extrait tiré (1’35) d’un entretien de 2013. Le réalisateur, enregistré peu de temps avant sa disparition, s’exprime sur les difficultés rencontrées pour produire ce film intimiste et qui lui tenait à coeur, jusqu’à l’arrivée d’Annie Girardot sur le projet, ce qui a permis à La Mandarine de voir le jour.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Superbe restauration 4K réalisée par Silverway Media ! La copie est en tout point resplendissante, les couleurs ravivées avec bien sûr une prédominance de teintes orangées, la stabilité irréprochable, la propreté ébouriffante. Le piqué ne cesse d’étonner pour un film tourné en 1971, les contrastes sont denses et impressionnants. La texture argentique est quant à elle heureusement préservée, fine, équilibrée, constamment flatteuse pour les yeux. Les séquences en extérieur sont lumineuses. Sans aucun doute l’un des plus beaux Blu-ray du catalogue LCJ Editions.

Le mixage PCM Stéréo 2.0 instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Claude Bolling ne manque pas de coffre. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © L.C.J. Editions & Productions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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