Test Blu-ray / La Femme-objet, réalisé par Claude Mulot

LA FEMME-OBJET réalisé par Frédéric Lansac (Claude Mulot), disponible en Blu-ray chez Pulse Vidéo & Vinegar Syndrome.

Acteurs : Marilyn Jess, Nicole Segaud, Richard Allan, Laura Clair, Nadine Roussial, Frédéric Carton, Catherine Marsile, Guy Bérardant, Dominique Aveline…

Scénario : Claude Mulot

Photographie : François About

Musique : Jean-Claude Nachon

Durée : 1h26

Année de sortie : 1981

LE FILM

Nicolas est un obsédé sexuel, macho, qui ne pense qu’à son propre plaisir. Ecrivain à la sexualité débordante, il raconte face à sa machine à écrire sa frustration sexuelle et le moyen futuriste auquel il a recouru pour y pallier : une androïde platine (habillée de cuissardes) pouvant satisfaire à ses moindres besoins. Tant d’égoïsme et d’insatiabilité auront-ils raison de ce Frankenstein de la fesse ?

Quand on demande à un cinéphile/cinéphage de citer un ou plusieurs films pornographiques qui l’a ou l’ont marqué, la réponse met un petit bout de temps à arriver. Cela peut dépendre de la génération de l’intéressé en question, ou de sa timidité qui l’empêche alors de faire ressurgir de sa mémoire moult titres qu’il avait soit découvert directement au cinéma, soit en VHS ou devant Canal+ le premier samedi du mois. Mais s’il y a bien une œuvre classée X qui a toujours fait l’unanimité et ce peu importe l’âge du spectateur coquin, c’est bel et bien La Femme-objet, sorti en 1981 et réalisé par Frédéric Lansac, alias Claude Mulot (1942-1986). Les plus fidèles de Homepopcorn.fr auront noté toute l’affection que nous avons pour les films du réalisateur, en particulier ceux dont nous avons déjà parlé, La Rose écorchée, La Saignée, Les Charnelles et Le Couteau sous la gorge, qui penchaient de plus en plus vers l’érotisme pur jus. Sous le nom de Frédéric Lansac (nom repris du personnage principal de La Rose écorchée), Claude Mulot aura ainsi mis en scène des œuvres pornographiques comme le mythique Sexe qui parle (1975), Shocking ! (1976), Blue Ecstasy (1976), La Grande baise (1976), Suprêmes jouissances (1977) et surtout Les Petites écolières (1980) qui offrait à la légendaire Brigitte Lahaie son ultime baroud d’honneur dans le X. Comme un passage de flambeau, et Dieu sait si elle brûle la pellicule, Dominique Troyes, connue par les amateurs et spécialistes sous le nom de Marilyn Jess (ou Patinette) obtient le premier rôle de La Femme-objet, écrit et mis en scène par Claude Mulot, qui fait de sa comédienne la nouvelle star du cinéma pornographique. D’une beauté foudroyante, sculpturale, la peau laiteuse et la poitrine généreuse(ment) offerte aux spectateurs, Marilyn Jess entre dans les annales (j’en vois deux qui rient) et trouve ici le rôle qui changera sa carrière, mais aussi celui de sa vie. Si La Femme-objet vire au film fantastique dans sa seconde partie, l’actrice en est le seul et unique effet spécial, à la fois hypnotique et sublime, suprêmement excitante et inoubliable. Non seulement la mise en scène demeure soignée, mais l’histoire elle-même conserve une modernité impressionnante, puisque la réalité a depuis rejoint la fiction. Tout cela pour dire que si vous n’avez jamais vu un film pornographique dans votre vie, c’est que premièrement ce n’est pas beau de mentir, et que deuxièmement vous devez absolument découvrir La Femme-objet.

LA PAGE SUIVANTE EST INTERDITE AUX MOINS DE 18 ANS.

Un écrivain de science-fiction, Nicolas, est doté d’une sexualité très exigeante qui épuise ses partenaires. Celles-ci le quittent toutes au bout de quelque temps lassées par sa virilité hors normes. Après plusieurs déceptions, il trouve enfin la partenaire idéale dans un robot qu’il fabrique de ses mains et qu’il programme pour obéir à sa volonté. Mais la créature se retourne contre son maître et le transforme, à son tour, en jouet sexuel.

Jusqu’à présent, celle qui se faisait appeler Marilyn Wild, et qui a dû changer son pseudo en raison d’une homonyme et consœur américaine, posait pour des magazines de charme et de lingerie sexy. C’est en 1978 qu’elle fait ses débuts devant la caméra dans Collégiennes à tout faire de Georges Clair. Les propositions se multiplient très rapidement et Marilyn Jess enchaîne les apparitions et performances dans des films aux titres aussi fleuris qu’explicites comme Langues profondes de Michel Lemoine, Infirmières très spéciales et La Grande mouille (Partie de chasse en Sologne) de Claude Bernard-Aubert, Couples pour partouzes de Jean-Jacques Renon, Le Rodéo du sexe et Adolescentes à dépuceler d’Alain Payet, Les Bidasses et la baiseuse de Patrice Rhomm, Gamines en Chaleur de Jean Rollin, Déculottez-vous, fillettes de Francis Leroi, Trois lycéennes en chaleur de Georges Clair, Prenez-moi, j’aime tout de Michel Caputo. En 1980, elle fait une apparition dans Les Petites Écolières réalisé par Claude Mulot. Un an plus tard, Marilyn Jess crève l’écran et les caleçons dans La Femme-objet.

Si nous n’avons d’yeux que pour cette divine créature, celle-ci n’apparaît qu’à la moitié du film. Jusqu’alors, le spectateur aura appris à connaître le personnage principal, interprété avec turgescence par le très en verge et prolifique Richard Lemieuvre, aka Richard Allan ou Queue de béton pour les intimes, qui lui aussi se bâtira une carrière imposante de près de 400 films. Avant La Femme-objet, Les Goulues, La Fessée ou les Mémoires de monsieur Léon maître-fesseur, Arrête, tu me déchires, C’est la fête à mon cul, J’ai pas de culotte, Le Feu à la minette, Les Aventures des queues nickelées, Lèvres gloutonnes, Rentre c’est bon, Zob, zob, zob, Pénétrez-moi par le petit trou, Symphonie partouzarde auront montré le membre en action et jamais rassasié de Richard Allan. C’est comme qui dirait l’histoire de son personnage dans La Femme-objet, dans lequel il incarne un écrivain aux besoins sexuels gargantuesques, qui ne peut pas s’empêcher de faire l’amour à celle qui partage sa vie, même quand celle-ci est en train de faire la vaisselle. Avant de créer sa femme robot, il épuisera Sabine (Nicole Segaud, alors la vraie compagne de l’acteur), qui se pliait pourtant à toutes ses exigences et fantasmes débridés (mais être prise en levrette alors qu’elle lavait les verres était la fois de trop) et la secrétaire intérimaire Lucille (Laura Clair). Après avoir séduit une attachée de presse (Nadine Roussial), Nicolas décide de créer la femme idéale, comprenez par là une jeune nana qui ne parle pas, pour qui les cuissardes semblent avoir été conçues et qui répond présent dès qu’il a envie de passer du bon temps. C’est ainsi que Kim (un hommage à Kim Novak de la part de Claude Mulot) naît dans le laboratoire secret de Nicolas. Armé de sa petite télécommande, la blonde aux lèvres rouges appétissantes et au regard de velours obéit au(x) doigt(s) et à l’oeil à son créateur. Jusqu’au jour où la situation se renverse…

La Femme-objet contentera évidemment dans un premier temps ceux et celles qui attendent en priorité des scènes de cul et de ce point de vue-là, ils en auront pour leur argent puisque les fesse-tivités démarrent au bout de deux minutes, pour ne plus s’arrêter pendant près d’1h20. Mais dans un second temps, certains pourront également s’enthousiasmer sur la délicatesse avec laquelle Claude Mulot filme les visages de ses comédiens. A ce titre, on sent que le cinéaste s’est fait plaisir lors de l’éveil de Kim dans le laboratoire de fortune (une cave à peine rangée, des néons pour faire genre, une table de camping sur laquelle a été posée un drap), une scène qui renvoie à son amour inconsidéré pour le cinéma de genre, où l’ombre des films de James Whale et celle du Pinocchio de Carlo Collodi ne sont jamais bien loin, ainsi qu’un jouet R2D2 qui revient à plusieurs reprises.

Et puis même si le film contient son lot de gros plans sur les parties anatomiques de ses soldats du sexe (« y’a du poil et y’a du cul » dixit Mozinor dans son sketch La Brigade des culottes), la photo du chef opérateur François About a vraiment de la gueule avec ses éclairages ouatés et ses couleurs bariolées, sans oublier la musique au synthé de Jean-Claude Nachon qui apporte un vent de folie à l’ensemble.

N’oublions pas l’aspect disons psychologique de l’intrigue, puisqu’en filigrane, Claude Mulot dresse le portrait d’un homme accro au sexe (sa malédiction, ses frustrations, ses fantasmes), cynique et bavant de propos machistes, à l’instar du personnage incarné par Michael Fassbender dans Shame (2011) de Steve McQueen, les deux films étant étrangement assez similaires dans leur approche. Ce qui prouve que La Femme-objet est loin d’être le simple produit destiné à flatter Popaul dans les chaumières et reste avant toutes choses un film d’auteur, ni plus ni moins.

LE BLU-RAY

Franchement, nous étions loin d’imaginer que nous aurions la possibilité de chro-niquer un jour l’édition HD de La Femme-objet, qui était jusqu’à présent proposé en DVD chez Alpha France ! Un véritable petit trésor disponible dans nos mains tremblantes et moites, qui prend la forme d’un Slim Digipack à trois volets (glissé sans lubrifiant dans un fourreau cartonné), illustrés par des coquinous. Le Blu-ray multizone reprend le visuel de l’affiche d’exploitation qui stipulait que le film avait été récompensé par le « Grand Prix du mouvement de la Libération de l’homme ». Cette édition collector est imputable à l’éditeur Pulse Vidéo, qui à cette occasion s’est associé avec l’américain Vinegar Syndrome, le tout approuvé par le célèbre producteur et distributeur Francis Mischkind. Ce dernier a par ailleurs supervisé la restauration HD et apparaît dans les suppléments créés tout spécialement pour cette superbe édition. Le menu principal (en anglais ou en français) est animé et musical. A noter que l’édition Digipack limitée à 1000 exemplaires était une exclusivité liée à la campagne de participation Ulule ayant permis la réalisation de ce Blu-ray. La Femme-objet est à la vente en édition « simple » (https://pulsestore.net/), autrement dit en boîtier Standard transparent (du type Criterion), le disque quant à lui identique, mais la jaquette proposée en français ou en anglais.

Après avoir vu et revu le film, être revenu en arrière, avoir fait pause et mis au ralenti La Femme-objet, dirigez-vous vers le documentaire rétrospectif intitulé Le Dernier porno à Paris, d’une durée confortable de 55 minutes. Tour à tour, Dominique Troyes, alias Marilyn Jess, Didier Philippe Gérard (premier assistant de Claude Mulot), Richard Allan (Nicolas), Francis Mischkind (producteur, dont les propos sont repris de l’interview disponible sur l’édition des Charnelles, édité par Le Chat qui fume) et François About (directeur de la photographie) reviennent sur tous les aspects de La Femme-objet, sur la genèse du film, l’écriture, la créativité et l’inspiration de Claude Mulot (dont le scénario était finalement visionnaire), sur les conditions drastiques de tournage, mais aussi et surtout sur l’investissement de toute l’équipe, devant comme derrière la caméra. Marilyn Jess et Richard Allan abordent aussi leurs débuts respectifs au cinéma, évoquent leur découverte du scénario (« ce personnage c’est un peu ce que j’étais dans la vie » dit le comédien, dont le rôle avait été écrit spécialement pour lui), ainsi que leur collaboration avec Claude Mulot. De multiples souvenirs se croisent et s’entrecroisent dans ce documentaire (on apprend que l’appartement principal du film était en fait celui de Gérard Lauzier, que les principaux costumes de Marilyn Jess lui appartenaient réellement), d’où se dégage une forme de nostalgie contagieuse. Entre rires et émotions, nous écoutons ces artistes qui « travaillaient sérieusement, sans se prendre au sérieux », témoins d’une époque aujourd’hui totalement révolue, « hédoniste, libertaire et altruiste » comme le dit Francis Mischkind. A noter que les sous-titres anglais sont disponibles.

Nous trouvons ensuite un module consacré à la restauration de La Femme-objet (2002, 12’), en compagnie du producteur-distributeur Francis Mischkind. Avec un technicien-restaurateur, ce dernier découvre l’état du négatif original, marqué par une image verdâtre peu reluisante. Les deux hommes revoient l’étalonnage scène par scène, plan par plan, pour redonner au film ses « images lumineuses et chaudes à souhait », un peu comme cette chère Marilyn Jess en quelque sorte. Le nettoyage de l’image (y compris la disparition des poinçons opérateurs, ou les « brûlures de cigarettes » comme les appelle Tyler Durden dans Fight Club) est aussi abordé. Ce segment se clôt sur un comparatif avant/après la restauration. Les sous-titres anglais sont cette fois encore proposés.

Nous bénéficions également de très nombreuses bandes-annonces réparties en trois catégories, celles consacrées aux films de Marilyn Jess (22’), aux films de Frédéric Lansac (26’) et aux films de Claude Mulot (13’). Pour cette dernière catégorie, il s’agit bien sûr des films soft du réalisateur, à savoir La Rose Écorchée, La Saignée et Les Charnelles. Les autres bandes-annonces sont celles des films pornographiques du style Exhibition 79, Attention, fillettes – Dans la chaleur de Saint-Tropez et Bourgeoise et… pute ! (Phallus d’Or à Copenhague) de Gérard Kikoïne, Sans interdits, Le Sexe qui parle, Échanges de partenaires et bien sûr La Femme-objet.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos.

L’Image et le son

Qui aurait pu croire que nous disposerions de La Femme-objet en version intégrale, dans son format d’origine 1.66, dans un nouveau master restauré en Haute-Définition 2K ? Nous sommes ici en présence d’une copie quasi-exemplaire, entièrement ou presque débarrassée de ses scories et poussières diverses, hormis quelques rayures verticales visibles sur la scène de masturbation à la 12è minute. Mais vous étiez sans doute trop occupés à regarder ailleurs que sur les côtés de l’écran…Toujours est-il que les couleurs affichent une nouvelle vivacité, ainsi qu’une chaleur inédite, l’image est stable, propre, le grain argentique heureusement respecté. Les contrastes paraissent parfois un peu trop poussés, mais dans l’ensemble la qualité est impressionnante.

La piste DTS-HD Master Audio Mono délivre ses dialogues avec (h)ardeur et fermeté, jamais parasités par un souffle chronique ou quelques crac-craquements intempestifs. C’est nickel, dynamique, suffisamment riche et le confort appréciable. Le film est également disponible en anglais, en allemand et en espagnol. De quoi vous permettre de jouer avec les langues, bande de gourgandins ! Les sous-titres anglais sont proposés.

© 1980 FFCM / Visuels : Pulse Vidéo – Vinegard Syndrome. Tous droits réservés. / Captures du film et des suppléments : Franck Brissard (JamesDomb) pour Homepopcorn.fr

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