DREAM SCENARIO réalisé par Kristoffer Borgli, disponible en DVD & Blu-ray le 7 juin 2024 chez Metropolitan Vidéo.

Acteurs : Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera, Jessica Clement, Lily Bird, Star Slade, David Klein, Kaleb Horn…

Scénario : Kristoffer Borgli

Photographie : Benjamin Loeb

Musique : Owen Pallett

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Paul Matthews, un banal professeur, voit sa vie bouleversée lorsqu’il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes. Paul devient alors une sorte de phénomène médiatique, mais sa toute nouvelle célébrité va rapidement prendre une tournure inattendue…

De l’avis de Nicolas Cage lui-même, Dream Scenario est aux côtés de Leaving Las Vegas, Adaptation, Arizona Junior et Embrasse-moi vampire, l’un de ses meilleurs films, pour lequel il n’a pas hésité une seconde à s’engager après avoir lu cette histoire dingue. En effet, le second long-métrage écrit et mis en scène par le réalisateur norvégien Kristoffer Borgli (né en 1985), découvert avec Sick of Myself, rappelle l’univers d’un certain Charlie Kaufman, l’auteur culte de Dans la peau de John Malkovich et Adaptation de Spike Jonze, de Confessions d’un homme dangereux de George Clooney, de Human Nature et Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, mais fait aussi étrangement écho avec un film bien de chez nous, Superstar de Xavier Giannoli, libre transposition du roman L’idole de Serge Joncour, publié en 2004, qui racontait l’étrange histoire d’un homme qui, du jour au lendemain, devenait célèbre, sans savoir pourquoi. Dans Dream Scenario (production Ari Aster, à l’origine prévu aux manettes avec Adam Sandler comme tête d’affiche), un homme dans la foule, n’importe qui, le plus anonyme possible accède à la célébrité via un phénomène paranormal, en apparaissant dans les songes d’individus à travers le monde. Ce type, Paul Matthews, ne refuse pas cette célébrité absurde et soudaine, il peut même en espérer quelques retombées, comme voir son livre être publié, tandis que les gens s’intéressent encore plus à lui. À l’instar d’un fait divers troublant et avec un sens aiguisé de l’observation, Kristoffer Borgli crée un malaise certain, excellemment rendu par un immense Nicolas Cage, qui trouvait à l’aube de ses soixante ans l’un de ses plus beaux et grands rôles. Avec un savoir-faire technique souvent ébouriffant, le cinéaste raconte une histoire qui va bien au-delà de la soudaine notoriété d’un inconnu et des dérives de la société, en s’interrogeant notamment sur le sens du monde contemporain et des icônes. Dream Scenario est un spectacle de qualité, virtuose, énergique, percutant, l’un des films indispensables de l’année 2023.

Sophie, une adolescente, fait un rêve dans lequel un homme ratisse des feuilles au bord d’une piscine. Alors qu’enne commence à flotter dans les airs, elle appelle à l’aide cet homme qu’elle appelle papa. Son père, Paul Matthews, est professeur de biologie évolutionniste dans une université. Lorsqu’il apprend qu’une ancienne collègue écrit un article sur un sujet dont il avait discuté avec elle de nombreuses années auparavant, il cherche à l’affronter, mais la supplie plutôt de lui accorder une certaine reconnaissance. L’ex-petite amie journaliste de Paul, Claire, le voit avec sa femme, Janet, et lui dit qu’il apparaît dans ses rêves. Avec sa permission, elle écrit un article sur cette expérience. Bientôt, des centaines d’étrangers se présentent et reconnaissent Paul dans leurs rêves. Bien que Paul apprécie la couverture médiatique que cela apporte, il est frustré par sa représentation dans les rêves comme passive et inintéressante. Lors d’entretiens impromptus avec certains de ses étudiants, Paul apprend que dans les rêves, des calamités surviennent souvent ou que les rêveurs demandent de l’aide, mais Paul est passif ou sans émotion et n’intervient pas. Janet, l’épouse de Paul, demande pourquoi il n’apparaît pas dans ses songes. Plus tard dans la soirée, un malade mental qui a vu Paul dans ses rêves fait irruption dans leur maison avec un couteau, suscitant des inquiétudes quant aux risques liés à sa renommée. Paul rencontre une société de relations publiques, dans l’espoir d’obtenir un contrat pour un livre, mais ils tentent de le convaincre de faire la publicité pour Sprite sur les réseaux sociaux. Une assistante de l’entreprise lui raconte ses rêves érotiques à son sujet. Troublé du fait qu’il est enfin actif dans le rêve d’une jolie jeune femme, il la suit chez elle pour reconstituer son fantasme. La désillusion va être conséquente et le vent va alors tourner pour Paul, puisque sa notoriété va se retourner contre lui.

Ceux qui disent depuis des années que Nicolas Cage est has-been n’ont sûrement pas vu ses derniers bons films parmi lesquels Un talent en or massif, Pig, Color Out of Space, Froide vengeance et Mandy pour ne citer que ceux-là, mais aussi ses grandes prestations dans des œuvres plus confidentielles ou moyennes, mais dans lesquelles il se donne toujours à fond, comme Willy’s Wonderland, Prisoners of the Ghostland, Grand Isle…Nicolas Cage est toujours bel et bien présent et il le prouve une fois de plus dans Dream Scenario, avec lequel il revient par la grande porte. Son ébouriffante prestation lui a d’ailleurs valu d’être nommé aux Golden Globes en 2024 et même si Pig lui avait déjà permis d’être à nouveau acclamé par la critique et les festival, le comédien n’avait pas été à pareille fête depuis une vingtaine d’années, pour Adaptation justement. On retrouve donc le Nicolas Cage que l’on aime, une folie douce, prête à exploser, un sourire empathique qui peut en une seconde devenir carnassier, le regard tendre qui mue soudainement en une expression psychopathe.

Il n’y a qu’un Nicolas Cage, et pourtant Nicolas Cage est multiple. Dream Scenario et son histoire quasi-fantastique lui offre un terrain de jeu sur lequel il peut laisser libre cours à sa fantaisie, à sa maestria burlesque et bien que métamorphosé physiquement, on peut y lire en filigrane une référence au Nicolas Cage devenu un mème incontrôlable, car rarement un acteur aura été à ce point détourné, utilisé, malmené, manipulé sur internet. Comédien prolifique (malgré-lui, en raison de gros problèmes avec le fisc) et imprévisible, il s’en remet totalement ici à Kristoffer Borgli et retrouve la fraîcheur de ses débuts, tout en trimballant une maturité qui ferait pâlir d’envie ses confrères du même âge. C’est en voyant le Nicolas Cage de Dream Scenario qu’on oublie celui de Tokarev, du Chaos, de Croisades, trois de ses pires opus (tous sortis en 2014), car des génies comme le sien il n’y en a pas deux.

Jamais, ou tout du moins rarement, Nicolas Cage aura interprété un personnage aussi attachant que celui de Paul Matthews dans Dream Scenario, sans doute parce qu’on le voit également prendre de la bouteille et que l’acteur demeure pourtant animé par une flamme intense de composition, de jouer, d’expérimenter, de s’adonner complètement à son art. Il donne aussi la chance à de nouveaux auteurs, jeunes, qui ont grandi et rêvé devant ses films et qui ont aujourd’hui l’opportunité de le diriger, de l’emmener dans de nouveaux délires dont il a toujours été friand. Et nous aussi.

LE BLU-RAY

Metropolitan aime Nicolas Cage. À l’occasion de la sortie en Blu-ray d’Un talent en or massif, nous passions d’ailleurs en revue ses films disponibles chez l’éditeur au cheval ailé. Rebelote pour Dream Scenario, qui connaît une édition en DVD et en Blu-ray chez Metropolitan donc. Le visuel reprend celui de l’affiche française originale. Le menu principal est animé et musical.

On commence rapidement par une succession de bouts de scènes coupées (à peine 1’30 au compteur), où par exemple Paul se rend compte qu’on le regarde étrangement, alors qu’il est en train de faire ses courses.

Nous trouvons ensuite un très bon making of (9’), même si sûrement trop court. Néanmoins, cela nous permet d’écouter Nicolas Cage, très impliqué dans la production de Dream Scenario, dont il vante les qualités du scénario, de son avis l’un des cinq meilleurs qu’il a pu lire dans sa carrière, tout en indiquant s’être inspiré de son propre vécu, étant devenu un mème sur internet (« je ne pouvais rien faire pour que ça s’arrête »). Il met en avant « le regard totalement nouveau et très complexe » du réalisateur Kristoffer Borgli, qui apparaît lui aussi, ainsi que l’ensemble de la distribution et quelques responsables de départements techniques, qui reviennent sur les thèmes de Dream Scenario (comment les individus utilisent les médias notamment). Des images de plateau illustrent les propos.

L’interactivité se clôt sur une large proposition de bandes-annonces liées aux films avec Nicolas Cage présentés chez Metropolitan.

L’Image et le son

Dream Scenario a été tourné au moyen de la caméra Arriflex 416 Plus, apportant à l’image un grain parfois étonnamment épais typique du 16mm et qui convient ici aux dérives oniriques du film. Ces partis-pris n’empêchent pas l’image d’être parfaitement détaillée, avec un piqué élégant, des contrastes éloquents, une palette chromatique douce et automnale qui ne manque pas de charme. Évidemment, ce master HD ne peut être comparé à celui d’un blockbuster, mais néanmoins la qualité Metropolitan frappe à nouveau et posséder ce bijou en Blu-ray (au format 1080p) est on ne peut plus précieux.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, les dialogues sont beaucoup mieux équilibrés que sur la VF qui les placent trop en avant. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, tandis que le caisson de basses intervient à bon escient (certaines scènes de rêves). Les sous-titres français ne sont pas imposés.