CANADIAN PACIFIC réalisé par Edwin L. Marin, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 22 juillet 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Randolph Scott, Jane Wyatt, J. Carrol Naish, Victor Jory, Nancy Olson, Robert Barrat, Walter Sande, Don Haggerty…
Scénario : Jack DeWitt & Kenneth Gamet
Photographie : Fred Jackman Jr.
Musique : Dimitri Tiomkin
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1949
LE FILM
Employé de la Canadian Pacific Railroad, Tom Andrews reçoit pour mission de trouver un passage dans les Montagnes Rocheuses pour finaliser un itinéraire de chemin de fer entre le Canada et les Etats-Unis. Une entreprise qui n’est pas du goût de tout de monde, en particulier des trappeurs qui mettent tout en oeuvre pour saboter le projet, allant jusqu’à provoquer une révolte indienne afin de préserver leurs intérêts dans le commerce de la fourrure…
À la fin des années 1940, Randolph Scott tourne pas moins de six westerns avec le réalisateur Edwin L. Marin, avec lequel il s’associera sur près d’une dizaine de longs-métrages au fil de sa carrière. Parmi ceux-ci, deux sont filmés en procédé Cinecolor (moins cher que le Technicolor) pour le compte de la Fox, dans des décors naturels, le premier dans les Rocheuses canadiennes, dans le parc national de Banff, la réserve indienne de Morley en Alberta et le parc national de Yoho en Colombie-Britannique, le second dans le Colorado (Gunnison, Lake City) et en Californie. Deux œuvres jumelles, portées par la même star, signées du même auteur, photographiées par le même chef opérateur (Fred Jackman Jr.) et produites par Nat Holt, Canadian Pacific et La Piste des Caribous – The Cariboo Trail. Ces deux raretés, qui ont pu être sauvées récemment, sont à la fois différents et complémentaires. Dans Canadian Pacific, celui qui nous intéresse aujourd’hui, Randolph Scott est prospecteur, loin du cowboy monolithique et taciturne qu’il incarnera (merveilleusement) par la suite, notamment dans le cycle Ranown chez Budd Boetticher. Le comédien a l’air de prendre un immense plaisir dans la peau de Tom Andrews, homme chaleureux, courageux et déterminé, aimé de tous (ou presque) et auprès duquel les femmes, comme ses amis, se sentent en sécurité. Canadian Pacific est un vrai bijou de série B, mis en scène avec élégance, excellemment interprété, passionnant à suivre et dépaysant, qui n’a sans doute pas les moyens colossaux du magnifique Pacific Express – Union Pacific de Cecil B. DeMille, auquel on peut penser, mais qui s’en sort haut la main.
Tom Andrews est un arpenteur impliqué dans la construction du chemin de fer canadien, bloqué par les montagnes Rocheuses. Alors qu’il trace un itinéraire à travers les montagnes, Andrews se fait tirer dessus par Dirk Rourke, un commerçant de fourrures, et son complice, Cagle. Quand Andrews retourne au camp, il reconnaît Cagle et l’attaque. Le Dr Edith Cabot intervient car étant pacifiste, elle désapprouve la violence et l’usage des armes à feu. Andrews se rend à Calgary pour retrouver sa petite amie, Cecille Gautier. Andrews et le père de Cecille assistent à une réunion au cours de laquelle Rourke fait campagne contre le chemin de fer en affirmant que cela signifiera la fin du commerce dans la région. Andrews essaie de convaincre la foule que le chemin de fer leur sera bénéfique et que Rourke s’y oppose uniquement parce qu’il mettra fin à son monopole commercial. Lui et Rourke se battent au poing, qui est interrompu par le Père Lacombe. Pour maintenir la paix et parce que le père de Cecille se range du côté de Rourke, Andrews décide de retourner travailler sur le chemin de fer.
Singuliers sont les westerns qui se déroulent dans le contexte de la construction du réseau de la compagnie ferroviaire Canadian Pacific, sujet original savamment pris en charge par Edwin L. Marin (1899-1951). Ancien assistant opérateur à la MGM et à la RKO, il devient réalisateur au début des années 1930 et signera une œuvre éclectique, entre le western et le film-musical, comptant une soixantaine de longs métrages, parmi lesquels A Christmas Carol (1938) adapté de Charles Dickens, ou bien encore L’Amazone aux yeux verts (1944) avec John Wayne et le formidable L’Agent invisible contre la gestapo – Invisible Agent. Alors qu’il avait déjà travaillé avec Randolph Scott sur Ici Londres – Paris Calling (1941), Règlement de comptes à Abilene Town – Abilene Town (1946), Rendez-vous de Noël – Christmas Eve (1947), le cinéaste offre à l’acteur un de ses personnages les plus attachants, comme ce sera d’ailleurs encore le cas pour La piste des Caribous. Il est très bien épaulé, surtout par le gent féminine, avec les belles Jane Wyatt (House by the River de Fritz Lang, Horizons perdus de Frank Capra, Les Amants de Salzbourg de Douglas Sirk) et Nancy Olson (Boulevard du crépuscule de Billy Wilder, Midi, gare centrale de Rudolph Maté), Tom Andrews étant quelque peu hésitant dans ce triangle amoureux (et on le comprend), tandis que les affaires le mènent loin de celle qu’il doit alors épouser depuis un bail. Également au casting, J.Carrol Naish (Rio Grande, Les Rôdeurs de l’aube, Vendetta), Victor Jory (Papillon, Miracle en Alabama, Le Déserteur de Fort Alamo) tirent leur épingle du jeu.
Entre les trappeurs indépendantistes et les Indiens, Tom Andrews a fort à faire, y compris survivre à une explosion de caisses de dynamites qu’il a reçu en pleine figure et dont il se sort pourtant sans véritable égratignure. Le seul élément « hénaurme » à avaler et à digérer. Mais on accepte volontiers ce genre de rebondissement que n’aurait pas renié un serial, du genre « notre héros parviendra-t-il à s’en sortir vivant après avoir été éparpillé par petits bouts façon puzzle ? Vous le saurez en regardant le prochain épisode de votre feuilleton favori ! ». Mais à part une grosse fièvre et après avoir eu une petite transfusion, notre Tommy remet son mètre 90 à la verticale et reprend les choses en main, autrement dit sa pétoire, sans oublier ses jolies poupées aux yeux clairs et au teint de lait.
Randolph Scott traverse le film avec décontraction, donnant du poing quand il le faut, affrontant les saboteurs qui voudraient l’empêcher d’aller creuser dans les Rocheuses Canadiennes derrière lesquelles la Colombie Britannique est isolée. Action, sentiments, retournements, tout y est et mené à cent à l’heure (excellent montage de Philip Martin), le spectacle est garanti, le divertissement toujours assuré.
LE BLU-RAY
Sidonis Calysta exhume deux pépites de la série B avec Randolph Scott et réalisées par Edwin L. Marin, Canadian Pacific et Sur la piste des Caribous, jusqu’ici inédits (et pour cause) dans nos contrées en DVD et HD, qui intègrent désormais la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.
Tout d’abord, Sidonis reprend l’intervention d’Edward Buscombe, déjà vue sur le Blu-ray de Dix hommes à abattre et sur celui du Cavalier de la mort (17’). L’auteur spécialiste du western dresse un formidable portrait de Randolph Scott, expliquant en parallèle pourquoi il s’agit de son acteur préféré du genre, indiquant par exemple qu’il lui trouve « beaucoup de qualités négatives, qui n’est pas flamboyant et ne fait pas d’esbroufe avec ses colts, ni de cascades à cheval, qui est très calme, qui parle peu, qui n’est pas non plus un tombeur ni un playboy, mais qui est toujours respectueux des femmes ».
Il est encore question de Randolph Scott, dans le portrait croisé réalisé en 2010 par Bertrand Tavernier et Patrick Brion (6’), déjà vu aussi sur d’autres Blu-ray Sidonis. Les deux éminents spécialistes rendent un bel hommage au comédien, « qui savait s’effacer pour laisser ses partenaires briller […] qui tournait deux films par an, même s’il pouvait s’en passer, ayant épousé une femme très riche, mais il ne voulait pas passer pour un gigolo […] bénéficiant d’une liberté artistique totale, Randolph Scott pouvait également choisir les acteurs qui allaient lui donner la réplique ».
Place aux suppléments inédits. Jean-François Giré (15’) nous parle longuement du réalisateur Edwin L. Marin, « qui a réussi à s’imposer dans une colonie de metteurs en scène de séries B, notamment spécialisé dans le western », avant d’en venir plus précisément à Canadian Pacific et La Piste des Caribous, qui apparaît quasiment comme un diptyque avec le même réalisateur, le même acteur, le même producteur, sur un sujet semblable, à savoir la formation de l’Amérique. La psychologie des personnages, le jeu et la générosité de Randolph Scott (qui mettait toujours ses partenaires en avant, sans jamais tirer la couverture), les scènes « spectaculaires, étonnantes voire invraisemblables » sont passées au peigne fin (dont celle de l’explosion de dynamite d’où Andrews ressort vivant), la beauté des paysages, l’utilisation de la musique (« une partition remarquable de Dimitri Tiomkin »), la photographie de Fred Jackman Jr. sont aussi les points abordés au cours de cette excellente intervention.
Patrick Brion s’y colle également et nous donne déjà une liste de classiques du western de l’année 1949, La Peine du talion, J’ai tué Jesse James, La Fille du désert, La Charge héroïque…Puis, l’historien du cinéma évoque le procédé du Cinecolor, les deux films d’Edwin L. Marin tournés quasiment simultanément, avant d’en venir aux différentes étapes de la longue carrière de Randolph Scott.
Le gros morceau de cette interactivité reste le long module consacré à la restauration de Canadian Pacific, d’une durée d’une heure. Les panneaux sont écrits en français, une petite intervention d’un des responsables est sous-titrée dans la langue de Molière et nous assistons à de nombreux comparatifs avant/après. C’est ici que nous apprenons que Canadian Pacific (tout comme La Piste des Caribous) revient de loin. Impossible de résumer entièrement ce document très exhaustif, pointu et forcément passionnant. En gros, sachez que les éléments nitrates ont été scannés 2K à Los Angeles (car impossible à déplacer), tandis que le reste allait être convoyé vers l’Allemagne. 30 kilomètres de pellicule, 15 mois de travail (après avoir cherché la meilleure copie Cinecolor originale pendant près de vingt ans), 400.000 pièces à raccommoder, une tâche d’autant plus difficile que Canadian Pacific a été tourné en Cinecolor, procédé bon marché, mais ô combien fragile. Vous saurez tout sur le long processus ayant conduit à la résurrection de Canadian Pacific !
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Canadian Pacific aurait pu disparaître corps et bien. Exit les déchirures, les poussières, les détériorations, les poinçons de fin de bobine et les autres dommages. Si certaines rayures et des fourmillements subsistent, ainsi que des plans flous et des changements de colorimétrie au cours d’une même scène, la copie Cinecolor ravit les yeux et la rareté du procédé participe à la (re)découverte totale d’Edwin L. Marin. La palette chromatique est pastel, oppose le bleu étincelant aux teintes rouges et terreuses, ainsi que les gammes verdâtres, le teint des comédiens ne serait pas renié par Donald Trump, la texture argentique est préservée, les paysages sont superbes, l’ensemble lumineux. Un plan final, n’ayant pu être restauré dans son intégralité, est présenté en N&B. Piqué aléatoire. Un Blu-ray (au format 1080p) précieux à ajouter à votre collection.
Seule la version originale est proposée ici. Une piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 au souffle limité, qui délivre ses dialogues avec suffisamment ardeur, tout comme la partition du grand Dimitri Tiomkin. Les sous-titres français ne sont pas imposés. Son restauré à partir du négatif original 35mm nitrate optique, qui était dans un état fragile.
Crédits images : © Sidonis Calysta / 20th Centyru Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr