L’HOMME DE RIO réalisé par Philippe de Broca, disponible en DVD, Blu-ray & 4K Ultra HD + Blu-ray le 23 mars 2024 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Françoise Dorléac, Jean Servais, Roger Dumas, Daniel Ceccaldi, Adolfo Celi, Milton Ribeiro, Simone Renant…
Scénario : Jean-Paul Rappeneau, Ariane Mnouchkine, Daniel Boulanger & Philippe de Broca
Photographie : Edmond Séchan
Musique : Georges Delerue
Durée : 2h05
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Adrien Dufourquet, un jeune soldat en permission, assiste, impuissant, à l’enlèvement de sa fiancée Agnès Villermosa par deux inconnus. Parallèlement, une statuette brésilienne d’une valeur inestimable est volée au musée de l’Homme. Sans réfléchir une seconde, Adrien se lance à la poursuite des ravisseurs de sa bien-aimée en montant clandestinement à bord d’un avion à destination de Rio de Janeiro. Sur place, il parvient à délivrer Agnès, complètement droguée. Mais le professeur Catalan envoie ses hommes enlever à nouveau Agnès après avoir dérobé la fameuse statuette à un riche homme d’affaires. Adrien vole à son secours dans la forêt amazonienne…
Soixante ans après sa sortie, que peut-on dire de nouveau sur L’Homme de Rio ? Cette adaptation peu dissimulée des Aventures des Tintin est et demeure LA référence du film d’aventures à la française (avec du sang belge dans les veines donc), étonnamment peu copiée, car il aurait fallu se lever de bonne heure pour l’égaler. Alors qu’il planchait sur la transposition cinématographique live des albums d’Hergé, Philippe de Broca, qui sortait du grand succès de Cartouche, abandonne ce projet original de Tintin et le Mystère de La Toison d’or, qui sera finalement réalisé par Jean-Jacques Vierne, pour plancher sur une sorte de détournement personnel, qui reprendra les codes et les motifs des albums du célèbre reporter et de son chien Milou. En effet, persuadé que le résultat ne sera jamais aussi bon à l’écran qu’à travers les cases de la BD et ce même après avoir déniché l’acteur Jean-Pierre Talbot qui interprétera Tintin en chair et en os, Philippe de Broca imagine un autre personnage calqué sur son modèle, ou presque, qui se lance à la poursuite de sa bien-aimée kidnappée et emmenée à l’autre bout de monde, avant de plonger dans une histoire quasi-fantastique et blindée de rebondissements. Ainsi naquit L’Homme de Rio, coécrit par le réalisateur lui-même avec son complice Jean-Paul Rappeneau, Daniel Boulanger et Ariane Mnouchkine. Porté par Jean-Paul Belmondo, omniprésent en 1964, délaissant momentanément la Nouvelle vague pour se consacrer au cinéma populaire (Cent Mille Dollars au soleil, Échappement libre, La Chasse à l’homme et Week-end à Zuydcoote sortent à quelques semaines d’intervalle) et la sublime Françoise Dorléac, alors au mi-temps de sa carrière éphémère qui allait être brisée des suites d’un accident de voiture qui l’emportera à l’âge de 25 ans, L’Homme de Rio est un film intemporel, un spectacle pour toute la famille, un chef d’oeuvre à voir et à revoir jusqu’à la fin des temps.
Le soldat de 2e classe Adrien Dufourquet arrive de Besançon à la gare de Lyon à Paris pour une permission d’une semaine au cours de son service militaire. Il laisse sur le quai son camarade de régiment Lebel en lui donnant rendez-vous au même endroit pour reprendre le train huit jours plus tard. Au même moment, une statuette brésilienne de la civilisation maltèque est volée par deux hommes au musée de l’Homme. À la suite de ce vol amenant le meurtre d’un gardien par une fléchette empoisonnée, le professeur Catalan est appelé au musée, où il travaille et où il est rejoint par Agnès de Villermosa, fille du professeur Villermosa tragiquement disparu, ancien collègue de Catalan. Un inspecteur de police enquête et le professeur Catalan lui explique que la statuette faisait partie d’un ensemble de trois, découvertes et emportées par trois explorateurs : lui-même, le professeur Villermosa qui a disparu après cette découverte, et Mario de Castro, un riche homme d’affaires brésilien. Le professeur Catalan est à son tour enlevé devant le musée. Adrien rejoint « sa fiancée » Agnès de Villermosa chez sa tante où elle habite, alors que l’inspecteur de police y enquête. Celui-ci apprend par les deux femmes que lorsque les Villermosa étaient au Brésil, le professeur a enterré sa statuette dans le jardin de sa villa et Agnès l’a vu et connaît donc l’endroit. Tombant dans un piège, elle sort alors de l’appartement pour déplacer sa voiture qui gênerait le passage, et elle est enlevée par deux hommes, sous les yeux d’Adrien qui vole alors une moto de police pour se lancer à la poursuite de la voiture des ravisseurs. Ils arrivent à l’aéroport d’Orly, où Adrien constate qu’Agnès, visiblement droguée, embarque entre deux hommes en direction de Rio de Janeiro. Par un subterfuge, Adrien réussit aussi à les suivre. Dans l’avion il retrouve Agnès, mais elle déclare ne pas le connaître. Pour éviter la police à l’arrivée, Adrien s’enfuit par le tarmac et rejoint la ville, où il se lie d’amitié avec un petit cireur de chaussures.
C’est au moment de la présentation de Cartouche à Rio de Janeiro que Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo imaginent tourner un film sur place. Restait à trouver le sujet. Si de l’avis de ses auteurs, l’histoire n’a pas été facile à écrire, L’Homme de Rio est bel et bien une relecture des Aventures de Tintin, le cinéaste allant même jusqu’à reproduire certaines cases ou à reprendre des éléments provenant de L’Oreille cassée (avec son musée, le coup des fléchettes empoisonnées, le trésor convoité et même la statue volée), Tintin au Congo (Bebel suspendu au-dessus des crocodiles), Le Secret de la Licorne (ou le fait de récupérer les trois items, comprenant chacun un parchemin, qui réunis indiquent l’emplacement du butin), Tintin en Amérique (Adrien qui prend la fuite en passant par la fenêtre d’un immeuble et en franchissant la corniche en se plaquant contre le mur), Les Sept Boules de cristal (les chercheurs et explorateurs d’une même mission, sur lesquels le sort s’acharne), et on en oublie.
Avec son charme irrésistible, son énergie unique, son charisme hors-norme et son talent aussi insolent que gargantuesque, Jean-Paul Belmondo arrive à un premier carrefour de sa carrière, puisque le comédien connaît son premier triomphe commercial personnel en matière d’entrées (près de cinq millions de spectateurs), un phénomène qui tel À bout de souffle quatre ans auparavant déferlera dans le monde entier, y compris aux États-Unis où le film sera vu entre autres par Robert Kennedy, qui en dira le plus grand bien. L’Homme de Rio arrivera même dans la compétition aux Oscars, où son scénario sera nommé aux côtés de Grand méchant loup appelle – Father Goose de Ralph Nelson (qui obtiendra la statuette convoitée), A Hard Day’s Night de Richard Lester, Les Camarades – I Compagni de Mario Monicelli et Le Procès de Julie Richards – One Potato, Two Potato de Larry Peerce.
Outre un souffle peu commun dans la production hexagonale, un sens inné du gag, burlesque à souhait, constamment élégant, bercé par la splendide musique de Georges Delerue, L’Homme de Rio est la quintessence du divertissement bien de chez nous, mais qui a su dépasser les frontières, au point de devenir l’inspiration première d’un certain Steven Spielberg pour Les Aventuriers de l’arche perdue, qui n’hésitera pas à envoyer une lettre à Philippe de Broca pour l’en informer. Chose amusante, c’est en découvrant les critiques européennes consacrées au premier épisode des aventures d’Indiana Jones, qui faisaient référence à Tintin, que Steven Spielberg deviendra passionné par les albums d’Hergé, avant de transposer à son tour cet univers en motion capture en 2011. La boucle était ainsi bouclée, tandis que certains considéraient alors ce Secret de la Licorne comme le véritable quatrième épisode d’Indiana Jones.
L’ÉDITION BLU-RAY + 4K UHD
Parallèlement à la sortie DVD, Blu-ray et 4K UHD/Blu-ray de Classe tous risques, Coin de Mire Cinéma propose également L’Homme de Rio dans les mêmes formats et ce quasiment dix ans après une première mouture Haute-Définition chez TF1 Studio, aujourd’hui indisponible. L’édition UHD du film de Philippe de Broca se présente sous la forme d’un Digipack à deux volets, auquel est agrafé une reproduction d’une partie du livret de presse original sur le côté gauche, le droit étant le réceptacle des deux galettes. Le tout est glissé dans un fourreau cartonné, évidemment aux couleurs emblématiques de l’éditeur. Il est évident que les sublimes Digibooks nous manquent, mais compte tenu du prix toujours en hausse des matières premières, Coin de Mire Cinéma a su garder le cap et maintenir sa ligne éditoriale. Seul l’objet est différent, mais l’âme heureusement demeure.
Vous êtes bien installés pour votre séance ?
Alors on y va et on démarre par les actualités de cette sixième semaine de l’année 1964 (13’). Un rendez-vous chargé, puisqu’après le rappel de l’avènement du printemps (où on reconnaît Guy Grosso dans une vignette humoristique) et de la déclaration d’impôts, vous serez replongés dans l’histoire de la guerre d’Indochine, dix ans après sa fin. Le programme contient aussi un gros plan sur l’aéronautique britannique, sur le lancement de Saturne I (le président Johnson regardant le spectacle devant sa télévision), sans oublier la page sportive avec surtout les Jeux olympiques de 1964 à Innsbruck où se sont distinguées les sœurs Christine et Marielle Goitschel, même si « la neige était aussi rare à Innsbruck que les cheveux sur le crâne de Yul Brynner ».
Les réclames abondent en cette année 1964 (9’). Si après tout ça vous n’avez pas envie de boire un bon Fanta bien frais ou un Ambassadeur, de manger un pot-au-feu grâce à Maggi, une glace Miko ou des bonbons Krema, d’aller faire un tour à Dijon (ou Roubaix, on ne sait plus) afin d’aller fouiner dans les 1000m² consacrés à l’élégance masculine, de vous acheter une pointe Bic, d’aller faire un tour en Peugeot 404 à injection, alors on ne peut plus rien pour vous. Et surveillez l’heure sur votre montre Kelton, L’Homme de Rio ne va pas tarder à commencer !
Coin de Mire reprend ensuite les suppléments réalisés par Jérôme Wybon à l’occasion de la première édition HD de L’Homme de Rio. C’est donc tout naturellement que nous retrouvons le module intitulé Frères de cinéma (9’), qui donne la parole à l’immense Jean-Paul Rappeneau, coscénariste du film de son complice (« mon ami, mon frère, dont les goûts en matière de comédie sont très proches des miens ») Philippe de Broca. Le cinéaste revient sur leur amitié, leurs collaborations sur près d’une demi-douzaine de films (et ce sans jamais être crédité), plus particulièrement sur celle ayant donné – douloureusement – naissance à L’Homme de Rio. Des images d’archives montrent Philippe de Broca s’exprimer (« on est comme des jumeaux, on a les mêmes idées, le même univers ») sur Jean-Paul Rappeneau.
L’autre bonus made by Wybon est l’un de ses travaux les plus aboutis, en l’occurrence celui intitulé Les Aventures d’Adrien : l’affaire catalan (1h03). Sans aucun doute le documentaire rétrospectif définitif sur L’Homme de Rio, celui-ci se compose d’interviews passionnantes de Philippe Lombard (auteur de Tintin, Hergé et le cinéma), Jean-Paul Rappeneau (coscénariste), Olivier Rajchman (journaliste, historien du cinéma), Ariane Mnouchkine (coscénariste), Jean-Paul Schwartz (caméraman), Olivier Gérard (assistant-réalisateur) et Stéphane Lerouge (spécialiste en musique de film). Outre ces propos sans cesse informatifs sur la genèse (le projet est né de l’abandon par Philippe de Broca de Tintin et le mystère de la Toison d’or, après avoir déniché Jean-Pierre Talbot, pensant que jamais le film ne parviendrait à restituer la magie des albums d’Hergé), le tournage et la sortie du film, nous découvrons également quelques rapides images de tournage avec Jean-Paul Belmondo à l’oeuvre dans ses cascades (avec aussi une intervention de ce dernier sur les conditions de prises de vue). Le casting, les clins d’oeils à Tintin, la contribution de Daniel Boulanger et le travail de Gilles Delamare pour les scènes d’action, la méthode de Broca et le triomphe international du film (l’anecdote avec Robert Kennedy faisant la promo de L’Homme de Rio après l’avoir découvert « par accident » au cinéma, la citation pour l’Oscar du meilleur scénario, l’inspiration de Steven Spielberg pour Les Aventuriers de l’arche perdue) sont aussi les sujets abordés.
Enfin, nous retrouvons aussi la rencontre avec Stéphane Lerouge, susmentionné dans le supplément précédent (13’). Le spécialiste en musique de films évoque ici très largement la collaboration entre Philippe de Broca et le compositeur Georges Delerue, qui s’étend des Jeux de l’amour (1960) à Chouans ! (1987), en passant bien sûr par Cartouche, Le Roi de coeur, Le Diable par la queue…Parallèlement, Jérôme Wybon nous offre un formidable face-à-face de Broca/Delerue, filmé en 1981, où le réalisateur annonce à son compositeur qu’il souhaiterait qu’il fasse la musique de son prochain film (il lui vend alors le pitch de ce que sera L’Africain), après quoi le musicien improvise un thème au piano, devant le regard admiratif de son ami. Très beaux propos de Stéphane Lerouge (qui explique aussi avoir retrouvé les bandes stéréo de la musique, intégrées par la suite dans un nouveau mixage, pour ainsi redonner au film une autre ampleur telle qu’elle avait été pensée à l’origine), qui résume ainsi cette association Delerue/de Broca, « Georges Delerue par la musique ramène la profondeur, la gravité que de Broca n’a pas osé mettre, sûrement par pudeur ». Enfin, on se laisse porter par l’envoûtante partition de Chère Louise, quand Georges Delerue l’exécute en direct.
On reste quelque peu dubitatif quant au module produit à l’occasion de cette sortie UHD de L’Homme de Rio, intitulé Banco à Rio pour Belmondo (37’). En effet, si vous avez déjà visionné tous les anciens suppléments consacrés au film de Philippe de Broca, alors vous n’apprendrez strictement rien de nouveau au cours de celui présenté par Julien Comelli. TOUS les arguments avancés ici sont repris (parfois au mot près) de tous les documentaires signés Jérôme Wybon. Ne gaspillez donc pas votre temps.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, y compris celle de L’Homme de Rio, un vrai bonus à parti entière car commentée par Bebel lui-même.
L’Image et le son
L’élévation UHD pour L’Homme de Rio est particulièrement frappante. La restauration numérique 4K réalisée en 2022 par le laboratoire Hiventy à partir du négatif original est de très haut niveau avec des contrastes appréciables, une copie immaculée, un grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision (la profondeur de champ est plutôt dingue), en particulier les gros plans, d’une précision inédite. Cette mouture UHD – HDR10+ et Dolby Vision fait penser à un écrin de velours pour la photographie chatoyante d’Edmond Séchan (Joyeuses Pâques, Les Morfalous, Le Ciel sur la tête), où la couleur verte et les teintes ocres sont particulièrement mises en valeur. La copie est d’une stabilité à toutes épreuves, l’apport HD plus éloquent que la précédente sortie TF1 Studio il y a une dizaine d’années. C’est bien simple, L’Homme de Rio n’avait jamais connu pareil traitement.
Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique et s’avère identique à celui déjà proposé en 2013 sur l’édition TF1 Studio. Les dialogues (entièrement post-synchronisés, en raison de l’utilisation assourdissante d’une caméra Caméflex, dont le bruit couvrait les répliques) sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Georges Delerue (délivrée quant à elle en Stéréo, des suites de l’intervention de Stéphane Lerouge, dont nous parlons plus haut dans le test) dispose d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour les spectateurs mal voyants et non voyants.