CAT’S EYE réalisé par Lewis Teague, disponible en Combo Blu-ray+4K UHD le 25 mai 2022 chez Studiocanal.
Acteurs : Drew Barrymore, James Woods, Alan King, Kenneth McMillan, Robert Hays, Candy Clark, James Naughton, Tony Munafo…
Scénario : Stephen King
Photographie : Jack Cardiff
Musique : Alan Silvestri
Durée : 1h35
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Trois histoires dont le point commun est un chat errant qui a des visions d’une petite fille l’appelant au secours :
- Un homme qui a décidé d’arrêter de fumer et qui s’inscrit pour cela dans une clinique spécialisée, avec des méthodes plutôt… étonnntes.
- Un joueur de tennis rattrapé par le mari de sa maîtresse, un gangster d’Atlantic City, et contraint, pour sauver sa peau, de faire le tour d’un immeuble en marchant sur la corniche.
- Une petite fille est terrorisée par un lutin nocturne sanguinaire. Son chat, baptisé General, tente de la protéger du mieux qu’il peut malgré l’incrédulité des parents de la fillette, désireux de se débarrasser de lui à tout prix.
Quand Cat’s Eye sort au cinéma en 1985, les adaptations de Stephen King ne sont pas rares, aussi bien sur le grand que sur le petit écran. En 1985, l’écrivain a déjà publié Carrie, Salem, Shining, Le Fléau, Dead Zone, Charlie, Cujo, Christine, Simetierre…et parmi ces romans sept ont connu une transposition par Brian De Palma, Stanley Kubrick, David Cronenberg, John Carpenter, Mark L. Lester, Tobe Hooper et Lewis Teague, sans oublier George A. Romero et son film à sketches Creepshow. Autant dire que le phénomène King est omniprésent. Emballé par sa version de Cujo (malgré son dénouement optimiste), le producteur italien Dino De Laurentiis (qui venait de financer Dead Zone et Charlie), confie au réalisateur Lewis Teague (né en 1938) les manettes de Cat’s Eye, anthologie comprenant les adaptations des nouvelles Desintox, Inc. et La Corniche, issues du recueil Danse macabre – Night Shift, ainsi que d’une histoire inédite créée spécialement à cette occasion par le maître de l’horreur. Rôle-titre de Charlie, Drew Barrymore, propulsée par E.T. l’extra-terrestre de Steven Spielberg tient cette fois encore le haut de l’affiche de Cat’s Eye, au même titre que James Woods et Robert Hays, le film ayant été mis en route rien que pour elle par Dino De Laurentiis, raison pour laquelle elle joue d’ailleurs deux rôles différents ici. Il en résulte un savoureux opus du genre, composé de trois sketches très réussis, excellemment mis en scène et interprétés, devenu culte avec les années, après un succès somme toute modeste et en dessous des espérances du nabab transalpin.
Un chat tigré errant se cache d’un chien (en fait Cujo) dans un camion de livraison qui se rend à New York. Le matou voit l’image désincarnée d’une jeune fille implorant de l’aide et est ramassé par un homme nommé Junk.
« Quitters, Inc. »
Fumeur, Dick Morrison, sur les conseils avisés d’un ami, débarque chez Quitters, Inc. pour se débarrasser de sa dégoûtante et toxique habitude. Le conseiller de la clinique, Vinnie Donatti, explique que son établissement possède un taux de réussite de 100 % grâce à une méthode persuasive unique : chaque fois que Dick fumera à nouveau une cigarette, des horreurs d’une ampleur croissante s’abatteront sur sa femme et sa fille. En utilisant le matou que l’assistant de Donatti, Junk, a attrapé dans la rue, le boss lui fait une petite démonstration de ces horreurs : le chat est mis dans une cage et tourmenté avec des décharges électriques venant du sol. Donatti explique à Dick que s’il est à nouveau pris avec une cigarette, sa femme Cindy, sera électrocutée à son tour, pendant qu’il sera obligé de la regarder. Pour les infractions ultérieures, sa fille connaîtra le même sort, puis sa femme violée. Enfin, Dick lui-même sera tué. Dick cache ces menaces à sa famille. Cette nuit-là, irrité par les méthodes utilisées par Quitters, Inc., Dick remarque un paquet de cigarettes sur son bureau. Il se prépare à fumer, mais remarque une paire de pieds dans son placard. Prenant les menaces au sérieux, il se ravise. Lors d’un embouteillage stressant, Dick craque et fume après avoir trouvé un vieux paquet de cigarettes dans sa boîte à gants. Comprenant qu’il a été capté, il fonce chez lui et constate que Cindy a probablement été enlevée…
Le joueur et champion de tennis Johnny Norris est impliqué avec une femme dont le mari jaloux, Cressner, est un patron du crime et propriétaire d’un casino. Ce dernier fait kidnapper Norris et le fait chanter. S’il veut s’en sortir vivant et partir avec sa maîtresse, Norris devra alors contourner le rebord extérieur du penthouse de Cressner. S’il réussit, le divorce sera accordé. Si Norris refuse, Cressner appellera la police et le fera arrêter pour possession de drogue qui a été placée dans sa voiture par un homme de main nommé Albert. Norris accepte et commence son périple sur une corniche de quelques centimètres. Pendant ce temps, Cressner harcèle Norris en le faisant sursauter à plusieurs reprises. Un pigeon atterrit à côté de Norris, commençant à lui picorer le pied, le faisant saigner et affaiblissant son appui…
« Général »
Le chat saute dans un train de marchandises et se rend à Wilmington, en Caroline du Nord, où il est adopté par la petite fille qui lui demandait de l’aide plus tôt, Amanda, qui le nomme Général. Sa mère pense que le général fera du mal à leur perruche, Polly. Malgré les protestations d’Amanda, sa mère met Général dehors la nuit. Par conséquent, il ne peut pas protéger Amanda d’un petit troll malveillant qui a élu domicile dans la maison. Quand elle dort, le troll émerge par un trou dans l’un des murs de la chambre. Le troll tue la perruche avec un petit poignard puis essaie de voler le souffle de vie d’Amanda. Général trouve un moyen d’entrer dans la maison et poursuit le troll. Après avoir blessé l’épaule du chat avec son poignard, le troll s’enfuit, laissant Amanda et ses parents découvrir l’oiseau mort. Les parents d’Amanda sont convaincus que Général a tué Polly, mais son père, découvrant une blessure sur le félin trop grande pour qu’une perruche l’ait faite, commence à douter de la culpabilité de Général. Quand la nuit tombe, le troll revient et utilise une cale pour bloquer la porte d’Amanda fermée, puis tente à nouveau d’attenter à sa vie.
Malgré un prologue écrit, produit et tourné qui devait entre autres exposer la raison de la poursuite du chat « principal » par Cujo dans l’introduction et faciliter la compréhension du troisième acte fantastique du récit, Cat’s Eye est donc un film à sketches dont chaque partie est réussie, chose plutôt rare dans ce genre. Lewis Teague et Stephen King, le second s’étant lui-même chargé de l’adaptation de ses nouvelles et concocté une histoire originale, le tout ponctué par quelques clins d’oeil à Cujo, Christine, Dead Zone et Simetierre (le livre que lit la mère d’Amanda), pour le plus grand plaisir des fans déjà nombreux de l’écrivain. Le cinéaste, ancien monteur du formidable Cockfighter de Monte Hellman, livre l’un de ses meilleurs opus avec l’explosif Le Diamant du Nil – The Jewel of the Nile (suite d’À la poursuite du diamant vert de Robert Zemeckis) et le classique Navy Seals : Les Meilleurs. Délicieusement ironique, Cat’s Eye est constamment parcouru par l’humour noir de Stephen King, son burlesque macabre, son atmosphère reconnaissable entre mille. Lewis Teague est sans nul doute l’un des metteurs en scène à avoir su restituer à l’écran la moelle des écrits du romancier. On rit, mais on a aussi la trouille quand le PDG de l’entreprise Quitters s’amuse à prendre un chat comme «objet» de démonstration, afin de dévoiler à Dick Morrison (fabuleux James Woods) ce qui risque d’arriver à son épouse et à sa fille si la fâcheuse envie lui venait de refumer…Un moyen pour le moins incongru et drastique pour lutter contre toutes formes de dépendance !
La seconde partie permet de se rendre à quel point Robert Hays est un acteur largement sous-estimé. Propulsé par le triomphe international de Y a-t-il un pilote dans l’avion ? – Airplane! des ZAZ, le comédien signe une solide et empathique prestation dramatique dans la partie intitulée La Corniche, assurément l’une des meilleures nouvelles de Stephen King, dont la sensation de vertige est très fidèlement retranscrite. Impeccable Robert Hays donc, quasi-seul en piste, malgré diverses interventions de Kenneth McMillan (Serpico, Les Pirates du métro, Ragtime, Runaway Train) en mode frappadingue, tandis que Lewis Teague implique émotionnellement et même physiquement les spectateurs.
La troisième et dernière partie, peut-être la plus méconnue car non tirée d’une nouvelle, est la moins prenante ou attachante, mais reste tout de même jubilatoire et ce en raison de la belle tenue de ses effets spéciaux. Ainsi, la confrontation de notre matou de gouttière avec un troll de dix centimètres (créé par le légendaire Carlo Rambaldi) vaut son pesant, et la petite Drew Barrymore est il faut bien le dire choupinette. L’un des gros points forts de Cat’s Eye demeure la magnifique photographie de l’immense Jack Cardiff (Mutations, Rambo 2 – La Mission, Les Vikings), ainsi que la tonique partition d’Alan Silvestri, la même année que Retour vers le futur – Back to the Future de Robert Zemeckis, sans oublier un montage percutant et souvent virtuose de Scott Conrad (Apocalypse 2024, Rocky).
Après un semi-succès dans les salles et un carton plus tard en VHS, Cat’s Eye est une œuvre éminemment sympathique, un divertissement succulent, chéri par les aficionados du King et des comédies horrifiques.
LE COMBO BLU-RAY + 4K-UHD
Alors qu’on pouvait l’attendre chez Le Chat qui fume, peut-être en raison de son félin vedette, Cat’s Eye apparaît chez Studiocanal, sans passer par la case DVD, directement en HD et UHD ! Deux disques à la sérigraphie identique, glissés dans un Digipack à deux volets, lui-même reposant dans un surétui cartonné arborant en caractères gras et visibles le nom de Stephen King au-dessus du titre du film de Lewis Teague. Beau visuel. Le menu principal est animé et étonnamment muet…
N’hésitez pas à revoir Cat’s Eye « en compagnie » de Lewis Teague, via un commentaire audio (VOSTF) sympathique, marqué par de nombreuses anecdotes de tournage, enregistré il y a tout juste vingt ans. Tout du long, le réalisateur, très à l’aise dans l’exercice, parle beaucoup de sa collaboration avec Dino De Laurentiis, pour lequel il a toujours un immense respect et une profonde affection. La genèse de Cat’s Eye, le travail avec Stephen King, le prologue prévu à l’origine (puis coupé au montage par la MGM), le casting et le boulot avec les acteurs, les effets spéciaux, l’humour et l’ironie, les lieux de prises de vues, la photographie de Jack Cardiff, le dressage des animaux (les chats, les pigeons), la musique d’Alan Silvestri, sont autant de sujets abordés par Lewis Teague. Ce dernier n’oublie pas aussi de replacer Cat’s Eye au sein de sa propre filmographie et d’évoquer son parcours cinématographique, ainsi que sa rencontre déterminante dans le milieu, en l’occurrence Roger Corman.
Du coup, si vous avez écouté le commentaire, l’interview de Lewis Teague (12’30) vous paraîtra forcément redondante, puisque les points abordés l’ont déjà été précédemment. C’est néanmoins l’occasion d’y découvrir quelques photos de tournage, ainsi que du prologue (avec Patti LuPone) coupé au montage, sur lequel le cinéaste revient encore longuement.
Nous sommes très heureux de retrouver Robert Hays, le cultissime Ted Striker de Y a-t-il un pilote dans l’avion ?, visiblement enjoué de reparler de Cat’s Eye, qui a beaucoup compté dans sa carrière (27’35). Le comédien replace justement le film de Lewis Teague dans sa filmographie, parle longuement du travail avec le réalisateur, avoue qu’il ne connaissait pas du tout l’univers de Stephen King avant d’être engagé pour Cat’s Eye, avant de disséquer les conditions de tournage de la partie dite de La Corniche, marquées par des ventilateurs aéronautiques tournant à plus de cent kilomètres à l’heure disposés autour de lui. Les décors, son partenaire Kenneth McMillan et le dressage du pigeon sont aussi inscrits au programme de ce formidable et passionnant entretien.
Le dernier module donne la parole à Teresa Ann Miller (7’35), fille du dresseur Karl Lewis Miller (Satan, mon amour !, Amityville : La Maison du diable, Dressé pour tuer, Cujo, Dreamscape). Ce dernier, le meilleur dans son domaine à Hollywood, collaborait pour la première fois avec sa fille, qui faisait du coup ses premiers pas sur un tournage. « Une révélation » explique cette dernière, qui pensait alors travailler dans le domaine de la photographie, mais qui s’est prise de passion pour le travail avec les animaux au cinéma. Teresa Ann Miller parle de l’implication des acteurs, surtout de Drew Barrymore, qui passait son temps avec les chats sur le plateau, de la différence entre le dressage d’un chien et d’un félin, de celui des pigeons pour la scène de la corniche. Un beau moment de nostalgie…
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Cat’s Eye a été restauré et numérisé en 4K-16 bits par Picture Shop LLC (USA), à partir du négatif original en 35mm. L’étalonnage et la restauration ont été réalisés par le laboratoire Hiventy (France), qui a consacré plus de 150 heures à nettoyer manuellement et à enlever avec soin les éclats, salissures et rayures. Et le résultat est fa-bu-leux ! Qui aurait pu croire une seconde que l’on verrait un jour Cat’s Eye dans de telles conditions techniques ??!! Sûrement pas nous on avoue. Studiocanal livre un master UHD synonyme de perfection. Les très beaux partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Jack Cardiff trouvent en 4K un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Aucun réducteur de bruit à l’horizon, la texture argentique est présente, la colorimétrie trouve un éclat inédit (Dolby Vision HDR), la carnation est naturelle et le piqué est très surprenant. Le format 2.35 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. La gestion des noirs est impeccable, la propreté exceptionnelle et le niveau de détails impressionnant. Cat’s Eye, qui affiche déjà près de quarante ans au compteur peut se targuer d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance.
La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio Mono 5.1, une piste exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie, ainsi que la B.A. très « synthé » signée Alan Silvestri. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française 2.0 se focalise un peu trop sur les dialogues (le doublage est d’ailleurs particulièrement gratiné) au détriment des effets annexes, plus saisissants en anglais. Le mixage français est certes moins riche, mais contentera les habitués de cette version.