STAY HUNGRY réalisé par Bob Rafelson, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 15 novembre 2024 chez Bubbel Pop’ Édition.
Acteurs : Jeff Bridges, Sally Field, Arnold Schwarzenegger, R.G. Armstrong, Robert Englund, Roger E. Mosley, Woodrow Parfrey, Scatman Crothers, Kathleen Miller, Fannie Flagg, Joanna Cassidy, Richard Gilliland, Mayf Nutter, Ed Begley Jr….
Scénario : Charles Gaines & Bob Rafelson, d’après le roman de Charles Gaines
Photographie : Victor J. Kemper
Musique : Byron Berline & Bruce Langhorne
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
Joe Santo doit concilier son entraînement pour le titre de Mister Univers avec sa vie en société. Parallèlement, Craig Blake, agent immobilier, s’intéresse au rachat de son club d’entraînement et tombe amoureux de l’ancienne amante de Joe.
Il existe un film, sans doute l’un des plus beaux de l’histoire du cinéma. Il s’agit de Cinq Pièces faciles – Five Easy Pieces, sorti en 1970, durant la pleine émergence du Nouvel Hollywood, réalisé par Bob Rafelson (1933-2022), par ailleurs producteur d’Easy Rider et de La Dernière séance. Ou comment les bases de ce courant cinématographique et même du mythe Jack Nicholson étaient posées. Cinéaste dont le nom est aujourd’hui quelque peu oublié, au contraire de ses longs-métrages à l’instar de ses autres collaborations avec celui qui sera alors son comédien fétiche (Le Facteur sonne toujours deux fois, Man Trouble, Blood & Wine), signe en 1976 l’un de ses opus les plus méconnus et pourtant l’un de ses plus attachants, Stay Hungry. Quasi-inédit dans nos contrées, malgré une sortie – certes discrète – dans les salles françaises, cette comédie mélancolique ou drame léger et sportif se place à un carrefour planté entre deux époques (on imagine et espère que les années 1980 seront plus légères, voire insouciantes), ainsi qu’entre deux ères du septième art. Mais pour l’heure, alors que Rocky devient le plus grand succès de l’année, suivi de près par Les Hommes du président, que La Malédiction de Richard Donner fait frémir les spectateurs, qu’un certain Travis Bickle conduit son taxi dans les rues de New York et que l’Inspecteur Harry en est déjà à sa troisième enquête, Bob Rafelson clôt ce qui apparaîtra rétrospectivement comme une trilogie avec Stay Hungry. Ainsi, après Cinq pièces faciles (1970) et The King of Marvin Gardens (1972), le réalisateur se penche sur la quête existentielle d’un autre jeune, issu ici d’une classe aisée, dont les parents viennent de disparaître dans un accident d’avion. Livré à lui-même, paumé dans sa grande baraque tenue par son valet au service de sa famille depuis un demi-siècle, Craig se voit entraîner malgré lui dans quelques combines immobilières montées par une bande d’escrocs qui souhaiteraient mettre la main sur un pâté de maisons dans une grande ville de l’Alabama. C’est alors qu’il va se prendre d’amitié pour celles et ceux qu’il devait pour ainsi dire mettre à la porte et se découvrir enfin lui-même. Chronique immersive dans le monde du culturisme, radiographie d’une jeunesse américaine en mal de repères (on pense aux futurs personnages de Bret Easton Ellis), pour ne pas dire de piliers, Stay Hungry est tout cela et encore plus. Pierre précieuse du cinéma hollywoodien dissimulé dans une parure de diamants plus célébrés qui lui ont forcément fait de l’ombre, le film de Bob Rafelson est – pour continuer dans le monde de la joaillerie – un diamant à découvrir, à faire connaître, à conseiller entre cinéphiles, qui impose à l’écran l’impressionnant Arnold Schwarzenegger, récompensé par le Golden Globe de la révélation masculine.
LES MAGNATS DU POUVOIR (Winter Kills) réalisé par William Richert, disponible en combo Blu-ray+DVD le 29 janvier 2020 chez Studiocanal.
Acteurs : Jeff Bridges, John Huston, Anthony Perkins, Eli Wallach, Sterling Hayden, Dorothy Malone, Tomas Milian, Belinda Bauer, Ralph Meeker, Toshirô Mifune…
Scénario : William Richert d’après le roman de Richard Condon
Photographie : Vilmos Zsigmond
Musique : Maurice Jarre
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1979
LE FILM
Nick est le demi-frère d’un président des Etats-Unis assassiné il y a plus de quinze ans. Il est plongé dans le passé, quand un homme mourant lui révèle être le véritable assassin de son frère. Le présumé coupable arrêté à l’époque par la police n’était qu’un homme de paille. Nick mène l’enquête mais sa propre vie est alors menacée…
Complètement méconnu, ou même totalement oublié par les historiens du cinéma et par les cinéphiles, Les Magnats du pouvoir, connu également sous le titre Qui a tué le président ? ou bien encore Winter Kills en version originale, est un des films les plus étranges que vous pourrez voir dans votre vie. Quasi-inclassable, comédie noire et décalée, thriller d’espionnage pur et dur, drame psychologique, on ne sait ou plutôt on ne peut jamais trancher et même longtemps après, le film ne cesse de revenir dans la tête. Réalisé par William Richert (né en 1942), à la base producteur de documentaires (Derby, A Dancer’s life), scénariste (La Loi de la pagaille), acteur occasionnel, Winter Kills est son premier long métrage en tant que réalisateur. Aussi passionnant à l’écran que pour l’histoire de son tournage catastrophique, Les Magnats du pouvoir est en fait l’aboutissement de quinze années d’enquête sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, puisque son récit condense toutes les théories du complot qui ont fleuri autour de ce drame historique. Sur un scénario foisonnant, passionnant, mais aussi ultra-complexe, William Richert livre une fabuleuse adaptation du roman de Richard Condon (auteur d’Un crime dans la tête, transposé par John Frankenheimer en 1962) dans laquelle brillent de fantastiques comédiens (et quel casting !), menés par le grand Jeff Bridges. Une découverte s’impose.
THE BIG LEBOWSKIréalisé par Joel Coen, disponible en édition 4K Ultra HD + Blu-ray + Digitalle 7 novembre 2018 chez Universal Pictures France
Acteurs : Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore, Steve Buscemi, David Huddleston, Philip Seymour Hoffman, Tara Reid, John Turturro…
Scénario : Joel Coen, Ethan Coen
Photographie : Roger Deakins
Musique : Carter Burwell
Durée : 1h57
Date de sortie initiale: 1998
LE FILM
Jeff Lebowski, prénommé le Dude (le Duc en version française), est un paresseux qui passe son temps à boire des coups avec son copain Walter et à jouer au bowling, jeu dont il est fanatique. Un jour deux malfrats le passent à tabac. Il semblerait qu’un certain Jackie Treehorn veuille récupérer une somme d’argent que lui doit la femme de Jeff. Seulement Lebowski n’est pas marié. C’est une méprise, le Lebowski recherché est un millionnaire de Pasadena. Le Duc part alors en quête d’un dédommagement auprès de son richissime homonyme…
Sometimes there’s a man… I won’t say hero, ’cause what’s a hero? but sometimes there’s a man, and I’m talking about the Dude here, sometimes there’s a man… Well, he’s the man for his time and place. He fits right in there. And that’s the Dude in Los Angeles. And even if he’s a lazy man, and the Dude was most certainly that, quite possibly the laziest in Los Angeles County, which would place him high in the running for laziest worldwide, but sometimes there is a man, sometimes there’s a man… Well… lost my train of thought here.
Franchement, que dire sur The Big Lebowski qui n’a pas déjà été dit ? Depuis vingt ans, le septième long métrage de frères Coen, même si seul Joel est crédité en tant que réalisateur ici, est entré dans le cercle fermé et restreint des films cultes, encensés dans le monde entier et par ailleurs inscrit en 2014 au National Film Registry afin d’être conservé à la Bibliothèque du Congrès. C’est bien simple, tout est mythique dans The Big Lebowski, les personnages (au premier, second et troisième plan), les dialogues, les fringues, les accessoires, les coupes de cheveux, les lieux de tournage, la bande originale composée de Bob Dylan, Kenny Rogers, Elvis Costello, Nina Simone… Ce chef d’oeuvre absolu de l’histoire du cinéma se voit et se revoit plusieurs fois par an, depuis toujours, sans jamais lasser, avec un plaisir toujours intact voire décuplé. Jeff Bridges, immense, trouve probablement ici le rôle de sa vie. L’oubli de sa nomination aux Oscars pour le meilleur acteur reste encore aujourd’hui incompréhensible. Qu’à cela ne tienne, l’amour des spectateurs pour ce film ne s’est jamais démenti.
Nobody calls me Lebowsky. You got the wrong guy. I’m the Dude, man.
Quelle idée de génie tout de même. Plonger le mec le plus improbable et fainéant dans une situation extraordinaire et une histoire aussi opaque qu’un roman de Raymond Chandler. The Big Lebowski c’est comme qui dirait Le Grand sommeil sous acide et marijuana. Un type bedonnant, barbe hirsute, verre de White Russian dans la main gauche et une boule de bowling dans celle de droite. D’ailleurs, pas une seule fois nous verrons le Dude pratiquer son sport favori, sans doute est-il trop occupé à vider son verre. Le bermuda seyant, les sandales en plastique du même acabit, les yeux de cocker, le Dude est aussi iconique qu’un super-héros, d’ailleurs il l’est devenu aux yeux des cinéphiles. Tout le monde rêve encore de prendre un cocktail (ou autre chose) avec le Dude man ! Les frères Coen entourent Jeff Lebowski de personnages complètement allumés, satellites, certains plus proches que d’autres (John Goodman et Steve Buscemi sont aussi magnifiques que Jeff Bridges), mais tout autant déconnectés et paumés que lui dans cette constellation californienne. Seul change le statut social, mais le niveau d’intelligence reste souvent au ras des pâquerettes et c’est ce qui fait le génie de tous les protagonistes, même s’ils n’ont parfois aucun impact sur l’intrigue.
L’histoire, exagérément alambiquée, est évidemment prétexte pour que le Dude se rende d’un point A…au point A. Les mains dans les poches, recevant des coups, se relevant, fumant un pète, le Dude encaisse sans broncher, même quand on lui met la tête dans les chiottes. Le genre à demander au mec qui lui met un coup dans les parties s’il ne s’est pas fait mal au pied. Mais quand un type qui l’a pris pour un autre, pisse sur son tapis (« qui donnait de la cohésion à la pièce »), le Dude voit rouge (d’ailleurs ses yeux le sont souvent) et décide d’aller protester, sans savoir dans quel labyrinthe kafkaïen il s’engouffre. Joel et Ethan Coen filment Los Angeles comme un terrain de jeu de l’oie (blanche), Lebowski (inspiré d’un certain Jeff Dowd, producteur indépendant rencontré par les Coen), nonchalant et glandeur, ne se rendant pas vraiment compte de ce qui se passe autour de lui. Heureusement, il peut compter sur « l’aide » de son ami Walter, vétéran du Vietnam, patriotique, gueulard et assez « impulsif », personnage inspiré par le réalisateur John Milius. Il y a aussi Donny, qui est là, toujours près du Dude et de Walter, mais à qui on dit toujours de la fermer. Il y a bien sûr le reste du casting royal, Julianne Moore, John Turturro, Philip Seymour Hoffman, Sam Elliott, Ben Gazzara, David Thewlis, Peter Stormare…
Ce qu’on oublie parfois de dire sur The Big Lebowski, c’est à quel point le film est également sublime à regarder. A la mise en scène discrètement virtuose, s’ajoute la photographie signée par le grand Roger Deakins, qui combine les couleurs chaudes et vives qui reflètent le regard du Dude sur le monde qui l’entoure, une ville sous substances. The Big Lebowski est une comédie qui emprunte au roman et film noir, mais qui ne cesse de prendre des chemins détournés pour mieux perdre son personnage principal et les spectateurs. Ce que le Dude absorbe lui permettra aussi de s’évader dans quelques rêveries oniriques, où il officie comme danseur dans une comédie musicale américaine des années 1950. C’est aussi l’oeuvre clé des frères Coen, le film somme qui synthétise Sang pour sang, Arizona Junior, Miller’s Crossing, Barton Fink, Le Grand saut et Fargo, avant que les deux frangins se lancent dans la deuxième partie de leur carrière avec O’Brother.
A sa sortie, le film attire près de 750.000 spectateurs en France, un record pour les Frères Coen qui dépassent leur score de Fargo (Oscar du scénario original) deux ans auparavant. Décalé, cartoonesque, noir, hilarant, indémodable, The Big Lebowski est une œuvre majeure et prestigieuse du cinéma américain. Ah oui, en 2019, sort Going Places, un spin-off centré sur le personnage Jesus Quintana, de et avec John Turturro, inspiré par Les Valseuses de Bertrand Blier Tout un programme !
LE 4K UHD
Le test de l’édition 4K Ultra-HD de The Big Lebowski, disponible chez Universal Pictures France, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Estampillée 20e anniversaire, cette édition comprend le disque 4K et le Blu-ray traditionnel sorti en 2011.
Les suppléments sont uniquement présents sur le Blu-ray 2011.
On trouve tout d’abord une fausse introduction d’un dénommé Mortimer Young (5’) réalisée par les frères Coen. Le président de la Forever Young Film Preservation présente « The Grand Lebowski » comme lors d’une rétrospective consacrée à un réalisateur disparu.
Le making of réalisé à la sortie du film (25’) croise les propos des frères Coen et des comédiens, qui reviennent sur l’histoire tout en présentant les personnages. Joel et Ethan Coen abordent les partis pris et leurs intentions, ainsi que leur collaboration avec le directeur de la photographie Roger Deakins.
Les segments intitulés La Vie de The Dude (10’) et Dix ans après (10’) se rejoignent puisque réalisés à l’occasion du dixième anniversaire de The Big Lebowski. Toute l’équipe témoigne sur la postérité du film, qui a connu une deuxième vie après un accueil modeste dans les salles américaines et de la part de la critique. Quelques images de tournage viennent illustrer l’ensemble.
Le module sur le Festival Lebowski (14’) est plus anecdotique, mais indique comment les spectateurs du monde entier se sont accaparé le film des frères Coen et les personnages. Mention spéciale aux cosplays avec certains fans qui redoublent d’imagination pour trouver le costume le plus inattendu.
Ne manquez pas le supplément consacré au tournage des scènes de rêves du Dude (4’). Les effets visuels sont rapidement évoqués à travers des images du plateau, sans oublier les commentaires de l’équipe. Jeff Bridges raconte notamment la blague que lui ont faite les danseuses sous les jambes desquelles il devait glisser en affichant un regard émerveillé.
L’éditeur joint ensuite une carte de Los Angeles, divisée en 14 points distincts qui indiquent les lieux de tournage. Des images tournées en 2008 montrent comment les différents quartiers se sont transformés. Durée totale du bonus 5’30.
C’est un plaisir de passer un petit moment avec l’immense Jeff Bridges qui présente son album de photographies prises sur le plateau de The Big Lebowski (17’30). Photographe de talent et reconnu, le comédien nous montre ses clichés, tout en racontant des anecdotes de tournage.
Universal compile également les photos de Jeff Bridges à travers une galerie animée, qui permet entre autres de lire les légendes écrites sous les clichés.
Une fonction U-Control est proposée avec un accès à diverses vignettes d’interviews de l’équipe, d’images de tournage, mais aussi de connaître chaque morceau musical entendu dans The Big Lebowski. Enfin, la dernière option comptabilise les « Fuck » (285), les « Man » (162) et les « Lebowski » (89) entendus dans le film !
L’Image et le son
Le Blu-ray édité en 2011 en avait décontenancé plus d’un quant au lissage parfois exagéré du grain argentique original. Chose réparée ici à l’occasion de cette édition 4K UHD puisque l’éditeur avait annoncé un nouveau master restauré à partir d’une source originale 35mm. Et quelle beauté ! Certes, le piqué est peut-être émoussé dans les séquences sombres, mais le bouc du Dude apparaît dans toute sa splendeur, tout comme les partis pris de l’immense chef opérateur Roger Deakins. C’est une explosion de couleurs, des décors aux costumes, en passant par les boules de bowling et même le vernis à ongle vert de Tara Reid ! La propreté est évidemment totale et la luminosité des séquences diurnes impressionne. Le relief est également inédit, sans pour autant donner un aspect artificiel à l’image (le HDR préserve d’ailleurs le naturel des contrastes et consolide les noirs), à l’instar des rayons du supermarché où le Dude fait sa première apparition. En dehors du générique à la définition nettement plus aléatoire, les détails abondent (les traces de doigts sur les boules de bowling, les motifs sur les fringues du Dude) et The Big Lebowski s’offre le plus beau des liftings pour son vingtième anniversaire. La plus belle copie à ce jour du chef d’oeuvre des frères Coen.
Franchement, qui visionne The Big Lebowski en version française hein ? QUI ? Bon, le mixage français DTS 5.1 fait ce qu’il peut. Il fait d’ailleurs beaucoup, trop même avec un report fracassant des voix qui dénature la nature du Dude. Alors non merci. En revanche, les pistes anglaises DTS:X et DTS-HD Master Audio 7.1 créent une alcôve tout à fait respectueuse des volontés artistiques des frères Coen. L’immense bande-son environne les spectateurs sans trop en faire, mais avec rigueur, les effets sont présents et les voix solidement centrées.