Test Blu-ray / Charlie (Firestarter), réalisé par Mark L. Lester

CHARLIE (Firestarter) réalisé par Mark L. Lester, disponible en DVD et Blu-ray le 9 octobre 2018 2018 chez ESC Editions

Acteurs : David Keith, Drew Barrymore, Freddie Jones, Heather Locklear, Martin Sheen, George C. Scott, Art Carney, Louise Fletcher, Moses Gunn, Antonio Fargas, Drew Snyder, Dick Warlock…

Scénario : Stanley Mann d’après le roman « Charlie » – « Firestarter » de Stephen King

Photographie : Giuseppe Ruzzolini

Musique : Tangerine Dream

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Ses parents ayant servi de cobayes à des expériences scientifiques confidentielles, Charlene McGee naît avec l’extraordinaire don de pouvoir, à distance et par la pensée, de manipuler le feu. Petite fille, elle attise désormais la convoitise de l’agence gouvernementale secrète responsable de son état. Une organisation puissante et prête à tout…

Depuis le succès mondial de Carrie au bal du diable de Brian De Palma, l’adaptation du premier roman de Stephen King, l’écrivain devenu le maître de l’horreur est très courtisé par le cinéma. Sorti en 1980 et malgré son rejet par Stephen King, Shining de Stanley Kubrick est un chef d’oeuvre instantané qui révolutionne le septième art. En 1982, Creepshow de George A. Romero, écrit par Stephen King, montre encore une fois l’engouement du public pour ses histoires d’épouvante. Cujo de Lewis Teague est également un succès en 1983. Le grand producteur Dino De Laurentiis acquiert les droits du roman Charlie aka Firestarter en version originale. John Carpenter est courtisé. Le réalisateur confie le scénario à son complice Bill Lancaster, qui vient d’écrire The Thing, qui est ensuite validé par Stephen King lui-même. Seulement voilà, The Thing se fait écraser au box-office par E.T, l’extra-terrestre de Steven Spielberg. Universal remercie purement et simplement John Carpenter. Ce dernier héritera néanmoins de l’adaptation de Christine, qu’il mettra en scène uniquement dans le but de pouvoir survivre au sein des studios. Alors qui pour s’occuper de la transposition de Charlie à l’écran ?

Finalement, Dino De Laurentiis jette son dévolu sur un nommé Mark L. Lester, remarqué avec son film Class 1984. Le scénario est confié à Stanley Mann, l’auteur de L’Obsédé de William Wyler (1965) et de Damien : la Malédiction 2 de Don Taylor (1978). Quant au rôle principal et éponyme, il est confié à Drew Barrymore, huit ans, qui venait d’exploser à l’écran dans…E.T., l’extra-terrestre. La boucle est bouclée.

Tourné en même temps que Christine de John Carpenter et Dead Zone de David Cronenberg, Charlie, une drôle de petite dame, n’a pas le même prestige que ses concurrents puisqu’il ne bénéficie pas d’un cinéaste de renom ou qui possède une griffe particulière. Ici, la star c’est Stephen King et cette entreprise mise tout sur la popularité et le succès du roman. Malgré tout, après un succès très modeste et des critiques globalement négatives à sa sortie, les années ont été plutôt clémentes avec Firestarter et mérite d’être (re)découvert.

Andy McGee et Victoria « Vicky » Tomlinson, sont soumis à une expérience commandée par le Dr. Joseph Wanless, dont le but est l’injection du « Lot 6 », une drogue qui stimule la glande pituitaire, qui permet au cobaye d’acquérir différents pouvoirs psychiques. Ce à quoi Andy et Vicky ne s’attendaient pas, c’était d’avoir une petite fille, Charlene surnommée « Charlie », dotée d’une incroyable beauté, mais aussi d’un terrifiant pouvoir : la pyrokinésie. Ce pouvoir lui permet d’incendier n’importe quoi et n’importe qui par la pensée. Huit ans plus tard, Vicky est tuée par des agents d’une agence gouvernementale secrète, « Le Laboratoire », commandé par l’ambitieux Capitaine Hollister. C’est alors qu’apparaît John Rainbird, un homme impitoyable et sadique, dont le seul désir est d’avoir Charlene pour lui tout seul, pour pouvoir la tuer de ses propres mains.

Rien qu’à la lecture du résumé, le lecteur fan de Stephen King y reconnaîtra les grandes lignes du roman. Et c’est le cas. Charlie (Firestarter) est très fidèle au livre original. Trop sans doute. C’est ce qui en fait son point fort, au moins le lecteur ne se sentira pas trahi puisqu’il retrouvera vraiment ce qui lui aura plu dans ce roman par ailleurs sensationnel, mais c’est également son point faible. Car Charlie (Firestarter) manque d’âme. A l’instar des deux premiers Harry Potter réalisés par Chris Colombus, le spectateur aura l’impression de tourner les pages du livre en même temps qu’il découvre le film. Contrairement à Brian De Palma, John Carpenter, George A. Romero et David Cronenberg, Mark L. Lester n’a pas un style qui lui est propre. Excellent « faiseur », comme il le prouvera l’année suivante dans son chef d’oeuvre, Commando avec Arnold Schwarzenegger, Mark L. Lester dispose d’un solide bagage de technicien. Le boulot est bien fait, l’image Scope est soignée, la photo du chef opérateur Giuseppe Ruzzolini (collaborateur de Pier Paolo Pasolini, Mon nom est Personne de Tonino Valerii) est superbe, les acteurs sont excellents, très bien castés. Le final dantesque, qui n’est évidemment pas sans rappeler celui de Carrie au bal du diable, est explosif à souhait, dans tous les sens du terme avec une gigantesque démonstration d’effets pyrotechniques.

Aujourd’hui, il serait difficile d’imaginer une autre petite actrice que Drew Barrymore pour incarner le personnage principal. Charismatique en diable et tempérament de feu (oui bon, elle était facile), la très jeune comédienne étonne par sa sincérité et son investissement, autant dans les séquences dramatiques que lors des affrontements. A ses côtés, Martin Sheen (qui venait de jouer un autre salaud dans Dead Zone) et George C. Scott (Oscar du meilleur acteur pour Patton, L’Enfant du diable – The Changeling) se donnent la réplique et apportent au film une indéniable plus-value. Moins célèbre, David Keith (The Rose de Mark Rydell, Officier et Gentleman de Taylor Hackford) ne démérite pas moins dans le rôle du père de Charlie et s’avère même très émouvant dans ses scènes avec Drew Barrymore. Quant à la musique de l’immense groupe Tangerine Dream, elle reste très enivrante et souligne la dramaturgie de façon décalée. Rien d’étonnant à cela puisque la B.O. provient de morceaux déjà composés à l’avance et mis à la disposition de Mark L. Lester pour qu’il en fasse ce qu’il veut.

35 ans après, Charlie reste un bon et beau divertissement. S’il ne pourra jamais prétendre au prestige et à la reconnaissance des autres adaptations de Stephen King susmentionnées, cela n’a pas empêché le film de devenir culte auprès de très nombreux cinéphiles. Longtemps oublié et dissimulé derrière des œuvres et chefs d’oeuvres de grands maîtres, il est temps aujourd’hui de découvrir les qualités de ce petit film très attachant, bien rythmé et très plaisant à regarder.

LE BLU-RAY

Exit la version DVD MGM de Charlie (Firestarter) qui se revendait très cher sur le net ! Le film de Mark L. Lester jouit enfin d’une édition Haute-Définition sous la houlette d’ESC Editions. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche originale. Le menu principal est animé sur la musique de Tangerine Dream.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent concernant les bonus. Seule une présentation (23’) du film et des adaptations de Stephen King au cinéma par Laurent Duroche de Mad Movies. Un peu plan-plan et filmé en plan fixe, le journaliste replace Charlie Firestarter) dans la carrière de l’écrivain et dans le courant cinématographique au début des années 1980. La production du film, son tournage et son accueil sont passés en revue, ainsi que le casting, la musique et les prochaines transpositions de Stephen King, notamment Marche ou crève que Laurent Duroche attend avec une grande impatience.

Cette section se clôt sur la bande-annonce de Charlie (Firestarter) et celle de Chucky – Jeu d’enfant.

L’Image et le son

ESC Editions livre un master HD qui frôle la perfection. Les très beaux partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Giuseppe Ruzzolini trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point ou peu de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret (même sur les plans de vapeur ou de fumée difficiles à consolider), la photo parfois ouatée est savamment restituée, la colorimétrie retrouve un éclat inédit et le piqué est probant. Le format 2.35 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. A peine quelques plans flous et des visages légèrement rosés à déplorer. L’encodage AVC demeure solide, la gestion des noirs impeccable, la propreté exceptionnelle et le niveau de détails impressionnant. Charlie (Firestarter) qui affiche déjà plus de trente ans au compteur peut se targuer d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance.

Les versions originale et française sont proposées en DTS-HD Master Audio Mono 2.0, des pistes exemplaires et limpides, restituant les dialogues avec minutie – moins en version originale toutefois – ainsi que l’enivrante bande originale signée Tangerine Dream. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française se focalise un peu trop sur les dialogues au détriment des effets annexes, plus saisissants en version anglaise. Le mixage français est certes moins riche mais contentera les habitués de cette version. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Orion Pictures / MGM / ESC Editions / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Break, réalisé par Marc Fouchard

BREAK réalisé par Marc Fouchard, disponible en DVD et Blu-ray le 21 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Sabrina Ouazani, Kevin Mischel, Hassam Ghancy, Slimane, Maxime Pambet, Camille Japy, Christophe Reymond, Stella Fenouillet…

Scénario : Marc Fouchard, François-Régis Jeanne

Photographie : Maxime Cointe

Musique : Maxime Desprez, Michael Tordjman

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

A la suite d’un grave accident, Lucie craint de voir se briser le rêve de sa vie : devenir danseuse. Elle quitte les beaux quartiers et part en banlieue à la recherche du père qu’elle n’a jamais connu. La jeune femme y croise Vincent, un ex-danseur qui a étrangement sacrifié sa passion. Poussé par Malik, son complice de toujours, il accepte de la coacher et lui fait découvrir un nouveau style de danse, le break. Issus de deux mondes différents, Lucie et Vincent vont s’engager dans un duo passionné de danse et de sentiments.

Sexy mais peu dense…En effet, ce Sexy Dance (vous comprenez l’astuce maintenant ?) à la française marche sur les pas de cette franchise US comprenant à ce jour cinq opus et ayant rapporté la bagatelle de 650 millions de dollars dans le monde. Le phénomène a même pris en France puisque cette saga musicale a attiré au total pas moins de 3,5 millions de spectateurs dans les salles. Une bonne moyenne avec un quatrième volet qui aura même dépassé le million d’entrées ! Alors dans Break nous ne sommes pas dans Bouge ! de Jérôme Cornuau, sorti durant l’été 1997 et dans lequel Ophélie Winter jouait son propre rôle au cours d’une soirée Dance Machine. Encore moins dans Dancing Machine de Gilles Bréhat où Alain Delon (« Bonsoir Chico ! ») fume le cigare et claudique devant un Patrick Dupont qui saute comme un cabri devant lui. On serait plutôt proche du Défi, comédie musicale hip-hop réalisée par Blanca Li en 2002. Break est un premier long métrage qui ne manque pas d’audace ni d’ambitions.

Son réalisateur Marc Fouchard, lui-même danseur de hip-hop, spécialisé ensuite dans le break depuis l’âge de 16 ans, a un vrai sens de l’image et soigne son film sur la forme. A l’écran, il est aussi épaulé par un bel atout avec la présence en haut de l’affiche de la lumineuse et talentueuse Sabrina Ouazani. Break s’ouvre sur une superbe scène mêlant danse et voltige. Sur la façade d’un bâtiment délabré, deux danseurs, un homme et une femme exécutent un ballet. Attachés à l’aide d’un filin, les deux partenaires semblent défier la gravité. Et c’est un ravissement. La caméra épouse les acrobaties et la performance de ces artistes quand soudain, la scène renvoie à l’exposition de Cliffhanger de Renny Harlin, vous savez celle où Sly tente de sauver cette femme d’une chute mortelle. S’ensuit un accident, un semi-coma, le réveil, un trauma et une existence qui reprend à zéro.

Dans Break, Sabrina Ouazani, très grande sportive qu’on a l’habitude de voir courir comme qui dirait tous les films, apporte à la fois son solide bagage d’actrice constitué depuis sa découverte dans L’Esquive d’Abdellatif Kechiche en 2004, ainsi que ses capacités physiques et athlétiques. Le truc qui ne fonctionne pas vraiment à l’écran, c’est qu’on ne s’improvise pas danseuse, malgré l’évidente et intense préparation à laquelle la comédienne a dû se plier. Du coup, Marc Fouchard est un malin et limite finalement les scènes où le personnage principal danse. Quelques pas ici et là, mais même la représentation finale de Lucie ressemble finalement plus à un numéro visuel qu’à une chorégraphie proprement dite. Celles et ceux qui seraient venus voir ce film pour la danse, devront plutôt se tourner vers Kevin Mischel, que l’on avait découvert dans Divines, film phénomène réalisé par Houda Benyamina. Belle gueule et danseur émérite, son charisme est indéniable à l’écran et le duo avec Sabrina Ouazani fonctionne bien.

En dépit de ses défauts (un manque de rythme flagrant, un montage approximatif), Break s’avère contre toute attente un film attachant, sincère, animé par une belle énergie contagieuse, qui donne d’ailleurs un autre visage à la Seine-Saint-Denis grâce à un beau cadre large et une photographie léchée. La partie dramatique avec cette jeune femme qui souhaite nouer une relation avec son père est passe-partout et seul le talent des acteurs fait passer doucement cet élément. Les séquences de battles (avec Slimane, gagnant de l’émission The Voice en 2016) sont filmées comme de vraies scènes d’action et l’on se surprend à taper du pied en rythme.

Break est donc une tentative plutôt réussie de film de danse hexagonal, auquel il lui manque un scénario plutôt qu’un fil rouge sur lequel se greffent des performances pour le moins épatantes.

LE BLU-RAY

Break est disponible chez M6 Vidéo, en DVD et en Blu-ray. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Le film s’accompagne d’un petit mais complet making of (16’30), qui suit le tournage des premières répétitions au début des prises de vue, en passant par la création des séquences principales, jusqu’au clap de fin. Le réalisateur et les deux acteurs principaux interviennent également afin de parler des personnages et des conditions de tournage.

L’Image et le son

Après un passage plutôt discret dans les salles françaises, Break est pris en main par M6 vidéo pour sa sortie dans les bacs. Nous sommes devant un très beau master HD. La définition est optimale, la luminosité affirmée, ainsi que le relief, la gestion des contrastes et le piqué sans cesse affûté. L’apport HD est constant et renforce la colorimétrie, l’encodage AVC consolide l’ensemble, les détails fourmillent sur le cadre large, et toutes les séquences de jour tournées en extérieur sont magnifiques de précision.

Comme pour l’image, l’apport HD pour Break permet de profiter à fond de la bande originale. La piste DTS-HD Master Audio 5.1 s’en donne à coeur joie en ce qui concerne la spatialisation de la musique. Chaque enceinte est remarquablement mise à contribution, précise dans les effets, avec une impressionnante balance frontales-latérales et une fluidité jamais démentie. Les ambiances naturelles ne manquent pas, les effets sont concrets et immersifs. Le caisson de basses participe évidemment à ces numéros. Les dialogues auraient mérité d’être relevé sur la centrale, problème récurrent chez M6 Vidéo. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Année dernière à Marienbad, réalisé par Alain Resnais

L’ANNÉE DERNIÈRE À MARIENBAD réalisé par Alain Resnais, disponible en combo Blu-ray/DVD le 25 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Giorgio Albertazzi, Delphine Seyrig, Sacha Pitoëff, Jean Lanier, Françoise Spira, Gilles Quéant…

Scénario : Alain Robbe-Grillet

Photographie : Sacha Vierny

Musique : Francis Seyrig

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Dans un château de Bohême transformé en hôtel, des gens vivent dans une atmosphère feutrée. Ils sont là pour se reposer, et tout autre bruit que quelques paroles chuchotées est proscrit. Un homme s’attache à une femme et tente de la persuader qu’ils ont eu une aventure, l’année dernière, à Marienbad.

Et si L’Année dernière à Marienbad était le plus grand film fantastique français ? Film phare de la Nouvelle Vague, le second long métrage réalisé par Alain Resnais est tellement riche, insondable, pluriel, que les années n’ont aucune emprise sur lui. Scandale à sa sortie puisqu’il remettait en question le principe de la narration classique en rejetant toute notion d’intrigue, ce gigantesque chef d’oeuvre absolu de l’histoire du cinéma n’a jamais révélé et ne révélera d’ailleurs jamais toutes ses facettes. Ouvert à toutes les interprétations, L’Année dernière à Marienbad, écrit par l’un des chefs de file du Nouveau roman, Alain Robbe-Grillet, restera à jamais un film énigmatique, mystérieux, doublé d’un extraordinaire objet visuel avec une mise en scène à se damner et une photographie N&B qui sublime les décors de Bernard Evein, les costumes créés par Coco Chanel et l’immense comédienne Delphine Seyrig dans son premier vrai rôle au cinéma.

Une soirée théâtrale dans un somptueux palace d’une ville d’eau allemande. Un homme très élégant rencontre une femme et s’efforce de la persuader que, l’année précédente, à Marienbad, elle avait promis de tout quitter pour vivre avec lui. La femme ne se souvient absolument pas d’avoir eu une telle conversation avec lui. L’homme la poursuit pourtant et la harcèle, parfois doucereux, quelquefois inquiétant. Décontenancée, elle ne sait si elle le désire, s’il la répugne, si elle lui obéira. Les jardins et les décors de l’hôtel sont intimement liés à sa longue quête intérieure…

Est-ce un rêve éveillé ? Un cauchemar qui revient en boucle des suites d’un traumatisme, peut-être un viol refoulé ? Où est-on réellement ? Au purgatoire ? Les personnages sont-ils tous décédés ? Les statues du parc se sont-elles animées comme par enchantement ? « A », cette femme brune inaccessible, est-elle née du désir de l’homme de voir apparaître sa moitié à ses côtés ? Son visage de marbre reflète-t-il la matière dont elle était faite quelques instants auparavant ? Tant de questions et encore plus qui nous viennent à l’esprit durant 1h35, tandis qu’Alain Resnais nous ravit le coeur et les yeux par la beauté incandescente de ses travellings.

Pourquoi « X » (Giorgio Albertazzi), cet homme à l’accent italien, essaye par tous les moyens d’atteindre et de convaincre cette beauté brune qui ne se souvient pas de lui ? Lorsqu’il croit l’avoir fait, elle s’est déplacée sur une autre pointe du temps, un autre souvenir : il faut la convaincre à nouveau. De nouveaux cauchemars se dressent devant lui : est-il sûr que c’est elle qu’il aime ? Est-il sûr de l’avoir rencontré ? Pourquoi cet inconnu doit également affronter à plusieurs reprises un autre homme, « M » (Sacha Pitoëff), un joueur invétéré, peut-être l’époux de « A », dans une partie de jeu d’allumettes où le sort semble s’acharner contre « X » systématiquement.

D’entrée de jeu, Alain Resnais fait perdre ses repères au spectateur à travers les interminables couloirs labyrinthiques et les hauts plafonds d’un palace baroque. Dans les allées des jardins à la française, des individus en smoking ou en robe de soirée restent figés sur place, comme si le temps était suspendu. Pourtant, dans le palais, une pièce de théâtre se joue, tandis que les discussions s’animent d’un salon à l’autre. Les propos sont opaques, n’ont aucun sens ou reprennent certaines répliques de la pièce. Seul un homme, « X » donc, semble être animé par une réelle conscience et pourvu d’émotions, comme Bérenger dans Rhinocéros de Ionesco. Autour de lui, les personnages s’apparentent à des pantins animés par le même marionnettiste. Et c’est dans ce décor majestueux que nous suivons X et A, eux-mêmes perdus dans le temps puisque les costumes peuvent changer d’une pièce à l’autre, dans un même plan.

Alain Resnais et Alain Robbe-Grillet ne donneront aucune explication et le spectateur ne connaîtra jamais la vérité. A sa sortie en 1961, L’Année dernière à Marienbad est accueilli par une presse plutôt favorable, même si ses détracteurs sont particulièrement virulents, en avançant comme argument que le rôle du cinéma, divertir les spectateurs, est bafoué au profit de l’intelligentsia. Si le succès est nettement moins conséquent qu’Hiroshima mon amour (2,2 millions d’entrées), le deuxième film d’Alain Resnais, Lion d’or au Festival de Venise, Prix Méliès, Prix du meilleur film français du syndicat de la critique de cinéma attire quand même près de 900.000 français dans les salles, tous attirés par ce véritable phénomène sur lequel tout le monde souhaite avoir une opinion. Mais la plupart demeureront dubitatifs devant ce récit obscur, ce refus de la chronologie, ces apparents flashbacks et sauts dans le temps soulignés par la lancinante, envoûtante et hypnotique partition de Francis Seyrig, frère de la comédienne.

C’est ce renoncement au naturalisme, qui a ensuite inspiré moult cinéastes, de David Lynch à Gus Van Sant, en passant par Stanley Kubrick, procédé très avant-gardiste et d’ailleurs toujours aussi moderne en 2018, qui a décontenancé la plupart des spectateurs. L’Année dernière à Marienbad est inclassable puisque le genre auquel il appartient n’est autre que le film lui-même, comme s’il se basait sur un jeu sans aucune règle (comme celui des allumettes et des cartes qui revient dans le film), si ce n’est se laisser emporter par la mise en scène sans cesse inspirée et d’où naît l’émotion. De ce labyrinthe de mots et d’images naît le trouble, de cette révolution esthétique le coeur s’emballe. Loin d’être un pensum prétentieux et verbeux, ce puzzle complexe foudroie du début à la fin et s’inscrit de façon indélébile dans les mémoires. Et l’on reviendra toujours se perdre dans ce dédale intrigant, onirique, déroutant, froid en apparence, pourtant accueillant, hors du temps, qui bouscule et fait confiance à l’intelligence d’une audience toujours flattée qu’on lui propose une expérience de cinéma unique en son genre.

LE BLU-RAY

Quasiment dix ans après sa première édition en Haute-Définition, L’Année dernière à Marienbad fait son grand retour en Blu-ray dans une version restaurée inédite. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Tout d’abord, l’éditeur reprend l’intégralité des suppléments disponibles sur l’édition HD de novembre 2009, à savoir :

Toute la mémoire du monde (1956-21’)  et Le Chant du Styrène (1958-13’), deux courts-métrages réalisés par Alain Resnais. A travers une superbe mise en scène, le premier film dévoile l’organisation au sein de la Bibliothèque Nationale de Paris, 58 rue de Richelieu. Sur un scénario de Rémo Forlani et une musique de Maurice Jarre, ce documentaire rend hommage à tous les employés qui répertorient, classent et entretiennent tous les ouvrages et sans qui ce trésor serait inaccessible. Quelque part, Toute la mémoire du film annonce L’Année dernière à Marienbad. Plongez dans ce véritable coffre-fort et musée des mots où lectures, œuvres précieuses et introuvables, connaissances, catalogues et collections de livres sont enfermés, répertoriés, analysés, classés, notés, étiquetés, enregistrés et consultés.</

Le second film met en images le poème éponyme de Raymond Queneau en alexandrins. Du bol en plastique jusqu’au pétrole, toute la chaîne industrielle conduisant à la fabrication des objets en plastique est parcourue en remontant à la source. Une visite des usines Péchiney guidée par la voix de Pierre Dux. Le fabricant de polystyrène avait commandé ce film qui devait être à la gloire de ce « noble matériau entièrement créé par l’homme ».

Alain Robbe-Grillet, épisode de la série documentaire 1 siècle d’écrivains (1999-18’30) : Le réalisateur Frédéric Compain déclare sur la genèse de ce documentaire : « Au lycée, vers l’âge de 17 ans, j’ai lu un roman d’Alain Robbe-Grillet. En 1973, 20 ans après sa parution, Les Gommes était au programme du bac français. On découvrait toute une littérature qui, disait-on, s’affirmait par des refus. On évitait par contre de souligner à quel point son œuvre – toujours très contestée – était hantée par des fantasmes sado-masochistes. Alain Robbe-Grillet est étudié, décortiqué, scannérisé, mais est-il vraiment lu ? Cet homme en mouvement, cet écrivain vivant, je voulais le connaître. Une certaine image de la littérature laissait imaginer un écrivain vieillissant, vaniteux et blasé. J’ai découvert, étonné, un homme encore jeune, insolent, jouant ouvertement au sale gosse, lui « le pape du nouveau roman » qui, avec Nathalie Sarraute, Samuel Beckett, Marguerite Duras et Michel Butor avaient tant secoué la littérature contemporaine. Aujourd’hui, plus de 20 ans après, il m’a dit : « Pourquoi nous n’irions pas à l’île d’Ouessant ? On pourrait y faire un film. Sur moi. Avec vous. » J’ai dit oui, je veux bien ». L’écrivain se livre face à la caméra, chez lui, tandis que diverses archives complètent et illustrent ses propos. Egalement au programme, des extraits d’interviews diverses et variées, de conférences et d’interventions télévisées.

Professeure en études cinématographiques à King’s College London et critique de cinéma à Sight and Sound, Ginette Vincendeau propose ensuite une formidable présentation (en anglais sous-titré français) de L’Année dernière à Marienbad (2005-18’30). Le chef d’oeuvre d’Alain Resnais est analysé sous tous les angles, sur le fond comme sur la forme. Ginette Vincendeau propose également de multiples interprétations du film, tout en le remettant dans son contexte cinématographique et même littéraire puisque L’Année dernière à Marienbad reste évidemment lié à l’émergence du Nouveau roman dont Alain Robbe-Grillet était l’un des chefs de file.

Vous pouvez compléter cette intervention par l’essai en vidéo réalisé par Luc Lagier, intitulé Dans le labyrinthe de Marienbad (33’). Résumer ce module (découpé en plusieurs chapitres) serait bien trop complexe tant celui-ci regorge en détails et analyses absolument indispensables, qui pourront donner quelques pistes ou éclaircissements sur une œuvre qui de toute façon ne révélera jamais toutes ses facettes et ses recoins cachés. Par ailleurs, le parallèle établi entre L’Année dernière à Marienbad et Shining de Stanley Kubrick est aussi troublant que passionnant. Même chose concernant les points communs entre le chef d’oeuvre d’Alain Resnais et La Mort aux trousses d’Alfred Hictchcock, ce dernier étant d’ailleurs présent dans le film…

Les seuls bonus inédits sont la bande-annonce de la version restaurée, ainsi qu’un entretien croisé de François Thomas, spécialiste de l’oeuvre d’Alain Resnais, Catherine Robbe-Grillet (écrivaine et épouse d’Alain Robbe-Grillet) et la comédienne Anna Mougladis. Ce supplément de trente minutes replace L’Année dernière à Marienbad dans la carrière respective du cinéaste et du scénariste, jusqu’à leur rencontre et leur désir de collaborer ensemble puisqu’ils étaient chacun admiratif du travail de l’autre. L’écriture du film, son tournage, la bande-son, les thèmes, sa sortie, tout y est évoqué avec une passion contagieuse.

L’Image et le son

L’Année dernière à Marienbad avait déjà bénéficié d’une édition HD en 2009. Le même éditeur propose cette fois le film d’Alain Resnais dans une version entièrement restaurée. Sublime ! Ce Blu-ray présenté au format respecté est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Sacha Vierny (Hiroshima mon amour, Belle de jour) retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, sans lissage excessif, ce qui devrait rassurer les puristes. Le cadre fourmille de détails. Une des éditions incontournables de l’année 2018 !

Egalement restaurée, la piste DTS-HD Master Audio Mono instaure un haut confort acoustique avec des dialogues percutants et une très belle restitution des effets annexes. Aucun souffle sporadique ni aucune saturation ne sont à déplorer. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, réalisé par Ettore Scola

NOS HÉROS RÉUSSIRONT-ILS À RETROUVER LEUR AMI MYSTÉRIEUSEMENT DISPARU EN AFRIQUE ? (Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ?) réalisé par Ettore Scola, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Alberto Sordi, Bernard Blier, Manuel Zarzo, José María Mendoza, Erika Blanc, Franca Bettoia, Alfredo Marchetti…

Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli, Ettore Scola

Photographie : Claudio Cirillo

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 2h02

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Un homme d’affaires fatigué de son travail, de sa famille et de sa vie part à la recherche de son beau-frère disparu en Afrique quelques années plus tôt, entraînant dans cette quête son comptable qui n’en demandait pas tant. Et quand après de très nombreuses aventures, ils retrouveront, finalement, leur ami devenu chef de tribu, se posera la question de le ramener dans ce qu’on appelle la civilisation…

Quel film se cache derrière ce titre à rallonge typique des romans-feuilletons, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? ou bien encore en version originale Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ? Un des bijoux méconnus du grand Ettore Scola. Réalisée en 1968, cette comédie grinçante s’inspire en réalité de l’histoire de Walt Disney intitulée Topolino e il Pippotarzan, dessinée par l’artiste italien, vénitien plus précisément, Romano Scarpa, dans laquelle Dingo (Pippo en Italie) part en Afrique avec Mickey (Topolino) afin de retrouver son frère Pappo, disparu sans laisser de trace. Si Ettore Scola et ses co-scénaristes, les maîtres Age & Scarpelli, prennent évidemment quelques libertés avec le récit original, ils n’en conservent pas moins les grands traits, y compris son dénouement. Dans le film Alberto Sordi (toujours aussi génial et hilarant) incarne Fausto Di Salvio, un bourgeois fier de ce qu’il est devenu, inculte et arrogant, un éditeur de renom qui profite allègrement du miracle économique de son pays. En apparence seulement, car Fausto s’ennuie dans son travail et surtout dans sa vie privée, notamment avec sa femme, avec qui il n’a plus aucune intimité.

« Nous recherchons mon beau-frère…mais nous nous recherchons aussi nous-mêmes ! »

Contraint de partir en Afrique, continent qui l’a toujours fasciné, Fausto emmène avec lui Umbaldo Palmarini, son comptable et homme à tout faire – Bernard Blier, qui retrouve Sordi pour la troisième fois à l’écran – pour chercher et ramener en Italie son beau-frère Oreste Sabatini (Nino Manfredi) qui du jour au lendemain est parti s’installer en Angola, parmi une communauté africaine, en quittant sa femme et sa vie de bourgeois romain. Là-bas, à la fois perdu géographiquement et culturellement, Fausto, homme moderne déboussolé se heurte à un nouveau monde qui lui permettra de repartir sur de nouvelles bases, de faire le point sur sa propre vie, monotone malgré ses succès. Quelle aurait été la vie de Fausto si cette possibilité d’évasion ne s’était pas offerte à lui ?

Le personnage, très attiré par le continent africain, évolue à l’écran en deux heures. Il passera du personnage détestable (il filme tout ce qui se présente à lui, comme s’il tournait un documentaire animalier), raciste et colonialiste (on pense alors fortement à Tintin au Congo), mais malgré tout comique puisqu’il ne comprend rien et ignore tout de ce pays, à l’homme mature qui tentera de dénoncer notamment la traite des noirs. Pour son périple, un parcours initiatique même, Ettore Scola opte pour la comédie d’aventure pour dénoncer le thème du colonialisme à travers une mise en scène inventive et astucieuse, profitant également de la beauté majestueuse de ses décors naturels avec des prises de vue effectuées à Luanda, capitale de l’Angola, par ailleurs toujours sous domination portugaise à l’époque.

Le scénario est un vrai bijou, très intelligent, caustique et engagé, tous comme les savoureux dialogues signés Furio Scarpelli. Pour la petite histoire, alors qu’il entreprend de se doubler lui-même en français, Bernard Blier se rend compte que les dialogues ont changé et le propos adoucis, à tel point que les responsables de cette adaptation avaient purement et simplement gommé toute la dimension anticolonialiste du film. Le comédien prévient alors Ettore Scola qui fait stopper immédiatement la post-synchronisation, puis la sortie hexagonale en raison de cette censure réalisée dans son dos. Sensationnelle comédie ironique, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? mettra dix ans pour être enfin exploité dans les salles françaises.

LE BLU-RAY

Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? avait connu une première édition DVD en novembre 2007 chez M6 Vidéo, dans sa collection Les Maîtres italiens SNC. Le film d’Ettore Scola débarque en Blu-ray, toujours chez le même éditeur, qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages écrit par Laurent Bourdon. Le menu principal est animé et musical.

Une interview particulière, une rencontre avec Ettore Scola (53’) : Ce documentaire réalisé pour la chaîne publique italienne Rai, déjà disponible sur l’édition DVD, mélange extraits de films d’Ettore Scola, images du réalisateur et de ses acteurs (Sergio Castellito, Diego Abatantuono…) en plein travail sur le tournage de Concorrenza sleale (réalisé en 2001), et une interview accordée par le réalisateur italien qui revient notamment sur ses débuts en tant que scénariste. Il explique ce qu’il a appris avec chacun de ses confrères, du cinéaste Dino Risi aux scénaristes Age et Scarpelli en passant par l’acteur Massimo Troisi. Un entretien profond qui aborde plusieurs thèmes avec intérêt et qui dresse le portrait d’un cinéaste surdoué.

De la BD au grand écran par l’auteur de BD Charles Berbérian (20’) : Réalisé à l’occasion de cette nouvelle édition, cet entretien permet d’en savoir plus sur la genèse de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, en particulier sur la bande-dessinée Topolino e il Pippotarzan de Romano Scarpa dont le film de Scola est en réalité un détournement. Si Charles Berbérian se penche sur les thèmes, sur la sortie reculée du film pendant dix ans, l’auteur s’égare quelque peu du sujet qui nous intéresse en parlant des adaptations de bandes-dessinées dans les années 60. Finalement, ce module bifurque maladroitement sur la promotion de son livre Cinerama, les meilleurs plus mauvais films.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et le teaser.

L’Image et le son

Voici donc le master restauré 2K de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?. L’image est plus qu’impeccable et le superbe générique l’atteste d’emblée. C’est net, les couleurs sont vives, étincelantes, les contrastes solides et les détails sont très appréciables. La propreté est également impressionnante, le grain original respecté, le piqué acéré et l’apport HD non négligeable sur les splendides paysages africains.

La piste mono italienne a été restaurée avec précision. Toutefois, les dialogues y sont moins dynamiques que sur la piste française, même si la merveilleuse partition musicale d’Armando Trovajoli, très représentative du film, est très bien lotie. Certains bruitages (comme les envolées de baffes) sont poussés à l’extrême et rappellent les films du duo Hill & Spencer. Le mixage français, également restauré (Bernard Blier se double lui-même), est plus criard avec des échanges trop mis à l’avant, au détriment des ambiances naturelles. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © SNC (Groupe M6) / SND / M6 Vidéo / Fondazione Scuola Nazionale Di Cinema / Rai Trade /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Comme des chiens enragés, réalisé par Mario Imperoli

COMME DES CHIENS ENRAGÉS (Come cani arrabbiati) réalisé par Mario Imperoli, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Piero Santi, Annarita Grapputo, Paola Senatore, Cesare Barro, Luis La Torre, Gloria Piedimonte, Mario Farese, Silvia Spinozzi…

Scénario : Mario Imperoli, Piero Regnoli

Photographie : Romano Albani

Musique : Mario Molino

Durée : 1h38

Année de sortie : 1976

LE FILM

Dans la Rome des années 1970, trois amis, Tony, Rico et Silvia, étudiants exemplaires, surmontent leur ennui en laissant libre cours à leurs bas instincts. Braquages, torture, viols et meurtres constituent leur quotidien, tandis que le commissaire Muzi et sa collègue Germana cherchent à les démasquer. Tony, le cerveau de la bande, est le fils d’un homme riche et influent, lui-même corrompu. Se croyant intouchables, le jeune homme et ses complices sont entraînés dans une spirale infernale à laquelle seul Muzi pourra mettre un terme.

« Si vous n’aimez pas la réalité sur une certaine jeunesse d’aujourd’hui, alors ce film n’est pas fait pour vous ! S’il vous déplaît d’apprendre que vous non plus n’êtes peut-être pas des parents modèles, laissez tomber ce film ! »

Au cours des années 70, l’Italie subit les revendications politiques des Brigades Rouges et vit ce que l’on appellera plus tard ses « années de plomb » . Reflet social, le cinéma va exprimer cette violence dans une vague de polars urbains âpres et cruels. Fortement inspirés par des films comme L’inspecteur Harry (1971), Un justicier dans la ville (1974) ou encore French Connection (1971), les réalisateurs Enzo G. Castellari, Fernando Di Léo, Umberto Lenzi, et bien d’autres, vont faire mettre en images violence, vengeance et justice. Franco Nero, Tomás Milián, Fabio Testi, ou Maurizio Merli, vont camper les flics, voyous, mafieux, escrocs ou justiciers, pour le plus grand bonheur des spectateurs. A l’heure où certaines villes italiennes sont ratissées par certains gangs organisés et les petits commerçants pillés de toutes parts, Comme des chiens enragés Come cani arabiati agit comme un véritable défouloir dans les salles de cinéma en 1976.

Le film est réalisé par Mario Imperoli (1931-1977), cinéaste rare qui n’aura tourné que huit longs métrages en quatre années. Il fait d’abord ses classes en tant que journaliste, puis devient scénariste en signant l’histoire et en produisant L’interrogatorio (1970) de Vittorio De Sisti. Puis il passe lui-même derrière la caméra avec des histoires érotiques aux titres explicites, Mia moglie, un corpo per l’amore (1973), La Lycéenne découvre l’amour (1974), Le Dolci zie (1975), Couples impudiques (1975). Avec Comme des chiens enragés, Mario Imperoli prend le train en marche et signe son premier poliziesco. Si par la suite, le réalisateur reviendra au film érotique avec Quella strana voglia d’amare (1977), il terminera sa carrière sur un autre thriller, Canne mozze. Mais son film le plus célèbre auprès des amateurs de films Bis, reste incontestablement Comme des chiens enragés.

Ce thriller violent n’a sans doute pas l’audace de Big Racket d’Enzo G. Castellari, mais n’en demeure pas moins un reflet de l’Italie d’alors et n’a rien perdu de sa férocité aujourd’hui. Co-écrit par le prolifique Piero Regboli (Deux salopards en enfer, L’Avion de l’apocalypse, La Collégienne en vadrouille), Come cani arrabbiati n’est pas un film aimable et n’a pas peur de choquer à travers des séquences particulièrement violentes envers les femmes notamment. Sur un montage sec et nerveux d’Otello Colangeli, on suit cette enquête policière qui possède pas mal de points communs avec l’excellent San Babila : Un crime inutile de Carlo lizzani, sorti la même année. Une description frontale de la violence qui animait les rues des grandes villes italiennes (d’ailleurs le film s’inspire d’un fait divers réel), des crimes réalisés par des fils de bonne famille alors en lutte contre leurs pères, les institutions et les prostituées qui constituent des cibles faciles et qu’ils trucident à la pelle. C’est également là que l’on voit l’impact d’Orange mécanique de Stanley Kubrick sur une génération de cinéastes puisque la scène finale n’est pas sans rappeler celle où Alex et ses compagnons prennent d’assaut une maison en pleine nuit, tabassent son propriétaire et violent sa femme.

Véritable tour de force et polar prenant, Comme des chiens enragés vaut également pour la beauté insolente et le talent de Paola Senatore, sans doute le plus beau rôle du film et qui en profite pour ravir les yeux de ces messieurs lors de scènes dénudées disons très émouvantes. C’est du vrai et excellent cinéma italien d’exploitation.

LE BLU-RAY

Comme des chiens enragés est savamment pris en charge par Le Chat qui fume. Ce combo Blu-ray/DVD est disponible dans un Digipack 3 volets glissé dans un superbe surétui cartonné liseré bleu et au visuel on ne peut plus attractif. Edition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

Un seul supplément sur cette édition, l’interview de Claudio Bernabei (31’30), assistant-réalisateur de Mario Imperoli sur Comme des chiens enragés. Claudio Bernabei se souvient de sa rencontre avec le réalisateur sur L’interrogatorio de Vittorio De Sisti et le couvre d’éloges en disant « Imperoli n’était pas quelqu’un de bien, mais de très très bien […] gentil, poli, jamais autoritaire, sans doute parce qu’il était devenu réalisateur sur le tard ». L’assistant-réalisateur se penche plus longuement sur le film qui nous intéresse en parlant du fait divers à l’origine du scénario, des années de plomb en Italie, le tout ponctué par de nombreuses anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont beaux, le cadre fourmille de détails, même si le piqué demeure aléatoire. Le grain est très bien géré (sans doute plus prononcé sur les séquences sombres), l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Romano Albani (Inferno, Phenomena) sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Le charme opère et l’on (re)découvre Comme des chiens enragés avec ses partis pris esthétiques originaux.

Le film de Mario Imperoli est présenté dans sa version intégrale et seulement en version originale. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique de Mario Molino.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Rewind SRL / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Divorce à l’italienne, réalisé par Pietro Germi

DIVORCE À L’ITALIENNE (Divorzio all’italiana) réalisé par Pietro Germi, disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo

Acteurs : Marcello Mastroianni, Daniela Rocca, Stefania Sandrelli, Leopoldo Trieste, Odoardo Spadaro, Margherita Girelli, Angela Cardile, Lando Buzzanca…

Scénario : Ennio De Concini, Pietro Germi, Alfredo Giannetti

Photographie : Leonida Barboni, Carlo Di Palma

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Un noble sicilien est amoureux d’une magnifique jeune femme. Mais le divorce est illégal en Italie. Il concocte donc un « divorce à l’italienne » : surprendre sa femme dans les bras d’un amant, l’assassiner et, de bon droit, n’écoper que d’un minimum de prison…

Pietro Germi (1914-1974), comédien, réalisateur, producteur et scénariste plusieurs fois récompensé pour ses oeuvres dans les festivals du monde entier est aujourd’hui bien trop souvent oublié quand on évoque l’âge d’or du cinéma italien. Malgré une timidité maladive, Pietro Germi a toujours défendu un cinéma engagé et usait de son art comme d’un vecteur pour contester certaines moeurs de la société, tout en désirant avant toute chose divertir les spectateurs dans le drame ou dans la comédie. C’est le cas de Divorce à l’italienne, probablement le film le plus connu de son auteur.

Comme il le fera dans Séduite et abandonnée en 1966, Pietro Germi décrit les us et coutumes archaïques, ainsi que les comportements hypocrites qui reflètent une société ancrée, pour ne pas dire engluée, dans une tradition obsolète. Sommet de la comédie de mœurs, chef d’oeuvre absolu, Divorce à l’italienne est l’un des plus grands films italiens de tous les temps et permet à Marcello Mastroianni d’être enfin considéré comme un immense acteur d’un genre dans lequel le public avait encore du mal à l’identifier et même à l’accepter. Chose amusante et troublante, dans ce film son personnage se retrouve au cinéma pour aller voir La Dolce Vita de Federico Fellini, comme si les célèbres masques représentatifs du théâtre, l’un triste, l’autre riant, se faisaient face.

Comment détourner la loi qui interdit le divorce quand on est amoureux d’une attrayante personne ? Le baron Ferdinando Cefalù, noble sicilien, veut se remarier avec la jeune Angela. Mais comme le divorce est illégal en Italie, il fait tout pour que son épouse ait une aventure avec un autre homme, pour pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d’honneur. La recherche de l’amant potentiel est une tâche ardue au regard de la laideur de la baronne.

Après Meurtre à l’italienne, titre français de Un maledetto imbroglio (1959), voici donc Divorce à l’italienne réalisé cette fois encore par de Pietro Germi et qui a permis à Marcello Mastroianni de recevoir le Golden Globe et le BAFTA du meilleur acteur la même année pour sa magnifique interprétation. A l’origine, le cinéaste ne pensait pas réaliser une comédie, registre qu’il n’avait jamais abordé frontalement. Pietro Germi voulait se pencher sur la question du « crime d’honneur ». En Italie, le divorce n’existait pas encore – il ne sera finalement voté au Parlement italien qu’en 1969 – et restait interdit. La vie d’un couple marié ne prenait fin qu’à la mort de l’un des deux conjoints. Sur ce postulat de départ, Pietro Germi et ses collaborateurs s’appuient sur l’article 587 du code pénal, qui prévoit pour un mari ou une femme trompé(e) une peine de trois à sept ans de prison s’il ou elle a tué pour venger son honneur. Selon Pietro Germi « Si son affaire est bien préparée, sa cause bien défendue, s’il se conduit bien en prison et bénéficie automatiquement d’une remise de peine, il se retrouve libre au bout de deux ans ».

Le jeu en vaut la chandelle alors pour ce noble, qui chamboulé par la juvénile Angela, sa cousine de 16 ans (!) décide de se débarrasser de sa femme à moustache (y compris frontale) en la poussant dans les bras d’un autre, après avoir lui-même rêvé de la trucider. Divorce à l’italienne bascule dans l’ironie et la satire sociale, sans jamais rendre le personnage de Marcello Mastroianni repoussant ou antipathique. Malgré tout ce qu’il entreprend, on l’aime ce pauvre baron qui commence à péter les plombs face à cette femme envahissante (géniale Daniela Rocca, enlaidie pour l’occasion), la sienne donc, qui se permet même de couper la parole à la voix-off !

C’est souvent le cas dans le cinéma de Pietro Germi, la foule, les habitants du quartier réunis autour d’un verre, s’amassent sur les trottoirs, en regardant une scène de ménage ici, en attendant là que quelqu’un passe à l’acte et ose enfin faire le premier pas. Car personne n’est dupe, tout le monde est au courant de la situation du baron Fernandino qui est un cas parmi tant d’autres, loin d’être le modèle de vertu que son statut social semble afficher.

Habitué au drame néoréaliste (le sublime Il FerroviereLe Disque rouge, le film préféré et le plus personnel du cinéaste) et aux intrigues policières (Au nom de la loi), Pietro Germi utilise les codes et la forme des genres qu’il a abordés dans le passé, pour les mettre au service d’une comédie, sur les conseils de son ami, le grand Mario Monicelli. Le regard sur son pays et ses concitoyens est le même, acéré. L’Italie archaïque mène à l’hystérie collective. Sur un montage percutant, le réalisateur enchaîne une série de quiproquos corrosifs, de répliques cinglantes, de rebondissements, de gags visuels déchaînés qui demeurent aussi frais qu’au premier jour, le tout joyeusement mis en musique par l’incontournable Carlo Rustichelli.

Avec son sens de l’observation aussi aiguisé que chaleureux et surtout en évitant de tomber dans la morale toute faite, Pietro Germi signe un véritable bijou du cinéma transalpin, élevant la comédie à l’italienne sur un indéboulonnable piédestal, illuminé par la beauté de Stefania Sandrelli et l’immense talent de Marcello Mastroianni. Divorce à l’italienne est récompensé par l’Oscar du meilleur scénario original, le Prix de la meilleure et devient le premier film estampillé « comédie à l’italienne ».

LE BLU-RAY

Plus de huit ans après une très belle édition DVD, Divorce à l’italienne débarque en Blu-ray, toujours chez M6 Vidéo qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur reprend l’exceptionnel documentaire intitulé Marcello Mastroianni, l’attrait d’un homme ordinaire (1h) qui rend hommage à cet immense artiste et homme exceptionnel. Ce module indispensable revient longuement sur la prolifique carrière du comédien à travers des extraits d’entretiens réalisés tout au long de sa vie. Intitulé en version originale « Le charme discret d’un homme comme les autres », ce reportage produit et diffusé sur la RAI dresse le portrait d’un acteur simple, humble et modeste, refusant d’être catalogué latin lover en remettant constamment son image en jeu. De nombreux cinéastes et comédiens de renom font leur apparition, en particulier Federico Fellini, Vittorio Gassman, Vittorio De Sica, Luchino Visconti et Marco Ferreri, lui rendant un hommage aussi sincère qu’émouvant, notamment lors des Prix d’interprétation ou pour l’ensemble de sa carrière que Marcello Mastroianni reçoit dans les dernières années de sa vie. Ce documentaire permet d’avoir un large panel des transformations physiques du comédien qui a marqué à jamais le cinéma. Ce segment se clôt sur les rares images de Marcello Mastroianni accompagné de sa fille Chiara lors de leur passage au Festival de Cannes.

Le nouveau supplément proposé par M6 Vidéo est un entretien avec Philippe Rouyer (25’). Le critique et historien du cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif et en charge des pages cinéma du magazine Psychologies propose de réhabiliter le cinéaste Pietro Germi. Selon lui, « le réalisateur n’a pas la place qu’il mérite » et devrait apparaître auprès des noms plus prestigieux et souvent cités. Philippe Rouyer revient sur la carrière de Pietro Germi, croise le fond et la forme de Divorce à l’italienne, « un film d’une incroyable modernité […] avec un metteur en scène qui se fait plaisir ».

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de Dommage que tu sois une canaille et de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?.

L’Image et le son

Le chef d’oeuvre de Pietro Germi est présenté en édition restaurée 2K. Un master HD très impressionnant. Contrairement à ce que la jaquette indique (et c’était déjà le cas sur le DVD), Divorce à l’italienne n’est pas proposé dans un format plein cadre 1.33 mais 1.85. Le transfert est irréprochable avec des contrastes fabuleux une stabilité irréprochable (le DVD s’accompagnait de légers défauts de compression et un tremblement d’image), une propreté sidérante, des noirs denses, des blancs lumineux, des détails à foison et un grain cinéma respecté. Les quelques micro-poussières et les décrochages sur les fondus enchaînés sont purement anecdotiques. Il s’agit probablement d’un des plus beaux Blu-ray sortis chez M6 Vidéo. Un véritable plaisir pour les yeux.

Divorce à l’italienne contient son lot de cris en tous genres. De ce fait, quelques saturations sont inévitables mais le mixage demeure d’excellente qualité avec de solides effets et un souffle qui ne se fait entendre qu’à deux reprises. Les voix des comédiens sont dynamiques, la musique bien mise en valeur et ce mixage italien en DTS-HD 2.0 restauré fait de véritables prouesses acoustiques. Pas de version française, mais les sous-titres pour les spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © Les Films du Camélia / SND / M6 Vidéo / Rai Trade/Rai Teche /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Commando pour un homme seul, réalisé par Etienne Périer

COMMANDO POUR UN HOMME SEUL (When Eight Bells Toll) réalisé par Etienne Périer, disponible en DVD et Blu-ray le 9 octobre 2018 chez Rimini Editions

Acteurs : Anthony Hopkins, Nathalie Delon, Robert Morley, Jack Hawkins, Corin Redgrave, Derek Bond, Ferdy Mayne, Maurice Roëves…

Scénario : Alistair MacLean d’après son roman « 48 heures de grâce »

Photographie : Arthur Ibbetson

Musique : Angela Morley

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1971

LE FILM

Un agent des services secrets anglais, enquête sur des pirates ayant attaqué des bateaux transportant de l’or aux larges des côtes écossaises.

Voilà près de dix ans que le phénomène James Bond prolifère dans les salles du monde entier. Devant ce triomphe international moult ersatz ont vu le jour, y compris en France avec par exemple les OSS 117 d’André Hunebelle. En Angleterre, certains producteurs commencent à vouloir surfer sur la vague espionnage en tentant de mettre un nouvel espion sur le circuit afin de concurrencer l’agent 007 sur ses plates-bandes. Elliott Kastner et Jerry Gershwin viennent de produire Quand les aigles attaquent de Brian G. Hutton, adapté de l’oeuvre d’Alistair MacLean, avec Richard Burton et Clint Eastwood en haut de l’affiche. L’écrivain et auteur à succès de thrillers et d’histoires d’aventures avait d’ailleurs adapté lui-même son propre roman. Ayant de la suite dans les idées, Kastner et Gershwin demandent à MacLean de transposer son roman d’espionnage When Eight Bells Toll, publié en 1966 sous le titre 48 heures de grâce dans nos contrées. Le titre original sera conservé pour le film réalisé par un certain Etienne Périer, qui sort sur les écrans en mars 1971, alors que Sean Connery est sur le point de raccrocher (presque) définitivement son Walther PPK. Aujourd’hui, s’il n’atteint évidemment pas la dimension d’un épisode de James Bond, Commando pour un homme seul reste une délicieuse curiosité, réalisée pour de profiter de l’engouement des spectateurs pour les missions exotiques des agents secrets sur grand écran.

Depuis quelque temps, des navires britanniques chargés de lingots d’or disparaissent le long des côtes écossaises. Pour percer ce mystère, les services secrets font appel à un agent de l’Amirauté, Philip Calvert. Celui-ci, aidé de son ami Hunslett, s’installe sur un bateau et commença son enquête en inspectant la région. Ses recherches, contrariées par le mutisme des habitants des villages avoisinants ainsi que par l’agressivité de Lord Kirkside, le châtelain du lieu, le conduisent jusqu’au yacht de Sir Anthony Skouras. Celui-ci fait apparemment un séjour de plaisance en compagnie de sa seconde épouse, Charlotte, et de ses deux conseillers, Lavorski et McCallum… Les ennuis commencent pour Calvert, à plusieurs reprises, l’adversaire tente de l’éliminer. Flairant la bonne piste, Calvert a cependant du mal à convaincre son chef hiérarchique, Sir Arthur Arnold-Jones, de la véracité de ce qu’il avance. Une bande fort bien organisée détourne les bateaux, les immerge, puis transporte l’or, sous l’eau.

Commando pour un homme seul contient tous les ingrédients des livres d’Alistair MacLean, déjà présents dans les adaptations des Canons de Navarone, de Destination Zebra, station polaire et de Quand les aigles attaquent. Même schéma, même développement des rapports hiérarchiques (MacLean était un ancien de la Royal Navy et avait participé à la Seconde Guerre mondiale), même construction avec crescendo des révélations jusqu’à l’assaut final. Commando pour un homme seul réserve donc son lot de rebondissements, d’action, d’aventures avec une belle dose d’humour so british et une touche de charme avec la présence au générique de la frenchie Nathalie Delon. Mais le film vaut aussi pour le rôle principal tenu par Anthony Hopkins dans l’un de ses premiers vrais rôles au cinéma.

Acteur de théâtre et ayant principalement travaillé pour la télévision, Anthony Hopkins alors âgé de 32 ans (le même âge que Sean Connery dans son premier 007), se délecte dans la peau de ce personnage, sorte de cousin éloigné de James Bond dont la spécialité est d’enquêter sur les affaires nautiques. Déjà charismatique et surtout talentueux, le comédien traverse le film avec une sorte de zen attitude attachante et un flegme naturel qui lui sied à ravir. Toutefois, comme le sera Roger Moore dans la peau de l’agent créé par Ian Fleming, Anthony Hopkins est remplacé par une doublure cascade (visible) dès qu’il faut lever le petit doigt. Les paysages écossais (patrie d’Alistair Maclean) sont superbes et donnent au film une personnalité propre, loin des James Bond plus chatoyants et carte-postale.

Commando pour un seul homme se suit avec plaisir, certaines séquences comme l’attaque puis le naufrage de l’hélicoptère, ou bien encore l’affrontement sous-marin et le final dans le repaire des bandits sont très bien menées par le belge Etienne Périer derrière la caméra. Ajoutez à cela un rythme bien géré, une belle photo, la présence tordante de Robert Morley (L’Odyssée de l’African Queen, Plus fort que le diable) et sa trogne impayable, tout comme celle reconnaissable du cultissime Ferdy Mayne (le comte Von Krolock du Bal des vampires) et vous obtenez un petit thriller d’espionnage aux accents bondiens , jusque dans la musique de Walter Scott (aka Angela Morley), néanmoins plus proche du thème d’Austin Powers que de Goldfinger, plaisant et divertissant. En Angleterre, Commando pour un homme seul est un triomphe, mais le succès reste timide dans le reste du monde, ce qui empêche les producteurs de lancer un autre épisode des aventures de Philip Calvert, comme cela avait été pensé pendant un temps.

LE BLU-RAY

L’un des éditeurs français à nous avoir le plus gâté cette année est incontestablement Rimini Editions. Commando pour un homme seul apparaît dans les bacs en DVD et Blu-ray. La galette bleue est disposée dans un boîtier classique de couleur noire et la jaquette saura attirer les amateurs de thrillers vintage. Le menu principal est animé sur la musique de Walter Scott.

Nous ne trouvons que la bande-annonce comme supplément.

L’Image et le son

Film culte en Angleterre, When Eight Bells Toll a été restauré par les mythiques studios Pinewood. C’est ce master 2K qui est présenté ici par Rimini Editions. Le générique est chancelant avec une fluctuation de la définition sur les credits. Cela s’arrange après. La palette chromatique est élégante et lumineuse sur les scènes diurnes, le piqué est agréable, les contrastes soignés et la propreté de la copie indéniable. Les séquences sombres sont plus altérées avec un grain moins bien géré, quelques effets de pompage sur les noirs et divers fourmillements. Le point fort de ce Blu-ray provient des séquences sous-marines, superbes et qui profitent de cette élévation HD.

Pas de version française pour le film d’Etienne Périer alors que nous notons tout de même une sortie hexagonale de Commando pour un homme seul en mars 1972. Mais peu importe, car il est indispensable de (re)découvrir les aventures de Philip Calvert en version originale, afin de profiter de l’accent des comédiens. Rien à redire sur cette piste mono aux dialogues clairs et distincts. Les ambiances sont aussi présentes que précises, tandis que le thème principal (assez récurrent) est bien délivré.

Crédits images : © Gershwin-Kastner Productions – Winkast Film Productions / Rimini Editions /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Religieuse, réalisé par Jacques Rivette

LA RELIGIEUSE réalisé par Jacques Rivette, disponible en combo Blu-ray/DVD le 18 septembre 2018 chez Studiocanal

Acteurs : Anna Karina, Liselotte Pulver, Micheline Presle, Francine Bergé, Francisco Rabal, Yori Bertin, Catherine Diamant…

Scénario : Jean Gruault, Jacques Rivette d’après le roman « La Religieuse » de Denis Diderot

Photographie : Alain Levent

Musique : Jean-Claude Eloy

Durée : 2h20

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est cloîtrée contre son gré dans un couvent. Elle trouve un peu de réconfort auprès de la Mère supérieure, mais celle-ci meurt peu après, et est remplacée par une femme sadique qui ne cesse de brimer Suzanne. La jeune femme obtient l’autorisation de changer de couvent, mais reste toujours aussi déterminée à sortir.

Librement adapté d’une œuvre polémique de Diderot…

C’est le film français à avoir provoqué le plus grand scandale dans les années 1960. C’est aussi le second long métrage du réalisateur Jacques Rivette (1928-2016), critique – comme Eric Rohmer et Jean-Luc Godard – aux Cahiers du cinéma depuis 1953 où il devient directeur en chef de la revue dix ans après. Après quelques courts-métrages (Le Quadrille, Le Coup du berger), il signe son premier long en 1960 avec Paris nous appartient. La Religieuse, également connu sous son titre original Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot est rétrospectivement l’oeuvre la plus célèbre de son auteur avec La Belle Noiseuse (1991) et son plus grand succès. Nul autre film dans sa carrière n’aura un tel retentissement et un tel impact. Chef d’oeuvre absolu et d’une folle modernité, La Religieuse offre également à la splendide Anna Karina son plus beau rôle au cinéma.

Les deux sœurs de Suzanne Simonin ont été richement dotées. Leur père n’a plus les moyens d’en faire autant pour Suzanne qui, de plus, n’est pas sa fille. La solution, au XVIIIe siècle, est simple, expéditive : mettre l’enfant mal-aimée au couvent. Suzanne refuse de prononcer ses vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, mais nul ne l’entend et elle se retrouve cloîtrée contre son gré au couvent de Longchamp que dirige Mme de Moni. Cette dernière convainc la jeune fille d’accepter son destin et de prononcer ses vœux. Mais, après la mort de la Supérieure, Mère Sainte Christine impose une discipline de fer. Elle enferme Suzanne dans sa cellule et pour faire échec à sa tentative de résiliation de ses vœux, affirme qu’elle est possédée du démon. Innocentée, Suzanne est transférée au couvent d’Arpajon où règne une totale liberté instaurée par la supérieure, Mme de Chelles. Celle-ci s’intéresse beaucoup à Suzanne et commence par lui faire quelques avances amoureuses puis sexuelles.

Les spectateurs ne manqueront pas de s’interdire toute généralisation hâtive, injuste et évidemment indéfendable…

Qui d’autre qu’Anna Karina aurait pu incarner cette jeune femme rebelle à toute autorité, et désirant retourner à la vie civile, malgré la cruauté d’une abbesse sadique qui lui inflige humiliations et tortures, la croyant possédée par le diable ? Quasiment de tous les plans, la comédienne alors âgée de 25 ans est devenue le visage de la Nouvelle Vague avec déjà à son palmarès Le Petit Soldat, Une femme est une femme, Vivre sa vie, Bande à part et Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, tous réalisés par son compagnon Jean-Luc Godard. Le projet remonte à la fin des années 1950. Le célèbre et grand producteur Georges de Beauregard propose à Jacques Rivette de réaliser l’adaptation du livre de Diderot. En 1962, un avis de précensure défavorable de la commission de contrôle conduit les scénaristes Jacques Rivette et Jean Gruault à le transposer tout d’abord au théâtre (les trois coups retentiront d’ailleurs au début du film) au Studio des Champs-Elysées en 1963. Anna Karina interprète le rôle principal de la pièce mise en scène par Jean-Luc Godard, qui n’entraîne d’ailleurs aucun scandale et n’obtient pas de succès. Puis les deux scénaristes revoient leur copie afin que le film puisse obtenir une autorisation pour les spectateurs âgés de plus de 18 ans. La Religieuse n’est même pas encore tourné, qu’il se voit en fait déjà interdire.

Des religieuses et des associations de parents d’élèves de l’enseignement privé appellent au boycott. En 1965, la présidente de l’Union des supérieures majeures de France s’adresse directement à Alain Peyrefitte, ministre de l’information. Ce dernier « entend » son inquiétude quant au « caractère blasphématoire de ce film qui déshonore les religieuses ». Jacques Rivette entreprend néanmoins le tournage de La Religieuse, même s’il essuie le refus des monuments historiques pour effectuer ses prises de vue à l’abbaye de Fontevraud. La commission de contrôle autorise enfin la distribution de La Religieuse avec une interdiction aux moins de 18 ans. C’est alors qu’Yvon Bourges, secrétaire d’État à l’information, ainsi que Maurice Grimaud, directeur de la sécurité nationale, interdisent totalement la distribution et l’exportation du film, en prétextant que La Religieuse risque de troubler l’ordre public.

Là-dessus Jean-Luc Godard intervient et interpelle André Malraux, ministre de la culture. Le scandale est national et passe même les frontières françaises. Le film de Jacques Rivette parvient à être sélectionné au Festival de Cannes en 1966. Le producteur Georges de Beauregard se lance dans une bataille juridique et la remporte en 1967 auprès du tribunal administratif. L’interdiction d’exploitation est levée, à l’exception de celle aux moins de 18 ans. La Religieuse sort bel et bien le 26 juillet 1967 dans cinq salles parisiennes, plus d’un an après sa première projection sur la Croisette. C’est un triomphe avec près de trois millions d’entrées. Il faudra tout de même attendre 1975 pour que l’interdiction complète soit levée de façon définitive.

Mais La Religieuse ou Suzanne Simonin, la Religieuse de Denis Diderot va bien au-delà du scandale provoqué à sa sortie. Plus de cinquante ans après, sa modernité étonne encore et le film est loin d’être académique ou « poussiéreux ». Avec sa grâce, son regard bleu perçant, son visage ovale emprisonné dans un voile et son corps sans cesse en mouvement qui reflète sa rébellion contre l’institution, Anna Karina enflamme la pellicule. Jacques Rivette suit son personnage après avoir prévenu dans un sublime prologue que Suzanne ne s’en sortira pas. Chronique d’une mort ou d’une résignation annoncée ? Le spectateur suit le quotidien de Suzanne et devient le témoin de sa lutte acharnée pour sortir de cette prison où on l’a placée de force. Ses rencontres, déterminantes ou pas, s’enchaînent, l’espoir parvient à renaître parfois, mais les désillusions reviennent très vite. Il n’y a rien d’austère dans La Religieuse, film de chair et de sang qui palpite. Derrière la photo et les partis pris froids du chef opérateur Alain Levent, c’est un récit sur la volonté de vivre librement sa vie que nous raconte Jacques Rivette.

Le montage capte l’attention du spectateur sur 2h20, sans un moment de répit. Si Anna Karina reste le diamant du film, ses partenaires, Liselotte Pulver, Micheline Presle, Kean Martin et bien d’autres, témoignent de la solide direction d’acteurs du cinéaste qui rappelons-le n’en était qu’à son second long métrage. La Religieuse demeure l’une des plus grandes expériences du cinéma français des années 1960, un chef d’oeuvre à l’apparence épurée et pourtant d’une richesse thématique et formelle (un certain Claude Zidi à la caméra), parfois quasi-fantastique, insondable qui traverse le temps sans une égratignure. En 2013, une nouvelle et excellente transposition du roman de Denis Diderot réalisée par Guillaume Nicloux sort sur les écrans, avec Pauline Etienne dans le rôle principal.

LE BLU-RAY

Le chef d’oeuvre de Jacques Rivette fait son retour chez Studiocanal, dans un combo Blu-ray/DVD. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

En plus de la bande-annonce de la version restaurée, l’éditeur joint un documentaire intitulé Suzanne Simonin …la scandaleuse !, réalisé par Dominique Mallet (28’). Ce module se compose des interventions de Georges Kiejman, avocat et homme politique (ancien ministre sous Mitterrand), et de la grande Anna Karina. Les deux invités reviennent sur toutes les étapes de la sortie houleuse de La Religieuse au cinéma. La comédienne évoque la pièce de théâtre originale puis les menaces de mort qui l’ont conduit à déménager, tandis que l’homme de loi et ancien avocat du producteur Georges de Beauregard replace surtout l’affaire dans son contexte, deux ans avant les événements de mai 68. La mise en scène, les intentions et les partis pris de Jacques Rivette sont abordés dans un second temps, ainsi que le triomphe du film.

L’Image et le son

Entièrement restauré par L’Immagine Ritrovata, La Religieuse profite de cette élévation en Haute-Définition. Les couleurs froides voire glaciales sont nettes et tranchées, les noirs denses, les contrastes sont parfois trop appuyés dans la première partie, mais trouvent ensuite un bon équilibre. Le grain original est heureusement respecté et bien géré, tandis que les nombreux gros plans ne manquent pas de détails. La sublime photographie d’Alain Levent aux ambiances bleutées est admirablement restituée, tout comme les séquences partagées entre ombre et lumière, qui reflètent les tourments et l’espoir de Suzanne. Hormis quelques baisses de la définition et de légers flous, ce Blu-ray de La Religieuse est superbe.

La piste DTS-HD Master Audio mono 2.0 n’est certes pas exempt de sensibles saturations, résonances et de quelques répliques qui paraissent étouffées, mais le confort acoustique est suffisamment assuré. Aucun souffle n’est à déplorer et les sensibles ambiances environnantes sont bien délivrées, même à volume peu élevé. L’ensemble est clair et distinct, la propreté est de mise. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Prédateur, réalisé par Dick Maas

PRÉDATEUR (Prooi) réalisé par Dick Maas, disponible en DVD et Blu-ray le 27 octobre 2018 chez Rimini Editions

Acteurs : Sophie van Winden, Mark Frost, Britte Lagcher, Abbey Hoes, Victor Löw, Mike Libanon, Kees Boot, Julian Looman…

Scénario : Dick Maas

Photographie : Lennert Hillege

Musique : Dick Maas

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Vétérinaire au zoo d’Amsterdam, Lizzy est appelée par la police : on vient de découvrir les cadavres atrocement mutilés d’une famille. La jeune femme comprend rapidement que ces morts ont été causées par un fauve d’une taille et d’une férocité exceptionnelles. Alors que d’autres victimes sont découvertes, Lizzie fait appel à l’un de ses vieux amis, un ancien chasseur de lions. Mais le prédateur reste insaisissable et continue de semer la terreur…

Nous sommes en pleine série B. Seulement voilà, ce n’est pas n’importe quel réalisateur aux commandes. PrédateurProoi en version originale, est mis en scène par le célèbre Dick Maas, cinéaste culte pour beaucoup et précurseur du film d’épouvante aux Pays-Bas, l’auteur de L’Ascenseur (1983), Grand Prix au Festival d’Avoriaz en 1984, de sa suite réalisée en 2001 et surtout d’Amsterdamned (1988). Né en 1951, Dick Maas fait son retour derrière la caméra quatre ans après Quiz avec un petit film de genre bourré d’humour. Si l’on accepte le fait qu’un lion de 300 kilos et mesurant plus de deux mètres puisse se cacher dans les fourrés et échapper au système de surveillance le plus perfectionné, alors Prédateur est un vrai et génial divertissement. Le film a vraiment de la gueule et crée une vraie complicité avec son public.

La trentaine, Lizzy est vétérinaire au zoo d’Amsterdam. Un matin, la jeune femme est contactée par un policier, Olaf, qui sollicite son aide pour enquêter sur le massacre d’une famille d’agriculteurs. Selon elle, les victimes ont été attaquées par un lion mangeur d’hommes. Plus tard, un golfeur est retrouvé mutilé à son tour, également tué par l’animal sauvage. Alors que les morts s’accumulent et que la rumeur circule dans la ville, le chef de la police refuse de croire qu’un gigantesque lion est responsable de cette hécatombe et choisit de ne pas communiquer sur l’affaire. Malgré elle, Lizzy se retrouve à la tête d’une gigantesque battue organisée à travers la capitale néerlandaise afin de capturer ou anéantir à tout prix la bête surdimensionnée et sanguinaire. La vétérinaire contacte son ancien compagnon, un Britannique chasseur de fauves, pour mettre fin à ses agissements.

Prédateur est le film d’un vieux briscard qui connaît par coeur les rouages pour faire peur et surtout pour faire plaisir aux spectateurs avides de sensations fortes. Certes, ce qui faisait peur jadis prête souvent à rire aujourd’hui, c’est pour cela que Prooi mélange habilement et judicieusement effets gore et humour noir souvent jubilatoire. Rien de tout ceci n’est sérieux, Dick Maas le prévient d’emblée à l’instar de cette séquence en ouverture où un père de famille, se lève après avoir entendu un bruit étrange et aperçoit sa fille aînée dans la pénombre. Si le spectateur comprend qu’elle est en train de se faire dévorer, le père pense qu’elle est en train de faire une fellation à son petit-ami. Il n’est donc pas interdit de rire, surtout pas, c’est fait exprès et Dick Maas – également compositeur ici – a réalisé son film dans ce sens.

Amsterdam devient un plateau de jeu idéal pour y déplacer ses personnages et surtout son lion entièrement conçu – ou presque – en images de synthèse. Les effets spéciaux sont d’ailleurs fort limités, pour ne pas dire mauvais, mais peu importe puisque les apparitions du fauve se déroulent principalement de nuit avec juste les lampadaires pour l’éclairer fugitivement. Au passage, nul n’est épargné, y compris les enfants. Du point de vue des comédiens, nous retiendrons surtout la belle Sophie van Winden, qui rappelle à la fois Rachel McAdams et Kristin Scott Thomas, sur laquelle repose une très grande partie du film. Une actrice à connaître. Ses partenaires, l’anglais Mark Frost (impeccable en Indiana Jones improbable et pourtant spécialiste des félins) et le néerlandais Julian Looman, très amusant en caméraman chaud comme la braise, assurent également le spectacle.

Dick Maas est un malin. Pour son scénario, il s’inspire en grande partie du premier Jurassic Park et adapte littéralement les plus grands moments de ce film avec le lion qui remplace les dinosaures comme la poursuite de la jeep par le T-Rex, avec ici le félin qui court après un scooter (avec le reflet dans le rétro qui crée l’angoisse), la partie de cache-cache avec les raptors dans la cuisine et même l’appeau des brachiosaures qui fait écho ici dans la scène où le braconnier tente d’appâter le lion dans le parc. Cette relecture à la sauce hollandaise du chef d’oeuvre de Steven Spielberg ne révolutionne rien, mais démontre toute l’étendue du talent du réalisateur du début à la fin et l’ambiance est particulièrement prenante. Une réussite donc et un film fort sympathique.

LE BLU-RAY

Rimini Editions a eu la très bonne idée de sortir Prédateur dans les bacs, en DVD et Blu-ray. L’édition HD est disponible dans un boîtier classique de couleur noire et au visuel très attractif avec un lion qui « n’a pas une gueule de porte-bonheur ». Le menu principal est kitsch, animé et musical.

Seule la bande-annonce est disponible comme supplément, dommage.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080i. Le film de Dick Maas est joliment photographié par Lennert Hillege et cette édition HD délivre son lot de couleurs vives et chatoyantes sur les séquences diurnes. Les détails sont convaincants aux quatre coins du cadre large et le piqué évident (surtout sur les teintes froides), même si les contrastes pèchent parfois par un manque de concision sur les scènes sombres. Certains flous sporadiques tout comme de sensibles fourmillements sont constatables (surtout sur les scènes avec le lion en CGI), notamment au niveau des visages des comédiens, mais demeurent subliminaux et n’entravent en rien le visionnage. La clarté est de mise, le relief notable, la propreté incontestable et la définition élégante. Que demander de plus ?

Pas de pistes 5.1 pour les langues néerlandaise et française. Juste de la Stéréo, mais heureusement, le confort acoustique est assuré avec une belle délivrance de la musique de Dick Maas, des grognements du félin, des dialogues et des effets particulièrement dynamiques. La version originale est évidemment à privilégier. 

Crédits images : © Shooting Star Filmcompany & Parachute Pictures 2016 / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Code 211, réalisé par York Alec Shackleton

CODE 211 (211) réalisé par York Alec Shackleton, disponible en DVD et Blu-ray le 7 novembre 2018 chez AB Vidéo

Acteurs : Nicolas Cage, Sophie Skelton, Michael Rainey Jr., Dwayne Cameron, Weston Cage, Cory Hardrict, Ori Pfeffer, Mark Basnight…

Scénario : John Rebus

Photographie : Alexander Krumov

Musique : Frederik Wiedmann

Durée : 1h27

Date de sortie initiale : 2018

LE FILM

Un simple flic essaie d’interrompre un braquage en cours dans une banque.

Code 211 ou 211 pourrait bien représenter le 211e DTV de Nicolas Cage depuis 2013. A l’exception de Snowden d’Oliver Stone dans lequel il faisait une apparition en 2016, Joe de David Gordon Green est le dernier long métrage avec le comédien à avoir connu une sortie dans les salles françaises. Depuis, Nicolas Cage aura tourné près de 25 films avec une moyenne d’un bon film sur deux avec même d’excellents crus comme Suspect de Scott Walker, The Runner d’Austin Stark, Le Casse des frères Brewer, USS Indianapolis de Mario Van Peebles et Dog Eat Dog de Paul Shrader. Quant au reste…En dehors de Croisades dans lequel il maniait le sabre en nous faisant rire, Pay the Ghost où il affrontait des forces surnaturelles à la Nouvelle-Orléans, La Sentinelle où il arborait une moumoute grisonnante du plus bel effet, Arsenal où il trucidait son véritable frère, Usurpation où il résistait aux courbes de Nicky Whelan, le reste, notamment Tokarev et Le Chaos sont à oublier illico. Je ne suis pas encore « à jour » dans sa filmographie, bien que j’essaye de l’être chaque année, et je dois encore découvrir The Humanity Bureau, Mom and Dad, Army of One, The Watcher et surtout Mandy. Toujours est-il que Code 211 appartient à la catégorie des navets de Nicolas Cage. Malheureusement. On aurait bien voulu l’aimer ce film, mais force est de constater que l’acteur assure ici le minimum syndical et lui-même a l’air de trouver le temps long. Un DTV sans aucune imagination, éculé, lent, long. Et pourtant, le charisme de Nicolas Cage agit toujours autant, c’est dire si on l’aime. 

Le quotidien banal d’un policier veuf, Mike Chandler, est chamboulé par un braquage sanglant et violent. Secondé par son collègue et beau-fils, Steve, et un jeune civil, Kenny, Chandler n’a pas d’autre choix que de lutter contre les bandits. L’affrontement entre la police et les voleurs est sans pitié. Mais leur fusillade vire au carnage…

Pour la sixième fois, Nicolas Cage tourne pour le compte de la célèbre Millenium Films. Code 211 est un thriller réalisé en Bulgarie par un ancien snowboarder professionnel. Ça vous suffit ? Le truc, c’est que le metteur en scène, un certain York Alec Shackleton, est incapable d’insuffler le moindre rythme à son récit auquel on ne croît d’ailleurs jamais. L’installation des personnages est poussive, à l’instar de cette séquence d’ouverture en Afghanistan qui semble avoir été filmée dans la carrière de calcaire du coin, avec des comédiens qui gesticulent comme des marionnettes de Team America, police du monde de Trey Parker et Matt Stone. Là-dessus arrive une improbable agent d’Interpol interprétée par la divine comédienne roumaine Alexandra Dinu, très agréable à regarder, mais qui fait rire dès qu’elle montre son badge pour intimider quelques sbires.

Et Nicky là-dedans ? Bah on le voit cinq secondes durant les vingt premières minutes. En train de conduire, en train de boire son café, en train de froncer les sourcils puisque son personnage est triste en raison de la mort de son épouse. Son deuil impossible l’a éloigné de sa fille. Cette dernière (Sophie Skelton de la série Outlander) apprend qu’elle est enceinte de son compagnon (Dwayne Cameron, celui dont on aime bien se moquer durant le film), flic également, qui bosse avec mister Cage. Ajoutez à cela un adolescent afro-américain qui subit des brimades dans son lycée, mais qui suite à un imbroglio se retrouve à devoir suivre les deux policiers pour se remettre sur « le droit chemin », un employé de banque qui dit au revoir à sa femme avant d’aller bosser (on se doute alors qu’il y passera à un moment), une serveuse au décolleté vertigineux et surtout des braqueurs à la mine patibulaire dont l’un est « incarné » par le propre fils de Nicolas Cage, Weston. Au cours d’une scène, ce dernier n’hésitera pas à vouloir canarder son paternel.

Weston Cage, visant son père

En fait, Code 211 ne propose rien, si ce n’est un affrontement à coup de gros calibres, durant une plombe. Ça se tire dessus, ça atteint rarement sa cible, même à quelques mètres de distance, malgré le fait que les mecs soient des tireurs d’élite et qu’ils utilisent des lunettes perfectionnées. En gros, le point rouge apparaît clairement sur la tête de Nicky, mais la balle s’encastre à un mètre au-dessus de sa perruque. Ce n’est pas qu’on s’ennuie devant Code 211, c’est qu’une fois de plus Nicolas Cage se vautre dans une production indigne de son immense talent. Le plus dingue, c’est qu’il parvient toujours à briller à un moment comme lorsqu’il s’insurge devant sa hiérarchie quant au temps mis par les renforts pour intervenir. D’autres scènes mettent mal à l’aise et font sourire involontairement, comme celle où le gendre de Nicolas Cage, pensant bientôt rendre son dernier souffle, s’adresse en vidéo à son enfant (il venait d’apprendre qu’il allait être père juste avant de partir au boulot le matin) en lui disant tout ce qu’ils ne pourront pas faire tous les deux. Gloups.

Je flingue ma carrière encore une fois

Encore quelques minutes où les protagonistes semblent tirer dans le vide, puis hop, Cage fait son footing, rentre chez lui et générique de fin. Nicolas, l’homme qui tourne plus vite que son ombre, étant déjà parti sur un autre plateau. Next ! Tiens d’ailleurs c’était un autre film amusant de Nicky ça…

La séquence gênante du film

LE BLU-RAY

AB Vidéo avait déjà édité The Runner et Pay the Ghost en DVD et Blu-ray. Cette édition HD de Code 211 se présente sous la forme classique d’un boîtier de couleur bleue, avec un visuel attractif. Le menu principal est animé et musical.

La bande-annonce est disponible.

L’Image et le son

Peu de choses à dire sur ce master français Haute-Définition de Code 211 qui peine parfois à convaincre. Le relief est certes appréciable, mais le piqué est aléatoire et pâtit de la mise en scène heurtée. Les détails ne manquent pas (voir les raccords capillaires de Nicolas Cage), les couleurs sont vives et la clarté des séquences diurnes tire profit de cet upgrade. Le reste est plus anecdotique.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux comme les très nombreux affrontements au tir. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant et que les fans soient rassurés, Dominique Collignon-Maurin prête sa voix cette fois encore à Nicolas Cage. L’éditeur joint également deux pistes DTS HD Master Audio 2.0.

Crédits images : © AB Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr