Test DVD / Daddy Cool, réalisé par Maxime Govare

DADDY COOL réalisé par Maxime Govare, disponible en DVD chez Universal Pictures France le 6 mars 2018

Avec :  Vincent Elbaz, Laurence Arné, Grégory Fitoussi, Jean-François Cayrey, Bernard Le Coq, Juliette Pivolot, Abel Mansouri Asselain, Maxence Chanfong‐Dubois, Sarah Le Huu Nho, Albert Bordes‐Guet, Bartholomé Bordes-Guet, Andy Rowski, Vanessa Demouy, Axelle Laffont, Michel Leeb…

Scénario : Maxime Govare, Noémie Saglio

Photographie : Gilles Henry

Musique : Mathieu Lamboley

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Adrien, 40 ans et totalement immature, se fait larguer par Maude, 35 ans, désireuse d’enfin fonder une famille. Pour tenter de reconquérir l’amour de sa vie, Adrien décide de monter dans le futur ex-appartement conjugal : une crèche à domicile… Le début, d’une improbable expérience éducative…

Il y a dix ans, le cinéma français, ou plutôt la comédie française se focalisait sur les personnages de jeunes trentenaires immatures, qui peinaient à entrer dans l’âge adulte. Les films se bousculaient alors dans les salles avec des titres aussi évocateurs que L’Âge d’homme, maintenant ou jamais, Tel père, telle fille, Notre univers impitoyable, Ma vie en l’air, Dépression et des potes, Situation amoureuse : C’est compliqué, La Stratégie de la poussette, J’me sens pas belle, sans compter les films avec Alexandra Lamy, Clovis Cornillac, Julien Boisselier et bien d’autres. Parmi ces films se trouvent un élément récurrent, le comédien Vincent Elbaz. Révélé en 1994 par Cédric Klapisch dans Le Péril jeune, l’acteur a alors 26 ans quand il enchaîne deux hits en 1997, Les Randonneurs de Philippe Harrel et La Vérité si je mens ! de Thomas Gilou. Depuis, Vincent Elbaz a très peu côtoyé les sommets du box-office, mais n’a jamais chômé, apparaissant dans des œuvres variées chez Michel Spinoza, Gabriel Aghion, Michel Deville, Michel Blanc, Rémi Bezançon, Ariel Zeitoun. S’il a évidemment pris de la bouteille comme tout le monde, l’acteur âgé de 47 ans parvient à conserver cette énergie juvénile qui le caractérise. Il était donc le choix idéal pour interpréter le rôle principal de Daddy Cool, nouvelle comédie de Maxime Govare après le remarqué Toute première fois, Grand Prix du Festival international du film de comédie de l’Alpe d’Huez, qu’il avait cosigné et coréalisé avec Noémie Saglio en 2015.

Pour Daddy Cool, les deux signent une fois de plus le scénario, mais Maxime Govare est cette fois seul derrière la caméra. Petite réussite très sympathique, Daddy Cool peut compter sur une écriture soignée, des répliques qui fusent et qui font mouche, des situations amusantes bien exploitées et de formidables acteurs branchés sur cent mille volts.

Contrairement à son rôle dans l’excellent Ma vie en l’air de Rémi Bezançon, Vincent Elbaz devient ici celui qui squatte l’appartement, le type qui n’a pas vu passer les années et qui se retrouve à l’âge de 40 ans confronté à sa femme, Maude, qui demande le divorce. Ensemble depuis dix ans, la jeune femme de 35 ans, dessinatrice à succès, arrive à un carrefour de sa vie et pense fonder une famille. Mais comme elle le dit, « on ne fait pas un enfant avec un enfant ». Alors que la passion s’émousse, Adrien rentre une nuit bien éméché. Il réveille Maude à 4h du matin dans une situation embarrassante. C’est la goutte d’eau (ou d’autre chose plutôt) qui fait déborder le vase et Maude décide de quitter Adrien. Seulement voilà, ce dernier perd son magasin de disques qui périclitait et se retrouve sans argent. Les mois passent. Alors que Maude refait sa vie avec Renaud (Grégory Fitoussi, très bien), Adrien vit toujours sous son toit en dormant sur le canapé. Sur le point d’être viré, il parvient à trouver la solution pour rester chez son ex-compagne et dans l’espoir de la reconquérir, en ressortant du placard un diplôme de puériculture qui date d’avant leur rencontre. Il lui annonce alors qu’il ouvre une crèche à domicile. Mais Adrien ne connaît rien aux enfants et pour ainsi dire ne connaît rien à la vie. Il n’est jamais trop tard.

Vincent Elbaz a peu à faire pour rendre attachant et touchant son personnage de loser et éternel adolescent irresponsable à la dégaine dégingandée et aux yeux de cocker triste. Face à lui, la géniale Laurence Arné (L’amour c’est mieux à deux, Radin !) lui tient la dragée haute et démontre une fois de plus à quel point la comédie lui sied à ravir, sans jamais perdre son sex-appeal même en jurant comme un charretier. Daddy Cool est un divertissement très plaisant, drôle, au rythme soutenu, à la bande-son pêchue, qui se permet d’avoir recours à des gags gentiment trash et qui se clôt pourtant sur un plan-séquence très élégant.

LE DVD

Le test du DVD de Daddy Cool, disponible chez Universal Pictures France, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur l’entêtant Big Brown Eyes de Benny Sings.

L’interactivité se compose tout d’abord d’un bêtisier amusant de 13 minutes, dans lequel quelques fous rires se révèlent particulièrement contagieux.

S’ensuivent 13 minutes de scènes coupées et une fin alternative. Nous retiendrons notamment la séquence où Adrien essaye de dissuader un couple de jeunes femmes d’acheter l’appartement, après une visite organisée par Maude. Mention spéciale à la scène où Adrien donne des surnoms aux enfants dont il a la garde, Marine (« parce-qu’elle n’aime pas son père ») et Justin Bieber (« parce-qu’il fait que de la mer** »).

Cette section se clôt sur une galerie de dessins réalisés par l’illustratrice Audrey Bussi, dont on peut apprécier le travail tout le long du film, et sur un module durant lequel le réalisateur prépare son plan-séquence final (2’).

L’Image et le son

Pas de Blu-ray pour Daddy Cool. Cette édition SD ne manque pas d’éclat avec une définition plus que convenable mais nous attendions une colorimétrie et des contrastes plus affirmés. Les quelques séquences en extérieur sont les mieux loties avec un relief indéniable et une luminosité pimpante. Si ce transfert est parfois un peu trop doux et sobre, les noirs sont solides et les détails délicats.

La piste Dolby Digital 5.1 offre une belle spatialisation ponctuelle de l’excellente bande-son (caisson de basses compris), notamment les tubes Daddy Cool de Boney M., Big Brown Eyes de Benny Sings et le Are You Gonna Be My Girl de Jet qui restent en tête bien après la projection. Outre la spatialisation musicale, certaines ambiances naturelles parviennent à percer sur les quelques séquences en extérieur mais finalement, l’ensemble demeure axé sur les frontales, dynamiques et fluides, tandis que la centrale exsude les dialogues avec efficacité. Egalement disponible, la Stéréo se montre très dynamique et, s’agissant d’une comédie, largement suffisante et claire. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Jean Claude Lother – Universal Pictures International France / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Musée des Merveilles, réalisé par Todd Haynes

LE MUSÉE DES MERVEILLES (Wonderstruck) réalisé par Todd Haynes, disponible en DVD et Blu-ray chez Metropolitan Vidéo le 21 mars 2018

Avec :  Oakes Fegley, Julianne Moore, Michelle Williams, Millicent Simmonds, Jaden Michael, Tom Noonan, Amy Hargreaves, Morgan Turner, Sawyer Nunes, James Urbaniak…

Scénario : Brian Selznick d’après son livre « Black Out » (« Wonderstruck »)

Photographie : Edward Lachman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

A la découverte, sur deux époques distinctes, des parcours de Ben et Rose. Ces deux enfants souhaitent secrètement que leur vie soit différente. Ben rêve du père qu’il n’a jamais connu, tandis que Rose, isolée par sa surdité, se passionne pour la carrière d’une mystérieuse actrice, Lillian Mayhew. Lorsque Ben découvre dans les affaires de sa mère, Elaine, l’indice qui pourrait le conduire à son père et que Rose apprend que son idole sera bientôt sur scène, les deux enfants se lancent dans une quête à la symétrie fascinante qui va les mener à New York…

Depuis dix ans, le réalisateur Todd Haynes n’a pas chômé. Après I’m not there, son faux biopic sur Bob Dylan, sa minisérie Mildred Pierce avec Kate Winslet et Evan Rachel Wood, un épisode de la série Enlightened, un segment du documentaire collectif Six by Sondheim consacré au compositeur Stephen Sondheim, la production des films de Kelly Reichardt, le merveilleux Carol avec Cate Blanchett et Rooney Mara, le cinéaste californien revient déjà à la mise en scène deux ans après sa Queer Palm. Le Musée des merveilles est tiré du roman graphique Black Out (Wonderstruck) de Brian Selznick, publié en 2011. L’auteur de L’Invention de Hugo Cabret, transposé à l’écran en 2011 par Martin Scorsese et médaille Caldecott, prix attribué à l’illustrateur du meilleur livre pour enfants de l’année aux Etats-Unis, adapte lui-même son œuvre pour le grand écran. Son immense talent allié à celui de Todd Haynes donne naissance à un superbe drame romanesque destiné autant aux adultes qu’aux enfants, par ailleurs largement conseillé à ces derniers pour les sensibiliser à la grammaire cinématographique puisqu’une bonne partie du film rend hommage au cinéma muet.

Présenté en compétition au Festival de Cannes en 2017, Le Musée des MerveillesWonderstruck marque la quatrième collaboration entre Todd Haynes et la comédienne Julianne Moore après Safe (1995), Loin du paradis (2002) et I’m not there (2007). S’il n’a étonnamment pas convaincu le Jury, plus préoccupé à récompenser des films sans intérêt et nombrilistes comme The Square, le septième long métrage du réalisateur de Velvet Goldmine aura pourtant ému la critique. Les spectateurs qui auront la chance de le découvrir risquent de ne pas l’oublier de sitôt.

Todd Haynes a lui-même qualifié Le Musée des Merveilles comme un acid trip for kids  en indiquant « Il y a deux histoires qui s’entremêlent, s’emmêlent, quelque chose de mystérieux et d’étrange se produit, aux intersections des deux univers, à la limite d’une altération de nos perceptions spatio-temporelles. Le fait que les deux héros soient sourds et perçoivent donc le monde de manière parcellaire a un impact direct sur la façon de regarder le film, de ressentir les silences, les musiques, en particulier le contraste entre la surdité de Ben et le brouhaha de la partie 70’s ». Du point de vue formel, Todd Haynes, épaulé par son fidèle chef opérateur Edward Lachman et de sa complice Sandy Powell, chef costumière, reconstitue les années 1920 (en N&B) et les années 1970 (en couleur) avec une virtuosité de chaque instant. La mise en scène subjugue à chaque plan, le grain de la pellicule flatte les sens, la beauté du cadre laisse pantois d’admiration, la composition de Carter Burwell donne le frisson.

A l’instar de Hugo Cabret, le récit de Brian Selznick plonge les enfants dans une quête initiatique, séparés par cinquante années, dont on sait que les itinéraires se croiseront forcément ou se rejoindront autour d’un sujet commun lié au Muséum d’histoire naturelle de New York. Ces deux héros sont interprétés par les jeunes comédiens Oakes Fegley, qui incarnait Peter dans le remake de Peter et Elliott le dragon, et Millicent Simmonds, magnétique et bouleversante actrice de 13 ans réellement atteinte de surdité, qui livre une remarquable prestation pour sa première apparition à l’écran. Quant à Julianne Moore, présente dans les deux parties du film, elle arrache les larmes et foudroie à chaque apparition, jusqu’à un dernier acte sublime de délicatesse, qui se déroule au Queens Museum, au sein même de la maquette géante du panorama de New York, clou de l’Exposition universelle de 1964.

Les thématiques du cinéma de Todd Haynes, la monotonie du quotidien, comment assumer sa solitude, le droit à la différence, la peur du regard des autres, la marginalisation sont au coeur du Musée des Merveilles. Porté par un amour insatiable du cinéma, par sa capacité à émouvoir et à emporter les spectateurs dans une aventure faite d’amour, d’espoir, d’amitié et d’entraide, cette invitation au voyage s’impose instantanément comme un futur film de chevet vers lequel on reviendra en cas de coup de blues. Merci Todd Haynes, merci Brian Selznick.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Musée des Merveilles, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment sobre, fixe et musical.

Cette édition comporte tout d’abord six modules consacrés au tournage du film avec pour sujets le Cabinet des curiosités (4’), le personnage de Millie (7’30), les Miniatures (4’), le Musée d’histoire naturelle (5’30), la maquette de New York (5’) et la reconstitution des années 1920 et 1970 (6’). Le réalisateur Todd Haynes, l’écrivain et scénariste Brian Selznick, la chef costumière Sandy Powell, le directeur de la photographie Edward Lachman et bien d’autres intervenants reviennent sur la genèse, la conception et le tournage du Musée des Merveilles. Ne manquez pas le segment sur la création des dioramas, qui a nécessité pas loin de trois mois de prises de vues. Les thèmes du film, les partis pris, les intentions, l’interprétation des deux jeunes comédiens, les accessoires, la construction des décors sont abordés avec simplicité et générosité.

S’ajoutent à ces bonus quelques bandes-annonces et surtout un entretien avec Todd Haynes (19’30) qui revient sur tous les sujets précédemment couverts dans les suppléments précédents, tout en indiquant comme s’est déroulé le tournage et le montage. Todd Haynes intervient également sur l’adaptation du livre de Brian Selznick, l’utilisation de la chanson Space Oddity de David Bowie, la notion du temps, les personnages, la photo et sur les films qui l’ont inspiré, dont le Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli (1968) ou Miracle en Alabama d’Arthur Penn (1962).

L’Image et le son

Grands défenseurs du tournage en 35mm, le réalisateur Todd Haynes et le chef opérateur Edward Lachman ont néanmoins décidé de tourner Le Musée des Merveilles en partie en numérique. Afin de conserver une image proche de la pellicule, leur choix s’est porté sur la caméra Arri Alexa pour la partie années 1970, tandis que les séquences en N&B des années 1920 ont bel et bien été tournées en Arricam et Arriflex. Ces partis pris couplés au format 2.40 donnent à la photographie un aspect argentique très élégant. Le master HD concocté par Metropolitan est sublime. Les couleurs sont étincelantes, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel et les détails foisonnent du début à la fin. De jour comme de nuit, y compris sur les séquences tamisées, l’élévation Haute-Définition est omniprésent, évident et indispensable. On en prend plein les yeux avec ce cadre large à la profondeur de champ inouïe et des contrastes d’une densité jamais démentie.

Vous pouvez compter sur les deux mixages DTS-HD Master Audio anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film. Toutes les enceintes sont sollicitées, les voix sont très imposantes sur la centrale dans la partie années 1970 et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles et effets percutants, sans oublier la magnifique partition de Carter Burwell, excellemment restituée. Le caisson de basses distille également quelques vibrations. Sans surprise, la version originale l’emporte sur la piste française et se révèle plus naturelle et homogène. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test DVD / Frightmare, réalisé par Pete Walker

FRIGHTMARE réalisé par Pete Walker, disponible en DVD chez Uncut Movies le 3 avril 2017

Avec :  Sheila Keith, Rupert Davies, Deborah Fairfax, Kim Butcher, Paul Greenwood, Fiona Curzon…

Scénario : Pete Walker, David McGillivray

Photographie : Peter Jessop

Musique : Stanley Myers

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Quinze ans après avoir été emprisonné pour avoir commis les crimes les plus horribles et les plus violents, Dorothy et Edmund Yates sont libérés dans la collectivité. Mais malgré les efforts déployés d’Edmund, Dorothy retrouve ses tendances cannibales et elle est bientôt encore rendue à commettre des meurtres horribles. Pendant ce temps, leur fille et belle-fille Debbie et Jackie commencent à être tirées dans leur étrange spirale de violence, et l’une d’elles pourrait même avoir hérité du goût de la chair humaine de Dorothy…

La même année que FlagellationsHouse of Whipcord, le réalisateur Pete Walker et le scénariste David McGillivray remettent le couvert avec ce qui reste aujourd’hui leur collaboration la plus célèbre, Frightmare. Né en 1939, Pete Walker débute par des courts-métrages dénudés (Soho Striptease, The Girl That Boys Dream About, Please Do Not Touch) qu’il produit lui-même et revend sous le manteau, avant de passer au long-métrage en 1968 avec The Big Switch. Suivront alors des œuvres aux titres explicites L’Ecole du sexe, Der Porno-Graf von Schweden, Four Dimensions of Greta en relief !. Puis, il change de registre en abordant l’épouvante avec Meurs en hurlant, Marianne et Le Rideau de la mort. Si pour les aficionados, les cinéphiles et les amateurs de films de genre, Flagellations reste leur film de prédilection, Frightmare est unanimement salué comme étant son œuvre la plus ambitieuse et la plus réussie, à tel point que certains en viennent à préférer ce film au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, sorti la même année et avec lequel il partage quelques points communs.

Dorothy Yates vit avec son mari Edmund dans une petite ferme isolée à l’abri des regards indiscrets. La vieille femme dissimule en réalité un terrible passé puisqu’elle fut internée pendant de nombreuses années aux côtés de son époux pour avoir commis une série de meurtres brutaux sur fond de cannibalisme. Aujourd’hui libérée et réintégrée dans la société Dorothy mène une vie tranquille sous l’œil bienveillant de son mari hier complice par amour des crimes de son épouse. En réalité la vieille femme n’a rien perdu de sa démence et va de nouveau céder à l’appel de la chair humaine dont elle se révèle après toutes ces années de psychanalyse toujours aussi friande ! Dorothy attire ainsi secrètement chez elle ses victimes pour leur tirer les cartes avant de les massacrer avec sauvagerie et de se repaitre de leur cervelle encore tiède. Seule Jackie, la fille d’Edmund, semble prendre conscience de la nouvelle dérive meurtrière de sa belle-mère. Parviendra-t-elle à mettre un terme à ce carnage qui ensanglante de nouveau la campagne anglaise ?

Avec Flagellations (1974), Frightmare (1974) et Mortelles confessions (1976), le cinéaste Pete Walker mérite largement d’être réévalué, reconnu et réhabilité. Sur un sujet scabreux et à ne pas mettre devant tous les yeux, le réalisateur britannique fait preuve d’une incroyable virtuosité et instaure progressivement une peur, une angoisse sourde avec pourtant une économie d’effets frontaux. Particulièrement dérangeant, Frightmare happe d’emblée le spectateur avec un prologue en N&B, qui se déroule en 1957 dans le décor d’une fête foraine désertée. S’ensuit le meurtre hors-champ d’un homme, puis le procès d’un couple reconnu comme étant les assassins. En entendant la sentence, cet homme et cette femme, dont nous ne voyons pas les visages, se prennent la main. Retour à la couleur, place au sang, quinze ans plus tard. Pete Walker aborde le cannibalisme dans une famille dégénérée, où le goût du sang et des viscères se transmet génétiquement.

La photographie de Peter Jessop appuie la crasse environnante, désormais théâtre des histoires de monstres à visages humains. Si le casting est comme d’habitude soigné, la comédienne Sheila Keith tire une fois de plus son épingle du jeu dans le rôle de Dorothy Yates, celle par qui le mal arrive dans la famille. Comme dans Flagellations et avant Mortelles confessions, l’actrice se délecte d’un rôle difficile qui lui permet de créer un personnage repoussant, tout en lui insufflant une évidente humanité. Pete Walker joue avec l’empathie du spectateur puisqu’il démontre une fois de plus que les institutions sont incapables de prendre en charge et de soigner un tel cas pathologique et schizophrénique. Quelques années après avoir été enfermée avec son époux Edmund, complice de ses meurtres, Dorothy Yates ressort d’un institut psychiatrique après avoir été jugée apte à être réinsérée dans la société. Seulement voilà, sitôt remise en liberté, Dorothy replonge immédiatement, avec le soutien de son époux, amoureux transi, et de sa belle-fille Debbie (excellente Deborah Fairfax) qui essaye de déjouer l’appétit déviant de sa belle-mère. Mais c’était sans compter le mal qui s’est transmis à la fille de Dorothy et d’Edmund.

Véritable film d’horreur moderne et thriller psychologique produit en totale indépendance, Frightmare n’a rien à envier à Texas Chain Saw Massacre avec son ambiance oppressante. Son final très sombre n’a pas fini de triturer les méninges.

LE DVD

Uncut Movies frappe fort avec cette édition DVD Collector limitée et numérotée à 1000 exemplaires de Frightmare ! Le disque repose dans un sublime Digipack constitué d’un livret de 28 pages merveilleusement illustré, avec en introduction un mot de l’éditeur et la présentation du label Uncut Movies, puis un petit focus sur les maîtres de l’horreur britannique et une analyse de quelques-uns des films les plus célèbres de Pete Walker. Sans oublier un petit poster collector du film tiré de son exploitation italienne. Le menu principal est animé et musical. Un très bel objet de collection.

Cette édition de Frightmare s’accompagne d’une galerie de photos, du trailer original du film, de bandes-annonces Uncut Movies et surtout d’une large présentation de l’oeuvre de Pete Walker qui nous intéresse ici, par l’expert, monsieur David Didelot. 1H17 en compagnie de ce dernier, cela ne se refuse pas. Le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie revient armé jusqu’aux dents de VHS, d’ouvrages et de DVD pour illustrer ses propos toujours aussi passionnants et qui donnent furieusement envie de se jeter sur tous les titres Bis évoqués. Pas un seul moment de répit pour David Didelot qui dresse un fabuleux portrait du réalisateur Pete Walker. Ses débuts au cinéma, ses films, ses partis pris, ses intentions, sa rencontre déterminante avec le scénariste David McGillivray, mais également son ambiguïté sont passés au crible. Ne tarissant pas d’éloges sur ce réalisateur indépendant qu’il affectionne tout particulièrement, David Didelot déclare que Pete Walker mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur. Au bout de 50 minutes, Frightmare est analysé – dans le fond comme dans la forme – par notre spécialiste du Bis, évoquant également le casting, l’accueil critique, la sortie du film et les divers titres d’exploitation.

L’Image et le son

Ce DVD permet de (re)découvrir le film de Pete Walker dans de très bonnes conditions techniques. Souvent nette et précise, la copie est bien restaurée avec des contrastes appréciables, une image propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. Le prologue en N&B est plus altéré avec des points, poussières et autres scories visibles. Cela s’améliore dès le passage à la couleur. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Peter Jessop (Schizo, Mortelles confessions) est élégamment restituée avec ses teintes fanées. N’oublions pas la stabilité d’ensemble.

Point de version française ici. Le mixage anglais aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.

Crédits images : © Uncut Movies / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test DVD / Don Juan, réalisé par Jacques Weber

DON JUAN réalisé par Jacques Weber, disponible en DVD aux Editions Montparnasse le 6 mars 2018

Avec :  Jacques Weber, Michel Boujenah, Emmanuelle Béart, Penélope Cruz, Ariadna Gil, Denis Lavant, Michael Lonsdale, Jacques Frantz…

Scénario : Jacques Weber d’après la pièce de théâtre « Dom Juan ou le festin de pierre » de Molière

Photographie : José Luis Alcaine

Musique : Bruno Coulais

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1998

LE FILM

Don Juan est un aventurier épris de liberté dans l’Espagne du XVIIe siècle. Il tue ses ennemis, séduit toutes les femmes, leur promet le mariage, puis les abandonne. Révolté, hypocrite et impie, sûr de son désir, il affronte un monde qu’il humilie. Ce géant blessé épuise sa vie et brûle ses dernières cartouches. Dans quelques jours, il se rendra inexorablement au rendez-vous avec son destin.

Né en 1949, Jacques Weber s’inscrit avec Francis Huster au Conservatoire municipal du 18e arrondissement de Paris. Ça laisse des marques. S’ensuivent l’art dramatique à l’école de la rue Blanche, puis le Conservatoire qu’il quitte après avoir obtenu le prix d’excellence. Elève et disciple de Pierre Brasseur, Jacques Weber possède un C.V. bien fourni. La Comédie-Française lui fait de l’oeil, mais il refuse ses avances, lui préférant le théâtre populaire de Reims de Robert Hossein. Il débute sa carrière au cinéma et au théâtre au début des années 1970. En 1994, il écrit une adaptation du Misanthrope pour la télévision. Il revient quatre ans plus tard vers Molière pour une libre transposition de la pièce Dom Juan. Ecrit, interprété et réalisé par Jacques Weber, Don Juan sort au cinéma le 18 mars 1998 et la critique lui tire dessus à boulets rouges.

En compagnie de son valet Sganarelle, Don Juan, un seigneur revendiquant son goût de la liberté, parcourt à cheval les routes du sud de l’Espagne, pour régler des affaires le plus souvent en rapport avec ses nombreuses conquêtes féminines. Dans un village, il humilie un enfant pauvre et pieux en tentant de le faire jurer contre une pièce d’or. Puis il signifie à Elvire, jeune noble qu’il devait épouser, sa décision de rupture. Elvire, outragée, lui crie son désir de vengeance et ses frères se lancent à la poursuite du  » grand seigneur méchant homme ». Mais Don Juan – que rien n’effraie, pas plus la loi de Dieu que celle des hommes, et encore moins les reproches de son fidèle Sganarelle – pense déjà à une autre femme et monte une expédition en bateau. Tempête, naufrage. Des paysans le sauvent. Il s’empresse de faire la cour à deux filles à la fois, dont l’une est la fiancée du brave Pierrot.

Volontairement « revu et déconstruit » par Jacques Weber lui-même, le texte de Molière subsiste, mais vingt ans après, force est de constater que Don Juan est comme qui dirait un petit cousin du Jour et la nuit, le célèbre film de ce cher Bernard-Henri Lévy. Car dans le genre trip égocentrique et narcissique ça se pose là. C’est bien simple, on attend pour admirer les charmes d’Emmanuelle Béart et l’on se retrouve finalement avec Jacques Weber nu comme un ver devant un Michael Lonsdale qui se mord les joues. Don Juan n’est pas vraiment un nanar, car il y a de la « rigueur » dans la direction artistique, notamment dans les costumes, par ailleurs nommés aux César. Non, ce qu’il y a de fascinant c’est de voir que l’ensemble de cette production se donne un genre, mais que rien n’est crédible.

A la tête de son entreprise, Jacques Weber est droit comme un i sur son cheval qui peine sous le poids de son cavalier. Avec son balai bien placé, sa crinière Head & Shoulders et le poitrail à l’air, Jacques Weber, qui s’est confié le rôle du plus célèbre des séducteurs, est souvent très drôle malgré-lui. Pour sa sortie en DVD vingt ans après, l’éditeur Editions Montparnasse privilégie Emmanuelle Béart, seule sur le visuel, ainsi que sur le menu principal. C’est sans doute plus vendeur que Jacques Weber dans le plus simple appareil, mais toujours est-il que la comédienne fait juste une participation et son temps à l’écran est vraiment réduit. En parlant d’actrices, certains se gausseront de voir comment les jeunes Penélope Cruz (24 ans) et Ariadna Gil (28 ans) se pâment et se confrontent pour devenir celle que Don Juan protégera de son torse bombé quand Jacques Weber retient son souffle. Elles sont toutes folles de lui. A ses côtés, Michel Boujenah déclame ses tirades de façon grandiloquente, mais rien à faire, cela ne fonctionne pas. Jacques Weber convie quelques amis, des voix, des gueules, celles de Denis Lavant, Michael Lonsdale, Jacques Frantz, Philippe Khorsand, tous ayant accepté l’invitation du cinéaste pour passer quelques jours dans le sud de l’Espagne.

Plus le film progresse, plus l’ensemble prend un goût de navet, mais un bon, celui devant lequel on rit pour sa prétention et son sérieux. Don Juan n’est pas un nanar, mais contient quand même son lot de séquences effarantes, ridicules (avec la mort du héros comme point d’orgue), bouffées d’orgueil, qui font finalement le sel du film. Nous n’étions pas venus pour cela, mais puisque c’est ce que ce truc boursouflé à la photographie hideuse et à la musique soûlante propose, pourquoi pas après tout.

LE DVD

Jacques Weber aura dû attendre vingt ans pour qu’un éditeur ait le courage de sortir Don Juan en DVD. Bravo aux Editions Montparnasse. Mais l’éditeur a eu le nez fin pour attirer le chaland puisque le visuel est centré sur Emmanuelle Béart dans sa robe jaune, tandis que Weber et son fidèle destrier ont du mal à se faire une petite place en bas à gauche. Même chose pour le menu principal, légèrement animé sur la musique de Bruno Coulais. Le boîtier est glissé dans un surétui cartonné.

Bandes-annonces de films disponibles comme suppléments.

L’Image et le son

Bon…si la copie est propre, les couleurs sont complètement usées et fanées. Ce ne sont pas les partis pris dignes d’un téléfilm qui arrangent les choses. La gestion des contrastes est aléatoire, le piqué absent, tout est terne. Aucun relief, l’image fait beaucoup plus que ses vingt ans d’âge.

Le mixage Stéréo fait tout ce qu’il peut pour donner un peu d’entrain au film de Jacques Weber et le confort acoustique est honorable. Les voix sont solidement délivrées, la balance frontale suffisante et la piste très propre. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Editions Montparnasse / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Another Wolfcop, réalisé par Lowell Dean

ANOTHER WOLFCOP réalisé par Lowell Dean, disponible en DVD chez Factoris Films le 6 mars 2018

Avec :  Leo Fafard, Yannick Bisson, Amy Matysio, Jonathan Cherry, Serena Miller, Devery Jacobs…

Scénario : Lowell Dean

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Quelques mois ont passé depuis que l’éclipse noire a transformé notre valeureux policier en WolfCop.
Et bien que les mécréants qui contrôlaient la ville aient été éliminés, Woodhaven est loin d’être revenue à la normale. De plus, ses transformations les soirs de pleine lune ont gravement mis à l’épreuve sa relation avec l’officier Tina Walsh, devenue chef de la police. C’est alors qu’un nouvel assassin émerge de l’ombre, cherchant à terminer ce qu’avaient commencé ses prédécesseurs.
Et pour vaincre cet adversaire, il faudra plus qu’un loup solitaire armé d’un pistolet…

On nous avait prévenus, Lou Garou, le flic borné, paresseux, alcoolique et lycanthrope, qui fait profiter de ses talents à la petite ville de Woodhaven est de retour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le réalisateur et scénariste canadien Lowell Dean a poussé les curseurs à fond pour ce second volet qui joue ou plutôt surjoue la surenchère jusqu’à l’outrance, à tel point que même notre flic loup-garou combattant le crime paraît lui-même dépassé par l’entreprise.

Cette fois, il doit affronter un homme d’affaires excentrique aux intentions maléfiques, qui a décidé de s’emparer de la petite ville tranquille de Woodhaven. On se demande bien pourquoi, mais c’est ainsi. Nous retrouvons donc Lou Garou, toujours aussi porté sur la bibine. Alors qu’il avait pris l’habitude de se réveiller dans les endroits les plus improbables avec une sérieuse gueule de bois, Lou doit maintenant se cacher dans quelques hangars miteux au moment de sa mutation. Il doit encore user de sa vue, de son ouïe et de son flair, ou plus exactement son odorat décuplé, pour défendre sa ville et aider ses amis. Another Wolfcop peine à retrouver la fraîcheur du premier épisode. Pour cette raison, Lowell Dean et sa clique y vont à fond dans les effets sanglants et les scènes nawak, à l’instar d’une séquence où notre héros (non transformé) s’accouple avec une She-Wolf (avec queue et fourrure), dans toutes les positions possibles et imaginables, avec moult détails graveleux en sus. Le règlement de comptes sur la patinoire vaut également son pesant.

Sur un montage alerte, le récit court et ramassé sur 1h15 tient à peu près la route. L’histoire est évidemment un prétexte pour retrouver notre héros atteint de lycanthropie galopante, qui tente de devenir un homme meilleur le jour alors qu’il est un animal la nuit. Le premier Wolfcop avait profité d’un buzz monumental créé avant même le tournage du film. Ce second opus est un délire complètement assumé, une comédie d’horreur frappadingue, mais dans le bon sens du terme, autrement dit une frénésie cinématographique contagieuse, respectueuse du genre et ne croulant pas sous les références lourdingues. Ici le ton comique et ironique est bienvenu, les séquences crades font leur effet, tout comme les maquillages qui s’avèrent amusants, les acteurs y vont à fond, en particulier Leo Fafard, qui s’éclate dans l’attachant rôle-titre. Un certain Kevin Smith vient faire également une apparition.

Bien rythmé, bien allumé, bien tout court, Another WolfCop est une attraction généreuse et potache pour les fanas du cinéma déviant et on lui pardonne volontiers ses quelques écarts scénaristiques. Le résultat est là, c’est délicieusement vintage, bourré d’imagination malgré un évident manque de moyens. Que les fans soient rassurés, un troisième tour de piste est d’ores et déjà annoncé dans l’épilogue. Répondrez-vous présents aux prochaines aventures de Lou Garou, le film alcoolique qui se transforme en lycanthrope et qui utilise cette malédiction pour faire régner la justice dans sa petite bourgade pleine de péquenauds ?

LE DVD

En juin 2015, le premier Wolfcop avait bénéficié d’une édition Blu-ray chez Factoris Films. Trois ans plus tard, le même éditeur accueille tout naturellement Another Wolfcop dans sa musette, mais point de galette bleue pour ce second opus ! Le menu principal – qui parodie celui de l’affiche de Cobra avec Sylvester Stallone – et musical accueille le spectateur. Signalons que les deux films sont également disponibles sur un disque dans une autre édition, mais uniquement en DVD.

Seule la bande-annonce en version française est proposée comme suppléments, là où le premier disposait de bonus plus conséquents.

L’Image et le son

Ce master au format respecté 1.78 (16/9) de Antoher WolfCop présente une propreté irréprochable. Néanmoins, les partis pris donnent parfois du fil à retordre et l’image de ce DVD qui demeure parfois perfectible. La copie est certes immaculée, mais les couleurs restent un peu trop ternes à notre goût et manquent de peps. L’excentricité des maquillages et des effets spéciaux aurait pu être encore plus mise en valeur, les contrastes manquent de temps en temps de fermeté et quelques légers flous sporadiques sont à déplorer. Les personnages se détachent sans mal devant des fonds unis, entre chaud et froid, les gros plans sont bien restitués avec un lot de détails parfois confondant, à l’instar de la fourrure de Lou Garou. Les noirs paraissent tantôt concis tantôt sensiblement poreux en tirant sur le vert et dénaturent quelque peu le piqué. Mais cela reste anecdotique. Le codec fait alors ce qu’il peut pour consolider le tout et évite les fourmillements intempestifs.

La piste anglaise est la seule à bénéficier d’une DTS 5.1 qui instaure une spatialisation musicale souvent saisissante et distille de belles ambiances naturelles. Les dialogues sont solidement délivrés par la centrale et au jeu des comparaisons, cette option acoustique écrase la version française Dolby Digital 5.1 au doublage rigolo. La DTS 5.1 anglaise est évidemment plus ample, plus homogène et frappante dans les scènes d’action, et les transformations du personnage. L’ensemble des enceintes est mis à contribution, le caisson de basses a souvent l’occasion de participer à la mise en valeur de la musique. La version originale bénéficie également d’une piste Dolby Digital 5.1 également percutante.

Crédits images : © Factoris Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Déluge, réalisé par Felix E. Feist

DÉLUGE (Deluge) réalisé par Felix E. Feist, disponible en DVD chez lobster Films le 27 novembre 2017

Avec :  Peggy Shannon, Lois Wilson, Sidney Blackmer, Matt Moore, Fred Kohler, Ralf Harolde, Edward Van Sloan, Samuel S. Hinds…

Scénario : Warren Duff, John F. Goodrich

Photographie : Norbert Brodine

Musique : Val Burton

Durée : 1h03

Date de sortie initiale : 1933

LE FILM

Une série de catastrophes naturelles frappe le monde. Les éléments se déchaînent, les grandes métropoles comme New York se retrouvent détruites sous le coup d’énormes séismes, ou englouties sous les raz-de-marée. Au lendemain du désastre, une poignée de survivants tente tant bien que mal de survivre. Martin, séparé de sa famille qu’il croit disparue, tombe éperdument amoureux de Claire, une jeune femme en proie à une bande de malfrats qui tente de la kidnapper…

Déluge ou bien Deluge sans accent en version originale, est rétrospectivement l’un des premiers films catastrophe de l’histoire du cinéma. D’ailleurs, il est amusant de voir que tout ce qui fera 60 ans plus tard le triomphe des films de Roland Emmerich est déjà présent. Réalisé par Felix E. Feist, metteur en scène de La Vallée des géants avec Kirk Douglas et producteur de la série Peyton Place, ce petit film de science-fiction ramassé sur une durée de 63 minutes, va droit à l’essentiel en montrant tout d’abord des scientifiques alarmés par l’annonce de tempêtes violentes. Les bateaux, avions et dirigeables sont tous rappelés et doivent faire demi-tour, tandis qu’une éclipse non prévue a lieu, que les baromètres s’affolent, que des séismes ont détruit l’Europe. La fin du monde est proche disent certains, les journaux deviennent fous, la cote Ouest des Etats-Unis est immergée, la Nouvelle-Orléans a disparu sous les flots également.

Sur un montage alerte et souvent percutant, Felix E. Feist enchaine les séquences d’exposition, en allant droit à l’essentiel jusqu’à la destruction de la ville de New York. Evidemment, les effets spéciaux peuvent paraître aujourd’hui complètement désuets, mais à l’époque, Déluge proposait des images inédites. Les modèles réduits se voient certes comme le nez au milieu de la figure, pourtant la scène du raz-de-marée conserve son charme poétique. Plus qu’Independence Day, c’est surtout au Jour d’après auquel on pense avec cette grande vague déferlant sur New York et qui noie progressivement la Statue de la Liberté. Si les scènes de destructions massives ont souvent été la spécialité des films de Rolans Emmerich, ce dernier a souvent eu du mal à broder autour et à aborder le thème du survival après la catastrophe. Dans Déluge, le film démarre par la grosse séquence d’effets visuels, avant de se focaliser sur ceux qui ont réussi à s’en sortir.

C’est là où le film de Felix E. Feist devient encore plus intéressant, puisqu’il montre la société obligée de repartir de zéro, mais c’était sans compter quelques individus désireux de conserver leur standing et les privilèges dont ils bénéficiaient grâce à leur bonne situation. Certains voleurs et même quelques violeurs profitent immédiatement de la situation, puisqu’il n’existe plus d’autorités et encore moins de limites. La Terre devient un champ de bataille. Pendant ce temps, Martin (Sidney Blackmer), un homme qui croit sa femme et ses deux filles décédées dans la catastrophe, sauve Claire (Peggy Shannon), une jeune femme poursuivie par des individus mal intentionnés. Il en tombe amoureux. Felix E. Feist joue sur le suspense d’un triangle amoureux puisque Martin ne sait pas que sa famille est en fait bien vivante. Alors que va-t-il se passer quand la famille se retrouvera ? Martin va-t-il retourner auprès des siens ? Va-t-il laisser Claire ? Ou prendre les deux pour compagnes qui sait ?

Cette petite production RKO reste bien divertissante avec son aspect suranné et la scène du tsunami est très sympathique avec ses buildings creux qui s’écroulent comme des châteaux de cartes. Considéré comme perdu, une copie de Déluge a finalement été retrouvée en Italie au début des années 1980. Depuis, un négatif nitrate (en anglais) qui commençait à se décomposer a été retrouver au CNC. Le film a alors bénéficié d’une restauration image et son dans les laboratoires de Lobster Films, avant de ressortir à travers le monde, y compris à la Cinémathèque française et à l’Etrange Festival.

LE DVD

C’est sous la bannière de Lobster Films, également responsable de la restauration du film, que Déluge fait son apparition dans les bacs en France. Visuel très élégant montrant la tête de la Statue de la Liberté émerger des eaux. Le menu principal est animé sur une séquence du film.

Le premier supplément de cette édition s’intitule Survival Town (3’). Il s’agit d’un reportage hallucinant montrant des essais nucléaires américains dans le désert du Nevada en 1955. La bombe est alors lâchée dans un village reconstitué avec des mannequins en guise d’habitants. Aux images très impressionnantes s’ajoutent les commentaires sérieux indiquant que la population peut être rassurée sur le fait que l’on peut survivre en cas d’attaque nucléaire, comme le montrent les murs en béton armé à peine fendus. « Un tournant d’espoir » indique le journaliste.

Le second bonus est tout aussi incroyable, puisqu’il s’agit d’un court-métrage documentaire constitué d’images filmées après le terrible séisme et les incendies qui avaient quasiment rasé San Francisco de la carte en 1906 (25’). Comment le ravitaillement et les secours se sont organisés ? Comment recommencer à vivre après cette catastrophe ? Des cartons indiquent où les images ont été filmées et dressent un listing de toutes les pertes, humaines et matérielles. Il aura fallu plus de 200 millions de dollars pour reconstruire la ville.

L’interactivité se clôt sur un extrait des Derniers Jours de Pompéi d’Ernest B. Schoesack (1935 – 10’).

L’Image et le son

Déluge est un film rescapé. Malgré le travail acharné et de titan des Laboratoires Lobster Films, cette édition restaurée contient encore forcément un lot de points, griffures, poussières, raccords de montage, fils en bord de cadre et rayures, surtout durant la séquence du tsunami. Signalons que ces défauts tendent à s’amenuiser au fil du visionnage. Si le N&B retrouve une certaine fermeté, une clarté plaisante et une densité indéniable, le piqué et la gestion du grain restent évidemment aléatoires. Des fondus enchaînés décrochent, un bruit vidéo est notable mais aidé par un encodage solide, un effet de clignotement se fait ressentir, tandis que diverses séquences sortent du lot et se révèlent plus belles et détaillées.

La bande-son a également été restaurée car peu de craquements sont à déplorer. La musique est propre, certaines séquences sont peut-être plus étouffées que d’autres, un petit souffle est parfois audible, mais le confort acoustique est très appréciable. La version française apparaît plus étriquée.

Crédits images : © Lobster Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Garçonnière, réalisé par Billy Wilder

LA GARÇONNIÈRE (The Apartment) réalisé par Billy Wilder, disponible en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions le 27 février 2018

Avec :  Jack Lemmon, Shirley MacLaine, Fred MacMurray, Ray Walston, Jack Kruschen, David Lewis, Hope Holiday, Joan Shawlee, Naomi Stevens…

Scénario : Billy Wilder, I.A.L. Diamond

Photographie : Joseph LaShelle

Musique : Adolph Deutsch

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

C.C. Baxter est employé à la Sauvegarde, grande compagnie d’assurance. Dans l’espoir d’un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu’il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu. Mais ce qu’il ignorait c’est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux.

Avant de s’exiler à Hollywood suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir, Samuel Wilder dit Billy Wilder (1906-2002), scénariste austro-hongrois débarque à Paris où il tourne son premier long métrage en 1934, Mauvaise graine, avec Danielle Darrieux. Arrivé sur la terre de l’Oncle Sam et ne parlant quasiment pas anglais, il parvient tout de même à se faire engager à la Paramount Pictures comme scénariste et script-doctor. Il est très vite remarqué par Ernst Lubitsch, pour lequel Billy Wilder écrit La Huitième femme de Barbe-Bleue et Ninotchka. En 1942, il passe derrière la caméra pour Uniformes et jupons courtsThe Major and the Minor, comédie sur fond de guerre qu’il écrit avec son complice Charles Brackett. C’est un succès et la carrière de réalisateur de Billy Wilder est lancée. S’ensuivent Les Cinq secrets du désert (1943), le film noir Assurance sur la mortDouble Indemnity (1944), le documentaire Death Mills (1945), sur la découverte des camps de concentration nazis par les Alliés, le drame Le Poison (1945), récompensé par la Palme d’or au festival de Cannes, mais aussi par quatre Oscars, ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour Ray Milland et du meilleur scénario adapté. Billy Wilder s’octroie ensuite une récréation avec la comédie musicale La Valse de l’empereur avec Bing Crosby et Joan Fontaine, avant de se consacrer à La Scandaleuse de Berlin avec Marlene Dietrich. Le succès international est au rendez-vous. La décennie suivante, Billy Wilder accélère la cadence et enchaîne entre autres Boulevard du crépuscule (1950), Stalag 17 (1953), Sabrina (1954), Sept ans de réflexion (1955), Ariane (1957). Puis, Billy Wilder fait une rencontre déterminante, celle avec le comédien Jack Lemmon, qu’il engage pour donner la réplique à Marilyn Monroe et Tony Curtis dans l’extraordinaire Certains l’aiment chaud (1959). A partir de ce triomphe mondial, le cinéaste entame alors les années 1960 et une nouvelle étape de sa carrière en signant La GarçonnièreThe Apartment, critique acerbe et féroce du monde du travail et sur les pauvres conditions des petits employés. Et c’est un nouveau chef d’oeuvre dans l’une des plus remarquables filmographies de toute l’histoire du cinéma.

C. C. Baxter (Jack Lemmon), dit « Buddy », employé d’une importante compagnie d’assurances new-yorkaise, met son appartement à disposition de ses supérieurs comme garçonnière par complaisance et servilité; il obtient alors des avantages professionnels…et il faut bien payer le loyer. La gestion des quatre « co-locataires » est un casse-tête, son appartement de célibataire est laissé sens dessus-dessous, ses voisins et sa logeuse sont indignés de ce défilé de jolies filles. Son DRH Jeff D. Sheldrake (Fred MacMurray), apprenant cela, lui demande également de lui prêter l’appartement et lui octroie une promotion en échange. Mais C. C. ignore que Sheldrake souhaite utiliser cette garçonnière pour y retrouver Fran (Shirley MacLaine), une liftière de la compagnie, dont Baxter est vainement épris.

La Garçonnière, c’est comme qui dirait la perfection du 7e art. Cinq Oscars, dont celui du meilleur Film sont venus couronnés le 17e film de Billy Wilder. Le réalisateur mêle la comédie au drame avec une virtuosité de chaque instant. Si l’on rit très souvent, le fond de La Garçonnière est triste, voire tragique puisque le héros, magistralement incarné par un immense Jack Lemmon, renonce à sa vie intime, au point de ne plus pouvoir dormir chez lui dans son propre lit, pour espérer en retour un poste bien placé dans sa société. Dans La Garçonnière, les personnages sont animés par la course à la réussite, au point de s’oublier eux-mêmes. A la fois comédie romantique et drame social, The Apartment possède une tonalité sombre et mélancolique qui a toujours effleuré dans le cinéma de Billy Wilder, et pas seulement dans ses œuvres les plus dramatiques.

Billy Wilder raconte comment deux êtres solitaires, au bord de la dépression, se rencontrent, pour finalement retrouver l’espoir, l’entraide, et bien sûr l’amour. Perdus dans les incroyables décors d’Alexandre Trauner, magnifiquement photographiés par Joseph LaShelle, avec une utilisation du CinemaScope qui appuie la profondeur de champ et donc la perte de l’individu, les protagonistes se confrontent, se rentrent dedans, s’observent, s’apprivoisent, puis prennent finalement le temps de se connaître. Deux électrons libres agités autour de l’atome-entreprise, qui décident de stopper leur course effrénée pour faire le point sur eux-mêmes. Alors que les spectateurs n’attendent qu’une chose, que Jack Lemmon et la merveilleuse Shirley MacLaine – récompensée par la Coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la Mostra de Venise en 1960 – s’embrassent à l’écran, Billy Wilder décide de préserver cette intimité. Il termine son film sur une déclaration d’amour qui n’a pas de réponse directe, du moins pas avant le THE END sur lequel nous quittons Fran et CC.

Dialogues cocasses et tordants, comédie tendre et cynique sur l’amour, critique du puritanisme hypocrite, le mensonge, les faux-semblants, la mécanique Wilder fonctionne à plein régime. La Garçonnière est un film immense.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de La Garçonnière, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui très élégant. Le menu principal est animé sur la scène d’ouverture du film en version française. N’oublions pas le livret de 32 pages concocté par Marc Toullec, qui résume tous les arguments avancés au fil des nombreux suppléments.

Saluons l’éditeur qui nous permet non seulement de bénéficier du chef d’oeuvre de Billy Wilder dans une magnifique copie, mais également de prolonger ce plaisir avec près de 2h30 de suppléments.

On commence par une passionnante conversation (46’) sur La Garçonnière, entre Mathieu Macheret (Le Monde) et Frédéric Mercier (Transfuge). Face à face, les deux journalistes-critiques cinéma croisent le fond et la forme du film de Billy Wilder, en le replaçant tout d’abord dans la carrière du maître. Puis, les interventions des deux confrères se complètent parfaitement, l’un et l’autre rebondissant sur les arguments avancés, sans aucun temps mort. La genèse du film, l’écriture du scénario, les thèmes explorés, les partis pris, les intentions, le casting, la collaboration Billy Wilder-Jack Lemmon, la psychologie des personnages principaux, les décors d’Alexandre Trauner, le rejet des conventions et bien d’autres sujets sont abordés avec une passion contagieuse !

Le second bonus donne la parole à Didier Naert, peintre et architecte, qui revient sur sa rencontre, sa collaboration (en 1975 sur L’Homme qui voulut être roi de John Huston) et sur le travail du chef-décorateur Alexandre Trauner sur La Garçonnière (24’). Didier Naert évoque les débuts de Trauner dans le monde du cinéma, ses rencontres déterminantes (Marcel Carné), ses œuvres les plus célèbres. Puis, les associations de Trauner (alors directeur artistique et décorateur) avec Billy Wilder sur La Garçonnière et Irma la douce sont abordées.

Place à la comédienne Hope Holiday (13’), qui interprète Margie Mac Dougall (la femme du bar) dans La Garçonnière, qui intervient ici pour partager ses souvenirs liés au tournage du film de Billy Wilder. Egalement présente au générique d’Irma la Douce, l’actrice née en 1933 se remémore son casting pour obtenir un rôle dans La Garçonnière, puis raconte quelques anecdotes liées au tournage et sur sa collaboration avec Jack Lemmon. Très émue, la gorge serrée, Hope Holiday se met à pleurer en se remémorant tant de bons moments.

Vous pouvez enchaîner avec un essai vidéo centré sur la collaboration Billy Wilder / Jack Lemmon, réalisé par le critique David Cairns (20’). Cette analyse constituée d’extraits et de photographies n’évoque pas seulement La Garçonnière, mais également toutes les autres associations du tandem.

Le module suivant est consacré au comédien Jack Lemmon (1925-2001). Constitué de photos, d’extraits de films et d’interventions du biographe Joe Baltake, de l’historien du cinéma Robert Osborne, des actrices Shirley MacLaine et Hope Holiday, sans oublier le fils de Jack Lemmon, ce petit documentaire de 13 minutes et réalisé en 2007, rend un formidable hommage à l’un des comédiens les plus attachants de l’histoire du cinéma.

En plus de la bande-annonce originale (qui démarre par la dernière séquence du film!), cette section se clôt sur un segment rétrospectif réalisé en 2007 avec les mêmes protagonistes que dans les modules précédents, auxquels s’ajoutent Kevin Lally (auteur d’un livre sur Billy Wilder), Molly Haskell (critique de cinéma), Walter Mirisch (producteur de La Garçonnière), Drew Casper (professeur à l’école de cinéma et de télévision à l’Université de la Californie du Sud). Chacun revient sur la genèse, l’écriture, la mise en scène et tout ce qui concerne La Garçonnière de Billy Wilder.

L’Image et le son

La restauration numérique de La Garçonnière est très impressionnante. Le nouveau master HD (codec AVC, 1080p) au format respecté se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés, de clarté et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Billy Wilder et les décors d’Alexandre Trauner. La photo signée Joseph LaShelle (Laura, Hangover Square, Irma la Douce) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Seul petit bémol, l’ouverture constituée de stock-shots reste marquée par des griffures et des points, mais cela reste vraiment anecdotique, car ce Blu-ray est vraiment superbe.

Le remixage de la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 ne profite surtout qu’à la musique du film. Et encore, l’écoute reste essentiellement frontale. N’hésitez pas à sélectionner la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui contente non seulement les puristes, mais qui se révèle également soignée, fluide et largement suffisante pour créer un grand confort acoustique. La version française DTS-HD Master Audio 2.0 est évidemment anecdotique, même si l’immense Roger Carel prête sa voix extraordinaire à Jack Lemmon, comme cela avait été déjà le cas pour Certains l’aiment chaud et plus tard pour Irma la Douce. Cette piste est plus feutrée, accompagnée d’un léger souffle et de scories.

Crédits images : © Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All Rights Reserved / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / L’Homme à l’affût, réalisé par Edward Dmytryk

L’HOMME À L’AFFÛT (The Sniper) réalisé par Edward Dmytryk, disponible en DVD chez Sidonis Calysta  le 6 mars 2018

Avec :  Arthur Franz, Adolphe Menjou, Gerald Mohr, Marie Windsor, Frank Faylen, Richard Kiley, Mabel Paige, Marlo Dwyer…

Scénario : Harry Brown

Photographie : Burnett Guffey

Musique : George Antheil

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1952

LE FILM

Depuis toujours, Eddie Miller, chauffeur-livreur à San Francisco, est rejeté par les femmes qu’il rencontre. Solitaire, en proie à de violentes pulsions qu’il a du mal à réprimer, il tue des femmes au hasard avec un fusil à lunette. La police n’arrive pas à comprendre la manière de procéder ni les mobiles du tueur. C’est un psychologue qui va les aider et leur faire comprendre que leur proie est un homme malade.

Edward Dmytryk (1908-1999), sympathisant de la gauche politique américaine, adhérant au parti communiste américain, figure parmi les célèbres Dix d’Hollywood. Convoqué par la Commission des Activités Anti-Américaines, il est condamné à six mois de prison, 500 dollars d’amende, puis s’exile en Grande-Bretagne à la fin des années 1940. Il revient peu de temps après aux USA et à l’instar d’Elia Kazan dénonce finalement certains acteurs, réalisateurs et scénaristes afin de s’affranchir des soupçons qui pèsent sur lui. C’est un scandale, sa carrière ne s’en remettra jamais totalement. Néanmoins, le cinéaste n’aura jamais arrêté de tourner jusqu’à la fin des années 1970. Pour la plupart des cinéphiles et de la critique, L’Homme à l’affûtThe Sniper, réalisé en 1952, est le chef d’oeuvre du cinéaste. Film précurseur, drame psychologique et thriller, L’Homme à l’affût est également l’un des premiers longs métrages centré sur les méfaits d’un serial killer.

Chauffeur dans une entreprise de teinturerie de San Francisco, Eddie Miller lutte quotidiennement contre les violentes pulsions qui le torturent. Il est hanté par une haine des femmes, avec lesquelles il est incapable d’avoir de relations, et jalouse tous les couples qu’il croise. Lorsque ses pulsions se font trop fortes, il s’arme d’un fusil à lunette et tue des femmes au hasard. Conscient de la gravité de son état, il a tenté de prévenir des médecins, mais ceux-ci étaient trop occupés pour lui prêter attention. Il se décide à écrire des lettres anonymes à la police. L’inspecteur Kafka mène l’enquête, aidé par un psychologue qui cherche à convaincre les autorités que Miller a surtout besoin d’aide.

Véritable film noir, L’Homme à l’affût marque le retour d’Edward Dmytryk à Hollywood après son incarcération. L’ironie du sort fait que le réalisateur dirige le comédien Adolphe Menjou, alors connu pour être l’un des artistes les plus anti-communistes, par ailleurs membre de la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals. Tout un programme. Le film s’ouvre sur le carton suivant « A propos du film que vous allez voir : les crimes sexuels sont parmi les grands problèmes de la police. 31175 femmes en ont été victimes rien que l’an dernier. Il n’existe aucune loi satisfaisante. Les forces de l’ordre sont démunies. Voici l’histoire d’un homme pour qui les femmes sont des ennemies ». Sur un scénario d’Harry Brown (Une place au soleil, Iwo Jima, L’Orchidée blanche), Edward Dmytryk livre le portrait d’un homme solitaire, sexuellement frustré, qui s’en prend aux femmes épanouies, libres et heureuses.

Le récit n’élude pas la violence sèche, notamment les impacts de balles sur les victimes. Toutefois, le personnage n’est pas montré comme un monstre terrifiant, mais comme un homme perturbé, psychologiquement instable et luttant contre ses propres démons. On le voit ainsi mettre volontairement sa main sur une plaque électrique pour se mutiler, puis avertir le médecin qui le prend en charge qu’il souhaiterait être hospitalisé. Par petites touches, Edward Dmytryk indique qu’Edward Miller, impeccablement interprété par Arthur Franz, a vraisemblablement grandi dans un environnement violent. Quand il voit une mère gifler sa petite fille, Miller se touche immédiatement la joue, comme si cet événement le renvoyait à un douloureux passé. Dépassé par ses pulsions, cet homme de tous les jours devient un assassin et use de son fusil à lunette pour se débarrasser de celles qui ont croisé sa route ou qui ont pu le blesser sans le vouloir.

Magnifiquement photographiée par l’immense chef opérateur Burnett Guffey (Tant qu’il y aura des hommes, Bonnie & Clyde, Plus dure sera la chute), The Sniper est une œuvre concise et resserrée (1h24 montre en main), directe, frontale, complexe, qui certes ne cherche pas l’empathie du spectateur avec le personnage principal, mais qui s’intéresse à ce qui a pu conduire un individu à franchir le point de non-retour. Au détour d’un dialogue qui n’est pas sans évoquer l’épilogue de Psychose d’Alfred Hitchcock, qui sera réalisé deux ans plus tard, un expert en psychiatrie évoque la maladie mentale dont souffre le tueur en série et sur la nécessité de prendre en charge médicalement ce genre d’individu, plutôt que de les emprisonner pour ensuite les relâcher, en attendant qu’ils récidivent à leur sortie. Un sujet épineux, un discours furieusement contemporain.

6 ans avant La Ronde du crimeThe Lineup et 18 ans avant L’Inspecteur Harry, deux chefs d’oeuvre signés Don Siegel, L’Homme à l’affût, produit par Stanley Kramer, prend comme cadre les rues de San Francisco, terrain de jeu en montées ou en pentes brutales, qui reflètent les méandres d’un esprit malade, qui appelle à l’aide, qui tente de se réfréner, mais qui ne peut que céder face à la tentation. The Sniper est un très grand film et sans aucun doute le chef d’oeuvre d’Edward Dmytryk.

LE DVD

Le test du DVD de L’Homme à l’affût, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Pas une, pas deux, pas trois, mais QUATRE présentations de L’Homme à l’affût sont ici disponibles. Tour à tour, Bertrand Tavernier (25’), Olivier Père (30’30), Patrick Brion (9’) et François Guérif (8’30) se penchent sur le film d’Edward Dmytryk, qu’ils considèrent tous comme étant son chef d’oeuvre. Bien évidemment, les présentations étant enregistrées individuellement, certains arguments et d’autres analyses n’évitent pas la redite. Néanmoins, les propos tenus se complètent bien, d’autant plus que chacun possède un style qui lui est propre. Fidèles à Sidonis Calysta, Bertrand Tavernier (grand admirateur du film), Patrick Brion et François Guérif assurent comme à leur habitude, mais l’éditeur laisse plus de place à Olivier Père, nouveau venu qu’on espère revoir sur d’autres titres de la collection. D’un côté comme de l’autre, on y évoque l’histoire des Dix d’Hollywood, la carrière d’Edward Dmytryk, le scénario, le casting, les partis pris. Le fond et la forme se croisent habilement.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

La restauration du film est indéniable, toutes les scories, tâches, poussières et rayures verticales ont été purement et simplement éradiquées. Si le piqué manque parfois de mordant, la gestion du grain original demeure solide et bien gérée. Le N&B est de très belle tenue avec des noirs suffisamment denses, des blancs lumineux et des contrastes solides. Mention spéciale à certains gros plans, nets et précis, bien détaillés. La copie 1.33 (16/9 compatible 4/3) affiche une remarquable stabilité.

Seule la version originale aux sous-titres français imposés est disponible sur cette édition. La restauration est également fort satisfaisante, aucun souffle à déplorer, l’écoute est frontale, riche, dynamique et vive. Les effets annexes sont conséquents et le confort acoustique assuré. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.

Crédits images : © Columbia Pictures / Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

 

Test Blu-ray / Roar, réalisé par Noel Marshall

ROAR réalisé par Noel Marshall, disponible en combo Blu-ray-DVD-Livret chez Rimini Editions le 6 mars 2018

Avec :  Tippi Hedren, Noel Marshall, Melanie Griffith, John Marshall, Jerry Marshall, Kyalo Mativo, Frank Tom…

Scénario : Noel Marshall

Photographie : Jan de Bont

Musique : Terrence P. Minogue

Durée : Version française (1h28) / Version originale (1h34)

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Dans le cadre de son étude portant sur les félins sauvages, Hank, scientifique américain, est parti s’installer en Afrique pour vivre parmi ces animaux à la réputation extrêmement dangereuse. Sa maison est un refuge pour plus d’une centaine de fauves que le chercheur élève en toute liberté. Restés aux États-Unis, sa femme Madelaine et ses enfants Melanie, John et Jerry décident de venir lui rendre visite. Mais à leur arrivée, Hank n’est pas là pour les accueillir. À la place, ils découvrent avec effroi les autres habitants qui, en l’absence du maître de maison, ont totalement pris le contrôle du lieu…

« Le film le plus dangereux jamais réalisé » scandait l’affiche à sa sortie en 1981 et maintenant la jaquette du DVD. Les prises de vues de Roar, réalisé par Noel Marshall, ont été effectuées sur cinq années et ont nécessité un budget de 17 millions de dollars et l’aide de 150 fauves. L’histoire du tournage est d’ailleurs plus intéressante que le film lui-même, même si le résultat final demeure ahurissant. Il est vrai que ce seul et unique long métrage de Noel Marshall, habituellement producteur (notamment derrière L’Exorciste), est très impressionnant. Le réalisateur, sa femme Tippi Hedren et sa fille Melanie Griffith, déambulent au milieu de plusieurs dizaines de lions, tigres, panthères, léopards, pumas et guépards, sans aucune protection. En 1970, l’actrice révélée par Alfred Hitchcock dans Les Oiseaux, tourne Satan’s Harvest de et avec George Montgomery qui se déroule en Afrique. Les prises de vues sont difficiles et éprouvantes, Tippi Hedren se retrouve face à un lion, ce qui provoque un tournant dans sa vie. Elle décide alors, avec son mari Noel Marshall, de tourner un film sur ce sujet, Roar, entourée de fauves dans leur milieu naturel. Ce n’est que le début d’une grande aventure qui va s’étaler sur plusieurs années.

Imaginez un remake des Oiseaux avec Hedren où les volatiles seraient remplacés par des fauves ; voilà à quoi ressemble Roar. S’ils souhaitent d’abord travailler avec des animaux sauvages dressés à Hollywood, l’histoire, centrée sur une quarantaine de lions déambulant dans la même maison, obligent les comédiens et la production à avoir recours à leurs propres bestiaux. Ainsi, le couple sauve et élève des jeunes félins dans leur propriété californienne, principalement rescapés des zoos et du monde du cirque, où ils grandissent en toute liberté. Certains dorment même avec le couple.

Comme la « famille » s’agrandit, Tippi Hedren achète un ranch où d’autres félidés, et même des éléphants, y sont recueillis. Le duo hypothèque leurs biens pour accomplir ce projet tourné dans leur ranch. Merveilleusement photographié par Jan de Bont, Roar est une œuvre unique. Un carton d’introduction indique que l’écriture et la réalisation reviennent de droit aux animaux non dressés et en totale liberté devant la caméra. Le nom des fauves est présent au générique à l’instar du reste du casting humain, essentiellement constitué de la famille Marshall. Rétrospectivement, Roar apparaît comme étant un immense et dangereux caprice. Entre les morsures (38 points de suture à la tête pour Hedren, 50 pour Mélanie Griffith), les blessures diverses et les fractures (Hedren se casse une jambe en tombant d’un éléphant), plus de 70 accidents de tournage sont recensés, y compris Jan de Bont scalpé par un fauve lui valant 120 points de suture au cuir chevelu.

Noel Marshall souhaite tourner cette fiction comme un documentaire et s’en remet totalement à ses compagnons imprévisibles. Chaque séquence est donc improvisée, cela se ressent fortement. Si certaines scènes, filmées à l’aide de quatre voire huit caméras, s’étirent parfois en longueur, d’autres ont l’air particulièrement décousues avec un montage très cut. Le tournage connaît ensuite d’autres difficultés, notamment un incendie qui ravage une partie du ranch, ainsi qu’une inondation suite à la rupture d’un barrage. Celui-ci détruit les décors et tue malheureusement plusieurs lions. Les années passent, les millions de dollars s’envolent. Mais persuadés du succès de Roar, Hedren et Marshall parviennent à boucler le tournage en 1980. Cette production insensée sort enfin sur les écrans l’année suivante, à l’exception des Etats-Unis en raison d’une brouille financière avec les distributeurs américains. C’est un échec commercial cuisant, probablement l’un des plus importants de l’industrie cinématographique ; Roar ne rapporte que 2 millions alors qu’il en a coûté 17.

Aujourd’hui, ce drame d’aventure est devenu un véritable objet de curiosité, une folie impensable à concrétiser. Si le récit est prétexte à valoriser les animaux alors que les acteurs se débattent souvent face caméra pour éviter de se faire dévorer et lacérer, l’investissement de l’équipe est de tous les instants. Les passionnés des fauves en auront donc ici pour leur argent.

LE BLU-RAY

2 ans et demi après avoir édité Roar en DVD, Rimini Editions ressort le film de Noël Marshall dans un combo Blu-ray-DVD-Livret de 24 pages écrit par Marc Toullec, consacré aux incroyables conditions de tournage. Le menu principal est animé et musical et propose de visionner le film soit dans sa version française (84’) ou dans sa version originale (90’).

Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce transfert Blu-ray offre à Roar un petit dépoussiérage numérique même si la définition est loin d’être parfaite. Par rapport à l’édition SD, les contrastes retrouvent une certaine densité, la luminosité HD est bienvenue et la colorimétrie n’a jamais été aussi vive et saturée. Seulement le grain demeure trop appuyé sur les plans de ciel (d’un bleu cyan plutôt sidérant il faut bien l’avouer), le piqué manque de fermeté, surtout sur les séquences sombres. Comme souvent, c’est le générique qui a subi le plus les outrages du temps mais ce master, bien nettoyé, stable et dépourvu de scories, trouve ensuite et heureusement un équilibre convenable. Notons également que diverses séquences ont été trop lissé, donnant aux visages un aspect cireux et artificiel.

Du point de vue acoustique, la piste française s’en sort étonnamment mieux avec des dialogues plus aérés et un coffre plus puissant. La version anglaise est propre, mais certains échanges demeurent aléatoires et le volume tend à varier au cours d’une même séquence. La version courte est uniquement disponible en version française, tandis que les deux options acoustiques sont proposées à la fois en Stéréo et en DTS-HD Master Audio 5.1 plus anecdotique.

Crédits images : © Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray (édition Bildstörung) / Laurin, réalisé par Robert Sigl

LAURIN réalisé par Robert Sigl, disponible en Blu-ray chez Bildstörung

Avec :  Dóra Szinetár, Brigitte Karner, Károly Eperjes, Hédi Temessy, Barnabás, Kati Sir, Endre Kátay, János Derzsi…

Scénario : Ádám Rozgonyi, Robert Sigl

Photographie : Nyika Jancsó

Musique : Hans Jansen, Jacques Zwart

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 1989

LE FILM

Quelle immense découverte ! Quelle beauté ! Chef d’oeuvre dissimulé du cinéma allemand, Laurin, est le premier long métrage (à ce jour le seul pour le cinéma) réalisé en 1989 par Robert Sigl, après deux courts-métrages, Die Hütte et Der Weihnachtsbaum. Né en 1962, le cinéaste, également comédien, signe un film exceptionnel, à la frontière de plusieurs genres, qui s’inscrit dans la droite lignée de L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice. Film fantastique, drame sur le deuil, thriller teinté de giallo avec certains éclairages baroques qui rappellent le cinéma de Dario Argento et de Mario Bava, Laurin laisse pantois le spectateur par sa beauté plastique et se révèle par strates jusqu’à un final bouleversant.

Au début du siècle dernier dans un petit village portuaire, la petite Laurin subit les aléas de son père entre ses activités de pêcheur et ses retours, trop brefs, au foyer familial. Désespérée des départs de son mari, la mère de Laurin se perd dans la nuit noire et se retrouve alertée par des cris d’enfants déchirant la forêt environnante ; quant à sa fille, elle aperçoit le visage d’un petit garçon hurlant à la mort à travers la fenêtre de sa chambre, avant de voir une ombre l’emporter…à tout jamais. Cette même nuit, la mère de Laurin décède dans de mystérieuses circonstances…

Dès le générique avec la splendide composition de Hans Jansen et Jacques Zwart, Laurin happe le spectateur pour ne plus le lâcher durant 83 minutes. Les séquences photographiées comme des œuvres du Caravage, Rembrandt et Vermeer instaurent une atmosphère trouble et troublante. Tel un peintre, Robert Sigl compose des plans à la beauté foudroyante matinée de gothique, au milieu de somptueux décors naturels hongrois. Les spectateurs et cinéphiles français qui découvriront Laurin le verront comme un véritable cadeau, à l’instar d’un dialogue intimiste qui s’instaure directement avec le cinéaste.

A la fin des années 1980, Laurin est quasi-anachronique. Si l’oeuvre mystérieuse de Robert Sigl n’est pas explicite, elle n’est en aucun cas hermétique et parlera différemment au spectateur selon son vécu. La forme s’apparente à un enchaînement de rêves, parfois de cauchemars. Récit initiatique, Laurin suit le processus de deuil d’une petite fille de 10 ans, qui vient de perdre sa mère, tandis qu’elle découvre également la brutalité du monde qui l’entoure. Film sur la perte de l’innocence, Laurin parvient à rendre palpable la crasse derrière une esthétique hyper-léchée, appuyant ainsi le fait que la beauté du monde dissimule en réalité des actes morbides. Dóra Szinetár, la jeune comédienne qui interprète le rôle-titre, cloue le spectateur de son regard sombre qui n’est pas sans rappeler celui d’Ana Torrent dans L’Esprit de la ruche comme nous l’indiquions, mais également dans Cría cuervos de Carlos Saura (1976), deux films évidemment très liés. Le spectre de La Nuit du Chasseur de Charles Laughton plane également sur cette histoire.

Tour à tour inquiétant et envoûtant, mélancolique et ambigu, Laurin, récompensé par le Prix du Film Bavarois est un thriller horrifique complexe, mais absolument passionnant, qui ravit autant le coeur et l’esprit, qui flatte les sens du début à la fin. Difficile d’évoquer plus en détails ce « conte de fées pour adulte narré du point de vue d’un enfant » de Robert Sigl sans en révéler davantage, ce qui dénaturerait l’expérience à part entière de Laurin, magnifique trésor du cinéma de genre à réhabiliter de toute urgence.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray chroniqué ici est disponible en import et bénéficie d’une piste de sous-titres français. Vous n’avez donc aucune excuse pour passer à côté de cette merveilleuse édition concoctée par Bildstörung. Deux disques sont présents dans le boitier, glissé dans un surétui cartonné très élégant. Le premier Blu-ray comprend évidemment le film avec le commentaire audio du réalisateur Robert Sigl (non sous-titré). Tout le reste des suppléments est placé sur un second disque. Le menu principal du disque 1 est animé sur la superbe musique du film, celui du second est fixe et musical.

Seul le film dispose de sous-titres français, ce qui est déjà énorme et inespéré. En plus du commentaire audio de Robert Sigl évoqué, l’éditeur propose moult suppléments :

– « Robert Sigl erzählt… » (interview du réalisateur, 28’)


– « 
Der Weihnachtsbaum » (court-métrage de Robert Sigl, 19’) + galerie photos


– Interviews de l’actrice Dóra Szinetár
(17’30), de l’acteur Barnabás Tóth (9’30) et du caméraman Nyika Jancsó (15’), disponibles en anglais, sous-titrées en allemand

– Interview croisée des historiens de cinéma Jonathan Rigby (31’) & Olaf Möller (17’30)
– Making of
(9’30)

– Scènes coupées agrémentées du commentaire de Robert Sigl (19’)
– Aufnahmen von der Verleihung des Bayrischen Filmpreis
(2’30)
– Galerie Photos
Livret de 20 pages

Merci à monsieur Patrick Lang de m’avoir mis ce Blu-ray à disposition !

L’Image et le son

Le master HD (1080p) de Laurin provient d’une restauration 2K réalisée à partir du négatif original 35mm. La beauté de la copie participe évidemment à la découverte du film de Robert Sigl. Quelques-uns rechigneront devant le piqué parfois émoussé, divers flous sporadiques ou la gestion aléatoire des noirs, tantôt denses, tantôt bouchés, mais force est de constater que Bildstörung propose un vrai confort de visionnage. Le grain est quasi-omniprésent, mais que serait l’incroyable photo signée Nyika Jancsó, chef opérateur hongrois, sans cette texture argentique qui ne cesse de ravir les yeux ! Certains plans sortent particulièrement du lot avec des détails riches et précis sur les décors naturel, mais également sur les visages des comédiens et les étoffes. Les contrastes (surtout sur les séquences sombres) apparaissent en parfait accord avec les volontés artistiques originales qui rendent largement indispensable l’élévation du film en Haute Définition, d’autant plus que la copie affiche une remarquable propreté et délivre des clairs-obscurs réellement saisissants.

Cette édition comporte les versions allemande et anglaise. Laurin a été tourné en anglais, mais les sous-titres français traduisent le doublage allemand. Toutefois, nous préférerons visionner Laurin en anglais, qui se suit très bien avec les sous-titres français. Les deux versions disponibles sur le Blu-ray jouissent d’un écrin DTS-HD Master Audio de très bonne qualité. Du point de vue dynamique, la version anglaise l’emporte sur son homologue. Dans les deux cas, la musique est joliment restituée et les saturations évitées.

Crédits images : © Bildstörung / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr