GUNGALA, LA VIERGE DE LA JUNGLE (Gungala la vergine della giungla) réalisé par Romano Ferrara,disponible en DVD le 4 décembre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Kitty Swan, Linda Veras, Poldo Bendandi, Conrad Loth, Archie Savage, Alfred Thomas, Antonietta Fiorio, Valentino Macchi…
Scénario : Romano Ferrara, L.A. Rotherman
Photographie : Augusto Tiezzi
Musique : Angelo Francesco Lavagnino
Durée : 1h23
Date de sortie initiale: 1967
LE FILM
Deux aventuriers sans scrupule, Dany et Wolf, dérobent le diamant sacré d’une tribu. Wolf tue Dany, mais doit abandonner son butin face aux guerriers. Des années plus tard, il revient pour le récupérer. Mais il va se retrouver face à Gungala, la déesse blanche, qui, aidée par sa fidèle panthère, va tout faire pour l’empêcher de piller son peuple.
Après Tarzan, l’homme singe avec Johnny Weissmuller et avant Greystoke, la légende de Tarzan porté par Christophe – Hin hin hin – Lambert, l’Italie s’est aussi emparée du mythe de la jungle. Mais les transalpins sont malins et décident en tant que professionnels du cinéma d’exploitation de remplacer l’homme en pagne par une demoiselle très peu vêtue. Ce qui est somme toute plus attractif. Voici donc Gungala, la vierge de la jungle – Gungala la vergine della giungla. Franchement, une fois la surprise passée de voir cette ravissante jeune femme prendre la pose comme un dans catalogue de la Redoute dans la section lingerie (toute une époque et des pages qui collent), Gungala, la vierge de la jungle ne propose rien, ou pas grand-chose. Voici donc l’exemple type du petit film d’aventure réalisé à la va-comme-je-te-pousse qui ne repose sur aucun autre argument que son héroïne dénudée.
Aux frontières de l’Ouganda et du Kenya, en pleine forêt mystérieuse, sauvage et envoûtante, vit la tribu des Bakenda. Deux aventuriers de pacotille, Dany et Wolf, leur dérobent un précieux diamant. Wolf abat son complice avant de devoir abandonner son butin devant l’arrivée de ces hommes primitifs qui vénèrent le dieu « Bokani » dans une clairière, lieu sacré et interdit. Aucun indigène n’ose s’y aventurer, sauf une étrange sauvageonne, Gungala, une jeune fille blanche, seule survivante d’un avion qui s’est écrasé dans la brousse lorsqu’elle était bébé. Orpheline, elle est devenue la reine de la tribu. Des années plus tard, Wolf apprend que le diamant est en possession de Gungala. Alors qu’il retourne dans la jungle pour le récupérer, il fait face à cette déesse, toujours accompagnée de sa fidèle panthère, prête à tout pour empêcher le pillage de son peuple.
C’est ça Gungala, la vierge de la jungle. On s’en fout de l’histoire, d’ailleurs il n’y en a pas et le film ne vaut que pour les apparitions bien trop sporadiques de Kitty Swan, la femme de la jungle avec son mascara et son fard à paupières. L’actrice danoise âgée de 23 ans, mix entre Megan Fox et Mila Kunis, n’est pas avare de ses charmes qui flattent les sens et les rétines. Mais la voir courir au ralenti comme dans une pub pour un déodorant sur fond de harpe c’est bien plaisant deux minutes, mais systématiquement cela a de quoi irriter. Le reste du temps, Gungala observe ce qui se passe dans la jungle, tout en caressant les félins qui l’entourent. Le film enchaîne les séquences sans enjeu ni souci de cohérence. Tout est fait pour remplir le récit au maximum de scènes rituelles et de danses tribales interminables (on croirait des chorégraphies de Kamel Ouali), alors que le spectateur n’attend qu’une seule chose, mater Gungala ou Linda Veras, qui expose également ses arguments gratuitement histoire de combler le vide scénaristique. Un peu le syndrome Black Emmanuelle en Afrique où il fallait se farcir (façon de parler) des séquences de safari de vingt minutes, avant de voir quelques actrices se désaper juste avant la coupure pub.
Il faudra attendre le dernier quart d’heure pour en savoir plus sur l’identité de Gungala, même si l’on se doute que les aventures de Tarzan et de Mowgli ont largement inspiré le personnage ici. Malheureusement, le rythme est très lent, il ne se passe quasiment rien, les scènes d’affrontements sont minables. Le cinéaste Romano Ferrara, crédité sous le pseudo Mike Williams, auteur et metteur en scène du Monstre aux yeux verts avec Michel Lemoine (1962) et deux thrillers réalisés en 1964, F.B.I. enquête à Los Angeles et Crimine a due est incapable d’éveiller ne serait-ce qu’un peu l’intérêt du spectateur avec ces pauvres aventures se déroulant dans des décors dignes d’un Center Parc du pauvre. Gungala, la vierge de la jungle sera d’ailleurs son dernier film en tant que réalisateur.
Malgré tout, le film est un succès dans les salles et rapporte suffisamment d’argent pour qu’une suite voit le jour l’année suivante, Gungala, la panthère nue, toujours avec Kitty Swan dans le rôle de la jungle girl mais mis en scène cette fois par Ruggero Deodato (Cannibal Holocaust). C’est déjà plus intéressant et nous en parlerons prochainement !
LE DVD
Après les rednecks, place à la collection des Filles de la jungle ! Artus Films passe du coq à l’âne pour notre plus grand plaisir. Le film de Romano Ferrara est disponible dans une édition slim Digipack au visuel clinquant. Un très bel objet. Le menu principal est fixe et musical.
En plus des films annonces des deux Gungala et d’un diaporama, Artus Films a demandé à l’excellent Julien Sévéon de nous présenter l’histoire des jungle girls au cinéma, mais aussi dans les pulps, romans et fumetti (30′). Il n’y a pas que George A. Romero dans la vie du journaliste, visiblement fin connaisseur des filles de la jungle en pagne ! Des titres à foison nous donnent sérieusement envie de découvrir tout ce pan souvent oublié du cinéma d’exploitation. Sa présentation de Gungala, la vierge de la jungle vaut également son pesant.
L’Image et le son
On ne s’attendait pas à un résultat aussi probant ! En effet, la copie de Gungala, la vierge de la jungle est vraiment une bonne surprise avec une restauration indéniable. Le master est très propre (les poils en bord de cadre sont rares, tout comme les points et griffures) et stable. Seul le générique apparaît plus grumeleux avec quelques fourmillements et une colorimétrie plus altérée, mais le reste du film impressionne avec des détails flagrants, un piqué inédit et un grain très bien géré. Que demander de plus ?
La version française est amusante avec notamment un doublage de Claude Bertrand toujours aux petits oignons. En revanche, ce mixage se focalise un peu trop sur les voix au détriment des effets. La piste italienne est plus aérée avec un meilleur rend de la musique, des ambiances annexes et des dialogues.
L’EXTRAORDINAIRE VOYAGE DU FAKIR réalisé par Ken Scott,disponible en DVD et Blu-ray le 2 octobre 2018 chez TF1 Studio
Acteurs : Dhanush, Bérénice Bejo, Erin Moriarty, Barkhad Abdi, Gérard Jugnot, Ben Miller, Abel Jafri, Sarah-Jeanne Labrosse…
Scénario : Luc Bossi, Romain Puértolas, Ken Scott, Jon Goldman d’après le roman « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa » de Romain Puértolas
Photographie : Vincent Mathias
Musique : Nicolas Errera
Durée : 1h35
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Aja, un jeune arnaqueur de Mumbai entame, à la mort de sa mère, un extraordinaire voyage sur les traces du père qu’il n’a jamais connu. Il rencontre l’amour à Paris dans un magasin de meubles suédois, le danger en compagnie de migrants somaliens en Angleterre, la célébrité sur une piste de danse à Rome, l’aventure dans une montgolfière au-dessus de la Méditerranée, et comprend finalement ce qu’est la vraie richesse et qui il souhaite devenir.
En 2012, Starbuck de Ken Scott est comme qui dirait le sleeper de l’été 2012 en France. Cette géniale comédie québécoise emporte tout sur son passage et attire près d’un demi-million de spectateurs dans son sillage. Suivront un remake aux Etats-Unis, Delivery Man, mis en scène par Ken Scott lui-même avec Vince Vaughn, Chris Pratt et Cobie Smulders, un autre en France sous le titre Fonzy avec José Garcia, et un dernier en Inde, Vicky Donor. Le réalisateur s’associe à nouveau avec Vince Vaughn pour un film beaucoup moins convaincant, Jet Lag. Le cinéaste essaye de revenir par la grande porte avec une production destinée au marché international, L’Extraordinaire Voyage du fakir, adapté du roman de Romain Puértolas, L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, best-seller de l’année 2013, traduit dans une trentaine de pays. Pour sa transposition au cinéma, le titre du livre perd la marque de la célèbre entreprise suédoise, bien qu’elle apparaisse évidemment dans une scène centrale du film. Malgré son envie de toucher un large public, le soin apporté aux couleurs et aux décors, L’Extraordinaire Voyage du fakir manque sérieusement d’âme et d’intérêt. Cela n’empêche pas de constater que Ken Scott est un cinéaste solide, capable de porter un film au budget conséquent puisque malgré ses très nombreux points faibles, l’argent se voit à l’écran du début à la fin.
Ajatashatru est fakir. Un jour, il quitte New Delhi pour la France. Il y rencontre rapidement une américaine, dont il tombe amoureux. Mais Ajatashatru est accidentellement expulsé avec des clandestins africains. Envoyé aux quatre coins de l’Europe, il va tenter de retrouver celle qu’il aime.
Le premier acte est gênant puisque L’Extraordinaire Voyage du fakir rappelle furieusement Slumdog Millionnaire de Danny Boyle dans son traitement des couleurs, ses partis pris, sa mise en scène, le jeu des comédiens, cette succession de vignettes à la Marjane Satrapi, par ailleurs envisagée un temps à la réalisation. Le film pâtira de cette comparaison jusqu’au dénouement. Véritable star du cinéma tamoul et parfait inconnu du public français, le comédien – mais aussi chanteur, réalisateur et producteur – Dhanush est très attachant, drôle et émouvant. C’est grâce à lui que l’on tient jusqu’au bout du récit. L’ensemble prend la forme d’une fable qui rappelle parfois le cinéma de Costa-Gavras, notamment Eden à l’ouest avec Riccardo Scamarcio. L’histoire joue avec les clichés, parfois trop, puisque l’arrivée en France d’Ajatashatru s’accompagne d’un air d’accordéon. Débarque alors un Gérard Jugnot en anglais dans le texte, dans le rôle d’un chauffeur de taxi qui arnaque bien évidemment les passagers étrangers. Comme il y a plus quarante ans dans La Coccinelle à Monte-Carlo dans lequel il faisait une apparition en serveur parigo, Gérard Jugnot représente ici le franchouillard gouailleur et colérique, qui n’apparaît que quelques minutes à l’écran. Bérénice Bejo, dans un rôle envisagé pour Uma Thurman, est mieux servie et se débrouille mieux en anglais. Sa scène de danse à la Bollywood arrive certes comme un cheveu sur la soupe, mais reste probablement la meilleure du film et ses trois heures d’entraînement par jour pendant un mois sont gratifiantes.
L’Extraordinaire Voyage du fakir est constamment ponctué de petits moments sympathiques et fantaisistes de ce genre, à l’instar de l’instant comédie-musicale où des officiers de police, dont le génial Ben Miller, se mettent à chanter et à danser en parlant de l’émigration, des réfugiés et des sans-papiers. En fait, le film parle de problèmes de société, mais le fond n’est jamais convaincant, tout comme cette pseudo-romance bourrée de clichés. Finalement, ce qui importe le plus est le voyage d’Aja, qui se révélera initiatique malgré-lui. C’est ce côté Jules Verne, à mi-chemin entre Les Tribulations d’un Chinois en Chine et Le Tour du monde en 80 jours qui retient l’attention. Mais c’est malheureusement trop peu et ce feel good movie déçoit sévèrement, même si l’on garde confiance en Ken Scott.
LE BLU-RAY
Malgré son échec cinglant, L’Extraordinaire Voyage du fakirdispose d’une édition HD. Le test du Blu-ray disponible chez TF1 Studio a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé, lumineux et musical.
Un seul supplément au programme avec un making of (22’) très plaisant, animé et blindé d’images de tournage. Le réalisateur, les acteurs, le directeur de la photographie, la costumière, le compositeur et bien d’autres interviennent afin de parler des personnages, des conditions de prises de vues, des lieux de tournage et du roman original.
L’Image et le son
Le master HD restitue solidement les volontés artistiques du chef opérateur Vincent Mathias, césarisé pour Au revoir là-haut. Ken Scott a filmé son film entièrement en numérique via la caméra RED Weapon DRAGON 6K. La patine est donc bien laquée, les couleurs vives, chaudes et clinquantes, les contrastes léchés et le relief constamment palpable. Ces partis pris esthétiques bigarrés sont savamment pris en charge par une compression sans failles, la définition demeure exemplaire sur tous les plans et tout du long, sur les scènes sombres comme sur les lumineuses séquences diurnes. Les détails sont légion sur le cadre, le piqué aiguisé et la copie éclatante. C’est superbe.
L’Extraordinaire Voyage du fakir n’est pas un film à effets et les mixages français et multilingue DTS-HD Master Audio 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur entraînent inévitablement des ambiances naturelles sur les latérales. Il en est de même pour la bande-son souvent explosive, systématiquement mise en valeur par l’ensemble des enceintes comme lors de la séquence « Bollywood ». Les voix demeurent claires, limpides, solidement délivrées par la centrale, tandis que le caisson de basses accompagne joyeusement les scènes appropriées. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
LES VIKINGS (The Vikings) réalisé par Richard Fleischer,disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 4 décembre 2018 chez Rimini Editions
Acteurs : Kirk Douglas, Tony Curtis, Ernest Borgnine, Janet Leigh, James Donald, Alexander Knox, Maxine Audley, Frank Thring…
Scénario : Calder Willingham, Dale Wasserman d’après le roman « The Vikings » de Edison Marshall
Photographie : Jack Cardiff
Musique : Mario Nascimbene
Durée : 1h56
Date de sortie initiale: 1958
LE FILM
Au Xè siècle, les Vikings sèment la terreur le long des côtes anglaises. Au cours d’une attaque, le chef viking Ragnar tue le roi d’Angleterre et viole la reine. De ce viol naîtra Eric, qui sera capturé par les vikings et élevé comme un esclave, dans le village où vivent son père et son demi-frère, Einar. Ignorant leur lien de parenté, Eric et Einar se vouent une haine farouche.
Quel chef d’oeuvre ! Comment ne pas s’extasier encore et toujours devant cette référence ultime du film d’aventure qui a su traverser les décennies et conquérir le coeur de plusieurs générations de cinéphiles ?! Les Vikings – The Vikings, réalisé par l’immense Richard Fleischer est un triomphe au cinéma en 1958. Porté par le producteur Kirk Douglas, qui avait créé sa société Bryna à cette occasion et venait d’enchaîner La Vie passionnée de Vincent van Gogh de Vincente Minnelli, Règlements de comptes à OK Corral de John Sturges et Les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, Les Vikings est la résultante de l’association de multiples talents et artisans, qui ont cru en ce projet ambitieux. Soixante ans après sa sortie, Les Vikings n’a pas pris une seule ride. Pourquoi ? En raison du souci d’authenticité désiré par ses créateurs, qui ont voulu respecter au maximum les us et coutumes d’une civilisation alors récupérée et bouleversée par certains contes et des légendes narrées depuis dix siècles. Aujourd’hui, revoir Les Vikings c’est quelque part retrouver son âme d’enfant, mais aussi avoir la certitude de se retrouver devant un gigantesque spectacle, une valeur sûre, LE film parfait, magnifiquement interprété et mis en scène par l’un des plus grands metteurs en scène de l’histoire du cinéma.
Vers 900, les Vikings, adorateurs d’Odin, menés par leur chef Ragnar ravagent régulièrement la Northumbrie en Angleterre. Au cours d’un raid, le roi d’Angleterre est tué et Ragnar viole la reine Enid. De cette union illégitime naîtra Éric. L’enfant est enlevé par Brown, un Viking, alors qu’il allait être emmené en Italie pour être protégé du roi Albert. Éric échoue comme esclave dans le village dirigé par son père et de son demi-frère Einar, le fils légitime de Ragnar. Eric et Einar, qui ne savent rien sur leurs liens du sang, deviennent rivaux et se disputent violemment la conquête de la belle Morgana, princesse galloise promise au roi Aella, un fourbe d’envergure, et que les Vikings ont enlevée dans l’espérance d’une rançon.
Les Vikings…souvenir d’enfance dans les années 80-90 lors d’une diffusion du film sur M6. Scotché devant l’écran devant la beauté des acteurs, troublé surtout par le costume moulant arboré par Janet Leigh – à l’érotisme insolent – qui a dû faire frémir la censure. Mais aussi les couleurs étincelantes, les costumes dont on pouvait sentir les matières et la crasse, l’envie d’essayer de courir sur les rames du drakkar, d’aller ripailler à plein ventre avec ces « bons hommes » qui buvaient à l’aide d’une corne et qui mangeaient le gibier avec les doigts. Subjugué également par le thème musical Mario Nascimbene, effrayé par la scène où Ragnar (Ernest Borgnine, quel putain d’acteur) souhaite mourir l’épée à la main, avant de se jeter dans la fosse aux loups en criant « Odin ! ». Séquence suivie par celle où Eric se fait trancher la main. Mon inconscient avait été tellement marqué par ces images, que j’étais certain d’avoir réellement vu le corps du Viking se faire déchiqueter par les canidés, tout comme j’étais sûr que le réalisateur montrait le moignon ensanglanté de Tony Curtis. La magie de l’effet suggéré de Richard Fleischer. Bref, l’auteur de ces mots pourrait continuer longtemps ainsi, tant Les Vikings est un film qui l’a marqué à vie.
C’est donc toujours difficile de parler d’une oeuvre importante dans l’existence d’un cinéphile. Il y a tout d’abord le divertissement dans ce qu’il a de plus noble, de plus pur. Les Vikings transporte les spectateurs dans un autre monde, le fait voyager dans le passé et lui fait traverser l’écran grâce au format Technirama et au Technicolor. Pointilleux, Richard Fleischer, ainsi que toute son équipe, dont le chef opérateur Jack Cardiff (Le Narcisse noir, Les Chaussons rouges, L’Odyssée de l’African Queen) et Kirk Douglas lui-même, auront passé toute une année entière à faire des recherches et à étudier le mode de vie des Vikings. Puis, l’équipe s’est mise à la recherche des lieux de tournage, avant de jeter leur dévolu sur la Norvège pour y construire le village, la Bretagne (pour son final à Fort la Latte) et l’Allemagne pour les intérieurs. Une année de préparation, huit mois de tournage, soit près de deux ans. Les moyens conséquents se voient à l’écran, chaque seconde.
Richard Fleischer y démontre une fois de plus sa virtuosité, son art immense du storytelling, sa solide direction d’acteurs et sa maîtrise totale de la technique mise à sa disposition. Devant la caméra, Kirk Douglas, Tony Curtis, Janet Leigh et Ernest Borgnine rivalisent de charisme (qu’est-ce qu’ils sont beaux) et de talent. Engagé pour permettre à Kirk Douglas de bénéficier d’un budget plus conséquent, Tony Curtis, qui sortait du sublime Grand Chantage – Sweet Smell of Success d’Alexander Mackendrick, ne se laisse pas bouffer par son aîné et sa prestation est tout aussi impressionnante que celle de son producteur. Ce dernier, en très grande forme, explose l’écran une fois de plus dans le rôle d’Einar, Viking balafré et borgne, au sourire carnassier, qui ressent malgré lui l’amour pour son demi-frère, chose qui le perdra lors du duel final qui reste dans toutes les mémoires.
Sans aucun temps mort, le scénario de Calder Willingham (Les Sentiers de la gloire) et Dale Wasserman, adapté du roman d’Edison Marshall, enchaîne les séquences cultes et épiques comme des perles sur un collier, soignant autant la psychologie des personnages que les passages attendus comme les différentes batailles (navales et à l’épée), les scènes de beuverie, les divertissements des guerriers et leurs sentiments amoureux. De l’ouverture-prologue avec la voix d’Orson Welles (non crédité), en passant par l’attaque du faucon qui crève un œil à Einar, le regard foudroyant de tendresse et de reconnaissance de Ragnar envers Eric avant d’aller rejoindre le Valhalla, le corset déchiré de Morgana, les drakkars perdus dans la brume, le spectaculaire assaut du château fort, tous ces moments, cette magnificence de chaque instant font de cette fresque l’un des plus grands films de tous les temps et encore aujourd’hui un modèle du genre, vanté notamment par les auteurs de la série Game of Thrones. C’est dire si Les Vikings n’a pas fini de faire de nouveaux adeptes auprès des jeunes passionnés par le septième art !
LE BLU-RAY
Il aura fallu attendre quinze ans pour qu’une édition digne de ce nom du chef d’oeuvre de Richard Fleischer voit enfin le jour en France. Et nous devons ce miracle à l’éditeur Rimini. Exit donc le DVD MGM sorti en avril 2003, place à ce merveilleux coffret ! Cette édition se compose d’un Digipack à deux volets glissé dans un surétui cartonné au visuel attractif, comprenant le Blu-ray et le DVD, avec au verso deux photogrammes tirés du film sur fond de ciel orageux. Egalement présent, un passionnant et exclusif livre de plus de 160 pages, L’Enigme Richard Fleischer, rédigé par Christophe Chavdia, qui revient en détails sur la longue et prolifique carrière du réalisateur, puis plus précisément sur Les Vikings dans une seconde partie. L’historien du cinéma Stéphane Chevalier prend ensuite la relève pour un entretien avec trois Norvégiens ayant assisté au tournage des Vikings. La préface de ce merveilleux ouvrage est rédigée par Bruce et Mark Fleischer, les fils du cinéaste, qui partagent leurs souvenirs de tournage. Le menu principal est quant à lui animé sur le cultissime thème musical de Mario Nascimbene. Mention spéciale à la calligraphie qui reprend la forme de l’alphabet runique. Cette édition française, limitée à 3000 exemplaires, est au final plus conséquente que les disques américains et anglais.
Le premier des suppléments – Un conte norvégien – est un entretien avec le grand Richard Fleischer réalisé en 2002 (27’). Quel plaisir d’écouter le cinéaste raconter ses anecdotes de tournage à travers de multiples photos prises sur le plateau ! Richard Fleischer évoque tour à tour la genèse du projet, l’année de préparation nécessaire afin d’offrir aux spectateurs le spectacle le plus authentique possible, le soin particulier apporté au moindre petit détail voulu historiquement exact, la fabrication de trois drakkars à taille réelle réalisés à partir des plans originaux trouvés au musée d’Oslo. Les lieux de tournage en Norvège et en France sont également évoqués, ainsi que le travail avec le chef opérateur Jack Cardiff et les acteurs. Les souvenirs foisonnent et Richard Fleischer semble très heureux de revenir sur ce film qui était l’un de ses préférés, ainsi que le plus difficile à réaliser d’un point de vue logistique avec son 20.000 lieues sous les mers.
L’éditeur a ensuite mis la main sur une interview de Kirk Douglas (6’) donnée à la télévision belge à l’occasion de la sortie des Vikings. Le comédien, très à l’aise, élégant, souriant, lumineux et laissant échapper quelques mots en français, indique que tourner un film sur les Vikings était l’un de ses rêves depuis toujours. A cette occasion, Kirk Douglas explique avoir fondé sa société de production afin de s’y investir totalement et avec suffisamment d’indépendance. L’acteur se penche également sur la notion du divertissement au cinéma, avant de parler de son prochain film, Spartacus.
Le bonus suivant, intitulé Les Vikings, de la réalité au rêve (20’), croise les témoignages de Mark et Bruce Fleischer, enregistrés lors d’un entretien téléphonique. Sur un montage compilant photos et images du tournage en Bretagne, ainsi que quelques images récentes de Fort la Latte, les deux frères partagent leurs souvenirs liés au tournage des Vikings. Si la prise de son est un peu chaotique pour Bruce, les propos n’en sont pas moins passionnants et émouvants, surtout lorsque les deux intervenants parlent de leur père et de la passion pour le cinéma qui l’animait.
Enfin, et c’est une exclusivité pour le Blu-ray, Rimini Editions inclut également un autre entretien avec Richard Fleischer (28’), cette fois mené par l’historien du cinéma Christophe Champclaux à Los Angeles en 1996. Calme, doux, ému quand il évoque ses souvenirs, Richard Fleischer aborde chaque aspect du tournage de ce film dont il était – à juste titre – très fier. Ce module parvient à compléter celui en début de programme et nous en apprenons encore et toujours sur la genèse des Vikings, le travail sur le scénario et les recherches effectuées, le travail avec le directeur de la photographie Jack Cardiff, le casting, la violence et la censure, le tournage à Fort la Latte…
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale.
Voilà donc le cadeau parfait pour le Noël 2018 des cinéphiles !
L’Image et le son
Rimini Editions reprend le même master restauré par la MGM édité aux Etats-Unis chez Kino Lorber. Même source, donc partis pris identiques provenant de la restauration. L’éditeur a décidé de ne pas intervenir sur la copie déjà existante afin de – je cite Jean-Pierre Vasseur, directeur général de Rimini – « ne pas en atténuer le grain ou chercher à corriger les quelques défauts ». Alors oui, certains pourront tiquer devant quelques plans étonnamment lisses, mais Rimini n’allait pas « rajouter » une patine argentique artificielle ! Si divers points blancs et petites tâches demeurent (le plan à effets spéciaux lors de la manifestation divine), la propreté est éloquente (les raccords de changement de bobines dits « brûlures de cigarettes » chers à Tyler Durden ont été effacés) force est d’admettre que nous n’avions jamais vu le chef d’oeuvre de Richard Fleischer dans ces conditions. La luminosité des séquences diurnes frappe d’emblée, comme le retour des Vikings au village ou l’assaut final. Ce master HD rend enfin hommages aux volontés artistiques originales, à l’instar de la composition des plans du cinéaste, avec une profondeur de champ inédite. Les détails foisonnent aux quatre coins du cadre large, y compris sur les gros plans des comédiens. L’occasion d’apprécier la tronche balafrée de Kirk Douglas, ainsi que son œil laiteux, sous toutes les coutures. Le décolleté (mais pas que) de Janet Leigh ne manque pas de relief, et seules les scènes brumeuses, qui donnent toujours du fil à retordre à la compression, surtout sur les films du patrimoine, entraînent une baisse de la définition. Signalons quelques menus décrochages sur les fondus enchaînés, ainsi que des flous intempestifs. Mais absolument rien de rédhibitoire. On lève donc notre corne de bière à Rimini !
Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse.. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière (excellent doublage), aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
TULIP FEVER réalisé par Justin Chadwick,disponible en DVD et Blu-ray le 4 septembre 2018 chez TF1 Studio
Acteurs : Alicia Vikander, Dane DeHaan, Christoph Waltz, Judi Dench, Holliday Grainger, Zach Galifianakis, Cara Delevingne, Jack O’Connell…
Scénario : Deborah Moggach, Tom Stoppard d’après le roman « Le Peintre des vanités » – « Tulip Fever » de Deborah Moggachd
Photographie : Eigil Bryld
Musique : Danny Elfman
Durée : 1h41
Date de sortie initiale: 2017
LE FILM
Amsterdam – 1636. La ville est plongée dans une fièvre spéculative autour du commerce de la tulipe. Un riche marchand décide d’engager un célèbre portraitiste pour immortaliser la beauté de sa jeune femme. Au premier coup de pinceau, une passion dévorante débute entre la jeune Sophia et le séduisant peintre. Alors qu’une liaison torride et fougueuse s’installe, les jeunes amants cherchent à se débarrasser du mari envahissant et à s’enfuir. Une soif de liberté qui aura un prix, aussi précieux que celui d’une tulipe..
Tulip Fever est un film qui revient de loin. Il aura fallu près de dix ans pour que cette adaptation du roman Le Peintre des vanités – Tulip Fever de Deborah Moggach (1999) puisse voir le jour dans les salles ou en e-cinéma. A l’origine prévue avec Jude Law et Keira Knightley sous la direction de John Madden (Shakespeare in love, Miss Sloane), cette romance historico-dramatique aura connu moult déboires et notamment des changements de règles fiscales dans la production de film au Royaume-Uni. Résultat, cette histoire est restée dans les tiroirs jusqu’au jour où le réalisateur Justin Chadwick (Deux sœurs pour un roi, Mandela : Un long chemin vers la liberté) mette la main dessus et parvienne à réunir les fonds nécessaires. Tous deux oscarisés, la sylphide Alicia Vikander (pour Danish Girl) et Christoph Waltz (pour Inglourious Basterds et Django Unchainded) héritent des deux rôles principaux, tandis que Dane Dehaan interprète le jeune peintre qui va troubler l’existence de Sophia. Le film est tourné en 2014, mais restera bloqué jusqu’en 2017.
Metteur en scène du mal aimé et pourtant très réussi Deux sœurs pour un roi, qui réunissait Scarlett Johansson et Natalie Portman, Justin Chadwick prouve une fois de plus que la reconstitution historique lui sied à ravir avec une direction artistique solide, des décors et des costumes soignés, ainsi qu’une photo rappelant certaines œuvres de Rembrandt et de Vermeer. Tulip Fever peut paraître académique, mais on croit et l’on plonge volontiers dans cette ville d’Amsterdam du XVIIe siècle, marquée par la folie du commerce des tulipes, qui se revend à prix d’or, surtout lorsque l’une d’entre elles est marquée par une anomalie chromatique, comme la tant convoitée tulipe marbrée. Tel un bulbe en pleine éclosion, Sophia, délicatement incarnée par la sublime Alicia Vikander donc, va commencer à s’épanouir quand elle rencontre un artiste venu lui tirer le portrait avec son époux (Christoph Waltz), fortuné, d’âge mûr, veuf. Sans enfant, décédé lors de l’accouchement de son épouse, qui n’a également pas survécu, Cornelis Sandvoort « achète » Sophia, orpheline, pour qu’elle lui donne un héritier. Mais les mois passent et la jeune femme ne tombe pas enceinte. C’est alors que le film prend une tournure digne d’un boulevard avec la servante des Sandvoort (Holliday Grainger), enceinte des œuvres du poissonnier, qui par peur d’être renvoyée va finalement accepter la proposition de Sophia.
Cette dernière ayant une liaison avec l’artiste Jan Van Loos, s’est fait remarquée par la servante Maria. En échange de son silence, Sophia décide de faire semblant d’être enceinte, tandis que Maria devra dissimuler sa grossesse. A la naissance du bébé, Sophia adoptera l’enfant et Maria, dont le fiancé demeure mystérieusement introuvable, conservera son travail. Justin Chadwick joue avec les genres, avec les tons et l’empathie des spectateurs pour les personnages. Si Cornelis Sandvoort est d’abord présenté comme un négociant en épices riche et froid, l’homme se révélera attentionné, amoureux de sa femme, voulant à tout prix être père. Christoph Waltz domine la distribution du début à la fin. Alicia Vikander, tour à tour ingénue et stratège, crève l’écran une fois de plus par sa beauté diaphane, sa fragilité et sa sensualité. Seule ombre au tableau, Dane DeHaan reste bien fade face à ses partenaires, semblant constamment avoir été tiré du lit juste avant de tourner. Mais bon, nous n’aurions rien gagné au change puisque le monolithique Matthias Schoenaerts avait un temps été envisagé.
Finalement, l’aspect romantique l’emporte moins que la psychologie du personnage formidablement interprété par Christoph Waltz, de loin son meilleur rôle depuis longtemps. Alors certes, Tulip Fever part un peu dans tous les sens, ne sait pas quelle position adoptée et a souvent du mal à trouver une identité propre, mais ses petites imperfections (multiplication des rebondissements, fin expédiée) sont attachantes et les comédiens formidables (dont Zack Galifianakis et Dame Judi Dench) emportent facilement l’adhésion.
LE DVD
Après un détour par la case e-cinéma, Tulip Fever est arrivé dans les bacs en DVD et Blu-ray. Le test de l’édition SD dispinible chez TF1 Studio a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur accompagne le film de Justin Chadwick d’un making of (15’). De facture classique, ce documentaire se compose d’images de tournage, mais surtout des propos des comédiens et du réalisateur. Les intervenants ne font jamais mention de très longue gestation du film (dix ans en raison de problèmes financiers) et font surtout l’éloge de toute l’équipe, tout en parlant des personnages et du contexte social à Amsterdam au XVIIe siècle.
L’Image et le son
L’éditeur ne nous a pas fourni l’édition HD et c’est bien dommage. Nous aurions bien voulu découvrir les partis pris du directeur de la photographie danois Eigil Bryld (Bons baisers de Bruges) dans les meilleures conditions possibles. Il faudra se contenter d’un DVD très moyen, à la compression souvent hasardeuse et aux couleurs fanées. La définition est parfois médiocre, les contrastes limités, les flous occasionnels et le visage des comédiens paraît trop cireux pour être honnête.
Bien qu’elle soit essentiellement musicale, la spatialisation instaure un réel confort acoustique. Par ailleurs, les quelques effets glanés ici et là sur les enceintes arrière permettent de plonger le spectateur dans l’atmosphère du film comme sur les canaux bondés de marchands ou lors des transactions enflammées. Les voix sont solidement plantées sur la centrale en anglais comme en français avec un net avantage pour la première piste. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
LE DERNIER DES GÉANTS (The Shootist) réalisé par Don Siegel,disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD le 26 novembre 2018 chez Sidonis Calysta
Acteurs : John Wayne, Lauren Bacall, Ron Howard, James Stewart, Richard Boone, Hugh O’Brian, Scatman Crothers, Richard Lenz…
Scénario : Miles Hood Swarthout, Scott Hale d’après le roman de Glendon Swarthout
Photographie : Bruce Surtees
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1h39
Date de sortie initiale: 1976
LE FILM
Précédé de sa réputation de justicier infaillible dans les duels au pistolet, John Bernard Books arrive à Carson City dans le Nevada. Tandis que plusieurs de ses vieux ennemis entendent bien lui faire payer une dette ancienne, Books oublie la menace pour consulter son ami, le Dr. Hostetler. Diagnostic : une longue maladie au stade terminal. Vénéré par le fils de sa logeuse, Books se refuse au désespoir, à la résignation. Quitte à mourir, autant mourir les bottes aux pieds et le colt arraché à son fourreau.
Chant du cygne du Duke, Le Dernier des géants aka The Shootist (1976), n’est certes pas le film le plus célèbre de Don Siegel, mais assurément l’un de ses plus émouvants et ceci à plus d’un titre. D’une part parce qu’il s’agit d’un western crépusculaire qui signe véritablement la fin d’un genre et d’une époque, d’autre part parce que l’immense John Wayne, alors rongé par une maladie qui allait l’emporter trois ans plus tard, livre ici une prestation bouleversante, sa dernière face à la caméra, dans le rôle d’un cowboy d’âge mûr, condamné par un cancer foudroyant. Un dernier baroud d’honneur souligné par la composition d’Elmer Bernstein, avec en filigrane tout un pan du cinéma hollywoodien en voie de disparition. Le dernier film d’un géant, le testament d’un mythe, le salut d’un monstre sacré.
Atteint d’une maladie incurable, John Bernard Books, le dernier des professionnels légendaires de la gâchette, rentre calmement à Carson City pour recevoir des soins de son vieil ami le Dr Hostetler. Sachant que ses jours sont comptés, il trouve confort et tranquillité dans une pension tenue par une veuve et son fils. Mais « Books » n’est pas destiné à mourir en paix; devant les perspectives de la déchéance physique et d’une agonie atroce, il choisit de partir comme il a toujours vécu, les armes à la main, dans un dernier combat.
L’action se passe au tout début du XXe siècle. l’automobile fait son apparition devant des yeux interloqués, les publicités Coca Cola sont accrochées sur les devantures des saloons, l’électricité arrive dans les chaumières, tout comme l’eau courante. Le monde change et entre dans l’ère moderne. D’entrée de jeu, Don Siegel nous montre un vieux bonhomme sur son cheval. Les yeux bleus délavés, la mine fatiguée. Alors qu’il arrive en ville, un jeune brigand tente de le détrousser. Mais le vieux briscard a encore quelques réflexes et parvient à se débarrasser facilement du bandit. Juste avant cela, un montage réalisé à partir de photographies et d’extraits en noir et blanc tirés des plus grands films de John Wayne (La Piste des géants, Rio Bravo, El Dorado, La Rivière rouge…) résumait en quelques secondes la vie de Books faite de règlements de comptes et d’affrontements avec la vermine de l’Ouest. Trente ans après ses premiers exploits, Books arrive à l’âge où il devrait penser à se ranger. Mais la maladie le rattrape et le cowboy n’aura pas le temps de profiter d’une retraite bien méritée. D’ailleurs, aurait-il pu profiter de ses vieux jours, lui dont la vie a toujours été marquée par l’action ?
John Wayne apporte avec lui cinquante ans de cinéma dont 45 années passées en haut de l’affiche. John Ford, Raoul Walsh, George Sherman, Howard Hawks, Henry Hathaway, Andrew V. McLaglen ne sont plus que des spectres qui rodent autour de John Wayne et leurs présences se ressentent autour du personnage de Books, qui galope désormais en solitaire. C’est donc ce côté méta (mais pas que) qui fait du Dernier des géants bien plus qu’une simple curiosité.
Quand Books va consulter son médecin le docteur Hostetler, nous voyons bien évidemment John Wayne face à James Stewart, mais également L’homme qui tua Liberty Valance. Deux hommes âgés qui approchent des 70 ans, qui se regardent avec nostalgie, mais aussi un immense respect et une évidente complicité. De son côté, Don Siegel déçoit avec une mise en scène bien trop classique, une photographie signée Bruce Surtees (Les Proies, Lenny) qui donne à son film un côté série télévisée et une reconstitution standard, comme si là encore le grand spectacle n’était plus et que le divertissement devait se contenter d’un cadre plus restreint et de couleurs fanées. Loin de son précédent western Sierra torride (1970), le cinéaste paraît bien plus intéressé, et on le comprend, par ses comédiens qu’il dirige d’une main de maître. Outre le duo de légendes susmentionné, les tronches de John Carradine, Scatman Crothers et de Richard Boone sont marquantes, mais une autre star tout aussi splendide donne la réplique au Duke, la grande Lauren Bacall dans le rôle de la veuve Rogers, qui aurait pu représenter une fin paisible pour Books, s’il n’avait pas été condamné par le « Big C » comme l’acteur appelait le « crabe ».
Le Dernier des géants suit donc les derniers jours d’un ancien tireur d’élite de l’Ouest, chaque jour étant d’ailleurs indiqué comme un compte à rebours. Des personnages satellites tentent de s’approprier l’ancien prestige du pistolero comme un journaliste peu scrupuleux avide d’écrire ses mémoires, ou bien encore une ancienne prostituée qui le demande en mariage dans le but d’hériter de ses biens. Sans compter un maire qui se prépare déjà à placarder un écriteau « Ici est mort John Bernard Brooks » à l’entrée de la ville et un shérif qui ferait tout pour accélérer le trépas de cet anachronisme puisqu’il rappelle une époque sanglante régie par la loi du talion. La relève est néanmoins bien là, incarnée par le jeune Ron Howard – qui avait déjà tâté du western avec Du sang dans la poussière de Richard Fleischer – mais nul ne remplacera Books, ce temps est révolu.
Profondément mélancolique, Le Dernier des géants vaut donc largement le coup d’oeil pour ces multiples raisons et pour accompagner le Duke vers sa dernière demeure. Enfin, la même année, sort sur les écrans Josey Wales hors-la-loi de et avec Clint Eastwood. Un renouveau pour une nouvelle légende déjà en devenir et qui signera lui aussi l’un des plus grands westerns crépusculaires de l’histoire du cinéma, Impitoyable – Unforgiven (1992).
LE BLU-RAY
Depuis le mois d’octobre, Sidonis Calysta a changé les visuels de ses sorties. Le Dernier des géants est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD. Le test de l’édition HD a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
On pouvait s’attendre à plus de monde pour parler du dernier film de John Wayne.
L’indéboulonnable Patrick Brion a répondu à l’appel de l’éditeur (8’). Comme d’habitude, l’historien du cinéma replace le film qui nous intéresse dans le genre et son contexte. Un procédé mécanique et redondant d’un film à l’autre, mais pourquoi pas. Cependant, Patrick Brion peine à trouver les arguments pour parler du Dernier des géants et passe son temps à parler du mythe John Wayne, irremplaçable dans le western. C’est dans les deux dernières minutes que notre interlocuteur en vient plus précisément sur le film de Don Siegel en parlant des partis pris du réalisateur, de l’interprétation de John Wayne et du parallèle fait avec sa propre vie.
L’éditeur reprend l’intervention du cinéaste John Landis (2006-4’), qui commente en réalité la bande-annonce originale du Dernier des géants. « C’est presque un bon film » dit le réalisateur de The Blues Brothers, qui revient notamment sur le casting et indique au passage avoir assisté au tournage de la scène finale.
On apprécie surtout le petit module tourné sur le plateau au moment des prises de vue de la dernière séquence du film (5’). L’occasion de voir Don Siegel et John Wayne avant le clap, ou le comédien taper la discute avec quelques admirateurs, auprès desquels il se confie sur la maladie « J’ai eu une année pourrie, mais je me sens mieux déjà ».
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
On a plus l’impression d’un DVD sensiblement amélioré qu’une édition HD digne ce nom. Les couleurs sont guère reluisantes, la copie reste marquée par des tâches et des points (sur les stockshots du début, mais pas seulement), la gestion du grain reste aléatoire et les détails sont parasités par des flous intempestifs. Le piqué manque à l’appel et même si certaines scènes sortent un peu du lot, comme toutes les séquences en extérieur, la restauration paraît bien datée. Demeure la stabilité d’ensemble, bien plus convaincante que sur l’ancienne édition DVD Seven7 sortie en 2004.
La piste française DTS-HD Master Audio 2.0 est nettement moins percutante que la version originale DTS-HD Master Audio 2.0. Du point de vue harmonie, cette dernière l’emporte aisément car plus aérée, fluide, dynamique, alliant les dialogues avec la musique et les effets avec une redoutable efficacité. Dans les deux cas, la propreté est de mise, la partition d’Elmer Bernstein est excellemment délivrée et les gunfights saisissants dans la dernière partie. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale. Notons également quelques trous dans la VF qui passe directement en version originale sous-titrée.
Scénario : Marc de Chauveron, Djamel Bensalah, Isaac Sharry
Photographie : Baptiste Nicolaï
Musique : Charlie Nguyen Kim
Durée : 1h42
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
En 2008, Sami Benboudaoud découvrait l’enfer de Neuilly-sur-seine ! Dix ans plus tard, alors que tout va pour le mieux pour Sami qui termine brillamment ses études de sciences politiques, plus rien ne va pour son cousin Charles de Chazelle. Depuis la défaite de son idole Sarkozy aux présidentielles, il a sombré dans une profonde dépression quand sa famille perd toute sa fortune et doit quitter Neuilly. Rejetés de tous, les Chazelle trouvent refuge chez Sami, cité Picasso, à Nanterre ! Dès lors, pour Sami et les habitants de sa cité, la vie ne sera plus jamais un long fleuve tranquille.
Il y a près de dix ans, une petite comédie dans l’air du temps débarquait sur les écrans et emportait avec elle plus de 2,5 millions de spectateurs. Neuilly sa mère ! réalisé par Gabriel Julien-Laferrière, d’après une idée de Djamel Bensalah (Le Ciel, les Oiseaux et… ta mère !, Le Raid, Il était une fois dans l’Oued) et un scénario de Marc et Philippe de Chauveron (L’Élève Ducobu, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?), ce film avait su profiter des vacances d’été et se faire une place au box-office annuel entre OSS 117 : Rio ne répond plus et Transformers: La Revanche. On ne s’y attendait pas, mais voici donc Neuilly sa mère, sa mère !, un deuxième opus dans lequel on retrouve la quasi-intégralité du casting original neuf ans après, à l’exception de Rachida Brakni, remplacée ici par Sophia Aram dans le rôle de Djamila de Chazelle. Alors que le premier était sorti sous l’ère bling-bling de Sarkozy, cette suite se situe après le mandat de François Hollande et les premiers mois de celui d’Emmanuel Macron. Autant dire que pour certains personnages, le choc a été rude. Pour tout le monde en fait. Si Neuilly sa mère, sa mère ! n’a pas la même fraîcheur que le film précédent, il n’en demeure pas moins que cette suite contient de très bons moments, pas fins certes, mais qui arrachent facilement quelques sourires et même quelques rires.
On retrouve donc Sami Benboudaoud, qui en 2008 avait quitté la cité Maurice-Ravel à Chalon-sur-Saône pour habiter chez sa tante à Neuilly-sur-Seine. Dix ans plus tard, il achève sans problème ses études à Sciences-Po, mais son cousin Charles de Chazelle est dans une impasse : son camp politique est en échec et son père, à la suite d’un scandale financier, est ruiné, et doit quitter Neuilly. Une seule solution pour les Chazelle, aller squatter chez leur cousin Sami, installé dans une cité à Nanterre, mais l’adaptation au franchissement de La Défense est pleine de rebondissements.
Soyons honnêtes, tout est ici encore plus caricatural que dans Neuilly sa mère !. Malgré tout, on se laisse emporter par la bonne humeur contagieuse de toute la troupe, visiblement heureuse de se retrouver. Samy Seghir peut parfois énerver à sourire autant que Khaled quand il entonne une chanson triste et celui qui se taille la part du lion dans Neuilly sa mère, sa mère ! est son partenaire Jérémy Denisty, ici clairement au centre du film, au point d’en devenir le narrateur. Le revirement politique de son personnage, devenant Socialiste après avoir reniflé les autres partis permet au jeune comédien de laisser libre cours à sa fantaisie et de démontrer une belle énergie comique. Si les autres sont quelque peu (Valérie Lemercier) voire complètement sacrifiés (la superbe Chloé Coulloud), Denis Podalydès est également en très grande forme et les protagonistes satellites, notamment l’excellent Julien Courbey, Laurent Gamelon et Booder, paraissent plus gâtés que le personnage de Samy Seghir, qui n’a pas grand-chose à défendre alors qu’il était le personnage principal dans le premier volet.
Du point de vue mise en scène c’est un peu le calme plat, la première partie est poussive, mais Gabriel Julien-Laferrière parvient à insuffler un rythme et le film devient de plus en plus drôle à mesure que le récit avance. Les scénaristes Djamel Bensalah et Marc de Chauveron parsèment leur histoire de petites répliques vachardes et de séquences cocasses qui nous font aller jusqu’au bout sans difficulté. Puis un film qui réunit d’immenses acteurs comiques comme Gérard Miller, Eric Dupont-Moretti, Arnaud Montebourg et Julien Dray ça ne se voit pas tous les jours non plus.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Neuilly sa mère, sa mère ! a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
L’éditeur livre le minimum syndical. Chose étonnante d’ailleurs puisque l’édition du premier opus disponible chez TF1 Vidéo débordait de suppléments ! Il faudra juste se contenter de la bande-annonce ici.
L’Image et le son
C’est pas mal, mais cette édition HD n’est pas optimale. Le cadre large est plaisant, les couleurs acidulées, mais le piqué est aléatoire, les scènes en basse lumière manquent de détails et même certains flous parasitent l’image à plusieurs reprises. Mais dans l’ensemble, ce Blu-ray est solide, les contrastes sont costauds et la luminosité est flatteuse.
La piste DTS-HD Master Audio 5.1 offre une belle spatialisation ponctuelle de la bande-son, caisson de basses compris. Outre la spatialisation musicale (le mythique Baby Love de The Supremes), certaines ambiances naturelles parviennent à percer sur les quelques séquences en extérieur (la pluie, l’orage, la circulation sur le périphérique) mais finalement, l’ensemble demeure axé sur les frontales, dynamiques et fluides, tandis que la centrale exsude les dialogues avec efficacité. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
LA FUREUR DE VAINCRE (Jing wu men)réalisé par Lo Wei,disponible en Blu-ray et 4K Ultra-HD le 27 octobre 2018 chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Bruce Lee, Nora Miao, James Tien, Robert Baker, Jun Arimura, Fu Ching Chen…
Scénario : Lo Wei
Photographie : Ching-Chu Chen
Musique : Ku Chia Hui, Fu-ling Wang
Durée : 1h47
Date de sortie initiale: 1972
LE FILM
A Shanghaï, le dojo Nijiguchi, dirigé par le japonais Suzuki, ne cesse d’humilier les écoles chinoises d’arts martiaux qui obéissent aux préceptes de tolérance taoïste et refusent de se battre. Chen Zhen est un jeune élève de Kung-Fu. Déchiré par la mort suspecte de son maître, il enfreint les règles de son école et décide de se venger en partant à l’assaut du dojo Nijiguchi.
Suite au triomphe inattendu de Big Boss, Bruce Lee doit honorer son contrat et enchaîne immédiatement sur le deuxième film qui le relie à la Golden Harvest. Malgré les incompatibilités (euphémisme) avec le réalisateur Lo Wei (1918-1996), le comédien s’associe à nouveau avec ce dernier, pour une production plus confortable suite au succès commercial précédent. Pour beaucoup de fans et de cinéphiles, La Fureur de vaincre – Jing wu men, mais aussi Fist of Fury à l’international, est le film dans lequel Bruce Lee livre sa meilleure performance en tant qu’acteur. 45 ans après sa sortie, le film étonne encore par la violence de son personnage principal, psychotique capable de tuer son adversaire en le ruant de coups de poing. Véritablement flippant, Bruce Lee est tour à tour empathique et repoussant, toujours impressionnant, et explose l’écran une fois de plus.
Après de longues vacances, Chen Zen rentre dans son école de kung-fu à Shanghaï, et y découvre que son maître, Huo, est mort. Peu de temps après, les représentants d’une école japonaise rivale viennent humilier l’école de Chen Zen en leur donnant un écriteau sur lequel il y est inscrit une insulte raciale envers les chinois, « Les Chinois sont les malades de l’Asie orientale ». Le lendemain, Chen Zen décide seul d’aller voir l’école japonaise, et de leur rendre leur écriteau. Les Japonais, trouvant Chen Zen trop téméraire le défient : Chen Zen abat tous les élèves de l’école, sans avoir une égratignure. Il découvre, un soir, que l’une des personnes de son école faisait partie des Japonais, et qu’il a empoisonné le maître Huo. Chen Zen va déchaîner sa fureur, jusqu’à tuer, et à devoir se déguiser pour ne pas être reconnu par la police.
Bruce Lee with a vengeance ! Attention à celui croisera son chemin ! Le comédien est parfait dans la peau de ce jeune élève d’arts martiaux, bien décidé à enquêter sur la mort mystérieuse de son maître. Dès son apparition à l’écran et la séquence des funérailles de Huo, le personnage incarné par Bruce Lee semble d’emblée instable, pour ne pas dire déséquilibré. La disparition de celui qui lui a tout enseigné et qui semblait être son seul pilier, va très vite précipiter Chen Zhen dans une colère noire doublée d’une folie meurtrière.
Le récit se déroule dans les années 1930, alors que la ville de Shanghaï est occupée par les Japonais, qui traitent les Chinois comme des animaux. Chen Zhen est une arme de destruction massive lancée sur l’envahisseur et va perdre pied petit à petit. Comme pour Big Boss, La Fureur de vaincre pèche aujourd’hui par son manque de rythme et quelques séquences très (trop?) dialoguées, d’une amourette faisant office de remplissage, ainsi qu’un aspect quelque peu étouffant en raison d’un tournage réalisé quasi-intégralement en studio. Mais quand l’action démarre, ça y va !
La scène où Bruce Lee fait face à plusieurs dizaines de combattants, armé de ses poings, de ses pieds et de son nunchaku, s’inscrit au panthéon du genre et aura marqué moult spectateur et cinéastes, à l’instar de Quentin Tarantino qui comme d’habitude « rendra hommage » (c’est plus élégant que de dire plagier) au film de Lo Wei dans le premier Kill Bill. Alors que l’action se déroule sous la dure domination des Japonais, Bruce Lee devient le symbole de la lutte d’un peuple, qui se lance corps et âme dans la mission qu’il s’est fixée. Encore plus politique que Big Boss, La Fureur de vaincre n’épargne cependant personne, pas même son protagoniste, machine à tuer que rien ni personne ne peut arrêter.
Le final où Chen Zhen se sacrifie, court et saute vers son ennemi reste dans toutes les mémoires, surtout en France (même si dans une version tronquée et censurée par le distributeur René Chateau) puisque La Fureur de vaincre était arrivée sur les écrans alors que l’acteur était déjà décédé. Les chorégraphies signées par Bruce Lee et Han Yin Chieh sont encore plus abouties et surtout réalistes que dans Big Boss. Les coups portés font très mal. Mais à côté de ces scènes de kung-fu, Bruce Lee impressionne par la force de son jeu véritablement enragé. Ses explosions de colère filmées en gros plan pourraient prêter à rire chez un autre. Ici, l’audience ressent la peur, la hargne, la douleur, la tristesse aussi. L’émotion est donc là, palpable, constante et font de La Fureur de vaincre une plus grande réussite que Big Boss, ce qui sera d’ailleurs confirmé au box-office puisque le record du premier film est pulvérisé. Mais le meilleur reste à venir, ce sera La Fureur du Dragon.
LE 4K UHD
La Fureur de vaincre fait son retour dans les bacs dans une version restaurée 4K ! Toujours sous la houlette de Metropolitan Vidéo, le film de Lo Wei est donc à nouveau disponible en Haute-Définition, mais également en 4K UHD ! Même menu principal pour les deux disques, les suppléments sont disposés sur le Blu-ray. Existe aussi en coffret “Définitif” 4K Ultra HD + Blu-ray, comprenant Big Boss, La Fureur de vaincre, La Fureur du Dragon et Le Jeu de la mort.
Peu de suppléments sur cette édition :
Au cours d’une interview réalisée en 2003, le cinéaste Christophe Gans revient rapidement sur Bruce Lee et La Fureur de vaincre (4’). Si l’entretien est très court, le réalisateur de Crying Freeman aborde moult sujets comme l’influence du cinéma de Chang Cheh avec le héros qui n’hésite pas à se sacrifier à la fin du film. Il passe également en revue la psychologie perturbée du personnage, la violence inouïe de La Fureur de vaincre et sa découverte du film au cinéma.
Acteur, cascadeur, chorégraphe et réalisateur hongkongais, Yuen Wah, qui faisait ses débuts en tant que comédien dans La Fureur de vaincre, partage ses souvenirs de tournage (10’). Egalement doublure de Bruce Lee, Yuen Wah évoque aussi son propre parcours.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Comme nous l’indiquions sur le test de Big Boss, pas de HDR sur cette édition 4K (HEVC, 2160/24p) ! L’upgrade est ici moins convaincant que pour la première association Bruce Lee – Lo Wei et ce en raison d’un tournage essentiellement en studio. Peu de profondeur de champ ici, les détails sont amoindris et seules les très rares scènes tournées en extérieur, comme celle du panneau « Interdit aux chiens et aux Chinois » sortent réellement du lot avec une très belle luminosité. Entièrement restauré en 4K par l’incontournable laboratoire de L’Immagine Ritrovata de la Cineteca di Bologna, à partir du négatif original, La Fureur de vaincre dispose d’un master dans son format respecté 2.35, évidemment très propre et les contrastes sont fermes. En revanche, la colorimétrie est un peu à la traîne, d’autant plus que les teintes froides tirent sur des gammes jaunâtres. Le générique reste marqué par de légers fourmillements et un grain plus aléatoire.
En ce qui concerne l’acoustique, l’éditeur a repris les mêmes pistes déjà proposées sur le Blu-ray de 2011 avec une piste française upgradée en DTS HD Master Audio 7.1 sur le 4K, une version en Mandarin 6.1 (ainsi qu’en Mono) et une piste Mono Cantonaise (la plus faible du lot en raison d’un écho systématique des dialogues). Faites donc votre choix, d’autant plus que chacune possède sa spécificité, une piste son différente et des ambiances aussi variées. Pour certains puristes, la VF proposée ici n’est pas celle exploitée en VHS, la spatialisation paraît souvent artificielle et l’ensemble mise trop souvent sur les bruitages (voir les cris de Bruce Lee largement exagérés) au détriment de la musique, qui disparaît souvent. Pour un plus grand confort, privilégiez le Mandarin en Mono, plus naturelle, homogène et dynamique que la 6.1 qui ne sert pour ainsi dire à rien.
DÉTECTIVE DEE, LA LÉGENDE DES ROIS CÉLESTES (Di Renjie zhi Sidatianwang) réalisépar Tsui Hark,disponible en DVD, Blu-ray et Combo Blu-ray 3D + Blu-ray + Copie digitale le 12 décembre chez M6 Vidéo
Une vague de crimes perpétrée par des guerriers masqués terrifie l’empire de la dynastie des Tang. Alors que l’impératrice Wu est placée sous protection, le détective Dee part sur les traces de ces mystérieux criminels. Sur le point de découvrir une conspiration sans précédent, Dee et ses compagnons vont se retrouver au cœur d’un conflit mortel où magie et complots s’allient pour faire tomber l’Empire…
Et de 3 ! Détective Dee : La Légende des Rois Célestes est le troisième volet de la franchise initiée en 2010 avec Détective Dee, Le Mystère de la flamme fantôme et Détective Dee 2 : La Légende du Dragon des mers en 2013. Le second était en réalité un prequel au premier dans lequel Mark Chao interprétait le personnage tenu par le mythique Andy Lau dans le premier, mais 25 ans plus jeune. Ce troisième épisode – qui peut se voir indépendamment des précédents – est la suite du second, donc Mark Chao reprend le rôle pour une nouvelle enquête. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Tsui Hark dispose de moyens impressionnants pour mettre en valeur les aventures de ce personnage historique rendu célèbre en 1946 par l’écrivain néerlandais Robert van Gulik, diplomate et sinologue, expert de la langue et de l’écriture chinoise. A la fin des années 40, l’auteur néerlandais traduit en anglais un roman policier chinois du XVIIIème siècle, le Dee Gong An, racontant trois enquêtes criminelles résolues par le juge Dee-Jen Djieh qui deviendra le Juge Ti en France. Les enquêtes du Détective Dee se déroulent durant l’époque Tang au VIIème siècle et se basent sur des éléments historiques.
Tsui Hark, cinéaste culte qui a déjà près de quarante ans de carrière derrière lui et des œuvres cultes comme Zu, les guerriers de la montagne magique, quatre volets de la saga Il était une fois en Chine, Le Festin Chinois, ainsi que deux Van Damme (Double Team et Piège à Hong Kong), 68 ans au compteur, n’est pas prêt de raccrocher les gants. Toutefois, comme pour les deux précédents volets, ce Détective Dee : La Légende des Rois Célestes aura à la fois ses détracteurs et ses ardents défenseurs. Si le premier épisode était très sympa, sa réussite reposait beaucoup sur la présence d’Andy Lau. Mark Chao incarne malheureusement un héros bien fade et finalement c’est surtout Tsui Hark lui-même qui devient la star ici.
Décidé à en mettre plein la vue, le cinéaste ne recule devant aucune extravagance et barbouille chaque séquence de couleurs, de costumes, de décors gigantesques, mais aussi d’images de synthèse absolument immondes qui donnent au film un malheureux cachet nanar de luxe. Nous ne remettrons sûrement pas en question la beauté des costumes et des décors. Mais contrairement au premier, qui avait nécessité deux ans de tournage, dix mois de travail sur les dessins préparatoires, 16 millions de dollars de budget, 6000 figurants, dix grandes scènes visuelles, un trucage toutes les 30 secondes, Détective Dee : La Légende des Rois Célestes apparaît presque « facile » dans le sens où l’image est constamment parasitée par des effets numériques hideux, qui font penser à certaines productions hollywoodiennes comme La Momie : la Tombe de l’Empereur Dragon de Rob Cohen avec ses créatures affreuses (ici un singe géant qui se la joue King Kong dans une scène où des dragons remplacent les avions), des fonds verts qui se voient comme le nez au milieu de la figure et un faux rythme constamment instauré par une hystérie collective.
Tsui Hark se prend pour Michael Bay avec un montage épileptique. Si les récits opaques des deux précédents opus pouvaient passer, surtout pour le premier avec ses superbes chorégraphies et ses combats virtuoses qui dépoussiéraient le wu xia pian (le film de sabre chinois), Détective Dee : La Légende des Rois Célestes ne parvient jamais à passionner. Le syndrome est le même que précédemment. On part confiant, attentif, curieux, concentré, afin de ne pas laisser passer tel ou tel élément dans ce blockbuster épique. Le premier quart d’heure est emballant. Puis, les personnages et les sous-intrigues se multiplient, l’intrigue s’éparpille, l’action – filmée en 3D native et HFR, High rame Rate 48 images par seconde – s’emballe, les effets spéciaux recouvrent l’écran avec des couleurs acidulées et explosives, les comédiens deviennent des pantins qui s’articulent et se confrontent devant des green-screen apparents.
Le cerveau se met alors en mode Off et le spectateur commence à regarder (subir ?) ce spectacle gloubi-blouguesque, jusqu’à l’indigestion. Et cela dure 2h10 ! Le tout prend alors la forme d’un mauvais Marvel Asiatique bourré de cholestérol ou un opus de l’horrible et interminable Hobbit de Peter Jackson, qui aurait eu sérieusement besoin d’un bon dégraissage. Demeure le personnage de la guerrière Shui Yue (Sichun Ma), bad-ass, mais c’est trop peu pour sauver ce film dont l’émotion et l’intention nous échappent encore.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Détective Dee : La Légende des Rois Célestes, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check disc. Le menu principal est animé et musical.
En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint un entretien passionnant avec Tsui Hark (27’). Le réalisateur revient (en anglais) sur l’origine du personnage du Détective Dee, sa figure historique avant que la culture s’en empare pour en faire un personnage de roman, puis un héros populaire au cinéma. Cigare à la main, détendu, Tsui Hark aborde également la longue mise en route du premier volet et les partis pris. Il survole rapidement le second épisode avant d’en venir à Détective Dee : La Légende des Rois Célestes. Le cinéaste évoque rapidement un possible quatrième volet qui serait selon lui complètement différent puisqu’il serait centré sur les souffrances provoquées par les traumas de la vie du personnage principal. Enfin, Tsui Hark parle des scènes d’action et de la difficulté rencontrée par les cascadeurs Chinois de se renouveler.
L’Image et le son
M6 Video livre une splendide copie HD de Détective Dee : La Légende des Rois Célestes. La colorimétrie est magnifique, le relief des séquences diurnes ahurissant, la clarté aveuglante, les contrastes savamment tranchés, les noirs abyssaux et la profondeur de champ spectaculaire. En revanche, les effets spéciaux (les vues d’ensemble de la cité, les créatures en images de synthèse) ressemblent à des animatiques. Toutefois, cela n’entrave en rien l’éclat de l’image et ne perturbe aucunement le visionnage. La photo accorde les gammes froides et chatoyantes avec une extrême rigueur, tandis que le piqué demeure effilé y compris au cours des séquences d’action particulièrement remuantes. La définition soutenue par un solide encodage AVC permet d’apprécier chaque recoin des luxuriants décors et les étoffes des costumes, à tel point que l’on pourrait même distinguer la colle sur les fausses moustaches des comédiens en gros plan. Les apports de la HD sont donc innombrables et font de ce Blu ray un titre de démonstration de ce dernier trimestre 2018.
Votre home-cinéma sera mis à rude épreuve avec le film de Tsui Hark et nous vous conseillons de visionner le film en plein jour pour éviter tout tapage nocturne. En français comme en mandarin (sous-titré français), les pistes DTS HD Master Audio 5.1 s’en donnent à cœur joie et exploitent le moindre recoin de votre installation dans un tourbillon acoustique aussi retentissant que renversant. Toutes les enceintes distillent un lot d’effets en tous genres durant plus de deux heures, la musique est particulièrement servie par une éblouissante spatialisation et les dialogues ne manquent jamais de punch ni de fluidité sur la centrale. Les sous-titres français sont également disponibles.
LA NUIT A DÉVORÉ LE MONDE réalisé par Dominique Rocher,disponible en DVD le 15 octobre 2018 chez Blaq Out
Acteurs : Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz, David Kammenos, Jean-Yves Cylly, Nancy Murillo, Lina-Rose Djedje, Victor Van Der Woerd
Scénario : Guillaume Lemans, Jérémie Guez, Dominique Rocher d’après le roman « La Nuit a dévoré le monde » de Pit Agarmen
Photographie : Jordane Chouzenoux
Musique : David Gubitsch
Durée : 1h30
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
En se réveillant ce matin dans cet appartement où la veille encore la fête battait son plein Sam doit se rendre à l’évidence : il est tout seul et des morts-vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et s’organiser pour continuer à vivre. Mais Sam est-il vraiment le seul survivant ?
Chaque année, le cinéma réserve son lot de révélations. 2018 a été un très bon cru pour le cinéma français. Aux côtés de Xavier Legrand pour Jusqu’à la garde, Dominique Rocher se fait une belle place avec son premier long métrage, La Nuit a dévoré le monde. Sublime titre repris du roman éponyme de Pit Agarmen (pseudonyme et anagramme de l’écrivain Martin Page), publié en 2012, dont il s’agit de l’adaptation. Ce serait cliché de dire « Oui, il existe un cinéma de genre en France », puisque même Méliès abordait déjà le fantastique dans ses œuvres en lorgnant même sur l’épouvante afin d’effrayer les spectateurs avec ses démonstrations filmées. La Nuit a dévoré le monde s’inscrit dans le genre des films de zombies, tout en conservant une identité bien française. Un film fantastique est un film d’auteur et ça depuis les débuts du cinéma, donc là aussi, pas besoin de différencier les deux. La Nuit a dévoré le monde s’inscrit dans le genre avec une grande réussite doublée d’une étonnante et rare maturité pour une première œuvre.
Sur un rythme lent mais maîtrisé, Dominique Rocher, découvert entre autres avec son magnifique court-métrage La Vitesse du passé, démontre un talent fou de storyteller. Faisant la part belle au ressenti avec un énorme travail sur le son, le cadre, le montage, la photo, le cinéaste s’approprie les codes du film de genre pour livrer un film personnel, organique, passionnant, troublant. Cette transposition co-signée par le réalisateur avec les solides Jérémie Guez (Lukas avec Jean-Claude Van Damme, Carnivores des frères Rénier) et Guillaume Lemans (Pour elle de Fred Cavayé, Burn-Out de Yann Gozlan – autre nom à retenir de 2018 – et Dans la brume de Daniel Roby) est marquée par une grande et réelle envie de cinéma, d’allier le divertissement et la réflexion.
La Nuit a dévoré le monde est autant un film fantastique qu’un drame psychologique puisque le personnage principal apparaît déprimé au début du film des suites de sa séparation avec sa compagne et traverse lui-même l’appartement rempli de fêtards comme un être invisible. L’idée de génie de Dominique Rocher est d’avoir confié le rôle de Sam au magnétique comédien danois Anders Danielsen Lie, découvert en 2011 dans Oslo, 31 août de Joachim Trier et vu ensuite dans l’enivrant Fidelio, l’odyssée d’Alice de Lucie Borleteau, Ce sentiment de l’été de Mikhaël Hers et l’interprète de Rainer Maria Rilke dans Rodin de Jacques Doillon. Comme il l’a déjà démontré dans ses films précédents, l’acteur est parfait pour restituer les tourments qui agitent son personnage, visiblement solitaire. Alors que Sam connaît une période noire de sa vie et paraissait même déconnecté de ce qui passait autour de lui, il va devoir réapprendre à s’adapter dans un monde qui a changé en une seule nuit, sans transition, entouré de zombies avides de chair humaine et visiblement attirés par la cacophonie.
Le récit se déroule sur une année. Le spectateur suit Sam au fil des saisons, marquées par les vêtements du personnage, sa transformation physique (amaigri, les cheveux clairsemés et grisonnants) et le traitement des couleurs – de la directrice de la photographie Jordane Chouzenoux – qui deviennent de plus en plus froides. La survie passe par la mise en sécurité dans un appartement d’un immeuble haussmannien indépendant (Sam ne peut donc pas passer d’un bâtiment à l’autre), après que Sam ait constaté qu’il était bien le seul non contaminé dans les habitations voisines. N’attendez pas des attaques frontales, effets d’hémoglobine ou de tripes arrachées puis mangées. Ce qui importe ici, c’est le cheminement intérieur de Sam, qui sort peu à peu de sa dépression pour regarder la réalité en face. En tant que musicien, il trouve tout d’abord un peu de réconfort et de calme en écoutant un MP3 trouvé par hasard, avant de se constituer quelques instruments à l’aide d’ustensiles de cuisine. Jusqu’à ce qu’il mette la main sur une batterie sur laquelle passer ses nerfs, alors que les zombies, attirés par ce vacarme, s’agglutinent en bas de l’immeuble avec la bave aux lèvres.
La Nuit a dévoré le monde prend le genre au sérieux et l’aborde par un moyen détourné, à travers le récit initiatique d’un trentenaire alors au bout du rouleau, mis au pied du mur pour revenir à la vie et pour pouvoir survivre au quotidien, comme Robinson Crusoé sur son île déserte. D’ailleurs, le zombie coincé dans l’ascenseur interprété par Denis Lavant, auquel se confie Alex peut très bien se voir comme le célèbre Wilson du Seul au monde de Robert Zemeckis. Enfin, l’expérience ne serait pas complète sans l’hypnotique musique de David Gubitsch, qui instaure angoisse et suspense du début à la fin. S’il partage quelques points communs avec Dans la brume, écrit par le même scénariste Guillaume Lemans, La Nuit a dévoré le monde est pourtant complètement différent et se place définitivement dans le top des grandes découvertes de l’année.
LE DVD
Point d’édition Blu-ray pour La Nuit a dévoré le monde et c’est bien dommage. Toutefois, Blaq Out concocte un très bel objet pour la sortie en DVD du film de Dominique Rocher. Le slim Digipack est très beau, mais l’éditeur a préféré changer la couleur bleue originale de l’affiche pour la passer en couleur rouge sang, sans doute pour espérer attirer de nouveaux spectateurs. Le menu principal est fixe et musical.
Trois interviews réalisées sur le plateau se succèdent. Le réalisateur Dominique Rocher (6’), le co-scénariste Guillaume Lemans (6’30) et le responsable des maquillages Olivier Alfonso (5’30). Denses et pertinents, ces entretiens en disent long sur la genèse du projet, sur la psychologie du personnage principal, sur les partis et les intentions du metteur en scène. Dominique Rochet revient également sur les thèmes qu’il affectionne (l’isolement) et sur le casting. De son côté, Guillaume Lemans aborde le genre traité « à la française » et indique travailler avec Dominique Rocher sur un autre projet. Enfin, ce petit tour dans les ateliers de fabrication des maquillages de zombie est très intéressant.
Blaq Out a toujours défendu le format court-métrage. Et quel plaisir de découvrir le magnifique film de Dominique Rocher, La Vitesse du passé (2011-17’). Drame de science fiction ambitieux avec Mélanie Thierry, Nicolas Giraud et Alban Lenoir, ce court-métrage a été diffusé notamment sur Canal+ et dans les cinémas du réseau MK2 en avant-programme, ainsi que dans certains des plus grands festivals internationaux (Cannes, Toronto, Bermudes…). Lauréat du prix du meilleur film étranger au festival de Santa Monica, La Vitesse du passé a permis à Dominique Rocher de se faire remarquer et de se faire produire son premier long métrage. Margot et Joseph partent vivre loin de la ville, éloignés de tout, et retapent une vieille maison dans laquelle ils s’installent à peine. Un jour, la terre se met à trembler et le temps s’arrête, figeant Joseph dans sa chute depuis le toit de la maison. Il reste figé dans l’espace et le temps, mais continue malgré tout de descendre lentement vers le sol. Margot, elle, ne semble pas subir ce moment et continue de vivre, espérant que Joseph se remette à bouger à vitesse normale.
En guise de conclusion, l’éditeur permet d’écouter la superbe bande-originale de David Gubitsch.
L’Image et le son
Dommage de ne pas bénéficier de La Nuit a dévoré le monde en Haute-Définition. Malgré tout, cette édition SD en met souvent plein la vue. Blaq Out prend soin du film de Dominique Rocher et restitue les partis pris avec minutie, notamment le travail sur les couleurs qui indique le changement de saison et donc le temps qui s’écoule doucement pour Alex. Les détails sont précis, le piqué incisif, la clarté de mise sur les plans extérieurs. Un très beau master.
La piste Dolby Digital 5.1 permet à la composition de David Gubitsch de s’étendre (voir également la fête au début du film) et de créer une aura particulière qui berce doucement les spectateurs et qui s’agite durant le crescendo final. Les effets sont essentiellement frontaux. Vous pouvez donc sélectionner la Stéréo, qui s’en tire également très bien, avec une bonne dynamique et des effets percutants à l’instar des coups de fusil. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.
ROULEZ JEUNESSE réalisé par Julien Guetta,disponible en DVD et Blu-ray le 28 novembre 2018 chez Le Pacte
Acteurs : Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan, Ilan Debrabant, Louise Labeque, Déborah Lukumuena, Marie Kremer, Satya Dusaugey…
Scénario : Dominique Baumard, Julien Guetta
Photographie : Benjamin Roux
Musique : Thomas Krameyer
Durée : 1h20
Date de sortie initiale: 2018
LE FILM
Alex, 43 ans, est dépanneur automobile dans le garage que dirige sa mère d’une main de fer. Un jour, il dépanne une jeune femme et passe la nuit chez elle ; mais au petit matin, elle a disparu, lui laissant trois jeunes enfants sur les bras…
Mouais…la critique a été plutôt élogieuse et positive pour le premier long métrage de Julien Guetta, diplômé de la Fémis, département « scénario », promotion 2009. Après moult courts métrages et le scénario de Joueurs de Marie Monge, le jeune cinéaste passe au format long avec Roulez jeunesse. Très inspiré par les liens familiaux et l’héritage familial, Julien Guetta développe ces thèmes dans son premier film. Très mal vendu, comme une simple « comédie de l’été », Roulez jeunesse est pourtant une œuvre mi-figue mi-raisin, qui hésite constamment entre un humour léger et des éléments dramatiques sérieux. Le résultat est trop hésitant pour convaincre. Le choix d’Eric Judor dans le rôle principal était on ne peut pus judicieux et si le comédien est aussi excellent qu’attachant, rien ou pas grand-chose ne fonctionne dans Roulez jeunesse.
Pour une fois, l’affiche est raccord avec le film qu’elle vend. C’est bleu, c’est jaune. Roulez jeunesse n’est qu’une comédie française comme les autres qui tente de donner le change en prenant un virage aussi inattendu que maladroit. Julien Guetta enchaîne alors les gags et quiproquos jamais crédibles et s’emmêle les pinceaux en voulant bien faire et montrer ce dont il est capable. Il y a de bonnes choses dans Roulez jeunesse, les comédiens surtout avec donc un Eric Judor au top de sa forme et dont le talent dramatique semble avoir étonné une partie de la presse qui le considérait sûrement comme un simple trublion sans autres cordes à son arc. Il est parfait dans le rôle de ce (faux) Tanguy malgré-lui dont la mère, incarnée par la géniale Brigitte Rouän, est propriétaire d’un garage dans lequel il bosse, ou du moins il voit passer les jours au volant de sa dépanneuse. La quarantaine entamée, Alex n’a sûrement pas vu passer les années. Pour la première fois de sa vie, il va devoir prendre quelques décisions importantes qui pourraient bien déterminer le futur de trois gamins (dont un bébé) dont la mère camée a disparu. Ça fait beaucoup d’éléments pour ce petit film, qui n’a clairement pas les moyens de ses ambitions et surtout la maturité qui lui faudrait.
C’est gentillet, mais disons le mot c’est aussi nul. Les gamins sont amusants deux minutes, mais tout est tellement rabattu, cliché, prévisible. Si le film est court (1h20 montre en main), le rythme est très mal géré, c’est long, redondant. Dommage, car Julien Guetta, grand cinéphile, a de grandes références et évoque même Cinq pièces faciles – Five Easy Pieces de Bob Rafelson avec Jack Nicholson pour Roulez jeunesse, ainsi que les films de Ken Loach, Martin Scorsese et Steven Spielberg. On se demande juste quel est vraiment le rapport avec son premier long métrage.
Récit initiatique certes, mais tout va trop vite en besogne et le personnage principal évolue bien trop rapidement en prenant une décision importante, sans que rien ne le laisse présager. Finalement, le plus beau personnage du film est l’assistante sociale interprété par la géniale et sensuelle – même coiffée comme un dessous-de-bras – Laure Calamy, dont la douceur et la force de caractère apportent l’âme dont Roulez jeunesse a sacrément besoin. C’est donc un téléfilm Modem, il en a d’ailleurs la couleur orangée, en roue libre, sans force de caractère, qui se laisse regarder, mais qui ne fait ni chaud ni froid.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Roulez jeunesse, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier économique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné qui reprend le visuel de l’affiche. Le menu principal est animé et musical.
L’entretien avec Julien Guetta est très sympathique (20’). On serait même tenté de redonner une chance à son premier long métrage tant le réalisateur s’avère attachant et visiblement amoureux du cinéma. L’interviewé revient sur son parcours, ses thèmes de prédilection (la famille, la filiation), les partis pris et ses intentions pour Roulez jeunesse, le casting, le travail avec le chef opérateur Benjamin Roux et cite ouvertement Maurice Pialat, Claude Sautet, Steven Spielberg, Martin Scorsese et bien d’autres comme cinéastes de prédilection.
On enchaîne avec trois scènes coupées plus ou moins amusantes, surtout celle en version intégrale où Alex se retrouve flanqué d’un automobiliste complètement camé (7’).
L’éditeur joint également un court-métrage de Julien Guetta, intitulé Lana Del Roy (26’). Jean-Philippe se reconstruit enfin depuis qu’il sort avec Lana, une fleuriste qui bouscule son quotidien morose. Mais au moment des présentations avec son fils Morgan, ce dernier découvre que Lana est une ancienne star du porno. Réalisé en 2016, ce petit film émeut, mais les comédiens peinent à convaincre réellement.
L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et la bande-annonce.
L’Image et le son
Ce transfert HD est soigné, avec une prédominance de couleurs vives et pétillantes (explosion de teintes jaunes et bleues), des contrastes au beau fixe et un piqué agréable. La définition est au top, les détails foisonnants sur le cadre large et ce master demeure un bel objet avec un relief omniprésent, des séquences diurnes aussi magnifiques qu’étincelantes et un grain léger.
Dès le générique, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 sollicite l’ensemble des enceintes et offre une solide spatialisation. Ce mixage fait la part belle à la musique, présente pendant tout le film. Les dialogues se détachent sans mal sur la centrale, tandis que les ambiances naturelles en extérieur demeurent constantes comme le bruit assourdissant de la circulation sur l’autoroute. Le spectacle acoustique est assuré. L’éditeur joint également une piste DTS-HD Master Audio 2.0 de fort bon acabit, des sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.