Test Blu-ray / Otalia de Bahia, réalisé par Marcel Camus

OTALIA DE BAHIA réalisé par Marcel Camus, disponible en Blu-ray le 14 décembre 2023 chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Mira Fonseca, Maria Viana, Antonio Pitanga, Jofre Soares, Zeni Pereira, Djalma Correa, Mãe Massu, Emmanuel Cavalcanti…

Scénario : Marcel Camus & Jorge Amado, d’après le roman de ce dernier, Les Pâtres de la nuit

Photographie : André Domage

Musique : Walter Queiroz, Antônio Carlos & Jocáfi

Durée : 2h01

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

Années 1970 – Dans les quartiers pauvres de Salvador, sur les hauteurs de Bahia, vit une communauté composée de personnages pittoresques et chaleureux. Ils ont pour nom Coq Fou, Ygrec, Massu, Rosa Moustache… et Otalia. Cette dernière, prostituée au service de Dona Tiberia, est amoureuse du caporal Martim. Cette bande de joyeux drilles partage une passion commune pour la musique, la danse et l’amour. Mais leur pauvreté les confronte aussi régulièrement à la police.

Ancien assistant de Jacques Becker (Antoine et Antoinette, Édouard et Caroline, Casque d’Or), de Marc Allégret (La Demoiselle et son revenant), d’Henri Verneuil (L’Ennemi public numéro un) et même de Luis Buñuel (Cela s’appelle l’aurore), Marcel Camus (1912-1982) passe à son tour derrière la caméra en 1957 avec Mort en fraude, drame qui fait frémir les critiques et qui écope d’une interdiction dans les territoires français d’outre-mer en raison de son sujet, la politique française en Indochine. La consécration internationale vient très rapidement, puisqu’en 1959, Marcel Camus signe Orfeu Negro, 3,7 millions d’entrées en France et lauréat de la Palme d’or au Festival de Cannes, ainsi que de l’Oscar du meilleur film étranger. Suivront encore sept longs-métrages, parmi lesquels Le Chant du monde (1965) avec Catherine Deneuve et Charles Vanel, d’après le roman de Jean Giono, ainsi que Le Mur de l’Atlantique, son plus grand succès commercial, sorti juste après la mort prématurée de Bourvil. Otalia de Bahia (1975) est son dernier opus signé pour le cinéma et sans doute l’un des plus représentatifs de la carrière du réalisateur. Cette adaptation du roman de Jorge Amado, Os pastores da noiteLes Pâtres de la nuit, permet au metteur en scène de célébrer le Brésil, pays qu’il affectionnait tout particulièrement et dont ses deux compagnes, Marpessa Dawn et Lourdes de Oliveira, vedettes d’Orfeu Negro, étaient d’ailleurs originaires. Festival de couleurs et de danses, où sont célébrées les traditions, les superstitions et la jouissance de vivre, Otalia de Bahia se place sur le fil tendu entre la fiction et le documentaire, dresse le portrait de plusieurs personnages originaux, composantes essentielles d’un groupe soudé, sur lequel trône la femme, la mère, l’amante et la putain, sans qui l’homme ne serait qu’un minable des rues. Une étonnante découverte doublée d’un plaisir visuel de chaque instant.

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Test Blu-ray / Gueules noires, réalisé par Mathieu Turi

GUEULES NOIRES réalisé par Mathieu Turi, disponible en DVD & Blu-ray le 20 mars 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Samuel Le Bihan, Amir El Kacem, Thomas Solivérès, Jean-Hugues Anglade, Carl Laforêt, Diego Martín, Marc Riso, Bruno Sanches…

Scénario : Mathieu Turi

Photographie : Alain Duplantier

Musique : Olivier Derivière

Durée : 1h43

Année de sortie : 2023

LE FILM

1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir quelque chose qui aurait dû rester endormi…

À l’occasion de la sortie du formidable Méandre en DVD et Blu-ray en septembre 2021, nous étions revenus sur le travail du réalisateur Mathieu Turi. Deux ans après, le revoilà avec son troisième long-métrage, Gueules noires, nouveau film de genre, qui comme qui dirait compile les éléments des deux opus précédents de Mathieu Turi, Hostile et Méandre, qui confronte une équipe de mineurs de fond avec une créature tout droit héritée des écrits de H.P. Lovecraft. Mais là où Méandre brillait par le talent, l’implication et le charisme de Gaia Weiss, on ne peut pas en dire autant pour Gueules noires avec sa bande de comédiens où peu parviennent à se distinguer, à part sans doute Bruno Sanches (comparse d’Alex Lutz dans Catherine et Liliane, qui cartonne dans la série HPI aux côtés d’Audrey Fleurot) et l’imposant Marc Riso (Divorce Club, Jumeaux mais pas trop, Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée), quant au reste…Samuel Le Bihan n’a jamais vraiment convaincu par ses qualités d’acteurs, toutefois il s’en sort étonnamment mieux que Jean-Hugues Anglade, aussi improbable que foncièrement mauvais ici dans le rôle du professeur Berthier, auquel on ne croit pas une seconde. Même chose pour l’irritant Thomas Solivérès (découvert dans Intouchables) qui passe son temps à rouler les yeux pour montrer que son personnage est frappadingue, Amir El Kacem (Inséparables, Jalouse) dont pas une réplique ne tombe juste, ainsi que l’espagnol Diego Martín (Nouveau départ, Rec 3 Génesis) complètement transparent. Le bât blesse au niveau de la direction d’acteurs, qui non seulement ont peu à défendre, mais qui le font aussi très mal du début à la fin, quand bien même Gueules noires démarre pourtant très bien et s’avère même prometteur…jusqu’à l’apparition du monstre enfoui sous la terre nordique. Et là, c’est le drame comme on dit. Néanmoins, on ne peut s’empêcher d’avoir beaucoup d’affection pour Gueules noires, car Mathieu Turi croit à fond dans son projet et cela se ressent. Le metteur en scène en a sérieusement sous le capot et même si son troisième film est un semi-ratage, voilà du cinéma français de genre qui ose, qui n’a pas peur et qui n’a pas à rougir de proposer une alternative aux spectateurs hexagonaux après Le Règne animal de Thomas Cailley, Acide de Just Philippot, Vermines de Sébastien Vaniček, Vincent doit mourir de Stephan Castang et La Gravité de Cédric Ido.

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Test DVD / Avant que les flammes ne s’éteignent, réalisé par Mehdi Fikri

AVANT QUE LES FLAMMES NE S’ÉTEIGNENT réalisé par Mehdi Fikri, disponible en DVD le 17 avril 2024 chez Blaq Out.

Acteurs : Camélia Jordana, Sofiane Zermani, Sofian Khammes, Sonia Faidi, Louise Coldefy, Makita Samba, Hammou Graïa, Abdelmalik Yahyaoui…

Scénario : Mehdi Fikri, Claude Le Pape & Aude Thuries

Photographie : Romain Carcanade

Musique : Andrea Boccadoro

Durée : 1h34

Année de sortie : 2023

LE FILM

Suite à la mort de son petit frère lors d’une interpellation de police, Malika se lance dans un combat judiciaire afin qu’un procès ait lieu. Mais sa quête de vérité met en péril l’équilibre de sa famille.

Quand ce n’est pas la gauche qui tire à boulets rouges sur un film comme Sound of Freedom ou Vaincre ou mourir, c’est l’extrême-droite qui s’en charge pour Avant que les flammes ne s’éteignent. C’est du moins ce qu’on essaye de nous faire croire pour justifier le bide rencontré par ces trois films dans nos contrées. Non, si ces trois longs-métrages se sont plantés, c’est tout simplement parce qu’ils sont très mauvais et que le bouche-à-oreille n’a pas fonctionné. À moins que certains spécialistes et adeptes du complot se soient mis en tête que les spectateurs étaient tellement dépourvus de sens critique qu’ils s’étaient laissés berner par les pseudo-critiques, au point de ne pas aller au cinéma afin de se faire leur propre opinion. Avant que les flammes ne s’éteignent surfe sur un sujet brûlant, les bavures policières, colportées par un parti – devenu nauséabond – anti-flics, pour lequel le réalisateur Mehdi Fikri se serait inspiré de plusieurs affaires, celles d’Amine Bentounsi en 2012, de Lamine Dieng en 2007, d’Ali Ziri en 2009, de Wissam El-Yamni en 2012 et bien sûr de Adama Traoré en 2016. Pourquoi bien sûr pour ce dernier ? Car Camélia Jordana, si le personnage qu’elle incarne dans Avant que les flammes ne s’éteignent s’appelle Malika, interprète plus ou moins Assa Traoré. Évidemment, forcément, le premier long-métrage de Mehdi Fikri n’allait pas passer inaperçu dans les médias, bien qu’il le fera dans les salles avec seulement 23.000 entrées, et donnera autant de grain à moudre chez Yann Barthès et Mouloud Achour que chez Cyril Hanouna et Pascal Praud. Tout cela pour dire qu’Avant les flammes ne s’éteignent est en l’état d’une rare médiocrité, mis en scène à la va-comme-je-te-pousse, avec des protagonistes détestables et mollement campés par des acteurs peu aidés par une écriture scolaire, pourtant cosignée Claude Le Pape (Reprise en main, Petit paysan, Les Combattants).

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Test Blu-ray / La Chimère, réalisé par Alice Rohrwacher

LA CHIMÈRE (La Chimera) réalisé par Alice Rohrwacher, disponible en DVD & Blu-ray le 6 avril 2024 chez Ad Vitam.

Acteurs : Josh O’Connor, Carol Duarte, Vincenzo Nemolato, Isabella Rossellini, Alba Rohrwacher, Lou Roy-Lecollinet, Giuliano Mantovani, Gian Piero Capretto…

Scénario : Alice Rohrwacher, Carmela Covino & Marco Pettenello

Photographie : Hélène Louvart

Musique : Nelly Quettier

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Chacun poursuit sa chimère sans jamais parvenir à la saisir. Pour certains, c’est un rêve d’argent facile, pour d’autres la quête d’un amour passé… De retour dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur retrouve sa bande de Tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques. Arthur a un don qu’il met au service de ses amis brigands : il ressent le vide. Le vide de la terre dans laquelle se trouvent les vestiges d’un monde passé. Le même vide qu’a laissé en lui le souvenir de son amour perdu, Beniamina.

S’il y a bien une réalisatrice qui se démarque dans le cinéma italien contemporain, essentiellement marqué par des comédies dont l’unique but est de remplir le tiroir-caisse, c’est Alice Rohrwacher (née en 1980), découverte en 2011 avec Corpo celeste, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes. C’est d’ailleurs sur la Croisette que sa carrière débutera réellement, puisque son second long-métrage, Les Merveilles, y sera récompensé par le Grand Prix en 2014, puis ce sera au tour de Heureux comme Lazzaro Lazzaro Felice, Prix du scénario ex æquo avec le film iranien Trois visages quatre ans plus tard. S’il n’a rien reçu en 2023, La Chimère confirme une fois de plus la singularité de l’univers d’Alice Rohrwacher, œuvre sensorielle, contemplative, qui se place dans la droite ligne du septième art transalpin d’antan, comme un chaînon manquant entre Roberto Rossellini et Federico Fellini. Les fantômes rôdent dans La Chimère, qui convoque le spectre d’un cinéma disparu, qui montre des personnages piller des tombes (doit-on y voir une métaphore ?), leur seul moyen de subsister, où ceux qui restent essaient de s’en sortir comme ils le peuvent, tandis qu’une mère (sublime Isabella Rossellini) attend le retour de sa fille pourtant décédée. Magnifiquement interprété, en particulier par le britannique Josh O’Connor, formidable comédien vu dans la série The Crown dans laquelle il incarnait Charles III et dernièrement dans le très beau Entre les lignes Mothering Sunday d’Eva Husson, La Chimère est un présent pour les cinéphiles, qui se laisseront envoûter et emporter par la poésie qui se dégage de ce drame délicat et à fleur de peau.

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Test Blu-ray / Le Maître des îles, réalisé par Tom Gries

LE MAÎTRE DES ÎLES (The Hawaiians) réalisé par Tom Gries, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 22 mars 2024 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Charlton Heston, Tina Chen, Geraldine Chaplin, Mako, John Phillip Law, Alec McCowen, Don Knight, Miko Mayama, Virginia Ann Lee…

Scénario : James R. Webb, d’après le roman de James A. Michener

Photographie : Lucien Ballard & Philip H. Lathrop

Musique : Henry Mancini

Durée : 2h14

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

L’archipel d’Hawaï dans les années 1880. Descendant d’une riche famille de planteurs, Whip Hoxworth abandonne le commerce maritime pour prendre possession des terres héritées de son grand-père. Contre vents et marées, il devient à l’issue de quelques années le plus grand propriétaire de la région grâce au travail acharné de ses ouvriers chinois dont un couple élève son fils. Sachant son activité menacée par l’indépendance des îles, il fomente une révolution de manière à ce que son territoire bénéficie du protectorat américain…

La carrière de Charlton Heston est telle que nous avons toujours cette impression de découvrir sans cesse de nouveaux films ou des pépites quasi-inédites. C’est encore le cas pour Le Maître des îles, que l’auteur de ces mots ne connaissait pas du tout et n’en avait même jamais entendu parler. Nous sommes en 1970 et la star hollywoodienne vient de connaître l’un des plus grands succès avec La Planète des singes Planet of the Apes de Franklin J. Schaffner. Voyant le vent tourné à Hollywood, Charlton Heston se réfugie dans le répertoire de William Shakespeare et tourne Jules César de Stuart Burge, tout en préparant Antoine et Cléopâtre de son côté et mettra en scène lui-même. Avant de retrouver son rôle du capitaine George Taylor pour une petite apparition dans Le Secret de la planète des singes Beneath the Planet of the Apes de Ted Post, il revient au film d’aventure historique avec Le Maître des îles The Hawaiians, qui n’est autre que la suite d’Hawaï, réalisé par George Roy Hill quatre ans plus tôt, adaptation du roman-fleuve éponyme de James Michener. Cet auteur américain avait déjà inspiré le cinéma et avait vu quelques-uns de ses livres être adaptés par Mark Robson (Retour au paradis et Les Ponts de Toko-Ri), Robert Wise (Femmes coupables) et Joshua Logan (Sayonara et South Pacific). Ancien lieutenant de l’US Navy envoyé dans le Pacifique Sud durant la Seconde Guerre mondiale, James Michener se spécialise dans le roman historique, reçoit le prix Pulitzer en 1948 pour son premier livre Tales of the South Pacific. Forcément, après le triomphe d’Hawaï, lauréat de deux Golden Globes et sept fois nommé aux Oscar, la tentation est alléchante de revenir au pavé original de l’écrivain, dont une petite partie seulement avait été transposée. Le producteur Walter Mirisch (Scorpio, Mr. Majestyk, Deux sur la balançoire, Le Shérif aux mains rouges, Fort Massacre) met donc cette séquelle en route, alors que ce genre de divertissement devient pour ainsi dire obsolète, dépassé par l’avènement du Nouvel Hollywood. Néanmoins, Le Maître des îles demeure un formidable spectacle, à la mise en scène comme d’habitude inspirée de Tom Gries (Le Solitaire de Fort Humboldt, Les 100 fusils), qui avait déjà dirigé Charlton Heston dans Will Penny, le solitaire, et sublimement photographié par deux illustres chefs opérateurs, Lucien Ballard (7 secondes en enfer, Les 4 fils de Katie Elder, Boeing Boeing, Le Tueur s’est évadé, Baïonnette au canon), tombé malade et remplacé par Philip H. Lathrop (Le Bagarreur, Tremblement de terre, Seuls sont les indomptés). Et est-ce utile de préciser que Charlton Heston est comme toujours immense ?

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Test DVD / Sound of Freedom, réalisé par Alejandro Monteverde

SOUND OF FREEDOM réalisé par Alejandro Monteverde, disponible en DVD & Blu-ray le 2 mars 2024 chez SAJE Distribution.

Acteurs : Jim Caviezel, Eduardo Verástegui, Mira Sorvino, Bill Camp, Kurt Fuller, José Zuniga, Scott Haze, Gary Basaraba…

Scénario : Rod Barr & Alejandro Monteverde

Photographie : Gorka Gómez Andreu

Musique : Javier Navarrete

Durée : 2h06

Année de sortie : 2023

LE FILM

Basé sur l’incroyable histoire vraie d’un ancien agent fédéral américain qui se lance dans une opération de sauvetage au péril de sa vie, pour libérer des centaines d’enfants prisonniers de trafiquants sexuels.

Alors c’est ça le film « polémique » de 2023 ? Rires. Nous ne reviendrons pas sur le fait que Sound of Freedom ait été distribué par la société de films chrétiens Angel Studios, qu’il ait été soutenu par les médias conservateurs américains, à vrai dire on s’en moque de tout cela. Tout comme on rigolait de la même façon pour les propos moqueurs de la droite sur Avant que les flammes ne s’éteignent de Mehdi Fikri et ceux de la gauche sur Vaincre ou mourir de Vincent Mottez et Paul Mignot. Mais soyons honnêtes, Sound of Freedom du mexicain – We Need To Build a Wall ! – Alejandro Monteverde fait penser à une telenovela de pacotille, à la limite du nanar, un objet mis en scène comme un film de super-héros glauque avec un Jim Caviezel au charisme de phasme et aux yeux de carpe morte. 15 millions de dollars de budget, plus de 180 millions récoltés sur le seul sol américain, 66 millions dans le reste du monde, voilà donc l’un des films les plus lucratifs du cinéma indépendant. Difficile d’aller au bout de ces plus de deux heures de long-métrage, qui enchaîne les gros plans sur son personnage principal qui chiale (que d’un œil, mais comment fait-il ?), sur des méchants tout droit sortis de Delta Force 2 (vous savez, celui avec Billy Drago dans la peau de Rrrrramon Cota), sur des gamins traumatisés, mais qui ont l’air de revenir de Disneyland (remarquez, on peut comprendre), le tout sur une musique sirupeuse, un montage aux pâquerettes, une photo numérique sans aspérité…À fuir de toute urgence. Vous voulez un résumé du film en vidéo, précipitez-vous alors sur le clip America We Stand As One de Dennis Madalone. Ne nous remerciez pas.

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Test Blu-ray / Les Herbes sèches, réalisé par Nuri Bilge Ceylan

LES HERBES SÈCHES (Kuru Otlar Üstüne) réalisé par Nuri Bilge Ceylan, disponible en DVD et Blu-ray chez Memento Distribution.

Acteurs : Deniz Celiloğlu, Merve Dizdar, Musab Ekici, Ece Bağcı, Erdem Şenocak, Yüksel Aksu, Münir Can Cindoruk, Onur Berk Arslanoğlu…

Scénario : Akin Aksu, Ebru Ceylan & Nuri Bilge Ceylan

Photographie : Cevahir Sahin & Kürsat Üresin

Musique : Philip Timofeyev

Durée : 3h17

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Samet est un jeune enseignant dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il attend depuis plusieurs années sa mutation à Istanbul, une série d’événements lui fait perdre tout espoir. Jusqu’au jour où il rencontre Nuray, jeune professeure comme lui…

Dix longs-métrages dont les titres donnent la chair de poule aux cinéphiles les plus avertis, tous réalisés évidemment (quelle question) par le turc Nuri Bilge Ceylan (né en 1959). Celui-ci peut se targuer d’afficher un beau palmarès à son actif au Festival de Cannes, avec le Grand prix pour Uzak, le Prix FIPRESCI de la critique internationale pour Les Climats, le Prix de la mise en scène pour Les Trois Singes, le Grand prix pour Il était une fois en Anatolie et enfin la Palme d’or et le Prix FIPRESCI de la critique internationale pour Winter Sleep. Après un documentaire de 6h30 (!) centré sur le tournage du Poirier sauvage, le cinéaste revient avec Les Herbes sèches, qui comme l’ensemble de son œuvre, à part Les Trois singes, a connu un bel engouement de la part des spectateurs français, puisque ses films dépassent très souvent la barre des 100.000 entrées voire des 150.000 entrées, jusqu’au triomphe de Winter Sleep et ses 360.000 spectateurs. Même chose pour Kuru Otlar Üstüne, qui se traduit littéralement par Sur les herbes séchées, nouvelle plongée en Anatolie, au milieu de nulle part, où nous allons à la rencontre d’une poignée de personnages solitaires, qui rongent leur frein en espérant rejoindre Istanbul, qui souhaitent déguerpir de ce trou à rat où il ne se passe rien ou pas grand-chose, et que lorsque c’est le cas comme pour Samet, le personnage principal impérialement campé par l’excellent Deniz Celiloglu, l’existence risque d’être remise à nouveau en question. En perdant ses protagonistes dans l’immensité des paysages enneigés et immaculés, Nuri Bilge Ceylan donne aux spectateurs la possibilité de les observer comme des insectes au microscope, en focalisant le regard et l’intention du public sur ces électrons qui continuent de s’agiter dans un décor immobile, sans doute figé à vie. C’est donc avec l’oeil d’un entomologiste que le metteur en scène dissèque l’être (et/ou le mal-être) de Samet, de Nuray, de Kenan…sans les juger, en les dévoilant dans leurs contradictions, leurs mauvais côtés aussi, car jamais l’empathie n’est recherchée automatiquement, Samet étant dans ce cas agaçant, pour ne pas dire antipathique. S’il prolonge cette fois encore ses recherches stylistiques et demande de même un plein investissement du spectateur pendant plus de trois heures, Nuri Bilge Ceylan livre avec Les Herbes sèches probablement l’un de ses opus les plus accessibles et universels.

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Test Blu-ray / L’Abbé Pierre: Une vie de combats, réalisé par Frédéric Tellier

L’ABBÉ PIERRE: UNE VIE DE COMBATS réalisé par Frédéric Tellier, disponible en DVD & Blu-ray le 7 mars 2024 chez M6 Vidéo.

Acteurs : Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz, Antoine Laurent, Alain Sachs, Leïla Muse, Malik Amraoui, Chloé Stefani…

Scénario : Frédéric Tellier & Olivier Gorce

Photographie : Renaud Chassaing

Musique : Bryce Dessner

Durée : 2h18

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.

Était-ce bien raisonnable ? 35 ans après Hiver 54, l’abbé Pierre de Denis Amar, grand succès de l’année 1989 avec plus d’1,6 million d’entrées, qui vaudra à son interprète Lambert Wilson d’être récompensé par le prix Jean-Gabin et d’être à nouveau nommé aux César, le cinéma français s’empare de l’histoire du célèbre prêtre. Cette fois, il s’agit de toute sa vie passée au crible dans L’Abbé Pierre : une vie de combats, un vrai biopic donc, tourné avec un budget confortable de 15 millions d’euros, pour passer en revue sept décennies, en gros de 1937 (quand l’abbé a 25 ans) jusqu’à sa mort en janvier 2007. À la barre, l’excellent Frédéric Tellier, révélé en 2014 avec L’Affaire SK1, qui a ensuite largement confirmé avec Sauver ou périr quatre ans plus tard et Goliath en 2022. Mais L’Abbé Pierre : une vie de combats ne fonctionne malheureusement pas et tombe dans le piège de la page Wikipédia illustrée, comme bon nombre de films du genre. S’il n’y a évidemment rien à redire sur la prestation de Benjamin Lavernhe, comme d’habitude parfait, c’est tout le reste qui peine à convaincre, ennuie et ce n’est pas l’absence de rythme qui aide à aller au bout de ces très longues 135 minutes. Les spectateurs ont été peu enthousiastes face à ce drame « historique », le film ayant fait ni plus ni moins deux fois moins d’entrées qu’Hiver 54. Un échec on ne va pas dire « mérité », mais tout du moins peu étonnant.

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Test DVD / À l’intérieur, réalisé par Vasilis Katsoupis

À L’INTÉRIEUR (Inside) réalisé par Vasilis Katsoupis, disponible en DVD & Blu-ray le 5 mars 2024 chez L’Atelier d’Images.

Acteurs : Willem Dafoe, Gene Bervoets, Eliza Stuyck, Andrew Blumenthal, Vincent Eaton, Daniel White, Josia Krug, Cornelia Buch…

Scénario : Ben Hopkins, d’après une histoire originale de Vasilis Katsoupis

Photographie : Steve Annis

Musique : Frederik Van de Moortel

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Nemo, cambrioleur chevronné, se retrouve piégé dans un luxueux appartement new-yorkais. Essentiellement décoré d’œuvres d’art, il va devoir faire preuve de créativité et de ténacité pour survivre et tenter de s’échapper…

S’il y a bien une chose sur laquelle critiques et cinéphiles ont toujours été d’accord, c’est sur le fait qu’aussi bien dans ses bons que dans ses mauvais films, Willem Dafoe, comme un certain Nicolas Cage d’ailleurs, a toujours (ou presque) été impeccable, pour ne pas dire parfait. Plus de quarante ans de carrière, une incroyable filmographie qui compile les collaborations avec Kathryn Bigelow, Tony Scott, Walter Hill, William Friedkin, Oliver Stone, Martin Scorsese, Alan Parker, David Lynch, John Waters, Paul Schrader, Wim Wenders, Abel Ferrara, David Cronenberg, Sam Raimi, Wes Anderson, Lars von Trier, Spike Lee, Werner Herzog, on en oublie évidemment, mais il s’agit indéniablement d’un des C.V. les plus dingues du cinéma contemporain. Pourtant, à l’aube de ses 70 ans, Willem Dafoe n’a pas été souvent en haut de l’affiche, ce qui ne l’a jamais empêché de briller et de voler la vedette à chaque apparition. Autant dire que nous sommes ravis de découvrir À l’intérieur Inside, dans lequel il tient effectivement le rôle principal, mais où il est aussi et surtout quasi-seul à l’écran pendant 1h40, de toutes les scènes, de tous les plans. Ce second long-métrage du réalisateur grec Vasilis Katsoupis, venu de la publicité et des clips musicaux, est une ode à Willem Dafoe, à son immense talent, à sa gueule ahurissante, à son aura, à son magnétisme, à son corps aussi. Si ce huis clos, qui se permet une « respiration » au cours d’un rêve, un cauchemar, ou une hallucination du personnage principal plutôt, connaît quelques pertes de vitesse dans sa dernière partie, on est on ne peut plus emballé par Inside, survival pur et dur, mais aussi dissection du mythe Dafoe. À l’intérieur, à découvrir.

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Test Blu-ray / L’Autre femme, réalisé par François Villiers

L’AUTRE FEMME réalisé par François Villiers, disponible en Blu-ray le 13 mars 2024 chez Gaumont.

Acteurs : Annie Girardot, Francisco Rabal, Alida Valli, Richard Johnson, Hella Petri, Antonio Casas, Cándida Losada, Ana Mariscal, Sancho Gracia…

Scénario : Rémo Forlani, Paul Gégauff, Jacques Sigurd & François Villiers, d’après le roman de Luisa-María Linares

Photographie : Manuel Berenguer & Cecilio Paniagua

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1964

LE FILM

Agnès, une jeune décoratrice d’intérieur, arrive dans une petite île espagnole pour réaménager la maison d’un certain Zaylor située à l’Enseralda, un village isolé. Sur le chemin, elle rencontre Daniel, un homme qui provoque l’hostilité des gens qui l’entourent.

L’Autre femme, rien à voir avec la célèbre chanson éponyme de Michel Sardou « Petit duplex au Sacré-Cœur, Et le complexe du bonheur… », mais il s’agit d’un film réalisé par François Villiers (1920-2009). Ce dernier, même si ses travaux n’ont pas vraiment marqué l’esprit des cinéphiles, aura connu son heure de gloire à la télévision avec la mythique série Les Chevaliers du ciel, pour laquelle il mettra en scène une trentaine d’épisodes, soit les trois-quarts de l’adaptation de la bande dessinée Les Aventures de Tanguy et Laverdure. Tout d’abord documentariste, François Villiers s’essaye à la fiction à la fin des années 1940 avec Hans le marin (où il dirige son frère Jean-Pierre Aumont), mais attendra une dizaine d’années pour s’y consacrer pleinement. Il enchaînera alors L’Eau vive (1958, Golden Globe du meilleur film étranger) avec Pascale Audret, La Verte moisson (1959) avec Pierre Dux et Dany Saval, Pierrot la tendresse (1960) avec Michel Simon et Claude Brasseur…L’Autre femme, son huitième long-métrage sort sur les écrans en 1964 et offre la tête d’affiche à Annie Girardot, en pleine ascension, surtout depuis sa rencontre avec Luchino Visconti, avec lequel elle collabore au théâtre (Deux sur la balançoire) et au cinéma (Rocco et ses frères). Désormais très courtisée par les cinéastes venus des deux côtés des Alpes (Alexandre Astruc, Marco Ferreri, Jean Delannoy, Denys de La Patellière, Roger Vadim, Mario Monicelli), Annie Girardot tourne donc L’Autre femme en Espagne, transposition d’un roman de Luisa-María Linares, d’après un scénario coécrit par Rémo Forlani (La Bande à Bonnot, Tintin et le mystère de la toison d’or, Tintin et les oranges bleues), Paul Gégauff (La Vallée, More, Que la bête meure, Plein soleil), Jacques Sigurd (L’Air de Paris, La Vierge du Rhin, Du mouron pour les petits oiseaux) et François Villiers lui-même. À mi-chemin entre le néoréalisme italien et la Nouvelle vague française, L’Autre femme est à la fois un drame passionnel et une série noire, où une jeune décoratrice française, qui vient de rompre avec son fiancé, débarque sur une île perdue au large de l’Espagne, où elle fera malgré-elle une enquête concernant la culpabilité (ou non) d’un homme mystérieux, accusé d’avoir tué sa compagne, même si son corps n’a jamais été retrouvé. L’Autre femme est assurément une découverte et pour ainsi dire une superbe porte d’entrée dans le cinéma de son auteur, qui donne sérieusement envie de creuser sa filmographie.

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