LA MURAILLE DE FEU (La Gerusalemme liberata) réalisé par Carlo Ludovico Bragaglia, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Francisco Rabal, Sylva Koscina, Gianna Maria Canale, Rik Battaglia, Philippe Hersent, Andrea Aureli, Alba Arnova, Nando Tamberlani…
Scénario : Sandro Continenza
Photographie : Rodolfo Lombardi
Musique : Roberto Nicolosi
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Lors de la première croisade aux pieds de la muraille de Jérusalem, les seigneurs chrétiens Tancrède, Renaud, Godefroy de Bouillon attendent de passer à l’attaque tandis que trois femmes musulmanes vont faire chavirer leur cœur et le tournant de la bataille.
Est-ce que le nom de Carlo Ludovico Bragaglia (1894-1998) vous dit quelque chose ? Pour tout vous avouer, moi non plus. Je n’avais jamais entendu parler de ce réalisateur italien, décédé à 103 ans, metteur en scène de plus de soixante longs-métrages sur une durée de trente années. Considéré comme l’un des cinéastes transalpins les plus prolifiques, Carlo Ludovico Bragaglia n’a cependant jamais connu de notoriété au-delà des frontières de son pays. Dans sa filmographie, on pourra évoquer six opus avec Totò (Animali Pazzi, 47 morto che parla, Figaro qua, Figaro là, Les Femmes de Barbe-Bleue, Totò cerca moglie et Totò le Moko), ainsi que diverses comédies musicales et même quelques péplums et films d’aventure dans les années 1950-60. De l’avis des spécialistes, La Muraille de feu – La Gerusalemme liberata est l’un de ses meilleurs films et force est de constater que cette évocation de la prise de Jérusalem par les guerriers de la première croisade (l’un des derniers films sur ce sujet) est élégamment réalisée et portée par un casting formidable sur lequel trône la sublime Sylva Koscina.
GENEVIÈVE DE BRABANT (Genoveffa di Brabante) réalisé par José Luis Monter & Riccardo Freda, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.
Acteurs : María José Alfonso, Alberto Lupo, Stephen Forsyth, Beni Deus, Rosita Yarza, Andrea Bosic, Franco Balducci, Ángela Rhu…
Scénario : Riccardo Freda & José Luis Monter
Photographie : Julio Ortas & Stelvio Massi
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Au XIIe siècle, le comte Siegfried s’éprend de Geneviève de Brabant et l’épouse. Lorsqu’il doit partir à la guerre au service de son roi, Geneviève se retrouve face à l’intendant félon Golo à la cruauté sans bornes.
Quand on lui parle de Riccardo Freda (1909-1999), l’amateur de cinéma d’exploitation italien a ses yeux qui s’illuminent. Si son premier métier était sculpteur, sa passion pour le septième art l’amène un peu par hasard à réaliser son premier film, le bien connu Don Cesera Di Bazan (1942). Après ce premier coup d’essai, le réalisateur se spécialise rapidement dans le film d’aventure et le genre cape et d’épée. Vaniteux, ne mâchant pas ses mots, il affirmera toute sa vie n’avoir fait du cinéma que pour l’argent, tout en critiquant ses « camarades » qu’il côtoyait à l’époque, y compris Roberto Rossellini. Même s’il est indéniable que le bonhomme était on ne peut plus aigri et imbu de sa personne, allant même jusqu’à déclarer qu’il était une « exception » en tant que cinéaste, on ne pourra jamais lui reprocher d’avoir chômé ou d’être allé à la facilité tout au long de sa prolifique carrière qui comptera plus de quarante films. On peut ainsi citer en vrac son adaptation des Misérables, connue en France sous le titre de L’Évadé du bagne (1948), Le Fils de d’Artagnan – Il Figlio di d’Artagnan (1949), auquel Bertrand Tavernier rendra hommage en écrivant La Fille de d’Artagnan (1994) que Riccardo Freda devait d’ailleurs mettre en scène lui-même, un Spartacus en 1953, Le Château des amants maudits (1956), inspiré de l’histoire de Beatrice Cenci, Les Vampires – I Vampiri (1957), qui sera finalement repris en main et terminé par Mario Bava, le cultissime L’Effroyable Secret du docteur Hichcock – L’Orribile segreto del Dr. Hichcock (1962). Retracer la filmographie de Riccardo Freda, c’est suivre les grandes étapes du cinéma italien d’exploitation, puisque le réalisateur touchera aussi bien au péplum qu’au giallo, au mélodrame, au film d’épouvante, allant même jusqu’à anticiper le poliziottesco dix ans avant son explosion avec Chasse à la drogue en 1961. Le film d’aventure tient aussi une belle place dans son œuvre. Outre Sept épées pour le roi – Le Sette spade del vendicatore (1962), qui n’est autre que le remake de Don Cesera di Bazan et L’Aigle de Florence – Il Magnifico avventuriero (1963), Riccardo Freda met les bouchées doubles en 1964 et met en scène sa version de Roméo et Juliette et celle des Deux orphelines. Parallèlement, il écrit le film Geneviève de Brabant, inspiré par la biographie de l’héroïne légendaire et populaire du Moyen Âge, Geneviève de Brabant donc, présente dans l’ouvrage La Légende dorée écrit par Jacques de Voragine, qui inspirera les écrivains, les peintres, les dramaturges, les compositeurs et les cinéastes puisqu’il s’agit ici du sixième film centré sur ce personnage. S’il est souvent indiqué que seul le réalisateur José Luis Monter est aux commandes, Riccardo Freda y a bel et bien participé en tant que metteur en scène. Et en voyant le film (inédit en France), force est de constater que l’on retrouve non seulement son style au niveau du scénario, mais aussi et surtout à l’écran avec des affrontements pleins de panache (le film démarre d’emblée par un fracas de lames croisées), une caractérisation spécifique et personnelle des personnages, ainsi que le souffle épique qui a souvent marqué les opus du cinéaste transalpin. Il en résulte un divertissement de haute volée, excellemment réalisé et interprété, qui vaut le coup d’oeil pour ses beaux décors, ses rebondissements multiples, ses dialogues très soignés et ses combats très bien chorégraphiés.
Le barbier Salvatore Lojacono sort de prison après avoir purgé une peine de vingt ans pour crime passionnel. Il rentre chez lui à Rome, mais ne reconnaît plus ni sa famille ni ses voisins : il ne rencontre autour de lui qu’égoïsme et hypocrisie. Après plusieurs mésaventures, il ne voit plus qu’une issue, se faire condamner pour retourner en prison et retrouver la tranquillité.
À la fois précurseur du néoréalisme italien avec sa Trilogie Fasciste (Le Navire blanc, Un pilote revient et L’Homme à la croix) et figure majeure de ce mouvement cinématographique (Rome, ville ouverte, Païsa et Allemagne année zéro), Roberto Rossellini (1906-1977) est un des réalisateurs les plus en vue à la fin des années 1940. 1950 est un tournant dans sa carrière et par ailleurs dans sa vie, puisqu’il rencontre Ingrid Bergman, qui lui donnera trois enfants et avec laquelle il tournera cinq longs-métrages, de Stromboli à Jeanne au bûcher (1954). Quand on évoque Roberto Rossellini, s’il y a bien un genre auquel on ne pense pas c’est bien la comédie. Pourtant, il existe deux films dissimulés chaque fois entre deux « monuments ». Si le premier intitulé La Machine à tuer les méchants – La Macchina ammazzacattivi (1952) est quelque peu oublié, le second, coincé entre Europe 51 et Voyage en Italie est Où est la liberté…? – Dov’è la libertà…? (1954). C’est le metteur en scène qui en a l’idée, qu’il confie ensuite à ses scénaristes Vitaliano Brancati (Don Cesare di Bazan de Riccardo Freda et auteur du Bel Antonio), Ennio Flaiano (Le Cheik Blanc et La Dolce Vita de Federico Fellini), Antonio Pietrangeli (Les Amants diaboliques de Luchino Visconti) et Vincenzo Talarico (Moi, moi, moi et les autresd’Alessandro Blasetti). Écrit spécialement pour le mythique Totò (1898-1967), Où est la liberté…? apparaît étrangement comme une œuvre hybride, et pour cause…Emballé par son sujet au début du tournage, Roberto Rossellini s’en désintéresse progressivement. S’il maîtrise parfaitement l’humour ou le côté décalé de certaines situations, ce qui a déjà pu être constaté dans quelques-uns de ses films précédents, le cinéaste lorgnait en réalité sur son opus suivant, Voyage en Italie. Après trois mois de prises de vues, le tournage est arrêté et ne reprendra qu’un an plus tard sous la direction de Mario Monicelli, alors en charge de la seconde équipe et qui avait déjà dirigé Totò avec Steno, dans Totò cherche un appartement (1949), Gendarmes et voleurs (1951), Totò e il re di Roma (1951) et Totò et les femmes (1952). Rétrospectivement, il est plus aisé d’attribuer les scènes de pure comédie à Mario Monicelli, autrement dit tout ce qui est lié au procès, et celles réalisées par Roberto Rossellini, qui s’inscrivent encore et toujours dans le néoréalisme, qui montrent le personnage Totò redécouvrir la ville après plus de vingt années d’emprisonnement. Il en résulte un film en demi-teinte, qui souffre d’un manque de rythme certain, mais qui demeure une vraie curiosité, aussi bien dans la filmographie de Roberto Rossellini, que dans celle de l’une des plus grandes stars du cinéma italien de tous les temps.
SONGBIRD réalisé par Adam Mason, disponible en DVD et Blu-ray le 15 avril 2021 chez Metropolitan Films.
Acteurs : K.J. Apa, Sofia Carson, Craig Robinson, Bradley Whitford, Alexandra Daddario, Peter Stormare, Paul Walter Hauser, Demi Moore…
Scénario : Adam Mason & Simon Boyes
Photographie : Jacques Jouffret
Musique : Lorne Balfe
Durée : 1h25
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Cela fait maintenant quatre ans que le monde vit en confinement. Désormais, les personnes infectées du Covid-23 sont envoyées de force en quarantaine dans des camps devenus peu à peu d’inquiétants ghettos. A Los Angeles, Nico est un coursier immunisé au virus qui arpente la ville lors de ses livraisons. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Sara, une jeune femme confinée chez elle. Malgré les impératifs sanitaires qui les empêchent de s’approcher, Sara et Nico tombent amoureux. Mais lorsque Sara est suspectée d’être contaminée, elle est contrainte de rejoindre les camps de quarantaine. Nico tente alors l’impossible pour la sauver.
On l’attendait ce film ! Non pas pour son intérêt, mais parce qu’il était certain que quelques producteurs opportunistes allaient profiter de la situation extraordinaire vécue par tous les habitants de la planète depuis mars 2020, pour mettre en route un film qui s’en inspirerait. Voici donc Songbird, réalisé par Adam Mason, obscur metteur en scène d’une dizaine de longs-métrages tout aussi inconnus, y compris un certain Manipulations qui réunissait tout de même Anthony Hopkins, Al Pacino et Josh Duhamel. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas encore avec Songbird, qu’il a coécrit avec son complice Simon Boyes, qu’il risque de se faire une renommée. Cette dystopie – mais en est-ce vraiment une ? – a tout simplement été tournée dans les rues désertes de Los Angeles, alors que ses habitants étaient cloîtrés chez eux, profitant ainsi d’un décor quasi-fantastique, sans avoir recours aux effets spéciaux ! Il est pas con le Michael Bay, producteur de ce…thriller ? Drame fantastique ? Comédie involontaire ? On ne sait pas trop en fait, car Songbird ne raconte rien ou pas grand-chose, si ce n’est une histoire d’amour évidemment contrariée entre deux jeunes tourtereaux, séparés par le contexte sanitaire et dont on apprend même qu’ils n’ont pas eu le temps de se toucher avant d’être forcés de rester a casa. A côté de ça, Adam Mason se concentre sur d’autres personnages, jamais intéressants, essentiellement des individus qui ont trouvé le bon truc pour se faire du fric, d’autres qui essayent de survivre en se la pétant sur les réseaux sociaux (Alexandra Daddario qui comme d’habitude a acheté de la lingerie trop petite), d’autres en profitant des personnes immunisées contre le COVID-23 (oui oui) en les utilisant comme coursiers. Ajoutez à cela un responsable de la sécurité sanitaire complètement fou (Peter Stormare en roues libres), un ancien soldat revenu paralysé et traumatisé d’Afghanistan qui joue avec ses drones, sans oublier la caution mexicaine avec une jeune héroïne aux sourcils épilés comme une vedette de télé-réalité et vous obtenez…bah rien en fait, ou pas grand-chose, surtout pas de quoi faire un film…
EUROPE 51 (Europa ’51) réalisé par Roberto Rossellini, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 10 mars 2021 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Ingrid Bergman, Alexander Knox, Ettore Giannini, Giulietta Masina, Teresa Pellati, Marcella Rovena, Tina Perna, Sandro Franchina…
Scénario : Roberto Rossellini, Sandro De Feo, Mario Pannunzio, Ivo Perilli & Brunello Rondi
Photographie : Aldo Tonti
Musique : Renzo Rossellini
Durée : 1h54
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Une jeune femme riche et futile est bouleversée par le suicide de son enfant, dont elle se sent responsable. Son drame personnel lui fait découvrir la misère et les souffrances des autres, à qui elle se dévouera désormais.
Alors qu’il vit la période de sa vie la plus mouvementée (divorce difficile, attente d’un enfant), Roberto Rossellini signe en 1950 son film le plus paisible, Les 11 Fioretti de François d’Assise – Francesco, giullare di Dio, qui délivre un véritable message de paix, d’amour et d’entraide tout en repoussant les limites du néoréalisme en mettant en scène de véritables moines franciscains. Lorsqu’il évoque Les 11 Fioretti de François d’Assise, Martin Scorsese déclare « Je n’ai jamais vu de film qui lui soit vraiment comparable et je ne m’attends pas à en voir un de toute ma vie », tandis que François Truffaut disait qu’il s’agissait du « plus beau film du monde ». Inspiré de courts récits évoquant les nombreux épisodes de la vie de François d’Assise (les « fioretti »), le film de Roberto Rossellini renouvelle le néoréalisme et laisse une grande place à la vie quotidienne de ces moines refusant tout matérialisme et profitant du plus beau cadeau accordé par Dieu : la vie et l’aide aux plus démunis en leur enseignant que la souffrance mène à la plénitude et à la joie. Tout miracle est donc banni du film de Roberto Rossellini qui préfère montrer des hommes bâtissant leur petite chapelle de leurs mains, priant, venant en aide aux pauvres, mangeant ou marchant avec allégresse dans la campagne environnante, le tout ponctué avec humour et poésie. Dans le film, François est un homme comme les autres, qui se démarque à peine du reste de ses fidèles. Les personnages effleurent la terre et semblent peu soumis aux lois de la gravité mais demeurent des hommes « terrestres » prêchant l’Evangile. Oeuvre de l’innocence et de l’épure, ce film est un tournant dans l’oeuvre et dans l’existence de son auteur, puisque dans un climat personnel quelque peu chaotique, le cinéaste va réaliser son film le plus apaisé et le plus fantaisiste de toute sa carrière. C’est de ce film que découlera tout simplement Europe 51 – Europa ’51, la seconde de ses cinq collaborations avec celle qui partage désormais sa vie, Ingrid Bergman. Deux ans après Stromboli – Stromboli terra di Dio et deux ans avant Voyage en Italie – Viaggio in Italia, la trilogie dite de la « solitude », Roberto Rossellini et la comédienne présentent une radiographie implacable de l’Italie post-Deuxième Guerre mondiale, doublée du portrait d’une femme bourgeoise qui décide de changer de vie après le suicide de son fils. Si Europe 51 n’est sans doute pas le film le plus célèbre de son auteur, du moins celui auquel on pense d’emblée en évoquant sa grande filmographie, il demeure en revanche l’un des plus riches, aussi bien sur le fond que sur la forme et s’avère peut-être le chef d’oeuvre caché de Roberto Rossellini.
L’HOMME SANS VISAGE (The Man Without a Face) réalisé par Mel Gibson, disponible en DVD et Blu-ray le 15 avril 2021 chez Metropolitan Films.
Acteurs : Mel Gibson, Nick Stahl, Margaret Whitton, Fay Masterson, Gaby Hoffmann, Geoffrey Lewis, Richard Masur, Michael DeLuise, Ethan Phillips…
Scénario : Malcolm MacRury, d’après le roman d’Isabelle Holland
Photographie : Donald McAlpine
Musique : James Horner
Durée : 1h50
Date de sortie initiale : 1993
LE FILM
L’amitié de deux êtres rejetés par le monde qui les entoure. L’un, Justin McLeod, était un brillant professeur défiguré dans un terrible accident. L’autre, Chuck Norstadt, est un adolescent, lui aussi outsider au sein de sa propre famille. Chuck va demander à McLeod de l’aider à préparer en secret l’examen d’entrée à l’académie militaire.
Au début des années 1990, tout va pour le mieux pour Mel Gibson. L’Arme fatale 2 et Comme un oiseau sur la brancheont été de gros cartons au box-office, mais le comédien souhaite montrer une autre facette de son talent. Si Air America de Roger Spottiswoode contente ses fans de comédie d’action en 1990, le comédien se retrouve la même année en haut de l’affiche du Hamlet de Franco Zeffirelli. Deux ans plus tard, L’Arme fatale 3 déboule sur les écrans, suivi de près par la romance de Steve Miner, Forever Young. Mel Gibson le sait, il est arrivé à un carrefour de sa vie et de son métier. Fatigué qu’on le résume souvent à sa belle gueule et ce malgré quelques performances qui ont été saluées par la critique, il décide de passer à la mise en scène en 1993 en adaptant le roman The Man Without a Face d’Isabelle Holland, publié en 1972. A travers le personnage défiguré de Justin McLeod, il prouve ici à ses détracteurs, ainsi qu’aux spectateurs, qu’il ne saurait être considéré uniquement que pour son physique. L’Homme sans visage débarque dans les cinémas américains en août 1993 et se voit couronner d’un petit succès d’estime et d’une critique positive. Ce drame psychologique pose les bases du martyr qui parcourra la filmographie de Mel Gibson, même si L’Homme sans visage est avant tout son seul film « familial », sur lequel plane l’ombre du Fantôme de l’Opéra. En vrai antihéros tragique, Mel Gibson crève l’écran une fois de plus, dans un rôle qu’il envisageait au départ pour Jeff Bridges ou William Hurt. Toutefois, sa présence magnétique et puissante n’éclipse jamais celle de son jeune acteur et partenaire, Nick Stahl, magnifique et très impressionnant dans son tout premier rôle au cinéma. L’Homme sans visage est la plupart du temps éclipsé dans la carrière de metteur en scène de Mel Gibson, dissimulé par les mastodontes que sont Braveheart et La Passion du Christ, ainsi que par les percutants Apocalypto et Tu ne tueras point. Pourtant, il n’en demeure pas moins superbe et n’a eu de cesse d’être réévalué à sa juste valeur, une ode merveilleuse à la tolérance, à la transmission, à l’enseignement, au droit à la différence, au partage et à la rédemption.
LA RUÉE DES VIKINGS (Gli Invasori) réalisé par Mario Bava, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Cameron Mitchell, George Ardisson, Ellen Kessler, Alice Kessler, Françoise Christophe, Andrea Checchi, Folco Lulli, Franco Giacobini, Raf Baldassarre…
Scénario : Oreste Biancoli, Piero Pierotti & Mario Bava
Photographie : Mario Bava
Musique : Roberto Nicolosi
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1961
LE FILM
Au Xe siècle, le baron Ruthford et ses hommes exterminent des vikings installés sur les côtes anglaises et dont le chef, Harald, est tué. Mais un jour, Ruthford ranime la haine. Iron, fils d’Harald, se bat à son tour contre les Anglais tout en s’opposant à son frère Erik, qui se trouve dans le camp opposé.
En 1958, le triomphe international des Vikings – The Vikings de l’immense Richard Fleischer, donne évidemment envie à certains producteurs, en particulier italiens, de surfer sur ce nouvel engouement des spectateurs pour la vie de ces pirates Scandinaves qui ont écumé les mers du VIIe au XIe siècle. L’un de ces premiers ersatz est Le Dernier des Vikings – L’Ultimo dei Vikinghi, réalisé par Giacomo Gentilomo, mais aussi et surtout par Mario Bava, même si ce dernier n’est pas crédité à la mise en scène. En revanche, la même année sort La Ruée des Vikings – Gli Invasori, officiellement le second long-métrage de Mario Bava (autrement dit, pour lequel il se retrouve seul aux manettes), un an après Le Masque du démon – La Maschera del demono. A l’instar d’Hercule contre les vampires – Ercole al centro della terra, qu’il coréalisera avec Franco Prosperi et qui sortira aussi en 1961, Mario Bava prend son envol avec La Ruée des Vikings, dans lequel son art pictural éclate aux yeux des spectateurs, puisqu’en plus du scénario coécrit avec Oreste Biancoli (Le Voleur de bicyclette, Le Petit monde de Don Camillo) et Piero Pierotti (Maciste en enfer, Super 7 appelle le Sphinx), il en signe également la sublime photographie, où l’on reconnaît immédiatement sa griffe. Certes, La Ruée des Vikings a souvent du mal à rivaliser avec son modèle américain, au budget beaucoup plus conséquent, mais Mario Bava s’acquitte fort honorablement des moyens mis à sa disposition. Tourné essentiellement en studio et dans la périphérie de Rome pour les scènes en bord de mer, le film bénéficie aussi de costumes soignés, d’une reconstitution très honnête et surtout de l’oeil de l’artiste, Mario Bava lui-même, dont la première vocation était la peinture (il avait d’ailleurs fait les Beaux Arts), qui concocte des plans crépusculaires à se damner de beauté, tout en jouant déjà avec ses couleurs de prédilection, qui feront sa marque de fabrique et participeront à sa légende. La Ruée des Vikings possède encore un charme fou et la rigueur de Mario Bava lui a permis de traverser la deuxième moitié du XXè siècle sans trop d’encombre. Le divertissement est en tout cas toujours au rendez-vous !
AMOURS IRLANDAISES (Wild Mountain Thyme) réalisé par John Patrick Shanley, disponible en DVD le 15 avril 2021 chez Metropolitan Films.
Acteurs : Emily Blunt, Jamie Dornan, Jon Hamm, Christopher Walken, Dearbhla Molloy, Danielle Ryan…
Scénario : John Patrick Shanley, d’après sa pièce de théâtre Outside Mulingar
Photographie : Stephen Goldblatt
Musique : Amelia Warner
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Depuis sa plus tendre enfance, Rosemary est amoureuse en secret de son voisin Anthony, un rêveur timide qui vit avec son excentrique père dans la campagne irlandaise. Malgré toutes les attentions, rien à faire, Anthony reste inconscient des sentiments que lui porte sa belle admiratrice. Mais alors que Rosemary se décide à faire enfin le premier pas, arrive Adam, un riche neveu new-yorkais…
Non, il ne s’agit pas d’une adaptation d’un roman de Marc Lévy, de Danielle Steel ou de Barbara Cartland. Amours irlandaises, ou Wild Mountain Thyme, est issu de l’imagination du dramaturge, scénariste, producteur et réalisateur John Patrick Shanley (né en 1950). De son cerveau fécond, sont nés les scénarios d’Éclair de lune – Moonstruck (1987) de Norman Jewison, qui lui vaudra l’Oscar, ainsi que le très connu Les Survivants – Alive (1993) de Frank Marshall. Alors qu’il n’a jamais cessé ses activités pour le théâtre, John Patrick Shanley est également passé à la mise en scène au cinéma et ce dès 1990 avec Joe contre le volcan – Joe Versus the Volcano (1990), qui réunissait pour la première fois le couple Meg Ryan – Tom Hanks. Il aura fallu attendre dix-huit ans pour qu’il fasse son retour derrière la caméra avec l’impeccable Doute – Doubt, transposition de sa pièce de théâtre Doubt : A Parable, auréolée du Prix Pulitzer, qui valait essentiellement pour l’affrontement entre Meryl Streep, Amy Adams et Philip Seymour Hoffman. Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, John Patrick Shanley fait son comeback au cinéma avec Amours irlandaises, son troisième long-métrage en trente ans, adapté d’une de ses propres pièces, Outside Mullingar, joué à Broadway en 2014. Cette fois encore, le film – romantique – vaut bien plus pour son casting, Emily Blunt, Jamie Dornan, Jon Hamm et Christopher Walken, que pour son histoire ici quelque peu éculée, qui croule sous les clichés et les bons sentiments à l’eau de rose mal distillée.
NOVICES LIBERTINES (La Vera storia della monaca di Monza) réalisé par Bruno Mattei, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Zora Kerova, Mario Cutini, Paola Corazzi, Tom Felleghy, Franco Garofalo, Annie Carol, Edel Paola Montenero, Mario Novelli, Ornella Picozzi, Leda Simonetti, Franca Stoppi, Giovanni Attanasio…
Scénario : Claudio Fragasso
Photographie : Giuseppe Bernardini
Musique : Gianni Marchetti
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Suite à la mort de son père et à la chute dans la démence de la mère supérieure du couvent, soeur Virginia de Leyva devient la nouvelle mère supérieure du couvent de Monza. Voulant corriger les moeurs étranges de la place, la religieuse sème le trouble dans les lieux et devient la cible d’un tueur fou manipulé par un prêtre assassin. De plus, elle devient victime de ses propres rêves qui l’appellent vers la débauche et la luxure…
Étrangement, si l’incroyable histoire vraie racontée dans Novices libertines – La Vera storia della monaca di Monza (1980) est plus connue en France, c’est en raison du dernier long-métrage du grand Paul Verhoeven, Benedetta, qui n’est pas encore sorti (COVID 19 oblige) et qui s’inspire d’un évènement un peu similaire survenu à la même période en Italie. La pré-affiche sulfureuse aperçue au Festival de Cannes bien avant le tournage donnait le (té)ton, puisqu’on y voyait une religieuse, interprétée par Virginie Efira, les lèvres légèrement entrouvertes et vêtue d’un voile transparent qui laissait apparaître son sein droit. Il n’en fallait pas plus pour affoler les cinéphiles et titiller la curiosité de tous pour se pencher un peu plus sur ce fait divers réel survenu au XVIIe siècle en Toscane. Plus de quarante avant Benedetta, le tandem Stefan Oblowsky, alias Bruno Mattei (1931-2007) et son scénariste complice Claudio Fragasso (qui était souvent son coréalisateur) se penchait sur un autre couvent pas très catholique, où les protagonistes sont filmés comme des vampires enfermés dans leur bâtisse, impression renforcée par un maquillage souvent outrancier qui appuie la peau blafarde de ses occupants. Forcément, le sexe est présent dans Novices libertines (par ailleurs tourné en même temps que L’Autre Enfer -L’altro inferno, autre opus de nonnesploitation), mais le film ne se résume sûrement pas à cela. Il s’agit avant tout d’un bel objet de cinéma quoi qu’on en dise, prouvant une fois de plus que Bruno Mattei n’était pas un tâcheron et encore moins l’un des pires cinéastes de tous les temps comme certains ont souvent tendance à le penser.
LE PONT DE REMAGEN (The Bridge at Remagen) réalisé par John Guillermin, disponible en DVD et Blu-ray le 15 avril 2021 chez Rimini Editions.
Acteurs : George Segal, Robert Vaughn, Ben Gazzara, Bradford Dillman, E.G. Marshall, Peter van Eyck, Hans Christian Blech, Heinz Reincke…
Scénario : Richard Yates & William Roberts
Photographie : Stanley Cortez
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1h55
Année de sortie : 1969
LE FILM
1945 : les Alliés font leur dernière avancée dans le territoire allemand. Seul un pont sur le Rhin demeure aux mains des nazis. Les deux camps ont beaucoup à gagner : les Allemands, la vie de 75 000 soldats postés du mauvais côté du pont ; les Alliés, une issue plus rapide à la guerre, et de nombreuses vies épargnées. Mais seule une armée pourra gagner la terrifiante bataille du Pont de Remagen.
Si son nom ne vient pas forcément à l’esprit immédiatement, John Guillermin (1925-2015) est quand même le réalisateur de nombreux films chéris par les cinéphiles, à l’instar de La Plus Grande Aventure de Tarzan – Tarzan’s Greatest Adventure (1959), Le Crépuscule des aigles – The Blue Max (1966), mais aussi et surtout de trois très grands classiques mis en scène à la suite, La Tour infernale – The ToweringInferno (1974), King Kong (1976) et Mort sur le Nil – Death on the Nile (1978), soit trois superproductions qui ont rempli les salles du monde entier et qui demeurent de vraies références. John Guillermin faisait partie de ces artisans touche-à-tout, qui à la manière d’un Richard Fleischer ou Robert Wise, passaient allègrement d’un genre à l’autre, qui se donnaient à fond en acceptant une commande et à travers laquelle ils démontraient toute l’étendue de leur talent, à la fois dramatique et technique. A la fin des années 1960, le cinéaste britannique vient d’enchaîner trois films avec le comédien George Peppard, Le Crépuscule des aigles, Syndicat du meurtre – P.J. et Un cri dans l’ombre – House of Cards, un film de guerre et deux thrillers. Il se voit confier les rênes d’une nouvelle production d’envergure internationale, Le Pont de Remagen – The Bridge at Remagen, adaptée d’un fait réel survenu à la fin de la Seconde Guerre mondiale et d’après un scénario coécrit par Richard Yates (auteur des Noces rebelles), William Roberts (Les 7 mercenaires, Coups de feu dans la Sierra), et du livre Le Pont de Remagen : La Folle histoire du 7 mars 1945 de Ken Hechler, ancien soldat de la 9e division blindée. Comme il le démontrera tout au long de sa carrière, John Guillermin n’avait pas son pareil pour emballer les séquences d’explosions, de fusillades et d’action. Le Pont de Remagen ne déroge pas à la règle. Plus de cinquante après sa sortie, on reste impressionné par cette démonstration pyrotechnique qui peut rapprocher le travail du réalisateur de celui d’un Michael Bay, auquel on pense étrangement devant la virtuosité de certains plans, de diverses « chorégraphies » militaires et l’usage du cadre large. Le Pont de Remagen a très bien vieilli et même si les personnages ne sont guère fouillés, le casting de luxe (George Segal, Robert Vaughn, Ben Gazzara, E. G. Marshall) assure du début à la fin au milieu des déflagrations. Comme chez Michael Bay on vous dit !