QUAND SIFFLE LA DERNIÈRE BALLE (Shoot Out) réalisé par Henry Hathaway, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 16 février 2023 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Gregory Peck, Patricia Quinn, Robert F. Lyons, Susan Tyrrell, Jeff Corey, James Gregory, Rita Gam, Dawn Lyn…
Scénario : Marguerite Roberts, d’après le roman de Will James
Photographie : Earl Rath
Musique : Dave Grusin
Durée : 1h31
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
Un homme, Clay Lomax, sort de prison après avoir purgé une peine de 8 ans et veut se venger de Sam Foley, un complice qui l’a trahi. Mais au passage, il lui échoit la petite fille de 7 ans de la femme qu’il avait aimé avant son incarcération et qui est morte entre temps. Donc il lui reste à poursuivre son objectif, avec une petite fille dans les pattes, et une bande de tueurs à ses trousses engagés par le fameux traître.
Nous avions très largement évoqué la carrière et les films emblématiques de Henry Leopold de Fiennes alias Henry Hathaway (1898-1985), au cours de notre article sur le sublime Les 4 Fils de Katie Elder – The Sons of Katie Elder (1965), qui réunissait entre autres John Wayne, Dean Martin, George Kennedy, Dennis Hopper…Aujourd’hui, c’est sur Quand siffle la dernière balle – Shoot Out, d’après le roman The Lone Cowboy de Will James, que nous nous concentrerons. Sorti en 1971, soit deux ans après le triomphe de Cent dollars pour un shérif – True Grit, pour lequel le Duke obtiendra son unique Oscar du meilleur acteur, le réalisateur revient une dernière fois au western, genre dont il signera quelques-uns des plus beaux fleurons. Cependant, avec Quand siffle la dernière balle, Henry Hathaway n’a pas la prétention de rivaliser avec ses précédents monuments comme L’Attaque de la malle-poste (1951) ou Nevada Smith (1966), et prend le train en marche du Nouvel Hollywood alors en plein essor, pour finalement livrer une œuvre intimiste. Un dernier tour de piste pour le cinéaste dans les magnifiques paysages du Nouveau-Mexique et de la Californie, ainsi que sa seconde et ultime collaboration avec l’immense Gregory Peck, qui lui aussi commencera à se faire plus rare au cinéma. Petit western dont l’aspect téléfilm peut rebuter et dont la première partie peut laisser perplexe, Quand siffle la dernière balle n’en reste pas moins charmant, divertissant et s’améliore au fil du récit, comme si Henry Hathaway, qui approchait les 75 balais, se réveillait en cours de route pour montrer qu’il en avait encore sous le capot. Anecdotique certes, mais attachant.
Clay Lomax, un tueur d’élite, vient de purger sa peine de prison. Il est fermement décidé à se venger de Sam Foley, son ex-partenaire, à qui il est redevable de son séjour derrière les barreaux : son complice l’a trahi après avoir cambriolé une banque avec lui. Mais Lomax est encombré d’une petite fille, dont la femme qu’il aimait lui a confié la charge. N’ayant pas réussi à placer l’enfant chez une personne sûre et respectable, il entreprend de se lancer, avec elle, sur les traces de Foley. Mais celui-ci, conscient du danger qui le guette, sollicite les services de Bobby Jay, un redoutable tueur à gages, pour éliminer Lomax…
Il y a un peu de tout dans Quand siffle la dernière balle. Une histoire de vengeance, un road-movie, un buddy-movie, du contemplatif pour les amoureux des décors naturels, le début d’une passion et même du home-invasion dans la seconde partie. Le premier acte est archi-conventionnel, on apprend de la bouche d’un notable (et ancien gangster) nommé Sam Foley, qu’un certain Lomax va sortir du pénitencier après avoir purgé sept ans derrière les barreaux et à casser des cailloux dans la cour. Le hic c’est que Foley a doublé ce dernier au cours d’un braquage, avant de se tirer avec le pognon, tandis que Lomax était condamné seul, sans balancer le nom de son complice qui l’avait abattu dans le dos. Si la balle a bien été extraite de son corps, la bastos est restée ancrée dans sa mémoire et Lomax a eu le temps de peaufiner sa vendetta personnelle. Mais c’était sans compter sur l’arrivée d’une gamine de sept ans, la fille d’une ancienne amie qu’il n’a pas vue depuis…ah bah tiens, sept ans justement, c’est curieux tout de même. Quand siffle la dernière balle change de ton et d’atmosphère en permanence. Ainsi, dès que débarque la petite Decky (Dawn Lyn, toute mignonne), qui n’a pas la langue dans sa poche et qui préfère les chevaux aux humains (« car ils sont plus gentils »), Clay Lomax la prend sous son aile et taille la route à la recherche de Foley, tout en essayant de se débarrasser de Decky. Évidemment, l’amitié et même l’amour (d’un père pour sa fille ? C’est du moins très suggéré) vont unir les deux étranges acolytes. Ils sont suivis par le cinglé Bobby Jay Jones et ses deux complices, tout aussi frappadingues, qui doivent le pister sur ordre de Foley, mais en aucun cas le tuer. Bien sûr, Bobby Jay Jones a la gâchette facile et rien n’est moins sûr…
Gregory Peck est – comme toujours – prodigieux dans la peau de Clay Lomax, à la fois impitoyable quand il sort la pétoire ou quand il joue du poing pour s’en prendre à la jeunesse délurée, ou monstre de tendresse quand il s’occupe de Decky, dont le répondant ne cesse de l’étonner. Face à lui, Robert F. Lyons (La Loi de Murphy, Le Justicier de minuit, Angel 2 : la vengeance, Un justicier dans la ville 2) en fait des caisses, surjoue et irrite dès qu’il déboule. Le spectateur n’a alors qu’une seule envie, que Gregory Peck lui règle son compte une bonne fois pour toutes et lui ferme son clapet. Les cinéphiles reconnaîtront Susan Tyrrell (ici dans la peau d’Alma, prostituée qui se fait humilier par la bande à Bobby Jay Jones), dans sa première apparition au cinéma, comédienne géniale vue chez John Waters (Cry-Baby), Paul Verhoeven (La Chair et le Sang), Marco Ferreri (Contes de la folie ordinaire), John Huston (Fat City) et même chez Claude Lelouch (Un autre homme, une autre chance).
Le grand moment de Shoot Out demeure incontestablement l’arrivée inattendue de Bobby et ses sbires dans la baraque où Lomax et Decky ont trouvé refuge auprès d’une veuve (douce Patricia Quinn, Alice’s Restaurant). Le film devient alors particulièrement brutal et malsain, prenant des allures de home invasion avec l’intrusion ce ces cinglés puant l’alcool au sein ce cette propriété, bien décidés à infliger des violences physiques aux résidents, en s’en prenant en premier lieu à Decky…Une séquence longue et rare dans le cinéma américain de cette époque. Le dénouement est lui aussi très bien amené, plein de surprises et de rebondissements. On change donc d’avis en cours de route à mesure que Lomax se rapproche de Sam Foley et au final Quand siffle la dernière balle, chant du cygne d’Henry Hathaway (son avant-dernier long-métrage) laisse une bonne impression.
LE DVD
Quand siffle la dernière balle appartient au catalogue Sidonis Calysta depuis septembre 2013, date de la première édition en DVD du film d’Henry Hathaway. Dix ans plus tard, Shoot Out revient dans les bacs, en édition Standard et en combo Blu-ray + DVD dans la collection Silver. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.
Le premier supplément est repris de l’édition 2013. Il s’agit de l’intervention de Patrick Brion (7’). L’historien du cinéma revient brièvement sur la longue, prolifique, éclectique et prestigieuse carrière d’Henry Hathaway, ainsi que celle de Gregory Peck, (« qu’on oublie souvent » dit le critique), ce dernier ayant participé à de grands westerns comme Bravados et La Cible humaine d’Henry King, et La Ville abandonnée de William A. Wellman. Puis, Patrick Brion explique pourquoi selon-lui Quand siffle la dernière balle est un film décevant, car trop proche de Cent dollars pour un shérif, gâché par une violence « à la mode », avec un personnage de méchant exacerbé, qui plus est marqué par une VF à éviter.
Le second bonus est inédit et a été réalisé pour cette nouvelle sortie. Jean-François Giré revient à son tour sur « ce film étonnant, qui peut faire penser à celui d’un monsieur fatigué, et pourtant… ». Durant un peu plus de dix minutes, l’invité récurrent de Sidonis Calysta se souvient de sa propre découverte de Quand siffle la dernière balle à sa sortie, avant d’en venir plus précisément au fond et à la forme de l’avant-dernier opus d’Henry Hathaway. L’itinéraire du personnage principal, le traitement de la violence et de la brutalité, la tension dramatique, la séquence de la maison, l’utilisation des paysages (« qui influe sur la dramaturgie ») propre à Henry Hathaway, la musique de Dave Grusin sont autant de sujets abordés au cours de cette présentation, pendant laquelle Jean-François Giré invite tout particulièrement les spectateurs à redécouvrir Shoot Out.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Nous n’avons eu que l’édition Standard entre les mains. Mais force est de constater que le nouveau master présenté ici n’est pas de première jeunesse. À titre de comparaison, les couleurs sont sans doute plus franches que sur l’ancien DVD, mais la nouvelle restauration a ses limites. C’est propre, stable, la luminosité est plaisante, le piqué suffisamment affûté, mais certains plans voire quelques scènes restent flous et la texture argentique est aléatoire, tantôt épaisse, tantôt lisse.
Comme Patrick Brion, nous vous déconseillons fortement de visionner Quand siffle la dernière balle en version française, avec son doublage éhonté et étonnamment vulgaire. Néanmoins, aussi bien dans la langue de Shakespeare que dans celle de Molière, le confort acoustique est assuré, sans souffle, avec des dialogues clairs, des ambiances bien détachées et une musique percutante. Les sous-titres français ne sont pas imposés.