CHAQUE CHOSE EN SON TEMPS (The Family Way) réalisé par Roy & John Boulting, disponible en DVD le 17 mars 2020 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Hayley Mills, Avril Angers, John Comer, Wilfred Pickles, John Mills, Marjorie Rhodes, Hywel Bennett, Murray Head…
Scénario : Bill Naughton d’après sa pièce de théâtre.
Photographie : Harry Waxman
Musique : Paul McCartney, George Martin
Durée : 1h51
Année de sortie : 1966
LE FILM
Arthur et Jenny, beaux jeunes et innocents, s’aiment et se marient. Par souci d’économie, ils s’installent chez les parents d’Arthur dans une banlieue britannique. Mais à la suite d’une mauvaise plaisanterie, la nuit de noces tant attendue tourne au fiasco. S’ensuivra une terrible réaction en chaîne dans une difficile promiscuité.
Réalisé en 1966 par les célèbres frères jumeaux Boulting, John et Roy de leur prénom, The Family Way, sorti en France sous le titre Chaque chose en son temps, a connu une véritable controverse à sa sortie, en raison de ses divers sujets abordés quelque peu tabou et annonciateurs de l’explosion de la fin des années 1960. Entre l’impuissance d’un jeune homme qui n’arrive pas à faire honneur à son épouse, âgée de 20 ans et dont les hormones s’affolent, les parents trop protecteurs et collants qui n’ont pas aidé au développement personnel de leurs rejetons, sans parler de leurs propres frustrations qui avaient été dissimulées jusqu’à présent, The Family Way est un uppercut dans la comédie britannique. Satirique, frontal, percutant, le film des frères Boulting rejoint leurs grandes réussites aux côtés du Gang des tueurs – Brighton Rock (1947), Ultimatum – Seven Days to Noon (1950), Ce sacré z’héros – Private’s Progress (1956), Sept Jours de malheur – Lucky Jim (1957) et Après moi le déluge – I’m All Right Jack (1959). Il serait temps que leurs chefs d’oeuvres soient reconsidérés dans nos contrées. Toujours est-il que The Family Way rappelle parfois Heureux Mortels – This Happy Breed (1944) de David Lean à travers cette chronique familiale grinçante et immersive, dans laquelle les générations s’affrontent, mais ne se comprennent pas.
Après le mariage de Jenny Piper et d’Arthur Fitton, une réception se déroule dans un pub local. Le couple retourne à la maison des Fitton pour passer sa première nuit ensemble, avant de partir pour une lune de miel à Majorque. Mais ils trouvent le père d’Arthur, Ezra, ivre avec des invités de la fête dans le salon. Arthur se dispute avec Ezra, qui ne comprend pas le plaisir de lecture et de musique de son fils. Après une soirée tendue, les jeunes mariés se retirent finalement. Mais leur lit s’effondre à la suite d’une blague. Jenny en rit, mais Arthur imagine qu’elle rit de lui et n’est pas capable de consommer son mariage. Arthur assure à Jenny que tout va bien se passer à Majorque, mais le lendemain, le couple découvre que l’agent de voyage qui leur a vendu les billets s’est enfui avec l’argent. Incapables d’avoir leur propre maison, Jenny et Arthur doivent continuer à vivre dans la maison bondée des Fitton avec les parents d’Arthur et son frère Geoffrey, où le manque d’intimité exacerbe l’inconfort d’Arthur. Les jours passent et la tension entre les deux jeunes époux est constante, d’autant plus qu’Arthur travaille de nuit comme projectionniste et que Jenny travaille de jour. Jenny commence à sortir avec Geoffrey, qui lui fait des avances. À la demande de Jenny, Arthur voit un conseiller conjugal, mais ce qu’il raconte est entendu par une commère du village qui répand l’histoire. Finalement, Jenny se confie à sa mère…
S’ils se font connaître avec des films dramatiques exceptionnels, les frères Boulting ont su bifurquer vers la comédie avec le même talent, tout en parlant de sujets graves. Chaque chose en son temps, titre français qui traduit celui de la pièce de théâtre originale, place tout le monde dans le même panier, John et Roy Boulting prenant un malin plaisir à secouer tout ce beau petit monde pour les confronter au cours de séquences douces, mélancoliques, drôles évidemment, mais aussi souvent vachardes et qui peuvent réellement mettre mal à l’aise. C’est le cas de cette scène où un vieil époux et son femme se remémorent leur voyage de noces, parasité par la présence intrusive du meilleur ami du jeune marié, Billy, avec lequel le mari a passé plus de temps. Il en découle une ambiguïté certaine, où l’homosexualité refoulée du marié est évoquée par sa femme, quelque peu traumatisée par cet événement qu’elle n’a jamais pu digérer.
The Family Way rue dans les brancards et explose le modèle familial britannique, pour ne pas dire universel, archaïque, qui n’accepte pas de voir l’oiseau s’envoler du nid et qui repose sur les privations, les insatisfactions et la consternation des générations précédentes. Les commérages peuvent prêter à rire, procédé qui a souvent été utilisé dans les marivaudages, mais le scénario de William Naughton (Alfie, le dragueur), basé sur sa pièce de théâtre All in Good Time, montre les résultats catastrophiques et la peur que peuvent engendrer le qu’en-dira-t-on. L’incommunicabilité des êtres est imputable à la pudeur ou à l’angoisse d’avoir mal fait, d’avoir mal élevé ses enfants, celle de décevoir ses parents, jusqu’à ce que les protagonistes arrivent à bout et fassent enfin parler leurs sentiments. La musique coécrite par Paul McCartney et George Martin, enregistrée entre les albums Revolver et The Beatles, retranscrit les montagnes russes des sentiments traversés par les personnages, ainsi que leur mal-être, leurs espoirs, leurs peines et leur bonheur.
Quand au casting, il est exceptionnel. Hayley Mills, Avril Angers, John Comer, Wilfred Pickles, John Mills, Marjorie Rhodes, Hywel Bennett et le jeune Murray Head (oui oui, Say it ain’t so, Joe !) sont sublimes, chacun ayant son propre mouvement solo qui se lie à merveille dans cette symphonie écrite de main de maître et menée sur un rythme fou. The Family Way est un très grand film.
LE DVD
Le DVD de The Family Way, disponible chez Tamasa Diffusion dans la collection My British Comedies de l’éditeur, repose dans un slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 16 pages illustré et comprenant une analyse du film par Charlotte Garson, critique de cinéma. Le menu principal est fixe et musical.
Du point de vue des suppléments, nous ne trouvons qu’une galerie de photos et d’affiches d’exploitation, ainsi qu’une filmographie des frères Boulting.
L’Image et le son
Nous ne sommes pas déçus ! C’est avec un plaisir immense que nous découvrons ce film dans de pareilles conditions ! D’emblée, la colorimétrie s’impose par sa fine clarté, le relief est très appréciable et le piqué est souvent étonnant avec un lot de détails conséquents. Si la profondeur de champ n’est guère exploitée, certains gros plans étonnent par leur précision, les contrastes sont probants, la copie stable (hormis le générique plus hasardeux), le grain bien géré. N’oublions pas non plus la vertueuse restauration et propreté de la copie.
Le mixage anglais Dolby Digital 1.0 instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.