VACANCES PORTUGAISES réalisé par Pierre Kast, disponible en Blu-ray le 1er mai 2022 chez Studiocanal.
Acteurs : Françoise Arnoul, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Jean-Marc Bory, Françoise Brion, Catherine Deneuve, Jacques Doniol-Valcroze, Daniel Gélin…
Scénario : Pierre Kast, Alain Aptekman, Jacques Doniol-Valcroze & Robert Scipion
Photographie : Raoul Coutard
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Six couples amis se réunissent pour passer le week-end ensemble dans une grande et belle propriété de campagne près de Lisbonne. Les problèmes sentimentaux des uns et des autres deviennent rapidement le sujet central de leur séjour. Certains couples se défont, d’autres se découvrent sous un nouveau jour.
C’est un film dont nous ne soupçonnions même pas l’existence et ce qui frappe d’entrée de jeu en le découvrant c’est bien sûr son impressionnant casting, composé entre autres de Françoise Arnoul, Catherine Deneuve, Michel Auclair, Jean-Pierre Aumont, Daniel Gélin. D’autres sont sans doute moins connus comme Françoise Prévost (La Saignée de Claude Mulot, Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! de Luigi Comencini), Bernhard Wicki (La Nuit de Michelangelo Antonioni, Despair de Rainer Werner Fassbinder), Barbara Laage (Domicile conjugal de François Truffaut, Paris Blues de Martin Ritt), Michèle Girardon (La Proie pour l’ombre d’Alexandre Astruc, Hatari ! de Howard Hawks), Françoise Brion (Alexandre le bienheureux d’Yves Robert, La Traque de Serge Leroy, Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet) et Jean-Marc Bory (Le Dossier noir d’André Cayatte, Les Amants de Louis Malle, Maléfices de Henri Decoin). Du beau monde, c’est le cas de le dire, pour ce qu’on pourrait qualifier de film choral, qui mêle et entremêlent les personnages, dans une unité de lieu et de temps, au-delà des frontières françaises, où les sentiments semblent plus libres de s’exprimer. Sorti en octobre 1963, Vacances portugaises ou Les Égarements, est réalisé par Pierre Kast (1920-1984). Ancien militant communiste, mais avant tout passionné de cinéma, il parvient à devenir l’assistant du légendaire Henri Langlois à la Cinémathèque français dans les années 1940, puis écrit pour Les Cahiers du cinéma, avant de se lancer aussi dans le septième art. Il seconde ainsi Jean Grémillon (Pattes blanches, L’Étrange madame X) et René Clément (Le Château de verre, Jeux interdits) et Jean Renoir (French Cancan), puis commence à emballer quelques courts-métrages et documentaires. L’aventure du long-métrage démarre pour lui en 1957 avec Amour de poche, écrit par la célèbre France Roche, dans lequel il dirige Jean Marais, Jean-Claude Brialy et Geneviève Page. Vacances portugaises est son cinquième opus. Il en signe les dialogues et le coécrit avec Robert Scipion (Les Saintes chéries, Arsène Lupin, L’île aux trente cercueils), Alain Aptekman et surtout Jacques Doniol-Valcroze, l’un des fondateurs des Cahiers du cinéma, mais aussi acteur occasionnel vu dans Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais, Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman et également réalisateur (Le Viol, L’Homme au cerveau greffé). On pourrait penser que Vacances portugaises est le témoignage d’un cinéma révolu, ce qui n’est pas le cas. Car le film de Pierre Kast pose les bases d’un genre à part entière en France, aussi bien sur le fond que sur la forme, qui sont encore adoptés de nos jours, sans doute trop, et qui apparaît toujours dans le paysage cinématographique hexagonal. Certains éléments ont bien entendu pris quelques (voire pas mal) de rides, mais le charme subsiste malgré tout, grâce notamment à la fraîcheur de son casting quatre étoiles. Si tout n’est pas non plus passionnant, il serait franchement dommage de passer à côté de cette comédie dramatico-sentimentale, sur laquelle plane un spleen enivrant, qui fait encore son effet soixante ans après.
Jean-Pierre et Françoise sont mariés et passent l’hiver au Portugal. Paris leur manque, et ils décident d’inviter pour un week-end une bande d’amis des deux sexes. Tout ce monde arrive, boit du whisky, excursionne en choeur et flirte à qui mieux mieux. Michel est accompagné de Catherine, sa fille, et de Mathilde, sa secrétaire. Celle-ci deviendra sa maîtresse, tandis qu’il encourage sa fille à tenter sa chance près de Bernard, séduisant quinquagénaire. Plus intelligent ou plus prudent, Bernard l’éconduit gentiment. Daniel et Barbara ont été mariés ; ils font semblant de s’ignorer, mais découvrent qu’ils s’aiment encore. Eléonore voudrait pousser Jean-Marc à se déclarer ; pour ce, elle flirte avec Pierre…
Ils sont une douzaine à se partager l’affiche de Vacances portugaises, dans lequel, à quelques exceptions près, les comédiens portent tous leur véritable prénom, sauf Françoise Arnoul et Françoise Brion, puisque Françoise Prévost, l’une des égéries de Pierre Kast, était comme qui dirait arrivée avant les deux autres. Le metteur en scène évite le côté carte postale et s’amuse à former des petits groupes ici et là, rares sont les scènes où tout le groupe est réuni, la plupart du temps en confrontant deux personnages, qui ont un passé commun, qui font un bout de chemin dans le présent, ou qui ont peut-être un avenir à partager. Pourtant, c’est afin de tromper leur ennui que Françoise et son mari Jean-Pierre invitent quelques couples amis à passer un week-end dans leur grande villa plantée sur la côte portugaise. Durant près d’1h40, le spectateur assiste à un chassé-croisé, souvent amoureux, chaque personnage se découvrant un peu au fil de l’histoire. Si certains portent sur les nerfs, à l’instar de la relation entre Geneviève et Jacques (« Dis, est-ce que tu m’aimes ? » « Oui, bien sûr ! », « Je ne te crois pas ! », « Ah si si, et toi ? », « Je ne sais pas… », « Pourquoi ? », « Et toi, tu m’aimes vraiment ? Zzz Zzzz zzz…), nous retiendrons la grâce et la beauté fulgurante de Catherine Deneuve, alors au tout début de sa carrière et un an avant son explosion internationale avec Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. On sent Pierre Kast sous le charme de cette jeune actrice de 19 ans, qu’il met en valeur à chaque apparition avec l’aide du chef opérateur Raoul Coutard (Max mon amour, Jules et Jim, Week-end), ce qu’il fait d’ailleurs pour l’ensemble de sa distribution.
Outre la magnifique photographie, saluons également celle de la partition du mythique Georges Delerue, qui berce continuellement ces rencontres éphémères (Bernard et Catherine), nostalgiques (Daniel et Barbara) ou engageantes (Pierre et Éléonore), où se distinguent aussi la sublime Françoise Arnoul (Le Mouton à cinq pattes, Le Diable et les 10 commandements, Les Amants du Tage, Des gens sans importance) dans le rôle de Mathilde.
En dépit de ses multiples têtes d’affiche, de sa grande réussite plastique et de son écriture soignée, Vacances portugaises sortira dans l’indifférence publique générale, en attirant seulement 141.000 spectateurs dans les salles. Tombé depuis dans l’oubli, il est temps aujourd’hui de redécouvrir ce petit bijou, cette parenthèse (dés)enchantée, ces tranches de vie de protagonistes arrivés pour la plupart à un carrefour de leur existence.
LE BLU-RAY
Inédit dans les bacs français, Vacances portugaises débarque seulement en Blu-ray chez Studiocanal. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et muet.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Vacances portugaises a bénéficié d’une complète restauration 4K. Ce nouveau master au format 1.66 respecté se révèle extrêmement pointilleux en matière de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Pierre Kast, la photo signée par le grand Raoul Coutard retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont également fluides et n’occasionnent pas de décrochages.
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations demeurent inévitables sur la composition de Georges Delerue, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide et surtout saisissante. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, les dialogues clairs, dynamiques. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.