
UN FLIC VOIT ROUGE (Mark il poliziotto) réalisé par Stelvio Massi, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 mai 2025 chez Artus Films.
Acteurs : Franco Gasparri, Lee J. Cobb, Sara Sperati, Giorgio Albertazzi, Giampiero Albertini, Lucio Como, Carlo Duran, Andrea Aureli…
Scénario : Adriano Bolzoni, Stelvio Massi, Dardano Sacchetti & Raniero di Giovanbattista, d’après une histoire originale de Dardano Sacchetti
Photographie : Marcello Gatti
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 1h27
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Le commissaire Mark Terzi de la brigade des stupéfiants de la ville de Milan enquête sur les activités de l’homme d’affaires Benzi. Il le soupçonne d’être à la tête d’une organisation de trafiquants d’héroïne, mais les preuves sont minces.

Qu’est ce qu’on l’aime Stelvio Massi (1929-2004) ! Quand on entend parler d’Un flic explosif – Un poliziotto scomodo, de Magnum 44 spécial – La Legge violenta della squadra anticrimine ou de Cinq Femmes pour l’assassin – 5 donne per l’assassino, quelque chose de nerveux, d’hormonal, accélère instantanément notre rythme cardiaque. On imagine mal aujourd’hui le succès, le triomphe même, rencontré par Un flic voit rouge – Mark il poliziotto, qui a rapporté plus d’un milliard et demi de lires, quelques mois après le hit rencontré par Brigade volante – Squadra volante. Ce thriller surfait alors sur la grande popularité rencontrée par Franco Gasparri, star du roman-photos, qui faisait fantasmer des millions d’italiennes. Au cinéma, il était apparu avant ses quinze ans dans une poignée de péplums (Goliath contre les géants – Goliath contro i giganti de Guido Malatesta, Samson contre Hercule – Sansone et Hercule se déchaîne – La Furia di Ercolede Gianfranco Parolini), avant de revenir en 1974 avec La Proie –La Preda de Domenico Paolella, qui étonnamment n’avait guère attiré les foules. Un flic voit rouge allait alors changer son destin. Belle gueule, le regard laser, le flingue dans le caleçon, distribuant des bourre-pifs et imitant constamment Clint Eastwood en Harry Callahan, Franco Gasparri crève l’écran et des gangsters. Mark il poliziotto est une institution de l’autre côté des Alpes et le phénomène sera tel à la fin de l’été 1975, qu’une suite (Mark la gâchette – Mark il poliziotto spara per primo) sera mise en chantier immédiatement et sortira quatre mois plus tard, soit pile poil pour les fêtes de Noël. Un record en la matière. Aujourd’hui, Un flic voit rouge reste un formidable représentant du poliziottesco, qui n’avait pas besoin de faire dans la surenchère pour accrocher le spectateur à son siège et qui savait doser ses ingrédients afin de contenter tous les publics. Une référence.


Le jeune commissaire Marco Terzi de la brigade des stupéfiants de Milan, surnommé Mark en raison d’un cours de spécialisation qu’il a suivi aux États-Unis d’Amérique, est convaincu qu’un industriel respectable, Benzi, est à la tête d’une organisation de trafic d’héroïne international. Malgré des obstacles juridiques et une série de meurtres, il parvient avec son second à obtenir les preuves dont il a besoin sans couper les cheveux en quatre. Mais un flic aux méthodes expéditives et peu conventionnelles ne plaît jamais à la hiérarchie.


Il est comme ça Mark. Peu importe qu’on lui dise qu’un tel est intouchable. Au contraire, il ira chatouiller ce dernier là où il ne faut pas. Durant les Années de plomb, le cinéma populaire italien va servir d’exutoire et de nombreux néo-polars ne vont pas hésiter à montrer la violence de manière crue, que l’on retrouve aussi du côté des forces de l’ordre, qui utilisent alors les mêmes méthodes pour mettre fin aux agissements des criminels. Un flic voit rouge repose avant tout sur un scénario en béton, auquel ont participé Dardano Sacchetti (Killer Crocodile, Ratman, Blastfighter, l’exécuteur, L’Enfer des zombies), Adriano Bolzoni (Selle d’argent, Far West Story, Le Justicier du Minnesota) et le réalisateur lui-même, qui combine à la fois les scènes d’action, des personnages suffisamment fouillés, une radiographie de l’Italie, le tout largement influencé et inspiré par L’Inspecteur Harry – Dirty Harry de Don Siegel, avec une pincée de Magnum Force de Ted Post et de French Connection de William Friedkin.


Stelvio Massi n’est certainement pas un manchot et sa mise en scène demeure énergique du début à la fin, offre de très belles prises de vue en caméra portée et peut aussi compter sur l’élégante photo de Marcello Gatti (La Police a les mains liées, Queimada, La Bataille d’Alger). Outre Franco Gasparri, dont la carrière allait brutalement s’arrêter en 1980 après un accident de moto qui le laissera paralysé jusqu’à la fin de ses jours en 1999, les cinéphiles reconnaîtront Lee J. Cobb, le fameux Juré #3 de Douze Hommes en colère – 12 Angry Men de Sidney Lumet, vu aussi chez Elia Kazan (Sur les quais), Edward Dmytryk (La Main gauche du Seigneur), Anthony Mann (L’Homme de l’Ouest), Otto Preminger (Exodus) ou William Friedkin (L’Exorciste). Un an avant sa mort, l’acteur américain devait enchaîner quelques films en Italie et tirera sa révérence dans Magnum 44 spécial du même Stelvio Massi.


Le reste du casting se compose principalement de « gueules », celles de Giorgio Albertazzi (L’Année dernière à Marienbad, L’Assassinat de Trotsky), Giampiero Albertini (Queimada, Les Rendez-vous de Satan), Andrea Aureli (Cent jours à Palerme, Détenu en attente de jugement, La Muraille de feu), sans oublier la belle Sara Sperati (Salon Kitty, La Police a les mains liées). Composantes essentielles de tout poliziottesco qui se respecte.


Stelvio Massi crée un personnage sympathique car anticonformiste et rebelle, dont le brushing n’est jamais mis à mal malgré les péripéties. Sur une mécanique bien huilée, on suit l’enquête de ce fameux Mark, qui prend tout de même le temps de se reposer chez lui, poitrail bien ouvert aux courants d’air, la main caressant son chien Whisky, l’autre tenant un verre d’alcool ambré ou d’eau Pejo (placement de produit). Et le spectacle est toujours garanti.


LE COMBO BLU-RAY+ DVD
C’est une première en HD et même en DVD pour Un flic voit rouge de Stelvio Massi, qui bénéficie d’une très belle sortie en Combo chez Artus Films. Simultanément, l’éditeur propose aussi sa suite directe, Mark la gâchette, présenté dans la même configuration. Même s’il ne s’agit pas d’un troisième épisode officiel, nous aurions vraiment aimé bénéficier de l’autre collaboration Massi/Gasparri, Agent très spécial 44 – Mark colpisce ancora. Les deux disques reposent dans un boîtier Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné merveilleusement illustré. Le menu principal est fixe et musical.


On s’y attendait, Curd Ridel fait son retour pour nous parler d’Un flic voit rouge (22’). L’invité récurrent d’Artus Films dresse le portrait de Franco Gasparri (fils de Rodolfo Gasparri, célèbre peintre et affichiste) et revient sur sa carrière, aussi bien dans le domaine du roman-photos que du cinéma, qui allait prendre fin suite à un terrible accident de moto en 1980. Le casting est aussi abordé, tout comme l’immense succès du film, dont la suite directe (Mark la gâchette) sera tournée dans la foulée et sortira quatre mois plus tard. Sans entrer dans les détails, Curd Ridel en profite pour égratigner Ovidie. On ne vous en dit pas plus, mais ça fait du bien.

Fils de Stelvio Massi et assistant réalisateur sur Un flic voit rouge, Danilo Massi partage ses souvenirs liés à la première aventure de Mark il poliziotto (22’35). Un entretien fort sympathique, remplit d’anecdotes sur les conditions de tournage et sur le travail de son père. Danilo Massi, également présent devant la caméra dans le rôle de Ferri, parle de celui-ci en évoquant le sérieux avec lequel il entreprenait toujours un film, avant d’en venir à Franco Gasparri (« quelqu’un d’extraordinaire, intelligent, sensible, discret, nerveux […] qui a dû faire ses preuves auprès des producteurs »). Le reste du casting, la photo de Marcello Gatti, les cascades, les thèmes du film, ainsi que le succès foudroyant suite à un bouche-à-oreille dithyrambique à la fin de l’été 1975 sont aussi les sujets abordés.

La dernière interview est celle de Daniele Sangiorgi, assistant réalisateur sur Un flic voit rouge (14’). Plus anecdotique, ce bonus ne donne pas vraiment de nouvelles informations sur le film, si ce n’est que contrairement à Danilo Massi, Daniele Sangiorgi n’a pas le même ressenti sur Franco Gasparri (« qui n’était pas très sympathique, ni sociable, un solitaire qui faisait un peu sa star »). En revanche, il n’est pas avare de compliments sur Lee J. Cobb et Giampiero Albertini.

L’interactivité se clôt sur une galerie constituée d’affiches et de photos d’exploitation.
L’Image et le son
L’élévation HD pour Un flic voit rouge est frappante. Ce Blu-ray n’est peut-être pas aussi net et précis que d’autres titres Artus Films, mais la restauration 2K est de haut niveau (quelques scories demeurent, comme des poils en bord de cadre) avec des contrastes appréciables, une copie propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. L’image affiche une indéniable stabilité et certaines séquences tirent leur épingle du jeu. Blu-ray au format 1080p.
Les mixages italien et français 2.0 sont propres et distillent parfaitement la musique agitée de Stelvio Cipriani. La version originale est la plus équilibrée du lot avec une homogénéité entre les dialogues et les bruitages. Au jeu des différences, la piste française (au doublage excellent avec Gérard Hernandez qui double Franco Gasparri, si si) s’avère un peu trop axée sur les voix, mais ne manque pas d’ardeur, surtout en ce qui concerne le rendu musical !



Crédits images : © Artus Films / Rewind Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr