TWIST À BAMAKO réalisé par Robert Guédiguian, disponible en DVD et Blu-ray le 17 mai 2022 chez Diaphana.
Acteurs : Stéphane Bak, Alice Da Luz, Saabo Balde, Bakary Diombera, Ahmed Dramé, Diouc Koma, Miveck Packa, Issaka Sawadogo…
Scénario : Robert Guédiguian & Gilles Taurand
Photographie : Pierre Milon
Musique : Olivier Alary & Johannes Malfatti
Durée : 2h09
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
1962. Le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d’Amérique. Samba, le fils d’un riche commerçant, vit corps et âme l’idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C’est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s’éclaircira…
Quel plaisir ! Quel bonheur ! Quelle émotion ! Quelle force et quelle fraîcheur aussi ! Tourné en 2020 durant la pandémie de Covid 19, qui aura d’ailleurs entraîné une interruption pendant sept longs mois, Twist à Bamako, le 22è film de Robert Guédiguian (né en 1953), démontre toute l’éternelle jeunesse, l’engagement et la flamme qui animent encore et toujours le réalisateur. Agé de 66 ans au moment des prises de vue, le cinéaste mythique de Marius et Jeanette, Marie-Jo et ses deux amours, Mon père est ingénieur, Le Promeneur du Champ-de-Mars, Les Neiges du Kilimandjaro, Une histoire de fou, La Villa et plus proche de nous de Gloria Mundi, s’éloigne de sa terre natale, de son « beau pays », traverse la Méditerranée et pose ses valises en Afrique, au Sénégal pour le tournage, qui devient en fait le Mali dans son récit, pour nous raconter l’histoire du bel âge à Bamako, du temps des surprises-parties, de Salut les Copains et des diabolos menthe. Depuis 1960 et la proclamation de l’indépendance du Soudan français qui devient la république du Mali, avec Modibo Keïta comme président de la république, on danse le rock et le twist à Bamako, et le socialisme est un rêve porté par les plus jeunes, qui espèrent ainsi que leur pays deviendra un symbole d’espoir pour l’Afrique, mais aussi pour le reste du monde. Mais c’était sans compter l’attachement aux traditions ancestrales de certains, qui feront tout pour casser dans l’oeuf la révolution souhaitée par les plus idéalistes et les plus fougueux. Même si Twist à Bamako ne se déroule pas à Marseille ou dans ses environs, Robert Guédiguian reste fidèle à ses convictions et son dernier long-métrage en date s’intègre parfaitement et logiquement dans sa florissante filmographie. Merveilleusement interprété par des acteurs jusqu’alors inconnus, Twist à Bamako est un véritable bijou, un gros coup de coeur et assurément l’un des meilleurs opus à sortir au cinéma en cette année 2022.
Peu après la proclamation de l’indépendance du Mali, en 1962: Samba, fils d’un riche commerçant, est un fervent partisan du régime socialiste du président Modibo Keita. Avec quelques camarades, il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus de la collectivisation des terres, et se heurte à l’hostilité des chefs de villages. Le soir, il aime danser le twist dans des clubs branchés. Au lendemain d’une intervention dans un village bambara, lui et ses amis ont la surprise de trouver une passagère clandestine dans leur camion, Lara, une jeune femme qui a été mariée de force au petit-fils du chef du village et veut rejoindre Bamako. Elle souhaite retourner chez les Français pour qui elle travaillait avant son mariage, mais quand elle arrive à leur propriété, le jardinier lui dit qu’ils ont quitté le pays. Un ami de Samba lui propose alors de l’héberger dans sa famille, et la mère de celui-ci lui trouve un travail. Lara et Samba tombent amoureux et rêvent de faire leur vie ensemble. Samba veut croire que la réforme du Code de la famille donnera à Lara le droit de divorcer et permettra d’interdire les mariages forcés, mais Mariam, l’une des membres de la commission en charge de la révision de la loi, lui dit que les mentalités mettront encore du temps à évoluer. Lara est enceinte de son mari, et Samba se dit prêt à considérer l’enfant comme le sien. Mais les réformes du gouvernement, notamment le contrôle des importations et des exportations, ainsi que l’abandon du franc CFA au profit du franc malien, déplaisent fortement aux chefs d’entreprises et aux commerçants, qui décident d’organiser une grande manifestation, qui se termine par un assaut de l’hôtel de ville de Bamako. Le père de Samba figure parmi les personnes arrêtées et accusées de tentative de coup d’État. Samba va le visiter en prison, se rend compte qu’il a été tabassé, et qu’il est prêt à mentir et à reprendre à son compte des accusations fausses. Il doute désormais du régime.
Il y a quelque chose de foncièrement romanesque dans Twist à Bamako, à la Roméo et Juliette, qui fait autant sourire qu’il émeut aux larmes, qui est à la fois profondément optimiste, chaleureux et solaire, mais aussi sombre, alarmiste et bouleversant. Deux ans après Gloria Mundi, ce qui semble être le temps moyen nécessaire pour Robert Guédiguian d’écrire et de mettre en scène chaque film, le cinéaste s’associe au scénario avec le talentueux Gilles Taurand (Réparer les vivants de Katell Quillévéré, Les Adieux à la Reine de Benoît Jacquot, L’Enfant d’en haut d’Ursula Meier, Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré), en s’inspirant des photographies de Malick Sidibé (1936-2016), découvertes à l’occasion d’une exposition à la Fondation Cartier. Celles-ci rendaient compte de l’ébullition révolutionnaire qui suivit l’indépendance du Mali, quand les jeunes femmes portaient encore des mini-jupes et des talons hauts et que les hommes pré-adultes arboraient des pantalons très serrés, tout en se balançant au rythme du twist et du rock’n roll qui déchaînaient alors les passions des deux côtés de l’Atlantique. Magnifique reconstitution des ces années dingues (des décors à l’ambiance juke-box, en passant par l’atmosphère, les parfums et les couleurs, superbe photographie de Pierre Milon) où tout semblait permis, surtout au Mali, où l’on espère que le partage des richesses, l’entraide et toutes les autres valeurs prônées par le socialisme se concrétiseront.
Alors que l’on chante Belles, belles, belles avec un sourire jusqu’aux oreilles, certaines adolescentes se trouvent encore mariées de force dans quelques coins reculés, puis violées par leur mari, avec la bénédiction de leurs familles respectives et du chef du village. C’est en se rendant dans ce patelin paumé et éloigné de Bamako pour y faire « la promo » du programme socialiste, que Samba rencontre Lara. Ces personnages révèlent deux jeunes comédiens très prometteurs, brillants, beaux, charismatiques et même hypnotiques à de nombreuses reprises, Stéphane Bak, humoriste d’origine congolaise (né en 1996) aperçu dans Les Profs de Pierre-François Martin-Laval, Les Gamins d’Anthony Marciano, Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar et même dans Elle de Paul Verhoeven, et Alice Da Luz Gomes (née en 2001), mannequin franco-capverdienne, qui fait ici ses débuts fracassants sur le grand écran. Ce serait une faute de ne pas le mentionner, tout le reste du casting est aussi exceptionnel.
Avec une dimension parfois proche du documentaire par ses partis-pris, une caméra portée au plus près des acteurs, Robert Guédiguian capte à la fois le bouillonnement intérieur de ses protagonistes, entre le désir d’un futur utopiste où l’égalité serait reine et l’amour fiévreux qui s’empare de Samba et Lara, mais aussi ce qui se trame en coulisses, où ceux qui possèdent le pouvoir ne sont finalement guère décidés à aller dans le sens pour ainsi dire chimérique imaginé par Samba. Car désormais, le gouvernement socialiste s’attaque aux clubs où l’on danse le twist, qui sont pour lui le symbole de l’influence culturelle occidentale, d’une remise en cause des traditions africaines et de la dépravation des mœurs. Les clubs se retrouvent donc fermés. Pendant ce temps, Lara, épouse en fuite, est traquée par son frère et par son époux. Samba et Lara décident de fuir le pays, mais y arriveront-ils ? Sans en révéler l’épilogue, Twist à Bamako fait un saut dans le temps d’un demi-siècle.
Le film se clôt sur une séquence virtuose, déchirante, lourde de sens, courageuse, frontale et malgré tout pleine d’espoir, où les souvenirs ne sauraient être effacés et la femme, tout le monde le sait, demeure l’avenir de l’homme. Gigantesque coup de coeur, chef d’oeuvre.
LE BLU-RAY
Fidèle à Robert Guédiguian, Diaphana se charge une fois de plus du service après-vente pour Twist à Bamako, qui bénéficie d’une sortie en DVD et en Haute-Définition. Le menu principal est animé et musical.
Formidable documentaire, le making of de 46 minutes disponible sur cette galette HD vous dira tout ce que vous désiriez savoir sur Twist à Bamako, sur la genèse du film, sur le travail de Robert Guédiguian avec ses comédiens, sur les conditions de tournage à Thiès au Sénégal (le Mali étant devenu bien trop dangereux, la reprise des prises de vue après sept mois d’interruption en raison de la Covid). De nombreuses images filmées sur le plateau et interviews de toute l’équipe (acteurs, réalisateur, directeur de la photographie, régisseurs, décorateur, assistant…) illustrent parfaitement ce module en tout point passionnant et enrichissant, surtout quand les thèmes y sont analysés.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Les partis pris esthétiques sont respectés avec nous semble-t-il un très léger grain cinéma qui confère à l’image une agréable texture, une gestion des contrastes (tranchants) fabuleuse, et des séquences sombres aussi soignées. Le piqué est étourdissant de beauté, la compression solide comme un roc, la superbe photo du chef opérateur Pierre Milon (Profession du père, Les Envoûtés, La Villa) est habilement retranscrite avec un beau lot de détails sur les séquences diurnes, aux quatre coins du cadre. Ces dernières sont d’ailleurs lumineuses, la profondeur appréciable, la colorimétrie beaucoup plus vive, souvent chatoyante ou froide (quand la nuit tombe), et le relief y est palpable. N’oublions pas la densité des noirs et la clarté des blancs. Diaphana nous livre un remarquable master HD de Twist à Bamako.
Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 est immédiatement immersif. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique spatialisée de bout en bout, notamment tout ce qui fait office de « juke box », constitué de Twist à Saint-Tropez des Chats Sauvages, Where Did Our Love Go de The Supremes, Da doo ron ron de The Crystals, Be My Baby de The Ronettes, Let’s Twist Again de Chubby Checker, Souvenirs souvenirs de Johnny Hallyday, I Get Around de The Beach Boys, etc… La piste Stéréo, de fort bon acabit, devrait largement convenir à ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Twist à Bamako, réalisé par Robert Guédiguian »