TROIS JOURS À VIVRE réalisé par Gilles Grangier, disponible en Combo Blu-ray + DVD Edition limitée le 26 avril 2023 chez Pathé.
Acteurs : Daniel Gélin, Jeanne Moreau, Lino Ventura, Georges Flamant, Albert Augier, Aimé Clariond, Roland Armontel, Joëlle Bernard…
Scénario : Gilles Grangier, Michel Audiard & Guy Bertret, d’après le roman de Peter Vanett
Photographie : Armand Thirard
Musique : Joseph Kosma
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Simon Belin est un comédien ambitieux dans une troupe de théâtre itinérante, mais toujours relégué aux seconds rôles. Un soir, il est témoin d’un meurtre. En identifiant le premier suspect qu’on lui présente, Lino Ferrari, il voit là une opportunité pour briller et être sous le feu des projecteurs. Mais ce dernier s’échappe de prison et prévient Simon : il ne lui reste que trois jours à vivre.
Ceux qui me lisent depuis X-années le savent, Gilles Grangier est sans doute l’un des cinéastes qui a le plus bercé l’auteur de ces mots. Sur Homepopcorn.fr (et ailleurs, dans une galaxie lointaine…), j’ai pu revenir sur beaucoup d’opus de ce merveilleux réalisateur, Meurtre à Montmartre, Échec au porteur, Le Sang à la tête, Train d’enfer, Gas-oil, Maigret voit rouge, Archimède le clochard…Une petite partie de l’iceberg flottant sur l’océan que représente sa filmographie conséquente composée de près de 70 longs-métrages, séries télévisées et téléfilms, son plus grand succès étant La Cuisine au beurre, le tandem Bourvil-Fernandel réunissant près de 6,5 millions de spectateurs en 1963. S’il demeure plus connu, tant auprès des cinéphiles que la critique, pour sa douzaine de collaborations avec Jean Gabin, de La Vierge du Rhin en 1953 à Sous le signe du taureau en 1969, Gilles Grangier c’est aussi de petits films qui ont toujours eu l’élégance de la fausse simplicité. Ainsi, juste avant Le Désordre et la nuit, avec le « Vieux », assuré de remporter à nouveau les suffrages du public, sortent deux films coup sur coup, Échec au porteur au mois de janvier (1,2 million d’entrées) et Trois jours à vivre au mois de mars (qui dépasse de justesse la barre du million). Le second, qui nous intéresse aujourd’hui, est l’adaptation d’un roman de Peter Vanett (éditions Fleuve noir, collection Spécial Police 1955), coécrite par Gilles Grangier, Guy Bertret (habituellement compositeur) et surtout Michel Audiard, dont la griffe est immédiatement reconnaissable et qui signe évidemment les dialogues. Trois jours à vivre reste complètement méconnu dans la carrière prolifique et éclectique de Grangier et vaut le coup d’oeil pour plusieurs raisons. La première, pour Jeanne Moreau, qui crève l’écran une fois de plus dans sa troisième association avec le cinéaste, la seconde pour Lino Ventura, alors à ses tous débuts (fracassants), avec lequel Grangier venait de tourner Le Rouge est mis, et qui cette fois encore tire son épingle du jeu malgré son peu de présence à l’écran. Outre son casting, comme d’habitude excellemment dirigé, on retrouve tout ce qui fait le charme inaltérable des films de Gilles Grangier avec son amour pour les scènes tournées en extérieur, de véritables témoignages sur la vie parisienne et provinciale. Une atmosphère que l’on aime ressentir dans chaque film. S’il pâtit d’une tête d’affiche peu enthousiasmante en la personne de Daniel Gélin, nous y reviendrons, Trois jours à vivre est une découverte bien sympathique sur laquelle il n’est pas interdit de se pencher.
Simon Belin est un acteur qui fait les tournées de province avec sa compagnie. Bien que talentueux, il n’a jamais eu la chance de véritablement briller sur scène. C’est toujours Bérimont qui tient les grands rôles. Un jour, Simon est témoin d’un meurtre. Sous la pression de la justice, mais aussi de son agent qui y voit une belle occasion de publicité, Simon identifie un suspect, Ferrari, dont il n’est pas certain de la culpabilité. Devenu la coqueluche de la ville, Simon Belin remplace bientôt Bérimont en tant qu’acteur vedette. Mais Ferrari s’évade et le menace, il n’a plus que trois jours à vivre.
Un scandale est toujours bon, seulement faut savoir en profiter.
Durant les années 1950 et ce depuis les succès de Rendez-vous de juillet et d’Édouard et Caroline de Jacques Becker, Daniel Gélin enchaîne les films, tournant parfois même cinq fois par an auprès de réalisateurs de renom, chez Jean Delannoy, Max Ophüls, Christian-Jaque, Sacha Guitry, Henri Verneuil, Julien Duvivier, Pierre Gaspard-Huit, Marc Allégret, Henri Decoin, Denys de La Patellière et même Alfred Hitchcock dans L’Homme qui en savait trop – The Man Who Knew Too Much ! Autant dire que l’acteur a le vent en poupe. 1957, Daniel Gélin est à l’affiche de quatre longs-métrages, Charmants garçons, Retour de manivelle, Mort en fraude et Trois jours à vivre. Dans ce dernier, son charisme lisse et suintant de suffisance convient à son personnage de Simon Belin, auquel il est difficile de s’attacher, mais dont Daniel Gélin restitue finalement habilement le désarroi dans lequel Belin est plongé, après avoir réalisé un faux témoignage dans le seul but de se faire mousser et de connaître enfin ce quart d’heure de célébrité qu’évoquerait Andy Warhol dix ans plus tard. Une part de nous jubile de voir Simon Belin perdre les pédales, quand celui-ci apprend que l’individu qu’il avait injustement accusé d’un crime qu’il n’a pas commis, s’est évadé de prison dans le but unique de se venger et de le faire passer de vie à trépas dans trois jours très précisément. Belin a donc le temps de s’effondrer, même si The Show Must Go On et qu’il doit honorer ce nouveau contrat qui l’a placé comme nouvelle vedette de sa troupe de théâtre alors en pleine tournée.
Heureusement, il peut compter sur le soutien de la belle Jeanne, habilleuse et elle-même comédienne, qui fera tout pour l’aider à surmonter cette situation. Mais Belin, envahi par l’angoisse, convaincu qu’il peut se faire flinguer à chaque coin de rue, ne parvient plus à faire face. Il faut dire que celui qu’il avait désigné comme étant le coupable de meurtre est incarné par le colosse Lino Ventura, qui n’a pas ce qu’on peut appeler une gueule de porte-bonheur. Alors, quand le dénommé Lino Ferrari est lancé sur ses traces, l’univers de Belin s’écroule. Il est toujours impressionnant de voir comme Lino Ventura a instantanément percé au cinéma, dès sa première apparition en 1954 dans Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, où il donnait déjà la réplique à Jeanne Moreau. Les deux se retrouveront enfin tout de suite après dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle et leurs scènes en commun dans Trois jours à vivre sont indubitablement les meilleures, surtout celles qui restent en tête après.
Parallèlement, Gilles Grangier s’intéresse à cette petite troupe de théâtre qui ne paye pas de mine, qui connaît des hauts, mais surtout des bas, qui s’en sort toujours, où les égos s’affrontent au quotidien, où les acteurs de premier et de second plan mutent sans arrêt. Dans les loges et dans les coulisses, la vie s’anime, ça se bouscule, ça hurle aussi parfois, mais tous un but commun, donner le meilleur d’eux-mêmes à une audience qui a fait l’effort de venir pour les voir jouer. Et rien à redire du côté formel, la photographie d’Armand Thirard (Les Bonnes causes, Si tous les gars du monde…, Les Diaboliques, Le Mouton à 5 pattes) est très plaisante, le montage trouve ce parfait équilibre entre la romance et le suspense, aucun temps mort à signaler. Un film de Grangier certes pas inoubliable, mais qui n’en reste pas moins à connaître si vous en avez l’opportunité.
LE BLU-RAY
Et hop, un nouveau titre inédit en HD, désormais disponible en Combo Blu-ray + DVD chez Pathé ! Trois jours à vivre intègre désormais la collection Pathé Présente. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.
Sur cette édition, nous trouvons une interview croisée de Jean-Ollé Laprune (historien du cinéma français) et François Guérif (éditeur, directeur de collection littéraire, critique de cinéma, auteur de l’ouvrage Passé la Loire, c’est l’aventure, qui réunit des entretiens qu’il a conduits avec Gilles Grangier), qui durant 26 minutes replacent Trois jours à vivre dans la carrière du réalisateur et dissèquent à la fois le fond et la forme. Peut-on dire que Trois jours à vivre est un polar ? Oui pour l’un, pas vraiment pour l’autre. Le film est-t-il fidèle au roman de Peter Vanett (qui on l’apprend était en fait le pseudo d’une écrivaine) ? Quels sont les thèmes explorés par Gilles Grangier et Michel Audiard ? Toutes les réponses à ces questions se trouvent dans ce module toujours de très bonne qualité, où vous entendrez aussi parler de la distribution et des lieux de tournage.
L’Image et le son
Trois jours à vivre n’avait sûrement jamais été présente dans de telles conditions. Les contrastes affichent d’emblée une densité vraisemblablement inédite, les noirs sont profonds, la palette de gris riche et les blancs lumineux. Seul le générique apparaît peut-être moins aiguisé, mais le reste affiche une stabilité exemplaire ! Les arrière-plans sont bien gérés, le grain original est respecté, le piqué est souvent dingue et les détails regorgent sur les visages des comédiens. Avec tout ça, on oublierait presque de parler de la restauration 4K du film, réalisée à partir du négatif original. Celle-ci se révèle extraordinaire, aucune scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’encodage AVC consolide l’ensemble du début à la fin, les séquences nocturnes sont d’une profondeur jamais démentie, le relief des matières palpable. La photo est resplendissante et le cadre, au format respecté, brille de mille feux. Ce master très élégant permet de (re)découvrir ce film jusqu’à présent oublié et peu diffusé de Gilles Grangier.
La partie sonore a été restaurée numériquement. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets. Si quelques saturations demeurent inévitables, la musique est joliment délivrée et aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.
Crédits images : © Pathé Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr