Test Blu-ray / Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, réalisé par Sergio Martino

TON VICE EST UNE CHAMBRE CLOSE DONT MOI SEUL AI LA CLÉ (Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave) réalisé par Sergio Martino, disponible en coffret Combo Blu-ray + DVD + Livre La Trilogie du vice – L’Étrange Vice de Madame Wardh + Toutes les couleurs du vice + Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé le 4 juin 2024 chez Artus Films.

Acteurs : Edwige Fenech, Anita Strindberg, Luigi Pistilli, Ivan Rassimov, Angela La Vorgna, Enrica Bonaccorti, Daniela Giordano, Ermelinda De Felice, Marco Mariani, Nerina Montagnani, Franco Nebbia…

Scénario : Ernesto Gastaldi, Adriano Bolzoni & Sauro Scavolini, d’après Le Chat noir d’Edgar Allan Poe

Photographie : Giancarlo Ferrando

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Oliviero est un ancien grand écrivain qui a perdu son inspiration et vit dans une ferme avec sa femme, tandis que sa mère décédée domine son existence et son imagination. Parallèlement, il a des liaisons avec une ancienne écolière et la servante de leur maison. Lorsque son ancienne élève est retrouvée assassinée, la police le considère comme le suspect numéro un. Les choses se compliquent encore lorsque sa jeune, belle et confiante nièce, Floriana, vient vivre avec eux. Au milieu de tout cela, le chat noir d’Oliviero, qui fait horreur à sa femme Irène, joue un rôle curieux.

Dernier volet de la trilogie informelle dite « du vice » avec Edwige Fenech dirigée par Sergio Martino, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la cléIl tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave (ou L’Œil du chat noir, ou bien encore L’Escalade de l’horreur) est mis en route immédiatement après Toutes les couleurs du viceTutti i colori del buio, la sortie des deux films n’étant espacée que de six mois seulement en Italie. Autant dire que le scénariste Ernesto Gastaldi, alors très occupé (huit films qu’il a écrit sortent en 1972, dont Amigo!… Mon colt a deux mots à te dire de Maurizio Lucidi, Les Rendez-vous de Satan de Giuliano Carnimeo et La Mort caresse à minuit de Luciano Ercoli), a parfois été moins inspiré et c’est étrangement le cas pour Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé, d’après Le Chat noir d’Edgar Allan Poe. Le scénariste le reconnaîtra d’ailleurs lui-même, il s’agit là sans doute d’un des opus les plus faibles de son réalisateur, quand bien même celui-ci réserve quelques bons moments. Mais ils sont bien trop dispersés et l’ensemble manque cruellement d’originalité, surtout après la transposition de Roger Corman sortie dix années auparavant, la nouvelle de Poe ayant aussi déjà été adaptée en 1934 par Edgar G. Ulmer dans le cadre des Universal Monsters et le sera encore après par Lucio Fulci en 1981 (et 1977 si l’on compte aussi L’Emmurée vivante) et Dario Argento dans l’une des deux parties de Deux Yeux maléfiques (1990). Rétrospectivement, Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave n’a du giallo post-L’Oiseau au plumage de cristal que son tueur ganté, vêtu d’un chapeau, d’un imperméable et armé d’une lame courbée, car le dit assassin est expédié après cinquante minutes plutôt poussives. C’est alors qu’entre enfin en scène Edwige Fenech (au bout d’une demi-heure pour être exact), qui relance la machine et dont le personnage et les motivations renvoient au genre plus classique, nappé d’horreur gothique. Il faut donc attendre patiemment pour que l’histoire démarre, faire avec des protagonistes très antipathiques (à ce jeu-là, Anita Strindberg et Luigi Pistilli sont impeccables, car imbuvables) qui prennent un malin plaisir à s’humilier en permanence, même si le final s’avère décevant car trop prévisible. Demeure « la Fenech » comme on disait en Italie, qui explose une fois de plus l’écran de son talent et de son insolente sensualité.

Oliviero Rouvigny, écrivain raté et alcoolique, vit dans un manoir délabré avec sa femme Irina. Irina a peur du chat d’Oliviero, Satan, qui appartenait à Esther, la défunte mère d’Oliviero. La seule autre habitante est la femme de ménage, Brenda. Pour lutter contre l’ennui, Oliviero organise des fêtes décadentes pour les hippies locaux et humilie et maltraite Irina et Brenda devant les invités. Soudain, Irina apparaît vêtue de la robe élégante qui appartenait à la mère décédée de Rouvigny, qui explose de colère, frappe son épouse et la viole. Après que sa maîtresse Fausta, une de ses anciennes élèves et employée de librairie, a été retrouvée morte, Oliviero devient le principal suspect après avoir été dénoncé par Bartello, le patron de Fausta. L’auteur ment lorsqu’il est interrogé par la police et leur dit qu’il était en train de réparer un pneu crevé sur sa voiture au moment où Fausta a été assassinée, obligeant Irina à le couvrir. Plus tard, Irina enquête sur la prétendue crevaison dans le coffre de la voiture de son mari, mais celui-ci l’attrape et la bat. Pendant la nuit, au cours d’un violent orage, Brenda enfile la robe d’Esther alors qu’Oliviero l’espionne silencieusement. Brenda sent que quelqu’un d’autre est dans la maison et tente de s’enfuir dans sa chambre, mais elle est mortellement blessée par un tueur à l’aide d’un crochet. Irina trouve Brenda mourante qui s’effondre à ses pieds. Oliviero apparaît, regarde froidement le corps et convainc Irina de l’aider à le dissimuler pour éviter tout soupçon. Le corps de Brenda est enterré dans la cave, mais Oliviero refuse de se débarrasser de la blouse tachée de sang et demande à Irina de la laver. Floriana, la nièce d’Oliviero, arrive soudainement de Paris pour une visite.

Ce qui décontenance quelque peu, quand nous ne sommes pas prévenus à l’avance, c’est qu’Edwige Fenech n’interprète pas le personnage principal ici, laissant la place à Anita Strindberg, que Sergio Martino avait déjà dirigé dans La Queue du scorpionLa Coda dello scorpione quand la belle Edwige pouponnait. L’actrice suédoise avait alors le vent en poupe et venait d’enchaîner Le Venin de la peur Una lucertola con la pelle di donna de Lucio Fulci, Les Deux Visages de la peurCoartada en disco rojo de Tulio Demicheli et Qui l’a vue mourir ?Chi l’ha vista morire? d’Aldo Lado. Moins empathique qu’Edwige Fenech, plus froide aussi sans doute, sèche et « inaccessible », Anita Strindberg n’en reste pas moins convaincante, mais se laisse parfois aller à un surjeu à mesure que la personnalité d’Irina se dévoile. À ses côtés, Ivan Rassimov est étrangement peu marquant dans cet opus (hormis sa coupe de cheveux), Luigi Pistilli (Cadavres exquis, Les Tueurs sont nos invités, Exorcisme tragique, La Baie sanglante, Texas Adios, Le Grand silence) est parfait dans le rôle de l’écrivain suintant l’alcool, frustré, névrosé, pervers, tordu, ravagé par la drogue et les désirs incestueux, qui s’il n’a pas pu concrétiser avec sa mère (l’ombre de Psychose plane d’ailleurs sur le film) le fera avec sa nièce peu farouche qui a des idées derrière la tête.

Celle-ci c’est donc Edwige Fenech, bombe incendiaire montée sur bottines, chemisier très serré et fermé par des boutons prêts à lâcher à la moindre respiration. On peut difficilement faire plus excitant dans le cinéma italien du moment que la Fenech, mais comme nous l’avons déjà dit, la comédienne n’est évidemment pas qu’une belle poupée à la peau diaphane, à la bouche en coeur et aux seins fièrement dressés, elle est aussi une put*** d’actrice. Si Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé n’est assurément pas le meilleur giallo, elle trouve ici l’un de ses rôles les plus ambigus et mystérieux de sa carrière.

LE COFFRET

C’est l’un des événements de l’année dans le domaine du support physique hexagonal. Artus Films réunit trois gialli de Sergio Martino (avec Edwige Fenech pourrait-on ajouter), « la trilogie du vice », dans un sublime coffret comprenant les éditions DVD et Blu-ray de L’Étrange Vice de Madame Wardh, Toutes les couleurs du vice et Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé. Six disques solidement harnachés dans un Digipack à quatre volets, magnifiquement illustré et glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. À cela s’ajoute un magistral livret de cent pages intitulé Les Vices cachés de Sergio Martino, réalisé par Emmanuel Le Gagne, avec Sébastien Gayraud et David Perrault. Quelques fautes d’orthographe par-ci, par-là, mais l’ensemble y est passionnant, érudit, très informatif sur l’ensemble de la carrière (divisée en genres) du cinéaste, mais aussi sur les trois longs-métrages qui nous intéressent plus particulièrement, puis sur les autres gialli du maestro. Parfait équilibre entre le texte et les illustrations. Les menus principaux sont fixes et musicaux. Jusqu’à présent jamais sorti dans les bacs français, Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé est l’exclusivité de ce coffret indispensable.

Et l’on retrouve une fois de plus Ernesto Gastaldi (21’), qui s’avère on ne peut plus réservé sur Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé. Il s’explique « Selon-moi, c’est le pire film de Sergio Martino (qu’il n’avait pas vu à sa sortie et qui venait de le découvrir pour ce bonus). Il y a trop de scènes de sexe inutiles, longues, interminables, le montage est catastrophique et la mise en scène est mauvaise ». Autant dire que l’introduction donne le ton. Le scénariste continue « Cela se voit que le film a été fait à la va-vite, l’histoire est un peu boiteuse, mais je ne sais pas si c’est de ma faute ou celle du réalisateur. De plus, il y a beaucoup trop de scènes avec les yeux du chat en gros plan, c’est donc un problème de montage surtout ». Ernesto Gastaldi s’exprime aussi sur la provenance du titre (tirée d’une scène du L’Étrange Vice de Madame Wardh), sur ce que les écrits d’Edgar Allan Poe ont pu avoir comme influence sur son propre travail, sur le fait qu’il est pour ainsi dire le seul responsable du scénario (« je ne sais même pas si les deux autres crédités y ont touché ! »), le casting (« Anita Strindberg est la meilleure du film, elle se débrouille bien, sans être extraordinaire et en fait même trop à la fin »), le placement de produits (l’eau Pejo, les cigarettes américaines Roxy, sans oublier le panneau publicitaire contre lequel s’écrasent les deux tourtereaux à la fin), indiquant par la suite que « Silvio Berlusconi n’a pas seulement détruit l’industrie du cinéma, mais les films eux-mêmes » en coupant ceux-ci à plusieurs reprises pour leurs diffusions à la télévision. Enfin, le « maestro » déclare que Sergio Martino en avait sous le capot et aurait pu faire autre chose, qu’il en avait les capacités, avant de dire que cela lui fait évidemment plaisir que les films auxquels il a participé soient redécouverts sans cesse, notamment grâce à Quentin Tarantino qui n’a jamais eu de cesse de mettre à l’honneur le bis italien.

Point d’Emmanuel Le Gagne sur ce titre, mais on retrouve avec plaisir l’excellent Sébastien Gayraud, présent dans un bonus sur Toutes les couleurs du vice et ayant participé au livret joint à ce coffret. En à peine un petit quart d’heure, l’écrivain et conférencier, spécialiste de l’horreur et du cinéma d’exploitation revient posément sur la trilogie informelle dite « du vice » de Sergio Martino, en se focalisant cette fois sur Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé. La signification et la provenance du titre, les thèmes du film, les partis-pris du cinéaste (ou comment Sergio Martino et Ernesto Gastaldi traitent différemment les codes du giallo, en revenant au gothique), l’adaptation officieuse du Chat noir d’Edgar Allan Poe (ainsi que les autres références à l’écrivain), l’influence d’Alfred Hitchcock (notamment Psychose, avec tout ce qui touche au fétichisme autour de la robe de la mère d’Oliviero) sont les points abordés au cours de cette présentation. Enfin, de par son ambiance sombre et âpre, Sébastien Gayraud rapproche Il tuo vizio è una stanza chiusa e solo io ne ho la chiave de La Mort a souri à l’assassin, réalisé par Joe d’Amato.

L’interactivité se clôt sur un Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, ainsi que sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Artus Films nous offre un nouveau master 2K restauré. Une version intégrale qui resplendit souvent en Haute-Définition et à qui ce lifting numérique fait le plus grand bien ! La propreté est très impressionnante, hormis peut-être quelques points noirs et blancs ici et là, la stabilité de la copie n’est jamais prise en défaut, le piqué est acéré, les couleurs éclatantes et les quatre coins du superbe cadre regorge de détails. Certains plans flous font bien leur apparition à plusieurs reprises, mais semblent d’origine et ne sont en aucun cas imputables au travail effectué pour redonner vie au film de Sergio Martino. Ah oui et le grain argentique est évidemment de la partie, excellemment géré et doux (certains diront trop, voire lissé) pour les mirettes.

Seule la version originale Linear PCM est disponible. Les dialogues sont dynamiques, jamais étouffés, ni parasités par le moindre souffle. C’est nickel, propre et certaines scènes sont même étonnamment très vives.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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