
LE BATEAU QUI MOURUT DE HONTE (The Night my Number Came Up) réalisé par Basil Dearden, disponible en Combo Blu-ray + DVD depuis le 14 janvier 2025 chez Tamasa Distribution.
Acteurs : Richard Attenborough, George Baker, Bill Owen, Virginia McKenna, Roland Culver, Bernard Lee, Ralph Truman, John Chandos, Harold Goodwin, John Longden…
Scénario : John Whiting, Michael Relph & Basil Dearden, d’après une nouvelle de Nicholas Monsarrat
Photographie : Gordon Dines
Musique : William Alwyn
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
Après s’être illustré par sa bravoure pendant la Seconde Guerre mondiale, l’équipage du canonnier 1087 de la Royal Navy décide de remettre le navire à flots pour se lancer dans la contrebande. Alors que les cargaisons deviennent de plus en plus suspicieuses, le bateau semble refuser son nouvel et humiliant emploi.

S’il y a un réalisateur britannique auquel devraient s’intéresser les cinéphiles, c’est bien Basil Searden (1911-1971). Nous avons déjà parlé de ce cinéaste à travers nos chroniques consacrées à Khartoum, Au coeur de la nuit (pour lequel il signait le sketch intitulé Le Cocher de corbillard – Hearse Driver, ainsi que celui dit « de liaison ») et Un si noble tueur – The Gentle Gunman. Un nom emblématique des studios Ealing. C’est toujours un immense plaisir de mettre la main sur une œuvre méconnue, devenue invisible depuis longtemps et devant laquelle on redécouvre sans cesse la virtuosité d’un metteur en scène. C’est encore le cas avec Le Bateau qui mourut de honte – The Ship That Died of Shame, sorti en 1955, alors que le cinéma anglais connaît une crise sans précédent. Cet opus est le vingtième et antépénultième emballé par Basil Dearden pour le compte des Ealing Studios et sans doute l’un des plus étonnants, avec lequel son auteur retrouve une petite veine fantastique déjà exploitée dans le sensationnel Au coeur de la nuit. Également scénariste et producteur, Basil Dearden dirige de merveilleux comédiens et convoque le spectre de la Seconde Guerre mondiale, en se focalisant sur une poignée d’anciens combattants, dont l’âme est restée à bord de leur navire, en pleine mer, qu’ils ont arpenté plusieurs années pour faire face à l’ennemi. Le retour à la « vie normale » est pour ainsi dire impossible, mais il faut bien vivre et continuer à avancer puisqu’ils n’ont pas sombré dans les flots. Comme le hasard fait bien (ou mal) les choses, ces vétérans vont se retrouver quelques années plus tard et remonter à bord de leur ancien navire de guerre, reconverti en bâtiment destiné à la contrebande. Le Bateau qui mourut de honte est comme qui dirait un huis clos à ciel ouvert, où les personnages semblent avoir été enfermés à jamais sous cloche avec leur bateau. La violence jusqu’alors contenue, ainsi que les règlements de comptes vont alors exploser. Grande découverte que ce The Ship That Died of Shame.


Le 1087 est une canonnière de la Royal Navy britannique qui accompagne son équipage dans les pires épreuves de la Seconde Guerre mondiale. Après la fin de la guerre, le lieutenant George Hoskins convainc l’ancien capitaine Bill Randall et le barreur Birdie d’acheter leur bateau et de l’utiliser pour ce qu’il leur présente comme une contrebande mineure et inoffensive, le transport d’alcool. Mais ils se retrouvent à transporter des cargaisons de plus en plus sinistres, comme de la fausse monnaie et des armes. Bien que leur navire ait été d’une fiabilité irréprochable et ne les ait jamais laissés tomber en temps de guerre, les choses commencent à mal tourner lorsque l’équipage accepte des missions de plus en plus douteuses du major Fordyce, et le 1087 tombe fréquemment en panne.


Ce que l’on retient cette fois encore du film de Basil Dearden, adapté d’une nouvelle de Nicholas Monsarrat publiée en 1952, c’est la distribution magistrale ici portée par un vénéneux Richard Attenborough, que l’on avait vu ainsi dans le formidable Brighton Rock de John Boulting. Celui qui restera pour beaucoup (et à juste titre) John Hammond dans Jurassic – « J’ai dépensé sans compter » – Park, avait déjà plus d’un demi-siècle de carrière derrière lui quand Steven Spielberg allait le sortir de sa retraite et mettre la main sur les œuvres de jeunesse du comédien permet de se rendre compte que celui-ci avait l’étoffe et le talent d’un James Cagney. Il est aussi fielleux qu’impérial dans Le Bateau qui mourut de honte et vole la vedette à son partenaire George Baker, dans l’une de ses premières apparitions au cinéma. Celui que l’on verra aussi dans deux James Bond, Au service secret de Sa Majesté de Peter R. Hunt et L’Espion qui m’aimait de Lewis Gilbert (chose amusante, Ian Fleming le voyait comme un acteur idéal pour incarner Bond), ainsi que dans le génial Les Loups de haute mer de Andrew V. McLaglen, s’en sort pourtant vraiment bien et s’impose également dans les scènes dramatiques. Les fans physionomistes des aventures de l’agent 007, reconnaîtront aussi Bernard Lee, mythique M de James Bond 007 contre Dr. No à Moonraker. Jolie présence, bien que peu présente à l’écran, que celle de Virginia McKenna (Holocaust 2000), dont l’ombre du personnage plane sur Bill du début à la fin.


Solidement photographié par le chef opérateur Gordon Dines (Secret People, Pool of London, The Blue Lamp), fidèle collaborateur de Basil Dearden, bénéficiant du concours de la Royal Navy (d’où la présence de nombreux stockshots) et d’effets spéciaux réussis (quand bien même les nombreuses maquettes se voient comme le nez au milieu de la figure), The Ship That Died of Shame touche au fantastique quand « l’âme » de la canonnière se réveille et se manifeste à mesure que ses passagers s’enfoncent toujours plus dans la criminalité. Il en va ainsi jusqu’au dénouement, qui donne son titre à ce drame prenant et tendu, qui demeure une vraie curiosité.


LE COMBO BLU-RAY + DVD + LIVRET
S’il a souvent sorti également des titres italiens, Tamasa Distribution a toujours eu une prédilection pour le cinéma venu d’outre-Manche. C’est encore le cas avec une salve de merveilleux opus que, à savoir Pink String and Sealing Wax – Ficelle rose et corde à cacheter (1945), The Night my Number Came Up – La Nuit où mon destin s’est joué (1955) de Leslie Norman et The Ship that Died of Shame – Le Bateau qui mourut de honte (1955) de Basil Dearden. Nous terminons cette vague (le terme est bien approprié) avec le troisième et dernier titre susmentionné. Les deux disques reposent dans un boîtier Digipack à deux volets, illustré avec élégance. Nous y trouvons à l’intérieur un livret de 16 pages, intitulé Fausses routes, écrit par Mélanie Boissonneau. La docteure en études cinématographiques et audiovisuelle, enseignante à l’université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle donne moult informations sur les studios Ealing (notamment les figures de Basil Dean, Michael Balcon et Basil Dearden), ainsi que la « caractérisation » du bateau, véritable personnage à part entière dans Le Bateau qui mourut de honte. Le menu principal est fixe et musical.

Point de N. T. Binh sur ce titre, remplacé ici par Erwan Le Gac, monteur, réalisateur et coéditeur, avec Rouge profond, de l’intégrale Midi Minuit Fantastique (41’). Une longue présentation dans laquelle il y a comme qui dirait à boire et à manger, puisque l’invité de Tamasa passe beaucoup trop de temps à raconter l’histoire et à nous dévoiler les rebondissements du film qui nous intéresse aujourd’hui. Beaucoup d’informations concernant les studios Ealing ont déjà été lues ou entendues sur d’autres titres, tandis que le retour sur la carrière de Michael Balcon et Basil Dearden est plus ou moins repris aussi du livret de Mélanie Boissonneau, une coïncidence évidemment, mais l’aspect s’avère redondant. Demeurent les arguments plus intéressants sur la distribution du film et la psychologie des personnages. Notons aussi des soucis de son, comme si la voix d’Erwan Le Gac avait parfois été enregistrée en post-synchronisation, avec des variations de volume assez pénibles, tout comme la mise au point qui s’avère aléatoire.

L’Image et le son
La restauration numérique 4K du Bateau qui mourut de honte sortie outre-Manche en 2023, débarque enfin chez nous grâce aux bons soins de Tamasa Distribution. Le nouveau master HD au format 1.37 respecté se révèle extrêmement pointilleux en terme de piqué, de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, la nouvelle profondeur de champ permet d’apprécier la composition des plans de Basil Dearden, la photo signée Gordon Dines retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. En revanche, les stock-shots demeurent extrêmement visibles, puisqu’ils s’avèrent tâchés, griffés, avec une texture beaucoup plus grumeleuse. Blu-ray au format 1080p.

L’unique piste anglaise est présentée en Dolby Digital Mono 2.0. Quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, mais l’écoute se révèle plutôt fluide et équilibrée. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont clairs, dynamiques, sans souffle. Les sous-titres français et même bretons (si si) sont disponibles.



Crédits images : © Tamasa / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr