TERREUR DANS LE SHANGHAÏ EXPRESS (Horror Train) réalisé par Eugenio Martin, disponible en Blu-ray depuis décembre 2022 chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Christopher Lee, Peter Cushing, Georges Rigaud, Telly Savalas, Alberto de Mendoza, Silvia Tortosa, Helga Liné…
Scénario : Arnaud d’Usseau & Julian Zimet
Photographie : Alejandro Ulloa
Musique : John Cacavas
Durée : 1h28 (version intégrale)
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
En 1906, en Chine, le professeur Alexander Saxton découvre un ancien fossile gelé dans la province isolée de Szechuan. Il apporte les restes de l’être, qu’il croit être le chaînon manquant, dans une boîte à Shanghaï à bord d’un train Trans-Siberien, où il rencontre une vieille connaissance le Dr Wells. Au cours de ce voyage, la créature glacée commence à fondre, et réussit à se libérer. Elle décide ensuite de tuer les passagers pour voler leur mémoire…
Le début des années 1970 a été faste pour Peter Cushing et Christopher Lee ! En 1972-73, le premier tournera près d’une douzaine de longs-métrages (dont Frissons d’outre-tombe – From Beyond the Grave et And Now the Screaming Starts! de Roy Ward Baker), même chose pour le second, qui campera entre autres Rochefort dans Les Trois Mousquetaires de Richard Lester, ainsi que Lord Summerisle dans le légendaire The Wicker Man de Robin Hardy. Coup sur coup, les deux complices se retrouvent devant la même caméra dans Dracula 73 – Dracula A.D. 1972 et Dracula vit toujours à Londres – The Satanic Rites of Dracula d’Alan Gibson, La Chair du diable – The Creeping Flesh de Freddie Francis, Nothing but the Night de Peter Sasdy et Terreur dans le Shanghaï Express – Horror Express, ou bien encore Pánico en el Transiberiano d’Eugenio Martín sous le pseudo ici de Gene Martin. Le pitch ? C’est « tout simple », en voyageant à bord du Transsibérien Express, un anthropologue et son rival doivent contenir la menace posée par la cargaison: un singe préhistorique qui est l’hôte d’une forme de vie qui absorbe l’esprit des passagers et de l’équipage. Un huis clos sur les rails, où le train devient un petit théâtre de l’horreur, où tous les passagers sont mis en danger. Terreur dans le Shanghaï Express s’accompagne souvent de critiques mitigées. Pourtant, ce petit opus du genre s’avère bougrement sympathique et contient son lot de séquences très efficaces, dont une trépanation et autres effets gore particulièrement réjouissants, tandis que le casting, notamment nos deux têtes d’affiche auxquelles se greffent Telly Savalas (qui apparaît au bout d’une heure), parfait en cosaque désagréable, assurent évidemment le show, sans se forcer, mais avec leur immense talent et une élégance de tous les instants.
En 1906, le professeur Sir Alexander Saxton, un anthropologue britannique de renom, revient en Europe par le Transsibérien Express de Shanghaï à Moscou. Avec lui se trouve une caisse contenant les restes congelés d’une créature humanoïde primitive qu’il a découverte dans une grotte en Mandchourie. Il espère que c’est un chaînon manquant dans l’évolution humaine. Le docteur Wells, rival amical de Saxton et collègue de la Geological Society, est également à bord mais voyage séparément. Avant que le train ne quitte Shanghaï, un voleur est retrouvé mort sur le quai. Ses yeux sont complètement blancs, sans iris ni pupilles, et un spectateur le prend d’abord pour un aveugle. Le comte polonais Marion Petrovski et son épouse, la comtesse Irina, attendent de monter à bord du train avec leur conseiller spirituel, un moine orthodoxe oriental nommé père Pujardov, qui proclame à Saxton que le contenu de la caisse est maléfique. Saxton rejette furieusement cela comme une superstition. Son empressement à garder sa découverte scientifique secrète éveille les soupçons de Wells, qui soudoie un porteur pour enquêter sur la caisse. Le porteur est tué par l’humanoïde décongelé à l’intérieur, qui s’est échappé de la caisse après avoir crocheté la serrure. L’humanoïde trouve plus de victimes alors qu’il parcourt le train en marche. Les autopsies suggèrent que les cerveaux des victimes sont vidés de leurs souvenirs et de leurs connaissances.
On doit l’histoire de Terreur dans le Shanghaï Express à Julian Zimet, souvent crédité sous le nom de Julian Halevy, qui a peu mais bien écrit pour le cinéma, puisqu’on lui doit l’exceptionnel Le Bandit – The Naked Dawn (1955) d’Edgar G. Ulmer, le classique Le Plus grand cirque du monde – Circus World (1964) de Henry Hathaway et le divertissant Quand la Terre s’entr’ouvrira – Crack in the World (1965) d’Andrew Marton. Également l’auteur de Custer, l’homme de l’Ouest – Custer of the West (1967) de Robert Siodmak, le scénariste a déjà plus de trente ans de carrière derrière lui quand il livre Horror Express, qui s’inspire forcément des films de la Hammer, la présence des deux stars emblématiques du studio faisant immédiatement le lien. S’il écrit le scénario avec Arnaud d’Usseau, qui revenait alors au cinéma après trente ans d’absence, Terreur dans le Shanghaï Express repose sur le style énergique de Julian Zimet, qui semble aussi s’inspirer de la nouvelle Who Goes There ? de John W. Campbell, adaptée sous le titre La Chose d’un autre monde – The Thing from Another World en 1951 par Christian Nyby (ou plutôt Howard Hawks, mais c’est une autre histoire), qui annonce étrangement l’autre transposition, The Thing de John Carpenter, qui sortira dix ans plus tard. Coup double pour Julian Zimet, Eugenio Martín et Telly Savalas, puisque les trois hommes s’associeront aussi en 1973 pour Pancho Villa, par ailleurs tourné juste avant.
Terreur dans le Shanghaï Express témoigne parfois du système D auquel le réalisateur a dû remédier, probablement en raison du manque de moyens, le budget avoisinant « seulement » 300.000 dollars. Le prologue en Mandchourie montre ce bon vieux Christopher Lee, affublé d’une chapka, filmé sur un fond uni de couleur claire pour simuler la paroi d’une grotte, tandis que divers ventilateurs sont dirigés vers le comédien pour simuler le vent qui souffle dans ce lieu maudit. Le tour est joué, ça fonctionne, en espérant que les spectateurs sauront être indulgents. C’est le cas, d’autant plus que le travail sur les décors dans le reste du film est assez impressionnant et l’ensemble plaisant à regarder. Entièrement tourné en Espagne, à Madrid et dans ses environs, Horror Express rappelle justement ces trains-fantômes qui trônent dans les fêtes foraines. On embarque avec plaisir dans un wagonnet, on se laisse prendre au jeu, tout en voyant le truc supposé faire peur arriver bien avant, en connaissant toutes les ficelles (visibles), mais l’effet est garanti et l’on rit volontiers. Bien rythmé et mis en scène, le film bénéficie d’une partition très réussie de John Cacavas (747 en péril – Airport 1975, Les Naufragés du 747 – Airport ‘77) et d’une photographie qui ne manque pas de classe d’Alejandro Ulloa (Le Miel du diable et Perversion Story de Lucio Fulci, California de Michele Lupo).
Film d’épouvante aux effets percutants, aux rebondissements multiples, au suspense bien dosé, à l’humour noir et teinté de thriller paranoïaque, Horror Train n’a donc absolument rien de déshonorant comme on l’a souvent lu ici et là. Le film mérite même très largement d’être reconsidéré.
LE BLU-RAY
Il y a tout juste un an, dans notre rubrique Le DVD du grenier, nous chroniquions l’édition LCJ Editions de Terreur dans le Shanghaï Express, sans savoir que Le Chat qui fume préparait un Blu-ray du film d’Eugenio Martin. Cette mouture HD prend la forme d’un élégant boîtier Scanavo, qui renferme une jaquette au visuel forcément très attractif. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.
Le Chat qui fume s’est tourné vers Christophe Lemaire pour nous présenter Terreur dans le Shanghaï Express (25’30). Cela tombe bien puisque l’oeuvre d’Eugenio Martin est l’un de ses trois films bis préférés de tous les temps avec La Légende des 7 vampires d’or de Roy Ward Baker et Le Vampire et le Sang des vierges d’Harold Reinl. L’invité du Chat se souvient de sa découverte de Terreur dans le Shanghaï Express (« un choc, une synthétisation du Bis, qui part dans tous les sens, mais qui s’avère quand même cadré ») au cinéma le 4 juin 1975. Les souvenirs personnels (la rencontre avec la compagne d’Eugenio Martin au cours d’un festival) se mêlent aux informations sur la production. Christophe Lemaire s’exprime sur les scènes qui l’ont marqué, le succès du film en France, le réalisateur et l’hommage de Greg Nicotero à Pánico en el Transiberiano dans un épisode de la série Creepshow.
L’interactivité est complétée par une autre présentation, plus riche, de l’ami Philippe Chouvel, que nous saluons d’ailleurs au passage. Durant un peu plus d’un quart d’heure et malgré une prise de son médiocre, le journaliste chez Psychovision, déjà invité précédemment sur d’autres titres du Chat qui fume, et par ailleurs auteur de l’excellent Claude Mulot : cinéaste écorché (Nitrate), propose un très large tour d’horizon de la vie et la carrière d’Eugenio Martin, doublé bien sûr d’un focus particulier sur Terreur dans le Shanghaï Express. Un bonus qui se déguste du début à la fin.
La bande-annonce est aussi disponible.
L’Image et le son
La qualité de ce nouveau master HD est suffisamment éloquente pour que vous puissiez revendre votre ancien DVD au Cash Converters le plus proche de chez vous. Un lifting très appréciable, pour ne pas dire exceptionnel quand on se souvient de la copie LCJ Editions (voir ici), qui redonne un sacré coup de fouet au film d’Eugenio Martin. Les contrastes affichent une densité inédite, la copie est très propre, le piqué est impressionnant sur les gros plans et les détails abondent surtout sur les plans diurnes en extérieur. La clarté est réjouissante, la texture argentique préservée et solidement gérée, la colorimétrie vive et le relief inattendu. Version intégrale et format 1.66 respecté. Blu-ray au format 1080p.
Les pistes anglaise (manquante sur l’édition LCJ Editions) et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi (à la barre William Sabatier pour Christopher Lee, Georges Hubert pour Peter Cushing et Georges Atlas pour Telly Savalas), qui se concentre parfois trop sur le report des voix, parfois au détriment de certains effets annexes. L’écoute demeure propre et nette. Elle n’est pas en revanche aussi fluide et homogène que la version originale. Dans les deux cas, les séquences de train lancé à fond sur les rails sont merveilleusement restituées, dynamiques et vives, tout comme le score de John Cacavas, qui profite d’une excellente exploitation. Les sous-titres ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.