TANGO réalisé par Patrice Leconte, disponible en combo DVD/Blu-ray le 21 octobre 2020 chez Pathé.
Acteurs : Philippe Noiret, Richard Bohringer, Thierry Lhermitte, Carole Bouquet, Jean Rochefort, Miou-Miou, Judith Godrèche, Michèle Laroque, Jean Benguigui, Laurent Gamelon, Ticky Holgado…
Scénario : Patrice Leconte, Patrick Dewolf
Photographie : Eduardo Serra
Musique : Angélique Nachon, Jean-Claude Nachon
Durée : 1h29
Année de sortie : 1993
LE FILM
La femme de Paul, fatiguée d’être trompée par son mari volage, l’a quitté. Depuis, au lieu de profiter de cette toute nouvelle liberté, Paul se morfond. Il court chez son oncle, célibataire endurci, lui demander conseil. Pour l’oncle une seule solution: se débarrasser de la mauvaise épouse. Pour ce faire ils font appel à Vincent, mari autrefois trompé.
Tango est probablement l’un des films de Patrice Leconte qui a connu le plus de critiques assassines, la plupart taxant le réalisateur de misogyne. Comme bien souvent, la presse n’avait absolument rien compris aux intentions du réalisateur qui avait voulu au contraire rendre un vibrant hommage aux femmes à travers l’immaturité des hommes, qui au-delà de leur lâcheté et de leur mesquinerie, ne peuvent vivre sans elles. A sa sortie dans les salles, près de 650.000 spectateurs décident de se faire leur propre avis sur ce film quelque peu vilipendé. Cela peut paraître modeste, mais Tango aura quand même permis à Patrice Leconte de se remettre en selle après l’échec du Mari de la coiffeuse (350.000 entrées) sorti trois ans plus tôt. Mais la première et vraie déculottée arrivera l’année suivante pour le cinéaste avec Le Parfum d’Yvonne. Souvent comparé au cinéma de Bertrand Blier, hilarant, tendre, gentiment grivois et avant tout une profonde réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes, Tango est l’une des œuvres les plus sous-estimées de la filmographie de Patrice Leconte.
Lassé d’être trompé par sa femme Hélène alors qu’il sillonne inlassablement les airs aux commandes de son petit avion pour y inscrire des slogans publicitaires, Vincent tue un jour froidement épouse et amant de celle-ci. Aux Assises, il est acquitté. Paul, lui, trompe sa femme Marie à qui mieux mieux, mais n’admet pas qu’elle se décide un jour à le quitter. Tant qu’à faire, d’ailleurs, il aimerait autant être veuf et éploré qu’ex-mari pas tout à fait libre. Paul se confie à son oncle François, dit l’Elégant, qui n’est autre que le juge qui, naguère, lava Vincent de son accusation. L’Elégant a cependant conservé toutes les pièces du dossier, et dispose ainsi d’un excellent moyen de pression sur Vincent. Paul et son oncle vont convaincre Vincent, forcément réticent, d’abattre Marie. Mais Marie est partie en Afrique pour quelque cause humanitaire, et l’Elégant, Paul et Vincent parcourent les routes pour la rejoindre.
On ne dit pas qu’il faut les tuer toutes ! On suggère seulement de tuer celles qui nous emmerdent personnellement ! C’est-à-dire celles avec lesquelles on a la faiblesse de vivre !
Alors oui, on comprend pourquoi certains ont rapproché Tango des œuvres salées de Bertrand Blier, surtout au niveau des dialogues qui sont à se damner dans le film de Patrice Leconte. Mais le ton y est totalement différent. Dans Tango, les deux sexes comme les générations s’opposent, mais les réflexions des protagonistes dissimulent un mal-être, le besoin d’aimer et d’être aimé, et surtout la bassesse des hommes, qui n’admettront jamais que la gent féminine leur sera toujours supérieure. Le trio vedette qui s’apparente aux Pieds Nickelés, Philippe Noiret, Thierry Lhermitte et Richard Bohringer se délectent de chaque réplique grinçante, en jonglant avec ces dialogues crus, toujours avec une grande élégance. Si le duo des Ripoux est incontestablement et constamment en parfaite alchimie, Richard Bohringer n’est pas en reste et porte d’ailleurs le premier acte (formidable) quasiment seul sur ses épaules. La réunion des trois fait des étincelles lorsque Tango devient un vrai road-movie, durant lequel François d’Amour « l’élégant » (Noiret), Paul (Lhermitte) et Vincent Baraduc (Bohringer) feront de curieuses rencontres.
Patrice Leconte parsème son film d’électrons inattendus qui graviteront un temps autour de ce noyau, et qui sont surtout interprétés par des invités de grand luxe, Carole Bouquet (la belle cliente de l’hôtel), Jean Rochefort (le valet d’étage, en fait le mari de la cliente en question) et Judith Godrèche (Madeleine, dont le rêve est de tomber enceinte). L’objet de tous les tourments de Paul, celle qui l’a quitté et qu’il souhaite tout de même éliminer car il ne peut pas vivre dans un monde où elle pourrait être heureuse sans lui, est incarnée par Miou-Miou, qui était déjà l’épouse de Thierry Lhermitte deux ans plus tôt dans La Totale ! de Claude Zidi. Ajoutez également la participation de Maxime Leroux, de Michèle Laroque, de Jean Benguigui, de Ticky Holgado, de Laurent Gamelon et bien d’autres, et le plaisir est total.
Mon grand-père disait « une bonne branlette vaut mieux qu’un mauvais mariage ! », et il joignait souvent le geste à la parole ! Ma pauvre grand-mère fondait en larmes…mais moi j’ai toujours pensé qu’il avait raison !
Entre Paul qui adore et désire toutes les femmes, sauf la sienne et son oncle François, misogyne invétéré, préférant la compagnie de son cognac aux allées et venues de la gent féminine, Vincent, qui n’arrive pas à faire le deuil de son épouse, qu’il a pourtant assassiné, va se laisser entraîner sur les routes de France par ces deux compères et se rendre compte que le monde sans les femmes ne tourne pas rond et serait voué à l’échec, voire à la catastrophe.
Patrice Leconte signe un bijou de la comédie française des années 1990. Un film de haute voltige, au rythme fulgurant, magnifiquement photographié par Eduardo Serra (Marche à l’ombre, Les Spécialistes), à l’écriture virtuose et audacieuse, qui serait sans doute irréalisable aujourd’hui en raison de sa liberté de ton. Les années ont toujours eu que du bon pour Tango et le revoir plus de 25 ans après, nous donnerait presque envie de le classer parmi les chefs d’oeuvre du cinéaste. Pourquoi « presque » en fait ?
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Parallèlement à ses sorties classiques, L’Enfer des anges, La Mariée est trop belle et Par un beau matin d’été, Pathé a décidé de rendre hommage à Patrice Leconte à travers l’édition de trois de ses longs-métrages, Tandem, Monsieur Hire et Tango, restaurés en 4K et disponibles également en combo Blu-ray+DVD le 21 octobre 2020. Le menu principal est animé et musical, sur lequel on regrettera une fois de plus l’absence du titre du film.
A l’instar du bonus rétrospectif de Monsieur Hire, les propos de Patrice Leconte sont cette fois croisés avec ceux de Thierry Lhermitte (32’). Le réalisateur aborde la genèse de Tango (« le désir de retrouver la route, après deux films enfermés […] ainsi que celui de filmer des avions et trois mecs dans une bagnole »), ses intentions (« me moquer des hommes dans leurs comportements incohérents vis-à-vis des femmes, ainsi que de leur lâcheté »), la mauvaise réception critique du film, le casting, les partis pris, la participation de Jean Rochefort (qui après avoir lu le scénario a demandé à Patrice Leconte de jouer le garçon d’étage, ce qu’espérait secrètement le cinéaste). De son côté, Thierry Lhermitte évoque les merveilleuses conditions de tournage, ainsi que l’évolution de l’humour depuis 25 ans, évidemment pas dans le bon sens. Une belle et profonde réflexion qui en dit long sur le caractère précieux de Tango (« qui pourrait être mal compris aujourd’hui ») à l’heure où même les sketches des Inconnus sont censurés lors de leur passage à la télévision. Enfin, les deux intervenants s’expriment sur l’esprit de Tango qui pourrait faire penser à celui des films de Bertrand Blier. Thierry Lhermitte réfute cet argument en indiquant que les personnages de Tango ne sont pas acides, cyniques ou mordants comme chez Blier, mais « toujours charmants ». Quelques anecdotes de tournage parsèment également ce module, évidemment indispensable.
L’Image et le son
Pathé ne se fiche pas des spectateurs et des cinéphiles puisque la fable de Patrice Leconte a connu un véritable lifting de fond en comble, en 4K. L’élévation HD est frappante du début à la fin, la restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les gros plans sont détaillés à souhait, les couleurs retrouvent un éclat inespéré (voir la voiture jaune de Richard Bohringer ou le rouge de son avion) et le piqué demeure acéré. La définition flanche légèrement durant les séquences aériennes, mais cela reste anecdotique.
La piste française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 de Tango est plutôt percutante. Aucun souffle n’est à déplorer, ni aucune saturation dans les aigus. Les dialogues sont vifs, toujours bien détachés, la musique est délivrée avec une belle ampleur. L’ensemble est aéré, fluide et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant.