QUELQU’UN DERRIÈRE LA PORTE réalisé par Nicolas Gessner, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 8 juillet 2020 chez Studiocanal.
Acteurs : Charles Bronson, Anthony Perkins, Jill Ireland, Henri Garcin, Adriano Magistretti, Agathe Natanson, Viviane Everly, André Penvern…
Scénario : Jacques Robert, Marc Behm, Nicolas Gessner d’après le roman de Jacques Robert
Photographie : Pierre Lhomme
Musique : Georges Garvarentz
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1971
LE FILM
Un chirurgien de grande renommée spécialisé dans le cerveau accueille chez lui un homme amnésique, recherché pour viol. Il veut en faire l’instrument qui le vengera de sa femme infidèle.
Quelqu’un derrière la porte n’est assurément pas le film le plus connu de la carrière européenne de Charles Bronson. Pourtant, ce drame psychologique qui flirte avec le thriller est probablement celui où le comédien a le plus d’éléments dramatiques à défendre, ainsi que les dialogues les plus abondants de toute sa filmographie réunie. Réalisé par le méconnu Nicolas Gessner, Quelqu’un derrière la porte est un quasi-huis clos très prenant, singulier et tordu, qui repose également sur l’interprétation morbide du grand Anthony Perkins. A connaître absolument.
Laurence Jeffries, psychiatre célèbre résidant à Folkstone, recueille un amnésique, arguant du fait que son cas l’intéresse au plus haut point. Après l’avoir installé chez lui, le docteur lui administre une drogue, le plongeant ainsi dans un profond sommeil. En réalité, Jeffries poursuit un but machiavélique : il compte utiliser l’amnésique, qu’il sait recherché pour viol, afin de se venger de son épouse infidèle. Il persuade le malade que dans son passé oublié se trouvait une femme charmante, qui lui a été enlevée par un certain Paul Damien. En réalité, celui-ci n’est autre que l’amant de la propre épouse de Jeffries. Il ne reste plus au médecin qu’à attirer Damien chez lui…
Le cinéaste suisse Nicolas Gessner (né en 1931) doit sa renommée à ses films souvent caractérisés par des ambiances anxiogènes, flirtant avec le genre et l’onirisme, à l’instar La Petite fille au bout du chemin – The Little Girl Who Lives Down the Lane (1976) avec la jeune Jodie Foster. Quelqu’un derrière la porte ne déroge pas à la règle. En dépit d’un dispositif somme toute théâtral, le cinquième long métrage du réalisateur plonge le spectateur dans une petite bourgade anglaise du bord de mer, comme un paysage de carte postale enfermé dans une boule à neige. Si le film démarre dans l’hôpital où exerce le docteur Jeffries et montre le chemin du retour fait en voiture avec son étrange patient amnésique jusqu’à son domicile personnel, toute l’action de Quelqu’un derrière la porte restera confinée dans cette habitation cossue. Si Nicolas Gessner évite le piège du simple théâtre filmé, il s’en dégage tout de même une impression étouffante et malaisante.
Alors qu’il se contentait du deuxième voire du troisième rôle à Hollywood, Charles Bronson devient une star internationale et plus particulièrement en Europe grâce au triomphe d’Il était une fois dans l’Ouest – Once Upon a Time in the West (1968) de Sergio Leone. Les metteurs en scène décident très vite d’exploiter son charisme minéral dans quelques productions françaises, anglaises ou italiennes, à l’instar du Passager de la pluie – Rider On The Train (1969) de René Clément, La Cité de la violence – Citta Violenta (1970) de Sergio Sollima, De la part des copains – Cold Sweat (1970) de Terence Young et Les Baroudeurs – You can’t Win’Em All (1970) de Peter Collinson. Juste avant de retrouver Terence Young pour Soleil rouge – Red Sun, Charles Bronson se lance dans Quelqu’un derrière la porte, qui peut apparaître comme un véritable défi pour lui, d’une part parce qu’il se retrouve face à un grand acteur expérimenté et caméléon en la présence d’Anthony Perkins, d’autre part parce qu’il possède ici beaucoup de répliques, là où habituellement le comédien demandait que ses dialogues soient réduits au strict minimum. Qui plus est, la nature de son personnage implique une interprétation beaucoup plus nuancée que d’habitude. Rétrospectivement, c’est dans ce film que Charles Bronson aura certainement la plus grande occasion de démontrer ses capacités d’acteur. Et il s’en sort admirablement, ses indéniables faiblesses renforçant même parfois la détresse et la fragilité de son personnage.
Loin de lui tirer la couverture, Anthony Perkins parvient même à mettre son partenaire en valeur. Immense comédien formé au théâtre, il est ici impérial, déroutant et disons-le flippant dans le rôle de ce chirurgien, spécialiste des maladies psycho-cérébrales, qui va user de son charisme et de sa fonction, pour échafauder un plan pervers et diabolique afin de se débarrasser de son épouse volage, interprétée par Jill Ireland, la véritable compagne de Charles Bronson. Egalement au casting, les français Henri Garcin et Agathe Natanson font une apparition remarquée, ainsi que le l’italien Adriano Magistretti dans le rôle d’Andrew, le frère de Frances, qui va servir malgré-lui d’alibi dans la machination de Laurence.
Qui aurait pu croire que le réalisateur du célèbre feuilleton TV Le Château des oliviers (1993) qui a fait les belles heures de la petite lucarne, avait pu signer bien avant cela un des films les plus atypiques avec Charles Bronson ? En tout cas, Quelqu’un derrière la porte, adapté du roman homonyme de Jacques Robert, qui a également connu une transposition dans le cadre d’Au théâtre ce soir en 1975, demeure une savoureuse curiosité.
LE COMBO BLU-RAY-DVD
Nous avons entre les mains le 25è numéro de la collection Make My Day ! créée en septembre 2018 par le critique et historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret. Le DVD et le Blu-ray de Quelqu’un derrière la porte reposent comme d’habitude dans un Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné. Le visuel est typique de la collection, tout comme le menu principal, très légèrement animé et muet.
L’historien du cinéma et critique présente tout naturellement le film qui nous intéresse au cours d’une préface en avant-programme (6’). Comme il en a l’habitude, Jean-Baptiste Thoret replace de manière passionnante Quelqu’un derrière la porte dans son contexte, dans la filmographie de Nicolas Gessner et évoque les conditions de tournage. Les thèmes du film, l’adaptation du roman de Jacques Robert, les différences avec le livre, le casting, sont abordés sans pour autant spoiler le film pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore vu.
Il semblerait que Nicolas Gessner ait enregistré un commentaire audio sur l’intégralité de son film. Toutefois, Studiocanal en propose un condensé de 48 minutes, durant lesquelles le réalisateur intervient sur quelques séquences précises de Quelqu’un derrière la porte. S’excusant de son accent prononcé, le cinéaste raconte ensuite beaucoup d’anecdotes liées au tournage, surtout sur sa collaboration et le travail avec Charles Bronson, dont il n’a de cesse de louer l’interprétation et l’investissement, malgré les tensions sur le plateau où le comédien se montrait méfiant envers Anthony Perkins, qui l’impressionnait.
L’interactivité se clôt sur l’étrange bande-annonce, constituée d’images du film, sans dialogue et qui en révèle beaucoup trop…
L’Image et le son
L’apport HD se voit sur les couleurs et les contrastes, raffermis, mais aussi sur le piqué qui offre quelques gros plans très détaillés. Evidemment, l’intrigue se déroulant principalement dans l’habitation du personnage interprété par Anthony Perkins, la profondeur de champ est limitée, ainsi que le relief. La propreté est indéniable, certaines séquences sortent du lot et la texture argentique est aussi équilibrée qu’élégante. Les conditions sont donc bien remplies pour (re)découvrir Quelqu’un derrière la porte, aujourd’hui complètement oublié quand on évoque Charles Bronson.
Les pistes anglaise et française sont proposées en Dolby Digital Mono 2.0. Les effets annexes passent au second plan et les dialogues importent le plus dans ces mixages de bon acabit. Les voix sont solidement délivrées et le doublage français est réussi.