Test Blu-ray / MurderRock, réalisé par Lucio Fulci

MURDEROCK (Murderock – uccide a passo di danza) réalisé par Lucio Fulci, disponible en Blu-ray + DVD + Livre le 5 décembre 2023 chez Artus Films.

Acteurs : Olga Karlatos, Ray Lovelock, Claudio Cassinelli, Belinda Busato, Cosimo Cinieri, Giuseppe Mannajuolo, Berna Maria do Carmo, Maria Vittoria Tolazzi…

Scénario : Gianfranco Clerici, d’après une histoire originale de Gianfranco Clerici, Lucio Fulci & Vincenzo Mannino

Photographie : Giuseppe Pinori

Musique : Keith Emerson

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 1984

LE FILM

Une prestigieuse académie de danse de New York est le théâtre de meurtres sanglants. Les étudiantes se font assassiner de manière sadique. La directrice de l’établissement, Candice, souffrant de cauchemars étranges mettant en scène le mystérieux tueur, entreprend de mener l’enquête, avec l’aide d’un mannequin.

Bon…ce n’est pas nouveau, MurderRock ne bénéficiera jamais de l’aura de (pour ne citer que ceux-là) Les Quatre de l’apocalypseI Quattro dell’apocalisse, L’Emmurée vivante Sette note in nero, L’Enfer des zombies Zombi 2, Frayeurs Paura nella città dei morti viventi, L’Au-delà …E tu vivrai nel terrore ! L’aldilà, La Maison près du cimetière Quella villa accanto al cimitero et L’Éventreur de New York Lo Squartatore di New York. Néanmoins, le film vaut-il toute cette volée de bois vert reçue depuis sa sortie en 1984, au point d’être devenu emblématique de la déchéance de son auteur ? Sans doute pas. Il est évident que MurderRock, qui débarque sur les écrans italiens quelques semaines seulement après 2072, les mercenaires du futur I Guerrieri dell’anno 2072, s’accompagne d’éléments nanars, mais cela n’empêche pas, au contraire, de prendre du bon temps devant ce giallo-musical. D’accord, nous sommes beaucoup plus proches de Staying Alive de Sylvester Stallone, de Parking de Jacques Demy et de Dancing Machine de Gilles Béhat, qui dans leur genre s’apparentent aussi à des films d’épouvante (on se souvient de Francis Huster poussant la chansonnette et de Patrick Dupont en hyperventilation devant un Alain Delon stoïque fumant son cigare) que de Flashdance et Fame, succès internationaux sur lesquels voulait surfer la production. Murder Rock, ou MurderRock – Uccide a passo di danza, mais aussi Giallo a disco, Murder Rock – Dancing Death, ou même allons-y gaiement Slashdance est un divertissement sans prise de tête, avec de belles nanas qui n’hésitent pas à se dénuder pour faire plaisir aux spectateurs, des meurtres plus ou moins soignés, le tout sur un rythme soutenu. Que demander de plus ?

Un nouveau spectacle de danse moderne se prépare au Living Center de New York sous la haute autorité de sa mystérieuse directrice Candice Norman. Au cours des auditions, les plus talentueuses danseuses rivalisent de virtuosité. Mais dès les premiers jours, l’une d’entre elles, Susan, est sauvagement assassinée par un tueur masqué. Malgré l’arrivée de la police menée par le lieutenant Borges, un second meurtre est perpétré contre une autre participante : la charmante Janice. C’est le début d’une véritable descente aux enfers…

Que ça soit clair, MurderRock n’est pas la débâcle souvent citée quand la filmographie du maître italien est abordée. Si ce thriller n’a guère attiré les foules en Italie, le reste du monde a plutôt été clément avec ces danseuses au boule moulé dans le lycra, qui se font épingler comme des papillons, à l’aide d’une longue aiguille plantée dans le coeur. Certes, l’identité de l’assassin se devine bien avant le dénouement, on se demande même comment les personnages eux-mêmes n’arrivent pas rapidement à cette déduction, mais le fait est que MurderRock fonctionne grâce à sa mise en scène, Lucio Fulci étant quoiqu’on en dise toujours aussi inspiré derrière la caméra. Il suffit d’une idée, à l’instar du passage du brancard devant les futures potentielles victimes, pour se dire qu’il y avait bel et bien un vrai bonhomme aux manettes. Maintenant, il est vrai que les numéros de danses, quelque peu imposés à Lucio Fulci par le producteur Augusto Caminito (The King of New York, Qui a tué le chat ?, La Victime désignée, Les Longs jours de la vengeance), font office de remplissage et ont pris de sacrées rides, mais l’ensemble demeure sympathique, car furieusement kitsch avec ces corps déchaînés – sur une musique de Keith Emerson (Les Faucons de la nuit, Inferno, Sanctuaire) – et en sueur des élèves dirigés (car il y a aussi des mecs) par Candice.

Cette dernière est interprétée par la belle Olga Karlatos, vue dans Purple Rain d’Albert Magnoli, Un flic explosif de Stelvio Massi, Keoma d’Enzo G. Castellari, que Lucio Fulci avait déjà dirigé dans L’Enfer des zombies. Il s’agit ici d’une de ses dernières apparitions au cinéma (on la verra ensuite rapidement dans Il était une fois en Amérique de Sergio Leone), avant que celle ci abandonne le monde du septième art pour devenir avocate. Sa présence magnétique est incontestablement l’un des points forts de MurderRock. Au casting, on reconnaîtra également Ray Lovelock (Avoir vingt ans, Les Sorcières du bord du lac, Tire encore si tu peux), impeccable dans le rôle du lisse George Webb, Claudio Cassinelli (Le Continent des hommes poissons, Le Grand alligator, Mort suspecte d’une mineure, La Police a les mains liées) et Cosimo Cinieri (L’Éventreur de New York, Manhattan Baby), qui vole la vedette dans la peau du cynique lieutenant Borges, flic fatigué accroc aux cacahuètes, à qui on ne l’a fait pas.

Lucio Fulci, qui au passage fait lui aussi un petit caméo, devra à nouveau mettre la pédale douce après MurderRock, par ailleurs récompensé par le Prix Section peur du Festival d’Avoriaz (face à Re-Animator de Stuart Gordon et où Dario Argento faisait partie du jury), en raison de sa santé fragile, qui l’obligera à s’éloigner des plateaux de cinéma. Il reviendra avec Le Miel du diable.

LE MEDIABOOK

Lucio Fulci fait son retour chez Artus Films ! Après Le Miel du diable, L’Au-delà, Frayeurs, L’Enfer des zombies, Selle d’argent et Beatrice Cenci, MurderRock fait son entrée dans le catalogue de l’éditeur, sous la forme d’un Digibook, comprenant un DVD, un Blu-ray et un livre écrit par le fidèle Lionel Grenier, créateur et rédacteur en chef du site luciofulci.fr, spécialiste hexagonal du cinéaste et par ailleurs conseiller éditorial de la collection Lucio Fulci chez Artus Films. Si MurderRock n’est assurément pas une œuvre facile à défendre, Lionel Grenier le fait habilement à travers son ouvrage de 80 pages, qui replace ce « giallo dansant » dans la filmographie du maître italien, cite ce dernier quant à la réalisation de cet opus, avant d’analyser à la fois le fond et la forme du film qui nous intéresse aujourd’hui. La genèse, le casting, la mise en scène, le parallèle avec L’Éventreur de New York, la musique, l’accueil du film sont entre autres les sujets traités au fil de ces pages, comme toujours passionnantes à découvrir et qui redonnent envie de revoir MurderRock avec ces éléments en tête, histoire de lui redonner une deuxième chance. Le menu principal des disques est quant à lui fixe et musical.

On démarre les bonus en vidéo avec une interview de la comédienne Silvia Collatina (23’30). Née en 1972, celle-ci aura marqué les passionnés de cinéma de genre dans les années 1980, en apparaissant aux génériques du Grand Alligator de Sergio Martino et La Maison près du cimetière de Lucio Fulci. L’occasion de revenir sur ces films et de partager ses nombreux souvenirs de tournage, y compris sur MurderRock, dans lequel elle fait une petite apparition (non créditée) dans le rôle de la petite fille clouée dans son fauteuil roulant (« une expérience plus douce avec Fulci, un rôle calqué sur ma façon d’être, un peu ténébreux, macabre et noir, pour lequel je n’ai eu qu’une journée de tournage »), qui devient spectatrice d’un meurtre. Si sa carrière s’est arrêtée après ce film, Silvia Collatina clame son amour toujours immense pour le jeu, ne désespère pas retourner un jour devant la caméra (cela semble être apparemment le cas dans la série Fantasmagoria) et parle longuement du travail avec Lucio Fulci (« ce n’était pas facile de le contenter »), de la trilogie avortée qu’il voulait centrer sur la musique (les deux autres opus devaient s’intituler Killer Samba et Thrilling Blues), ainsi que de l’adulation à l’étranger des admirateurs du réalisateur.

On passe à l’entretien avec Franco Casagni, chef maquilleur sur MurderRock (8’). Une intervention en demi-teinte, puisque pour son unique collaboration avec Lucio Fulci, l’artiste semble ne pas savoir quoi dire sur ce film, pour lequel il a essentiellement de bons souvenirs. Franco Casagni évoque rapidement le casting, les conditions de travail avec le cinéaste (« c’était très difficile, mais ça allait […] Lucio Fulci était une vraie encyclopédie du cinéma ») et sur les effets spéciaux.

Si l’on trouve aussi un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation, ainsi que la bande-annonce (en allemand), les fans de Lucio Fulci seront ravis d’apprendre qu’Artus Films a aussi mis la main sur une intervention radiophonique du réalisateur, menée par le scénariste, critique et essayiste Antonio Tentori, qui quelques temps après cet entretien de 1987, écrira pour lui les scénarios de Demonia et Un gatto nel cervello (16’). L’occasion pour Lucio Fulci de revenir sur la raison pour laquelle, le cinéma fantastique et d’horreur est selon-lui encore considéré en Italie comme des sous-genres. Considérant alors qu’il est « le seul survivant qui continue de faire des films fantastiques en Italie, contrairement aux réalisateurs du moment qui recherchent avant tout le fond et non la forme et qui ne savent plus se servir du langage du cinéma », le réalisateur, déclarant également qu’« il n’y a plus d’héritier », dit qu’il espère encore continuer, malgré ses soucis de santé. Le cinéaste évoque aussi sa conception du film fantastique, la violence dans ses œuvres (qui pour lui est plus édulcorée que dans la vie), parle de la recette Roger Corman qu’il a toujours respecté, tout en citant quelques-uns de ses derniers longs-métrages (comme MurdeRock et Le Miel du diable). Et si vous vous demandez enfin si le nom de Dario Argento est cité, oui, mais à la fin, comme si Lucio Fulci avait jusque-là hésité à le mentionner, tout en disant que son confrère aussi commence à prendre de l’âge.

L’Image et le son

Il est évident, à la découverte de ce master HD, que MurderRock n’a pas et n’aura probablement jamais le même traitement princier que d’autres titres plus prestigieux de Lucio Fulci. Néanmoins, malgré quelques éléments passables (impression de pixels entre autres), la copie de ce giallo-dansant tient ses promesses, dans le sens où elle participe à sa redécouverte. Les couleurs semblent plus vives que dans nos souvenirs, alternant le chaud et le froid, les noirs sont plutôt solides. Le piqué est somme toute aléatoire, tantôt acéré, tantôt émoussé, la définition est convaincante sur les scènes de meurtre se déroulant dans la pénombre avec les éclats intermittents des sources d’éclairage. Les scènes en extérieur, principalement dans les rues de New York, ne manquent pas de détails et s’avèrent les plus riches du lot. La texture argentique est quant à elle respectée, restituée et équilibrée.

Les pistes italienne (à privilégier) et française sont présentées en Mono 2.0 et instaurent toutes deux un bon confort acoustique (la première surtout, la seconde étant quelque peu couverte), sans souffle, propre, avec une bonne délivrance des dialogues. La musique, très présente forcément, de Keith Emerson bénéficie d’une belle ouverture des canaux, le doublage français est correct et les effets annexes riches. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Artus Films / R.T.I. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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