Test Blu-ray / L’Homme en fuite, réalisé par Don Siegel

LHOMME EN FUITE (Stranger on the Run) réalisé par Don Siegel, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 17 novembre 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Henry Fonda, Anne Baxter, Michael Parks, Dan Duryea, Sal Mineo, Lloyd Bochner, Michael Burns, Tom Reese…

Scénario : Dean Riesner, d’après une histoire originale de Reginald Rose

Photographie : Bud Thackery

Musique : Leonard Rosenman

Durée : 1h37

Date de sortie initiale: 1967

LE TÉLÉFILM

Ben Chamberlain, fraîchement sorti de prison, arrive clandestinement dans la petite ville d’Alma. Devant porter un message à une serveuse de saloon, il la découvre morte. Le shérif McKay et son ami Hotchkiss, persuadés de la culpabilité de Chamberlain, engagent une chasse à l’homme sans merci dans l’ouest américain sauvage…

Quand il réalise L’Homme en fuiteStranger on the Run, Don(ald) Siegel vient de signer un contrat avec Universal pour la télévision. Il livrera ainsi coup sur coup trois téléfilms, qui étaient encore rares à l’époque, À bout portant The Killers, remake du film de Robert Siodmak et donc nouvelle adaptation d’Ernest Hemingway, Le Prix d’un meurtre The Hanged Man, d’après le roman de Dorothy B. Hughes, puis enfin L’Homme en fuite qui nous intéresse aujourd’hui. Un interlude de trois ans, entre L’Enfer est pour les hérosHell Is for Heroes (1962) et Police sur la villeMadigan (1968), ce dernier remettant Don Siegel en selle pour le cinéma, avant d’entamer l’ultime partie de sa carrière, sans doute la plus célèbre, marquée par ses cinq collaborations avec Clint Eastwood. L’Homme en fuite est certes une production emballée pour la petite lucarne, mais n’en demeure pas moins fort passionnante sur la forme et à analyser, surtout la façon avec laquelle le cinéaste adapte sa mise en scène pour ce média, sans jamais mettre de côté ce qui a toujours fait sa griffe, à savoir une exemplaire direction d’acteurs, un montage sec et nerveux (rappelons qu’il avait commencé dans ce domaine pour le compte de Raoul Walsh, John Huston et Michael Curtiz) et une représentation frontale de la violence. Si ces éléments sont sensiblement « édulcorés » pour pouvoir être exposés dans les chaumières à une heure de grande écoute, L’Homme en fuite s’avère un formidable divertissement, un western classique, mais dans le sens noble du terme, remarquablement interprété par Henry Fonda, métamorphosé, qui lui aussi abordait le dernier virage de son imposante filmographie.

L’ancien détenu et alcoolique Ben Chamberlain arrive clandestinement dans une ville ferroviaire porter un message à Alma, une femme, serveuse dans un bar. Il ne la trouve pas mais on finit par lui indiquer l’endroit où elle est enfermée. Quand il la découvre, elle est morte. Le shérif McKay, à la suggestion de son ami Hotchkiss organise une chasse à l’homme, pensant à tort que Chamberlain est le coupable. En pleine errance il revient sur ses pas et finit par sympathiser avec Valverda Johnson, une veuve et mère d’un jeune homme instable, Matt. Ce dernier malgré l’opposition de sa mère s’engage au côté des hommes du shérif. Ben et Valverda sont alors assiégés dans la maison de cette dernière.

Le costume déchiré, le visage suant l’alcool, les yeux bleus délavés, le corps fatigué et mis à rude épreuve dès son apparition, Henry Fonda, 60 ans passés, n’est plus de première jeunesse et son magnifique visage taillé à la serpe s’apparente à une mappemonde représentant un passé mouvementé. Cela sied à merveille à son mystérieux personnage, un vagabond, qui débarque pour on ne sait quelle raison dans un petit patelin paumé au milieu de nulle part, mais sans doute dans un but précis. Jusqu’à ce qu’il se soit rapidement accusé à tort du meurtre d’une serveuse de saloon. Comme l’indique son titre, L’Homme en fuite va muter en chasse à l’homme, qui aura pour particularité d’aller d’un point A…au point A. George Miller n’a donc absolument rien inventé avec son Mad Max : Fury Road qui reprendra le même principe. S’il s’agit d’un western, qui comprend tous les éléments typiques, les gars à la mine patibulaire, les virevoltants balayés par le vent, les fringues crasseuses (on est ici proche du genre transalpin), les flingues qui réfléchissent les rayons du soleil, la grande réussite de Stranger on the Run provient étonnamment de l’émotion. Un sentiment ressenti tout du long, d’une part grâce à l’interprétation d’Henry Fonda, bouleversant à plusieurs reprises, d’autre part pour la relation qui s’installe entre Chamberlain et Valverda, veuve depuis dix ans, anciennement mariée avec un homme de 43 ans son aîné, mère d’un fils devenant un jeune adulte, qu’elle rêve de voir partir de la ville pour qu’il puisse profiter de la vie.

Valverda est incarnée par la sublime Anne Baxter (La Ruée vers l’Ouest, Les Dix Commandements, La Femme au gardénia, La Loi du silence, Eve), qui consacrera désormais sa vie professionnelle à la télévision. L’alchimie entre les deux comédiens est palpable et leurs scènes apparaissent presque comme un film à part entière, durant lequel on regarde vivre leurs personnages, deux solitaires qui se comprennent au premier regard, qui ont été marqués par l’existence et qui aspirent à un peu de tranquillité et à partager un lit devenu glacé par les années qui ont passé. Mais avant cela, pour que ce projet puisse avoir des chances de se concrétiser, Ben Chamberlain devra affronter le shérif Vince McKay et les hommes qui l’accusent d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Michael Parks, qu’Universal souhaitait mettre en avant pour en faire une nouvelle star du studio, se glisse admirablement dans la peau de cet homme de loi droit dans ses bottes, animé par une vengeance personnelle, mais qui n’en reste pas moins respectueux de l’étoile qu’il arbore sur son veston. Après être apparu dans moult séries télévisées (Les Incorruptibles, Perry Mason, Gunsmoke, L’Homme de fer…) et juste après avoir campé Adam dans La Bible The Bible: In the Beginning de John Huston, Michael Parks (qui rappelle ici étrangement Rainer Werner Fassbinder) signe une mémorable prestation. Dommage que sa carrière n’ait pas vraiment été à la hauteur par la suite, avant d’être repêché in extremis par Quentin Tarantino pour les deux Kill Bill, Boulevard de la mort et Django Unchained. Un autre atout majeur de L’Homme en fuite est la présence au générique du légendaire Dan Duryea (L’Ange noir, 5000 $ mort ou vif, Seul contre tous, Espions sur la Tamise…), dans son ultime apparition à l’écran puisqu’il décédera l’année suivante à l’âge de 61 ans, qui trimballe aussi avec lui un background lié à ses rôles les plus célèbres.

D’après une histoire de Reginald Rose (Les Oies sauvages) et sur un scénario de Dean Riesner (L’Inspecteur ne renonce jamais, Tuez Charley Varrick !, Un frisson dans la nuit, Un Shérif à New York), Don Siegel exploite avec intelligence son cadre carré imposé, d’ailleurs les nombreux gros plans et la photographie très lumineuse sont caractéristiques de la télévision, pour livrer un récit attachant, à hauteur d’homme, d’antihéros cassés et vieillis avant l’âge, qui ont bien mérité une seconde chance.

LE BLU-RAY

L’Homme en fuite n’est pas une nouveauté dans le catalogue Sidonis Calysta, puisque ce titre était déjà disponible en DVD depuis 2008. Après une réédition (similaire, mais au visuel différent) en 2010, le film de Don Siegel réapparaît en novembre 2022 dans une nouvelle édition Standard, mais aussi pour la première fois en HD dans la collection Silver. Visuels typiques de la collection. Menu principal animé et musical.

Quel plaisir de revoir Bertrand Tavernier nous parler de L’Homme en fuite ! Dans cette archive, le réalisateur et historien du cinéma disparu en mars 2021 replaçait ce (télé)film (« complètement inédit en France ») dans la carrière de Don Siegel, « une curieuse période pour le cinéaste, que l’on avait aiguillé vers les séries et les téléfilms ». Bertrand Tavernier croisait ensuite le fond et la forme de L’Homme en fuite, en parlant de ses partis-pris esthétiques imposés par la télévision (photo suréclairée, de nombreux gros plans, loin du style habituel de Don Siegel), qui selon lui s’imposait comme étant le meilleur des trois téléfilms du metteur en scène, en raison du ton original du récit et de son atmosphère. Très beau portrait dressé aussi de Don Siegel, que Bertrand Tavernier avait rencontré et qu’il considérait comme l’un des plus grands réalisateurs d’action, mais pas seulement, puisqu’il mettait aussi en valeur ici l’immense réussite des Proies, « un des contes les plus noirs et durs sur la guerre de Sécession », qu’il rapproche de L’Homme en fuite. La psychologie des personnages, le casting, le montage sont aussi des sujets abordés au cours de cette intervention. Qu’est-ce qui nous manque Tatav…

Toujours moins prolixe et dans l’analyse que Bertrand Tavernier, Patrick Brion voit lui aussi sa présentation du film être reprise de l’ancienne édition DVD (8’). Ce dernier replaçait lui aussi L’Homme en fuite dans la carrière de Don Siegel (plus succinctement), tout en parlant du casting prestigieux du téléfilm.

Deux nouveaux suppléments au programme :

Le premier est un entretien avec Olivier Père (26’). Au tour du directeur général d’ARTE France Cinéma et directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France de s’exprimer sur L’Homme en fuite. S’il est toujours agréable d’écouter ce dernier, les arguments repris ici font indéniablement redondance avec les deux présentations précédentes, surtout celle de Bertrand Tavernier. Nous n’apprendrons pas grand-chose de nouveau.

Même chose concernant le module donnant la parole à Jean-François Giré (14’), même si celui-ci avouera avoir été décontenancé après le premier visionnage de L’Homme en fuite, qu’il a revu une seconde fois avant de l’apprécier.

L’Image et le son

Même s’il a été réalisé pour la télévision, L’Homme en fuite trouve en Blu-ray un nouvel écrin qui permet de (re)découvrir totalement cette œuvre de Don Siegel. La luminosité est réellement plaisante (certains diront exagérée, mais cela ne nous a pas gênés), la copie très propre et stable, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages chromatiques, les couleurs sont éclatantes, le piqué acéré et les contrastes élégants. La texture argentique est également préservée, fine, équilibrée. Très beau master restauré. Blu-ray au format 1080p.

Passons rapidement sur la version française DTS-HD Master Audio 2.0, qui se concentre essentiellement sur le report des voix parfois au détriment des effets annexes. Les dialogues sont d’ailleurs trop élevés sur certaines séquences, même à faible volume, mais l’écoute demeure suffisamment propre et nette. Elle n’est pas en revanche aussi fluide et homogène que la version originale, même si l’on pouvait tout de même s’attendre à mieux. Les séquences de fusillades sont très bien restituées, dynamiques et vives, tout comme le score qui profite d’une excellente exploitation. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Universal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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