Test Blu-ray / Le Cirque des horreurs, réalisé par Sidney Hayers

LE CIRQUE DES HORREURS (Circus of horrors) réalisé par Sidney Hayers, disponible en combo DVD et Blu-Ray depuis le 7 décembre 2022 chez Studiocanal.

Acteurs : Anton Diffring, Erika Remberg, Yvonne Monlaur, Jane Hylton, Donald Pleasence…

Scénario : George Baxt

Photographie : Douglas Slocombe

Musique : Muir Mathieson & Franz Reizenstein

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

Un chirurgien esthétique, le docteur Rossiter, fuit l’Angleterre après une opération ratée sur une patiente, et se réfugie en France où il rencontre le directeur d’un cirque miteux. Par un mortel concours de circonstances, il reprend l’établissement sous un autre nom et embauche en guise de clowns et d’acrobates, des criminels dont il modifie les visages. Le cirque connaît un énorme succès. Mais rapidement, les accidents se succèdent dans la troupe, surtout parmi les jeunes femmes.

En 1960, le cirque et le cinéma, c’est déjà une longue histoire, dont Charlie Chaplin (Le Cirque, 1928), Tod Browning (Freaks, 1932), Cecil B. De Mille (Sous le plus grand chapiteau du monde, 1953) ou encore Federico Fellini (La Strada, 1955) ont écrit les premières pages avec un sens certain de la flamboyance. Mais Sidney Hayers marche moins sur les traces de ces écrasants prédecesseurs que sur celles de la Hammer, qui règne à l’époque sur le cinéma d’horreur avec une classe toute britannique. Pendant que la firme accumule les réussites avec ses mythiques revisites du bestiaire classique (Dracula, Frankenstein…), la petite boîte de production Lynx films s’associe avec l’American International Pictures pour redonner des couleurs à l’épouvante circassienne – la Hammer n’ayant pas encore exploré la chose, autant lui couper l’herbe sous la caméra. Voilà donc Hayers nommé monsieur Loyal de cette entreprise avec au scénario, un George Baxt affichant on ne peut plus clairement la note d’intention du film dans son titre-même : il sera donc question de cirque et d’horreur. A vrai dire, il sera surtout question de cirque. Car en guise d’horreur, alors que l’ouverture offrait pourtant une prometteuse scène de défiguration, les traitements chirurgicaux que le protagoniste effectue en chaîne sur les visages de ses futurs employés, sont relégués hors-champ. Une paresse imputable aux risques de censure, et dont l’amateur d’horreur opératoire reste donc injustement privé.

La même année, cruelle coincidence pour Sidney Hayers, Georges Franju ne se contentera pas de la simple suggestion et entrera dans l’histoire avec sa cauchemardesque scène de greffe des Yeux sans visage. Difficile cependant d’imaginer que Le Cirque des horreurs aurait lui aussi marqué les esprits cinéphiles s’il avait accordé un peu de temps d’écran au bistouri du docteur Rossiter. Car le film ne pêche finalement pas tant par son horreur timorée que par les trous béants dans son scénario. L’enquête policière n’a ainsi, aucune utilité, sinon celle de précipiter l’une des acrobates (Yvonne Monlaur, transfuge de… la Hammer) dans les bras d’un journaliste qui prête main forte à Scotland Yard pour confondre le docteur Rossiter. Or, alors que les preuves s’accumulent, personne ne bouge pour arrêter le coupable. De même, après avoir ravagé le visage d’une patiente, ce dernier multiplie les tours de force en rendant leur beauté – sans bloc opératoire et sans instruments stérilisés – à des femmes sérieusement défigurées, sans qu’il n’en subsiste la moindre cicatrice visible.

Passons sur les inepties scénaristiques pour souligner le véritable intérêt de ce Cirque des horreurs : les numéros de cirque, auxquels le protagoniste adapte ses meurtres avec originalité : lancers de couteaux mal ajustés, lions excités, cordes sabotées… Tout est prétexte à homicide avec le brave docteur Rossiter qui non content d’exercer sur ses artistes un droit de cuissage tout à fait décomplexé, se permet donc de les occire quand elles menacent de quitter la troupe. On passe ainsi la plus grande partie du film sous le chapiteau. Une toile de fond à la cinégénie éprouvée et qui est ici, en outre, un véritable cirque loué à la production le temps du tournage. Voilà qui tranche avec les ridicules scènes de commissariat en studio dans des décors mal fagotés, dont on sait gré à Hayers de les avoir réduites à la portion congrue.

On n’apprendra rien à personne en précisant ici que Le Cirque des horreurs n’a pas accédé à la postérité cinéphile. Victime de ses défauts, mais aussi de son temps. Outre Les Yeux sans visage, l’année 1960 est aussi, côté anglais, celle du Voyeur de Michael Powell et de Psychose d’Alfred Hitchcock. Pas facile d’exister à côté de ces deux-là. Mais l’oubli aurait été un destin un peu trop sévère pour ce Cirque qui, s’il n’a pas tiré son épingle du jeu parmi le tout-venant de la foisonnante production britannique de l’époque, mérite d’être dégusté comme on déguste une madeleine chez sa vieille tante à l’heure du thé. Enfin, sachez qu’on y croise Donald Pleasence dans le rôle d’un Français, assez jeune pour avoir des cheveux, qui parle français avec l’accent anglais et anglais avec l’accent russe et qui partage une danse mémorable avec un ours un peu trop tactile. Pour cette seule séquence, on est prêt à reprendre un ticket.

LE BLU-RAY

Le film, édité chez Studiocanal, est présenté en double programme avec Le Jour où la Terre prit feu, de Val Guest, dans un boîtier digipack comprenant un combo 1 Blu-Ray + 1 DVD par film, soit donc quatre galettes au total pour ceux qui ont fait Première S. On regrettera au passage leur maintien précaire sous des encoches leur permettant assez mal de tenir en place. Deux sont tombées du boîtier au moment de son ouverture et depuis, on a le plus grand mal à les replacer correctement. Ce double-programme constitue le numéro 54 de la collection Make My day de Jean-Baptiste Thoret, ce dernier assurant comme de coutume une brève et excellente présentation du film (vous pouvez choisir de ne pas la regarder mais elle ne contient pas de spoiler). Il est présenté dans un fourreau cartonné. Comme attendu avec Make my day, le visuel est fait maison, sous la forme d’un dessin mêlant les univers des deux films. On n’est pas toujours fan du style. La jaquette de The Wicker man nous laisse ainsi un souvenir douloureux, celle du Grand Silence nous a apporté une immense satisfaction. Celle-ci nous touche un Blu-ray sans bousculer l’autre.

Côté bonus : hormis la présentation de Jean-Baptiste Thoret (5′), on retrouve l’inénarrable et intarissable critique de cinéma Philippe Rouyer (30′) qui retrace la carrière de Sidney Hayers et apporte de précieux éclairages sur la production du film.

Crédits images : © Studiocanal / Critique du film et chronique du Blu-ray réalisées par Sabrina Guintini / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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