Test Blu-ray / Les Liaisons dangereuses 1960, réalisé par Roger Vadim

LES LIAISONS DANGEREUSES 1960 réalisé par Roger Vadim, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 18 mars 2022 chez Coin de Mire Cinéma.

Acteurs : Jeanne Moreau, Gérard Philipe, Annette Stroyberg, Madeleine Lambert, Jeanne Valérie, Nicolas Vogel, Boris Vian, Gillian Hills, Paquita Thomas, Jean-Louis Trintignant, Simone Renant…

Scénario : Roger Vailland, Roger Vadim & Claude Brulé, d’après le roman de Choderlos de Laclos

Photographie : Marcel Grignon

Musique : Thelonious Monk & Jack Marray

Durée : 1h44

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Juliette de Merteuil et Valmont forment un couple cynique et libertin. À la demande de son épouse, Valmont cherche à courtiser la jeune Cécile, mais va s’éprendre de la vertueuse Marianne de Tourvel.

Rétrospectivement, Les Liaisons dangereuses 1960 est la première adaptation du roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos publié en 1782. Mais il s’agit aussi d’une transposition contemporaine, comme celle que réalisera Roger Kumble quarante ans plus tard avec Sexe Intentions Sex Intentions, avec Ryan Phillippe, Sarah Michelle Gellar, Reese Witherspoon, Selma Blair et Joshua Jackson. Ce quatrième long-métrage de Roger Vadim (1928-2000) sera le plus grand succès de sa carrière au box-office français avec 4,3 millions de spectateurs en 1959 (entre Babette s’en va-t-en guerre de Christian-Jaque et Certains l’aiment chaud de Billy Wilder), ainsi que l’avant-dernier film de Gérard Philipe, qui disparaîtra deux mois après la sortie des Liaisons dangereuses 1960, à seulement 36 ans. Il devait signer ici l’une de ses plus remarquables prestations dans le rôle du débauché Valmont, qui n’a rien à envier à ses confrères qui reprendront ce rôle à leur manière, notamment John Malkovich chez Stephen Frears et Colin Firth chez Milos Forman. Il y est vénéneux, suintant de mépris et de narcissisme. Le comédien se délecte à jouer un monstre, auquel il apporte une vraie sensibilité et dont le masque de satisfaction s’ébrèche à mesure que des sentiments inattendus se mêlent à la partie. Le couple qu’il forme avec Jeanne Moreau, exceptionnelle, qui sortait des Amants de Louis Malle et allait entamer Moderato cantabile de Peter Brook, est aussi beau, sensuel et sexy que particulièrement cruel et machiavélique. Si Roger Vadim (qui s’adresse directement aux spectateurs dans un prologue de deux minutes, pour leur exposer ses intentions) laisse une très large place à son casting féminin, grâce auquel il s’amuse à jouer avec la censure (qui interdira tout d’abord le film, puis l’autorisera aux spectateurs de plus de 16 ans), on notera la participation d’un jeune acteur de 29 ans, qui en était encore à ses débuts au cinéma et qui était déjà apparu dans Et Dieu…créa la femme trois ans plus tôt, Jean-Louis Trintignant. Plus de soixante ans après sa sortie « scandaleuse » dans les salles, Les Liaisons dangereuses 1960 n’a absolument rien perdu de sa force, de sa modernité, de sa noirceur et de son sex-appeal, dans lequel Roger Vadim continue finalement d’explorer les relations entre les hommes et les femmes, l’un de ses thèmes de prédilection.

Juliette de Merteuil (Jeanne Moreau) veut se venger d’un amant qui vient de rompre pour épouser Cécile Volanges (Jeanne Valérie). Elle confie à son mari Valmont (Gérard Philipe) la mission de séduire la jeune fille avant la cérémonie nuptiale. Cécile aime Danceny (Jean-Louis Trintignant), un polytechnicien qui vit dans une mansarde du quartier latin. Au nom de ses principes moraux, Danceny repousse les avances de la jeune fille. Valmont rejoint les Volanges à Megève, séduit Cécile le plus facilement du monde, mais tombe amoureux d’une ravissante femme mariée, Marianne Tourvel (Annette Stroyberg, à l’époque la compagne de Roger Vadim). C’est, paraît-il une citadelle imprenable. Or, Valmont affirme qu’il n’y a que des citadelles mal attaquées et, grâce à une stratégie de grand style il vient à bout de la fidélité réputée de Marianne. Juliette réprimande le Don Juan qui s’est laissé prendre au piège, elle dicte une lettre de rupture qu’elle fait parvenir à Marianne.

A travers ses films, Roger Vadim a largement contribué à la libération des mœurs, ainsi qu’à la représentation de la sexualité au cinéma. En 1959, parler librement d’un couple libertin, chacun assumant au su de l’autre des aventures sexuelles était évidemment un défi lancé à la censure. A l’instar de son triomphe planétaire, Et Dieu…créa la femme, le réalisateur renoue avec certains motifs qui lui ont valu une renommée mondiale, même si Brigitte Bardot, précédemment dans Les Bijoutiers du clair de lune, n’apparaît pas dans Les Liaisons dangereuses 1960. Avec ce film, Roger Vadim rencontre la mannequin danoise Annette Stroyberg. Ils tombent amoureux, ont une fille (Nathalie) et se marient peu de temps après. Voulant faire d’elle une star, Roger Vadim lui confie son premier rôle au cinéma dans Les Liaisons dangereuses 1960, celui de Marianne Tourvel, qui sera le plus grand challenge de Valmont. Mais l’ombre de BB plane malgré-tout et les spectateurs comme la critique ne cessent de comparer les deux comédiennes, tout en mettant en relief leur ressemblance physique. Si son jeu parfois maladroit va finalement dans le sens de son personnage et qu’elle signe une prestation tout à fait honnête, Annette Stroyberg aura beaucoup de mal à s’imposer au cinéma et sa carrière sera brève.

Outre la virtuosité de Jeanne Moreau et de Gérard Philippe, nous retiendrons aussi l’excellente Jeanne Valérie, ici dans le rôle de la douce et innocente Cécile Volanges, vue la même année aux côtés du jeune Jean-Paul Belmondo dans le sympathique À double tour (1959) de Claude Chabrol, qui aura ensuite une belle carrière au cinéma en Italie où elle jouera devant la caméra de Luciano Salce, Mauro Bolognini, Ettore Scola, Umberto Lenzi et Liliana Cavani. Jalouse de sa jeunesse et de sa fraîcheur, Juliette de Merteuil verra rouge et voulant se venger d’un amant qui l’a quittée pour Cécile, décide de torpiller cette union avant le mariage en envoyant Valmont séduire celle-ci.

Excellemment mis en scène, tourné dans de magnifiques décors naturels, marqué par des répliques cinglantes et la musique originale (et improvisée) de Thelonious Monk, Les Liaisons dangereuses 1960 est donc la première grande adaptation du roman original, qui inspirera d’ailleurs les suivantes, aussi bien celles en costume que celle transposée à l’aube des années 2000, qui démontrera une fois de plus l’aspect intemporel du livre de Pierre Choderlos de Laclos. Mais ce que l’on retiendra surtout du film de Roger Vadim, c’est le jeu de Gérard Philipe, qui se délecte à incarner un être pervers, tout en lui apportant une théâtralité qui ne fait que refléter la mélancolie, la solitude et l’ennui du monstre que Valmont s’est lui-même créé. Magistral.

LE DIGIPACK

Après La Roue et Rue des cascades (Un gosse de la butte), le troisième titre issu de la neuvième vague Coin de Mire Cinéma que nous passons aujourd’hui en revue est le très attendu Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim. Suivront bientôt les chroniques de Charmants garçons (1957) d’Henri Decoin, Le Ciel sur la tête (1965) d’Yves Ciampi et Chère Louise (1972) de Philippe de Broca. Inédits en Blu-ray, ces titres seront édités à 3000 exemplaires.

L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Roger Vadim, avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels, des photos promotionnelles, de la reproduction de l’affiche italienne Relazioni pericolose, de la reproduction des Fotobusta italiennes, ainsi que d’un extrait de la revue Mon Film, n°685, daté de février 1961. Le menu principal est fixe et musical. A noter que Les Liaisons dangereuses 1960 avait déjà été en DVD chez René Chateau il y a plus de vingt ans et avait disparu de la circulation depuis.

Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film (ici celle des Grandes familles de Denys de La Patellière), puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).

Il se passait quoi en cette 37è semaine de l’année 1959 ? Pour le savoir, dirigez-vous vers les Journaux des actualités (9’) qui vous feront un petit best-of de l’info internationale. « Le Magazine du temps présent » montre tout d’abord une réception donnée au premier étage de la Tour Eiffel par le ministère de l’information Roger Frey, en l’honneur des journalistes américains qui ont accompagné Eisenhower en France. Puis direction la Mostra de Venise, avant d’aller faire un tour à Poperinge, la capitale du houblon belge. Retour en France où 300 hectares de la forêt de Fontainebleau sont partis en fumée, puis on repart à Varsovie où la population est invitée à se recueillir durant une minute de silence, en souvenir de l’entrée en guerre vingt ans auparavant. Enfin, en vrac, vous y verrez un mini-reportage sur les relations sino-indiennes en présence du dalaï-lama, le nouveau tracé de la N7 à Orly (« une nouvelle réussite indiscutable du génie civil français »), la fabrication des fournitures scolaires et la présence des ultra-sons dans le monde (un poisson-rouge est même sacrifié au cours d’une démonstration).

Avant de démarrer votre film, que diriez-vous d’acheter quelques cacahuètes salées Val ? Heureusement, les réclames publicitaires (10’30) sont là pour vous rappeler que vous pourriez avoir un petit creux pendant l’entracte. Vous aurez également le choix avec les bonbons Moka Gilbert. En ce qui concerne les autres produits vantés lors de ces réclames, vous découvrirez la lingerie Peter Pan, la lotion Pétrole Hahn (pour toute la famille), les chaussettes DD, la résidence Joffre à Saint-Germain-en-Laye (« calme, air pur et tranquillité, de 50.000 à 120.000 francs, avec les plus grandes facilités de crédit »), la nouvelle Dauphine 1960 à suspension aérostable, le rayon bricolage de La Samaritaine en compagnie de Christian Duvaleix. Enfin, les soldats de l’Armée de l’air participent à un spot pour sensibiliser les spectateurs sur les dangers de l’alcool.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, y compris celle des Liaisons dangereuses 1960, commentée par Roger Vadim.

L’Image et le son

Les Liaisons dangereuses 1960 a été restauré en 4K par TF1 Studio, à partir des négatifs images et son, avec le soutien du CNC. Les travaux numériques et photochimiques réalisés par Eclair Cinéma en 2017. La restauration a permis d’inclure un prologue de deux minutes absent des diffusions récentes. Hormis la dernière séquence à l’aspect ouaté, renforçant le fait que Juliette est définitivement perdu dans sa folie, ce master HD est exceptionnel de beauté. Les noirs sont d’une densité jamais démentie, les blancs lumineux, les contrastes sublimes. La restauration subjugue du début à la fin, la propreté est dingue, le piqué affûté comme la lame d’un scalpel, la copie stable, les détails impressionnant à l’avant comme au second plan. Sans doute l’un des plus beaux Blu-ray édités par Coin de Mire Cinéma.

La musique de Thelonious Monk donne le la. La bande-son a été restaurée de fond en comble, et le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 mono s’en donne à coeur joie. Les dialogues n’ont jamais été aussi intelligibles et les effets annexes jouissent d’un coffre inédit. Aucun souffle constaté. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants, ainsi qu’une piste Audioscription.

Crédits images : © Coin de Mire Cinéma / 1959 Marceau-Cocinor – TF1 Studio – Serge Beauvarlet / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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