LES HOMMES PRÉFÈRENT LES GROSSES réalisé par Jean-Marie Poiré, disponible en DVD & Blu-ray le 18 mars 2025 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Josiane Balasko, Daniel Auteuil, Luis Rego, Dominique Lavanant, Ariane Lartéguy, Thierry Lhermitte, Xavier Saint-Macary, François-Eric Gendron, Martin Lamotte…

Scénario : Josiane Balasko & Jean-Marie Poiré

Photographie : Bernard Lutic

Musique : Catherine Lara

Durée : 1h21

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Lydie prend possession d’un grand appartement pour son fiancé et elle. Mais il la quitte. Le loyer étant trop cher, elle opte pour la cohabitation. C’est un mannequin, Eva, qui lui loue la chambre. Eva a beaucoup d’amis et Lydie, possédant un physique moins avantageux, voit sa vie bousculée…

Aaaaah Les Hommes préfèrent les grosses…ou quand les chaînes de télévision ne craignaient de diffuser certains films, ne serait-ce qu’en raison de leurs titres, de peur que certains spectateurs « sensibles » ne soient heurtés au point d’en parler des heures sur les réseaux sociaux. Cette comédie géniale qui en a bercé plus d’un, dont l’auteur de ces mots, demeure le premier grand succès personnel de Josiane Balasko en tête d’affiche, mais aussi celui de Jean-Marie Poiré, qui signait son troisième long-métrage comme réalisateur et dont Les Petits Câlins (1977) et Retour en force (1980) étaient restés plus confidentiels avec « seulement » 481.000 entrées pour le premier et 457.000 spectateurs pour le second. Avec près de deux millions d’entrées engrangés en août 1981, alors que le box-office était pour l’instant dominé par Moi Christiane F. 13 ans, droguée, prostituée…, Viens chez moi j’habite chez une copine, Elephant man, Excalibur et Diva, la grande Josiane s’immisce dans ce top et même si le film se fera ensuite dépasser par La Chèvre, Les Aventuriers de l’arche perdue, Le Professionnel, La Guerre du feu, Les Uns les autres, Rien que pour vos yeux, La Soupe aux choux, Le Maître d’école et Pour la peau d’un flic, Les Hommes préfèrent les grosses devient l’un des films de l’année. Merveilleusement écrite par la comédienne, en collaboration étroite avec Jean-Marie Poiré lui-même, aux moments perdus du tournage des Bronzés font du ski, cette ode aux outsiders n’a rien perdu de son mordant et reste une étape indispensable pour tous les amoureux de la comédie, la vraie, celle qui fonçait dans le tas et qui n’avait pas besoin d’être méchante pour cela.

Lydie, une jeune femme au physique peu avantageux, se fait brutalement larguer par son fiancé alors qu’elle venait à peine d’acquérir le bail d’un appartement pour vivre avec ce dernier. Ne pouvant supporter seule la charge du loyer, elle décide de rechercher une colocataire si possible moins jolie qu’elle, afin qu’elle ne lui fasse pas d’ombre dans le cadre d’éventuelles aventures sentimentales… Alors qu’elle pense avoir trouvé la colocataire idéale, c’est finalement Éva, une jolie mannequin branchée un peu naïve qui s’installe avec Lydie. Éva, au rythme de sa vie très animée en sorties et rencontres, va entraîner Lydie dans son monde pour le grand plaisir de Gérard, le frère de Lydie, un tantinet dragueur et ringard. Cette nouvelle effervescence dans sa vie ne va pas sans gêner Lydie, qui est contrainte d’en subir quelques désagréments : un « ex » d’Éva jaloux et encombrant, une fête impromptue dans l’appartement, font désormais partie de son quotidien.

Longtemps scénariste sur des titres devenus cultes du genre Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, Le Drapeau noir flotte sur la marmite, Elle cause plus… elle flingue, Comment réussir quand on est con et pleurnichard, ou bien encore la trilogie de La Septième Compagnie, Quelques messieurs trop tranquilles et Pas de problème !, Jean-Marie Poiré devient metteur en scène à 32 ans. Cet artiste rompu à la comédie, ne trouvant pas de réalisateur pour Les Petits Câlins se jette dans l’arène et restera fidèle à ce genre populaire, souvent méprisé par la critique. Résultat des courses, en 14 films, Jean-Marie Poiré saura attirer près de 45 millions de français dans les salles, dont la moitié rien qu’avec les deux premiers opus des Visiteurs. C’est un plaisir d’écrire sur ce cinéaste, dont les mémoires publiées récemment (Jean-Marie Poiré, Rire est une fête, chez Michel Lafon) sont à dévorer impérativement, et de se pencher sur l’un de ses premiers longs-métrages.

Les Hommes préfèrent les grosses tire son titre du sous-titre de la pièce Bunny’s Bar, écrite, mise en scène et interprétée par Josiane Balasko, dans laquelle elle donnait la réplique à Michel Blanc, Valérie Mairesse et Bruno Moynot. La comédienne a derrière elle les deux beaux succès des Bronzés et des Bronzés font du ski, mais n’a jamais porté un film sur ses épaules ou monté sur son nom. C’est sur le tournage des Petits Câlins que l’actrice et Jean-Marie Poiré deviennent amis, osmose qui les pousse à écrire Retour en force, avant d’en venir ce qui deviendra alors Les Hommes préfèrent les grosses. Outre Josiane Balasko, exceptionnelle, Luis Rego (après le désistement de Michel Blanc) interprète le frère queutard – et donc l’opposé total de Jean-Claude Dusse – de Lydie, Dominique Lavanant campe la meilleure copine adepte d’arts martiaux, Daniel Auteuil (déjà présent dans Clara et les chics types de Jacques Monnet) est l’ex sanguin d’Éva (la jolie Ariane Lartéguy, dans l’une de ses rares apparitions au cinéma), la nouvelle colocataire de Lydie, Thierry Lhermitte (méconnaissable et furieusement génial) vient faire un petit coucou avec sa barbe garde-manger, Martin Lamotte vole la vedette dans ses deux scènes (la rupture la plus lâche du cinéma et un duel d’insultes), sans oublier le regretté (et parti bien trop tôt) Xavier Saint-Macary, vu dans La Nuit Américaine de François Truffaut, Le Plein de super d’Alain Cavalier, La Coccinelle à Monte-Carlo de Vincent McEveety (« Fontenoooooy ! ») ou Quelques jours avec moi de Claude Sautet. Jean-Marie Poiré aime les comédiens et a toujours su les mettre en valeur.

C’est aussi le cas du chef opérateur Bernard Lutic à qui l’on doit les magnifiques images du Roi de Paris de Dominique Maillet, Coup de foudre de Diane Kurys, Le Bar du téléphone de Claude Barrois, Un jeu brutal de Jean-Claude Brisseau, ainsi que de quelques Claude Lelouch (Partir revenir, Viva la vie!). Les Hommes préfèrent les grosses est une comédie belle à regarder et la patte Jean-Marie Poiré est indéniable. Les dialogues sont irrésistibles, souvent bien vachards, mais l’émotion n’est jamais oubliée, à l’instar de la scène-confession, où Lydie, sans fard, devant un miroir, se livre sur son mal-être, séquence très touchante que Josiane Balasko rechignait à tourner et à laquelle Jean-Marie Poiré croyait à juste titre.

Il y a indéniablement un côté fable dans Les Hommes préfèrent les grosses, puisque Lydie finira par trouver l’amour dans les bras de…non mais, attendez, comment ça vous ne l’avez pas vu ? Si cela nous étonne, stoppez immédiatement cette lecture et allez découvrir cette grande comédie qui au passage se clôt sur l’enivrant A Way de Catherine Lara, très recherché aujourd’hui et qui avait bénéficié d’une sortie en 45 tours. Un titre qui reste définitivement en mémoire, tout comme le film vers lequel on n’a de cesse de revenir, comme un médicament (sans accoutumance, mais avec dépendance) contre la déprime. Résultats garantis.

LE BLU-RAY

Après Nuit d’ivresse, Rimini Éditions revient à la grande Josiane Balasko, en lui consacrant deux de ses nouvelles sorties en DVD et Blu-ray, à savoir Les Hommes préfèrent les grosses de Jean-Marie Poiré (1981) et Sac de nœuds (1985). Le premier avait connu une première édition en DVD chez Warner Bros. En 2003 et était devenu une galette très prisée sur la toile par les collectionneurs. Rimini nous fait ce cadeau, pouvoir enfin revoir cette comédie dans les meilleures conditions possibles. Notons que nous aurions bien aimé une jaquette réversible, comme cela avait été le cas pour la salve Gérard Jugnot (Sans peur et sans reproche, Pinot simple flic et Une époque formidable), pour pouvoir bénéficier du visuel culte de l’affiche d’exploitation. Seul bémol de cette édition. Toutefois, la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, lui-même disposé dans un sur-étui cartonné, ne manque pas d’attraits. Le menu principal est animé sur la musique du film signée Catherine Lara.

Quel plaisir d’écouter Josiane Balasko, nous parler des Hommes préfèrent les grosses ! Dans cet entretien (14’) enregistré en janvier 2025 à l’occasion de cette sortie HD, la comédienne et scénariste revient sur tous les aspects de ce « pur produit des années 1980 ». Ainsi, la genèse, ses inspirations (créer un tandem comme celui formé par Dean Martin et Jerry Lewis), l’écriture du scénario avec Jean-Marie Poiré, le casting, la private-joke destinée à Michel Blanc (on peut entendre à la radio « MB a la grosse tête », faisant référence à l’acteur qui avait refusé le rôle finalement tenu par Luis Rego) sont les sujets abordés, le tout agrémenté de quelques photos de plateau et d’anecdotes liées au tournage. À ce titre, on apprend que la scène où Lydie reçoit des litres d’eau sur la tête aurait pu être dramatique pour les vertèbres (et peut-être pour la vie) de l’actrice.

Place à Jean-Marie Poiré, qui lui aussi a répondu présent pour nous parler de son premier grand succès au cinéma comme réalisateur (38’). Si vous avez lu les mémoires de l’intéressé, alors les propos tenus ici seront une redite. Néanmoins, nous sommes toujours heureux de l’écouter, car le cinéaste est toujours débordant d’énergie et sa passion, ainsi que son rire sont comme d’habitude contagieux. Certains arguments font forcément écho avec ceux tenus par Josiane Balasko, mais dans l’ensemble ces deux interviews se complètent. Jean-Marie Poiré parle de ses débuts comme scénariste auprès de Michel Audiard, Georges Lautner et de Robert Lamoureux, puis comme metteur en scène avec Les Petits Câlins et Retour en force. Sur le premier, Josiane Balasko officiait comme comédienne, puis comme scénariste sur le second. L’invité de Rimini évoque ainsi son amitié et ses diverses collaborations avec Josiane Balasko, ce qui a conduit à l’écriture des Hommes préfèrent les grosses (dont il a le titre en horreur dit-il), avant d’en venir au casting, aux conditions de tournage (« idyllique et très amusant »), l’accueil critique (« le film a été massacré ») et le succès public lié à un formidable bouche-à-oreille.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce originale, ainsi que le teaser rare.

L’Image et le son

L’élévation HD pour Les Hommes préfèrent les grosses est frappante. Fort d’un master au format respecté, ce Blu-ray en met plein les yeux dès les premiers plans, après un générique un peu plus chancelant. La restauration 4K (réalisée à partir du négatif original) est étincelante, les contrastes denses, la copie est propre et lumineuse. Les détails étonnent souvent par leur précision, les gros plans sont détaillés à souhait, les couleurs retrouvent un éclat inespéré, le relief des séquences diurnes est inédit et le piqué demeure acéré du début à la fin, même si la définition est plus sensible sur les séquences se déroulant dans l’appartement de Lydie, mais cela reste anecdotique. Un superbe lifting et un grain argentique heureusement respecté.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont clairs, la propreté est de mise, les effets suffisamment riches, sans aucun souffle. La composition de Catherine Lara bénéficie en plus d’un très bel écrin. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ni de piste Audiodescription.

Crédits images : © TF1 Films Production / Studiocanal / Rimini Éditions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr