Test Blu-ray / Le Syndrome de Stendhal, réalisé par Dario Argento

LE SYNDROME DE STENDHAL (La Sindrome di Stendhal) réalisé par Dario Argento, disponible en Édition 2 Blu-ray + Livret le 31 janvier 2024 chez Extralucid Films.

Acteurs : Asia Argento, Marco Leonardi, Thomas Kretschmann, Luigi Diberti, Paolo Bonacelli, Julien Lambroschini, John Quentin, Franco Diogene, Lucia Stara, Sonia Topazio, Lorenzo Crespi, Vera Gemma, Veronica Lazar, Cinzia Monreale…

Scénario : Dario Argento & Franco Ferrini, d’après le livre de Graziella Magherini

Photographie : Giuseppe Rottuno

Musique : Ennio Morricone

Durée : 2h

Année de sortie : 1996

LE FILM

Une jeune inspectrice de police, victime du « syndrome de Stendhal », est sujette à des hallucinations et des vertiges en plein musée des Offices de Florence. Elle devient ensuite la proie du maniaque sexuel qu’elle cherche à arrêter.

De l’avis quasi-général, Le Syndrome de Stendhal reste et demeurera probablement le dernier grand film de Dario Argento. C’est aussi la seconde collaboration entre le cinéaste et sa fille Asia, deux ans après Trauma, dans lequel elle tenait déjà le rôle principal. Si cette dernière est somme toute peu crédible dans la peau d’une flic, elle est de ce fait bien trop jeune pour le rôle, la comédienne qui avait joué chez Lamberto Bava (Démons 2), Michele Soavi (Sanctuaire), Nanni Moretti (Palombella rossa), Patrice Chéreau (La Reine Margot) et Michele Placido (Les Amies de coeur) s’en tire mieux et s’avère même plus convaincante dans la descente aux enfers de son personnage, après qu’Anna ait été victime du fameux malaise éponyme, syndrome dit « du voyageur » ou « de Florence ». Celui-ci se définit par un ensemble de troubles psychosomatiques (accélération du rythme cardiaque, vertiges, suffocations, voire hallucinations) survenant chez certaines personnes exposées à une œuvre d’art qui prend une signification particulière, ou à une profusion de chefs-d’œuvre en un même lieu dans un même temps. C’est en lisant l’ouvrage de la psychiatre et psychanalyste Graziella Magherini, alors chef du service de psychiatrie de l’hôpital Santa Maria Nuova du centre historique de Florence, consacré au syndrome de Stendhal, que Dario Argento imagine une policière souffrant de ce mal être la proie d’un tueur en série. Redoutablement immersif, La Sindrome di Stendhal contient parmi les plus belles scènes du cinéma de son auteur, les plus brutales et violentes aussi, se révèle être un hommage percutant à l’art pictural, mais aussi à sa propre fille, qu’il filme sous tous les angles, qu’il manipule comme une poupée de porcelaine, caresse et maltraite du début à la fin, pour au final lui offrir un éternel écrin dans lequel il la sublime et compare à la Pietà de Michel-Ange. Un opus inoubliable.

Pour les besoins d’une enquête à Florence une jeune inspectrice, Anna, se rend dans un musée. Entourée d’œuvres magnifiques, elle s’évanouit, victime du syndrome de Stendhal. Amnésique à son réveil, Anna s’aperçoit qu’elle a perdu son arme lorsqu’un charmant jeune homme, Alfredo, lui propose son aide qu’elle refuse. Irritée de ne plus se rappeler qui elle est ni la raison de sa présence dans ce musée, elle trouve dans son sac l’adresse d’un hôtel dont elle est vraisemblablement cliente. De retour dans celui-ci, elle est une nouvelle fois victime de son syndrome : envoûtée par la peinture suspendue face à son lit, elle se souvient de tout, les meurtres et les viols à Turin, les crimes similaires à Florence et finalement son enquête dans cette ville. À son réveil, le tueur, qui n’est autre qu’Alfredo, est dans sa chambre. Il la viole, puis l’emmène, lors d’une de ses rondes, assister à un nouveau meurtre. Grâce à la folie meurtrière de son tortionnaire qui ne s’intéresse plus qu’à sa victime, elle réussit à s’enfuir, traumatisée. Pour passer cette épreuve et échapper au tueur, elle décide, sur les conseils d’un psychiatre, de prendre quelques jours de vacances chez son père. Elle décide également, toujours sur les conseils de ce même psychiatre, de se mettre à la peinture pour guérir de son syndrome de Stendhal. Malgré la protection de la police, le tueur la retrouve, l’enlève à nouveau et la séquestre. Lorsque celui-ci s’absente pour commettre un nouveau crime, elle réussit à se libérer et l’attaque à son retour. Elle frappe tant et si bien son bourreau que celui-ci, à l’agonie, incapable du moindre mouvement, ne pourra rien faire pour l’empêcher de le jeter à l’eau. Malgré les recherches, le corps n’est pas retrouvé.

Jusqu’à présent Le Syndrome de Stendhal tenait la route et entraînait le spectateur dans son sillage, sans aucun temps mort, en lui donnant de sacrées sueurs froides, en créant une empathie indiscutable avec Anna. C’est après que les choses se gâtent quelque peu, comme si le récit après avoir foncé à cent à l’heure, voyait son moteur caler, ou tout du moins subir quelques ratés. Comme si un autre film démarrait au moment où Anne rencontre le français Marie, jeune restaurateur et étudiant en art, dont elle tombe rapidement amoureuse. Cette fois, on commence à se détacher d’Anna et la révélation finale, forcément hitchcockienne et combinant à la fois VertigoSueurs froides et Psychose, n’est guère étonnante, pour ne pas dire nawak.

Néanmoins, Le Syndrome de Stendhal reste une expérience de cinéma. La mise en scène est sans cesse inventive, à croire que Dario Argento y a mis tout ce qui lui restait dans les tripes, la photographie du maestro Giuseppe Rotunno (Rocco et ses frères, Wolf, Fellini Roma, Ce plaisir qu’on dit charnel, La Bataille pour Anzio, Le Dernier rivage), signe son dernier et somptueux ouvrage pour le cinéma (l’introduction dans la Galerie des Offices à Florence est un monument à elle seule), l’envoûtante partition d’Ennio Morricone hypnotise et reflète les tourments d’Anna et seules les images de synthèse (alors une première dans le cinéma italien) ont pris un coup dans la tronche et s’avèrent même aujourd’hui peu indispensables, en dehors de la scène où Anna entre dans le tableau. On retiendra aussi la performance frappadingue de Thomas Kretschmann, recommandé par Asia Argento à son père (avec lequel elle venait de tourner La Reine Margot), bien avant U-571 de Jonathan Mostow, Blade 2 de Guillermo del Toro et Le Pianiste de Roman Polanski, qui, pauvre de lui, retrouvera Dario et Asia Argento en 2012 en tenant le rôle-titre du calamiteux Dracula 3D.

Mais c’est une autre histoire et l’on préférera se souvenir de celle complexe et dérangeante du Syndrome de Stendhal, étape essentielle et même primordiale pour le cinéphile qui voudrait se pencher sur l’oeuvre du réalisateur transalpin, qui allait amorcer son déclin critique, artistique et commercial.

LE BLU-RAY

Après Lunettes noires, The Card Player et Le Sang des innocents, on termine ce cycle « Dario Argento chez Extralucid Films » avec l’édition la plus remplie du lot, celle consacrée au Syndrome de Stendhal, constituée de deux Blu-ray et d’un livret de 48 pages. Ce dernier, merveilleusement illustré (par des photos du film, de plateau et du dossier de presse original), se compose d’un extrait de l’autobiographie (disponible chez Rouge profond) de Dario Argento centré sur la réalisation du Syndrome de Stendhal, et une présentation passionnante par Olivier Rossignot (rédacteur en chef chez Culturopoing). À l’heure où nous écrivons cette chronique, le coffret collector en boîtier rigide n’est plus disponible à la vente sur le site de l’éditeur et sera probablement réédité plus tard en version dite classique. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément et le seul disponible sur le Blu-ray du film, est une captation de la présentation du Syndrome de Stendhal, par Dario et Asia Argento, enregistrée le 9 juillet 2022 à la Cinémathèque Française. Près de 70 minutes passées en compagnie de ces deux artistes cela ne se refuse évidemment pas. Cette rencontre animée par Jean-François Rauger, qui visiblement est très proche de la famille Argento (il les tutoie comme deux bons potes), permet d’en savoir beaucoup plus sur la genèse (la découverte du livre de Graziella Magherini sur le syndrome de Stendhal), ses premières intentions (tourner le film aux États-Unis avec Bridget Fonda…ce qui ne se fera pas et entraînera le retour du cinéaste en Italie), les conditions de tournage et la sortie du Syndrome de Stendhal. Asia Argento ne cache pas qu’il s’agit du rôle qu’elle a préféré interpréter pour son père, tandis que ce dernier passe en revue l’aspect technique des scènes les plus marquantes, évoque son rapport à l’art pictural, ainsi que sa collaboration avec le directeur de la photographie Giuseppe Rotunno.

Cette édition se compose d’un deuxième disque HD, bourré de suppléments :

On trouve tout d’abord le documentaire intitulé Nice to Meet You, Please Don’t Love Me !, réalisé par Yves Montmayeur en 2004, qui s’avère un portrait d’Asia Argento, suivie durant la préparation et le tournage de son second long-métrage, l’explosif The Heart Is Deceitful Above All Things, baptisé en France Le Livre de Jérémie. Les fans de la comédienne-réalisatrice-productrice-scénariste (et aussi DJ à ses heures) seront aux anges de coller aux baskets de celle qu’ils idolâtrent, tandis que les autres en auront marre très vite de ses propos souvent incompréhensibles, qui dans un certain sens peuvent faire de la concurrence à ceux de la période cocaïnée de JCVD, dans un mélange d’anglais, de français et d’italien. On comprend évidemment qu’Asia Argento s’amuse à jouer un rôle, tout en expliquant l’ennui de sa vie sexuelle qu’on imagine alors débridée. On apprécie plus ce moment passé avec sa mère, Daria Nicolodi, les deux femmes étant très proches, pour ne pas dire fusionnelles, Asia redevenant quasiment une petite fille aux côtés de sa maman. Elle parle de son père, se demande « ce qui peut bien le pousser à vouloir tuer toutes les femmes de la famille dans ses films ». D’autres passages sont interminables, à l’instar de celui consacré à un défilé de mode qu’elle a dirigé. Quelques images de tournage dévoilent l’envers du décor du tournage du Livre de Jérémie, où Asia Argento a mis beaucoup d’elle-même et de ses traumas d’enfance.

On l’attendait et c’est un des bonus immanquables de cette édition, l’intervention de Jean-Baptiste Thoret sur Le Syndrome de Stendhal (21’30). On ne sait pas à quoi carbure le critique et historien du cinéma, mais ce dernier, omniprésent dans le monde du support physique (mais on ne va pas s’en plaindre), enchaîne les analyses et ne manque pas de nous dire ce qu’il pense du film qui nous intéresse aujourd’hui. Celui-ci revient donc sur tous les aspects de cette « œuvre très importante dans la carrière de Dario Argento […] un de ses films les plus inventifs et intéressants […] qui à l’époque ne trouve pas complètement son public et ne sort d’ailleurs même pas en France, ce qui est incompréhensible ». Thoret replace La Sindrome di Stendhal dans la carrière du cinéaste, parle de l’origine du projet et des premiers souhaits du réalisateur (tourner le film sur le sol américain, avec Bridget Fonda, avant de renoncer car ne trouvant pas de monument ou d’oeuvre suffisamment emblématique et artistique pour représenter le syndrome du titre), sa connaissance de l’art pictural et le casting. Puis, JBT entre plus en profondeur dans les thèmes traités par Dario Argento (« un commentaire terrible sur la question de la réalité »), aborde la façon dont « le mal circule et brouille les frontières » chez le réalisateur, dissèque l’évolution du personnage d’Anna, la représentation de la violence chez Argento, avant de conclure en disant « on ne peut vivre dans la réalité que si on a un rapport avec l’art, mais ce rapport avec l’art peut produire le pire et rendre fou ».

On enchaîne avec deux interviews, la première d’Asia Argento (3’30), la seconde de son père (4’20), enregistrées lors du tournage du Syndrome de Stendhal. La comédienne revient sur son rôle et sur sa préparation avec l’auteure Graziella Magherini, tout en indiquant qu’il s’agit d’une très belle expérience de travailler à nouveau avec son géniteur. Ce dernier, plus dans l’analyse, explique comment le sujet du Syndrome de Stendhal lui est venu (en lisant le livre de Graziella Magherini, mais aussi en ayant fait lui-même l’expérience du syndrome en question quand il était jeune, en Grèce, devant le Parthénon) et parle de son rapport à l’art pictural.

L’éditeur fournit aussi un entretien avec Luigi Cozzi, réalisateur (Starcrash : Le Choc des étoiles) et scénariste (9’), alors assistant sur Le Syndrome de Stendhal. L’auteur de Quatre Mouches de velours gris4 mosche di velluto grigio (1973) évoque sa rencontre avec Dario Argento, leurs collaborations (y compris sur Deux yeux maléfiques et même Phenomena où il s’occupait des effets spéciaux), partage des anecdotes de tournage, parle de « la quête de l’impossible de Dario Argento » et déclare que « c’est formidable de travailler avec un metteur en scène qui n’est jamais satisfait et qui veut toujours se surpasser ».

Ce n’est pas terminé ! L’éditeur a pu mettre la main sur le making of d’époque (35’), composé évidemment d’images de tournage (qui s’est déroulé en août 1995) et provenant du plateau, où l’on peut voir Dario Argento à l’oeuvre avec son équipe technique, mais aussi avec ses comédiens et donc avec sa fille Asia. Quelques propos pointus du directeur de la photographie Giuseppe Rottuno (qui venait de tourner Sabrina de Sydney Pollack), sur son travail, sur l’évolution des partis-pris souhaités par Dario Argento, sont également de la partie, ainsi que ceux des acteurs (on apprend qu’Asia Argento a elle-même peint les tableaux réalisés par son personnage).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

En France, c’est Opening qui avait été le premier à dégainer une édition en DVD du Syndrome de Stendhal et ce dès 1999. Puis, DVDY Films avait édité à son tour une autre galette Standard deux ans plus tard, tandis qu’Opening revenait aux affaires en 2008. 2024, Extralucid Films remet les pendules à l’heure avec une mouture Haute-Définition, un master tout droit venu d’Italie, où le treizième long-métrage de Dario Argento a subi en 2001 un dépoussiérage 4K, à partir du négatif 35mm original. L’éditeur nous livre une superbe copie. La colorimétrie affiche d’emblée une vivacité rassurante, restituant habilement les partis-pris esthétiques du chef opérateur Giuseppe Rottuno, les noirs sont denses, parfois moins compacts mais toujours agréables pour les yeux, le piqué est ferme, les détails fort appréciables et les contrastes riches et concis. Toutes les séquences en extérieur sont claires, très propres et nettes, la texture argentique préservée et équilibrée. Une très belle édition HD au format 1080p.

Seule les versions anglaise (langue de tournage) et italienne bénéficient d’une spatialisation 5.1, tandis que la piste française demeure en Stéréo…mais on ne s’en plaindra pas, même si cette troisième option jouit d’un doublage plus que correct. Le Syndrome de Stendhal est un film plongeant le spectateur dans la tête de son personnage principal, et certains effets latéraux participent à cette immersion. Quelques effets et ambiances ainsi que la musique d’Ennio Morricone tirent leur épingle du jeu avec une belle dynamique.

Crédits images : © Extralucid Films / Medusa Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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